Le Prix “Vie heureuse”/Les Réunions du Comité

Anonyme
Hachette et Cie (p. 45-48).

Chez la Comtesse de Mathieu de Noailles
Chez la Comtesse de Mathieu de Noailles
CHEZ LA COMTESSE MATHIEU DE NOAILLES

LES RÉUNIONS DU COMITÉ

PREMIÈRE ANNÉE

Séance du 10 janvier 1905. — Réunion à l’Hôtel des Sociétés Savantes. Douze membres du Comité étaient présentes. Au procès-verval : élection du bureau et approbation des statuts. Mme Arvède Barine et Mme Bentzon déclinent, pour des raisons de santé, la présidence du jury. Les choix se portent d’un accord unanime sur la comtesse Mathieu de Noailles. Mme Dieulafoy est nommée vice-présidente, Mme Jean Bertheroy, secrétaire et Mme C. de Broutelles, secrétaire perpétuelle.

Après adoption des statuts, Mme Séverine propose de créer un concours de manuscrits entre jeunes auteurs dont aucun ouvrage n’aurait jusqu’alors été publié en volume. Le meilleur des manuscrits examinés par le jury serait édité par la maison Hachette. Ce projet est adopté à l’unanimité.

Les statuts sont envoyés aux membres du Comité non présents à la séance. Toutes les renvoient approuvés, à l’exception de Mme Pierre de Coulevain qui repousse l’article Ier du titre II des statuts affirmant que le prix sera accordé à « l’œuvre littéraire la meilleure de l’année, écrite en langue française, que l’auteur en soit un homme ou une femme. » Pour rétablir l’équilibre en faveur des femmes exclues du Prix Goncourt, Mme Pierre de Coulevain voudrait que le Prix Vie Heureuse soit réservé aux femmes, mais il n’est pas possible de modifier les statuts. Au cours des séances du Comité, cette question sera souvent discutée. Plusieurs de ses membres accorderont toutes leurs préférences aux livres de femmes, dans un esprit de solidarité féminine. D’autres restent persuadées d’être plus utiles à la cause des femmes de lettres en les traitant sur le même pied que leurs collègues masculins et en faisant abstraction complète, dans leur choix, de la personnalité de l’auteur. Chacune restera individuellement maîtresse de ses votes.

Séance du 28 janvier 1905. — Réunion chez la comtesse de Noailles. On discute un projet de règlement destiné à compléter les statuts : on convient, par exemple, et jusqu’à nouvel ordre, de ne pas réélire avant une période de deux années chaque bureau sortant.

Vient ensuite le vote du prix. Sur 21 votes exprimés — dont 5 par correspondance — 17 vont à Mme Myriam Harry pour La Conquête de Jérusalem — 2 à Mme Jacques Fréhel pour les Ailes brisées, et 2 à Mme Yvan Strannik pour l’Ombre de la Maison.

Mme Myriam Harry est proclamée, pour l’année 1904, lauréate du prix de la Vie Heureuse. Les membres présents lui envoient leurs félicitations.

Séance du 3 mars. — Réunion à la salle des Mathurins. Étaient présentes : Mmes Jean Bertheroy, de Broutelles, Alphonse Daudet, Dieulafoy, Judith Gautier, Lucie Félix-Faure-Govau, Marni, Mendès, de Peyrebrune, Séverine. On discute sur l’opportunité de donner un féminin au mot auteur. Mme Dieulafoy lit une série de lettres très intéressantes où MM. Meyer, Bréal, Reinach, Thomas, Rémy de Gourmont, Havet, etc., donnent leur opinion à ce sujet. Le mot Autoresse, écrit à la française, semble rallier les suffrages de ces érudits : mais l’on décide cependant, à la presque unanimité, de s’en tenir à l’usage « maître de la langue », selon le dire d’Horace. Lecture est faite ensuite d’un fragment d’article de Mme Bentzon sur le Lyceum-Club de Londres.

Séance du 7 avril. — Réunion à la salle des Mathurins. Étaient présentes : Mmes Jean Bertheroy, de Broutelles, Dieulafoy, Claude Ferval, Judith Gautier. Daniel Lesueur, Marni, Catulle Mendès, de Peyrebrune, Séverine.

En l’absence de Mme de Noailles, Mme Dieulafoy préside, Mme Jean Bertheroy lit le compte rendu de la séance précédente. La secrétaire perpétuelle prie ses collègues de donner leur opinion sur la réforme de l’orthographe, question à l’ordre du jour. D’un commun accord la compagnie désapprouve cette réforme.

On décide ensuite que les réunions auront lieu à l’avenir à tour de rôle chez les membres du Comité.

La séance est levée après une discussion sur le concours du manuscrit qui sera édité chaque année par la maison Hachette.

Séance du 5 mai 1905. — Réunion chez Mme Daniel Lesueur sous la présidence de la comtesse de Noailles. Étaient présentes : Mmes Bentzon, Jean Bertheroy, de Broutelles, Alphonse Daudet, Claude Ferval, Daniel Lesueur. Catulle Mendès.

La séance est consacrée à l’élection d’un membre nouveau en remplacement de Mme Pierre de Coulevain, démissionnaire. Les suffrages se portent sur le nom de Mme Mary Duclaux, présentée par Mme Bentzon.

Séance du 9 juin. — Réunion chez Mme Alphonse Daudet. Étaient présentes Mmes Adam, Jean Bertheroy, De Broutelles, Alphonse Daudet, Félix-Faure-Goyau, Claude Ferval, Daniel Lesueur, comtesse de Noailles, Gabrielle Réval, Séverine.

Proposition et compte rendu de divers volumes.

DEUXIÈME ANNÉE

Séance du 3 novembre. — Réunion chez Mme Dieulafoy et sous sa présidence. Étaient présentes : Mmes Bentzon, C. de Broutelles, Alphonse Daudet, Duclaux, Judith Gautier, Daniel Lesueur, Marni, Delarue-Mardrus, Catulle Mendès, G. Réval, Poradowska, Marcelle Tynaire.

La discussion porte sur ce point : Le prix peut-il être attribué à Mme Isabelle Eberhart, morte à Aïn-Sefra, auteur de Dans l’ombre chaude de l’Islam. La majorité juge préférable de décerner le prix à un auteur vivant. On discute ensuite les mérites des volumes proposés pour le prix. Six ouvrages sont retenus pour un nouvel examen.

Séance du 24 novembre. — Séance supplémentaire jugée indispensable pour discuter les six ouvrages retenus.

Réunion chez Mme Dieulafoy et sous sa présidence. Étaient présentes : Mmes Bentzon, Jean Bertheroy, C. de Broutelles, Alphonse Daudet, Delarue-Mardrus, Duclaux, Judith Gautier, Daniel Lesueur, Catulle Mendès, Poradowska, G. Réval, Marcelle Tinayre.

À l’unanimité la compagnie exprime son regret de la perte qu’ont faites les lettres françaises en la personne d’Isabelle Eberhart et son admiration pour l’œuvre et l’action de cette femme éminente. La compagnie remercie M. V. Barrucand d’avoir reconstitué et publié l’Ombre chaude de l’Islam d’après le manuscrit retrouvé à Aïn-Sefra auprès du cadavre d’Isabelle Eberhart.

La discussion a été circonscrite entre les ouvrages de Romain Rolland, de Colette Yver et d’Edgy.

Séance du 1er décembre 1905. — Réunion chez Mme Dieulafoy et sous sa présidence. Étaient présentes : Mmes Bentzon, Jean Bertheroy, de Broutelles, Alphonse Daudet, Delarue-Mardrus, Dieulafoy, Duclaux, Claude Ferval, Félix-Faure-Goyau, Judith Gautier, Daniel Lesueur, Catulle Mendes, Poradowska, Marcelle Tinayre, Séverine.

Après discussion le prix de Vie Heureuse pour 1905 est attribué à M. Romain Rolland pour Jean Christophe.

Les votes se partagent ainsi : 17 votantes : Jean Christophe, 10 voix : Comment s’en vont les reines, 6 voix : La Servante, 1 voix.

Le nouveau bureau, élu après le vote du prix, se compose ainsi : Mme Séverine, présidente : Mme Poradowska, vice-présidente ; Mme Catulle Mendès secrétaire pour l’année 1906.

Séance du 5 janvier. — Réunion chez Mme de Broutelles, sous la présidence de Mme Séverine. Étaient présentes : Mmes Jean Bertheroy, C. de Broutelles, Alphonse Daudet, Dieulafoy, Daniel Lesueur, Catulle Mendès, Poradowska, Séverine.

On s’occupe de désigner le manuscrit inédit que la librairie Hachette se charge de faire paraître en volume. À cause du grand nombre des manuscrits envoyés, le choix ne peut être définitif. Après lecture à haute voix des rapports détaillés, préparés par des membres du Comité jury, un seul roman et deux manuscrits de poèmes également sont retenus pour un second examen : Saint-Martin du Cormier, par M. Alphonse Boisramé : Nocturnes, par Mme Anne Osmont et le Miroir des Tendresses, par M. Eugène Briand.

Séance du 2 février. — Réunion chez Mme Daniel Lesueur et sous la présidence de Mme Dieulafoy. On continue à lire à haute voix les manuscrits en compétition, on signale quelques ouvrages qui méritent d’être examinés pour le prix Vie Heureuse, en 1906.

Séance du 2 mars. — Réunion chez Mme de Broutelles sous la présidence de Mme Séverine. Étaient présentes : Mmes Séverine, Dieulafoy, Félix-Faure-Goyau, Poradwoska, C. de Broutelles.

La présence de la poétesse Isabelle Kayser amenée par Mme Félix-Faure-Goyau donne un attrait particulier à cette séance.

Le Comité arrête définitivement son choix sur le recueil de vers de Mme Osmont : Nocturnes qui sera édité par MM. Hachette et Cie.

Séance du 6 avril. — Réunion à la salle des Amis des Sciences, Librairie Hachette et Cie, sous la présidence de Mme Séverine. Étaient présentes : Mmes Bertheroy, C. de Broutelles, Alphonse Daudet, Dieulafoy, Catulle Mendès, Séverine, Marcelle Tinayre.

La Secrétaire perpétuelle entretient les membres du Comité des fêtes que le Comité se propose d’offrir au monde des Lettres, de la Science, de la Politique, des Arts. Ces fêtes permettent au Comité du prix de resserrer encore les liens d’amicale sympathie qui unissent déjà des femmes de talent guidées par une même pensée.

Séance du 9 mai. — Réunion à l’Élysée Palace. Mmes Juliette Adam, Jean Bertheroy, C. de Broutelles, Alphonse Daudet, Félix-Faure-Goyau, Catulle Mendès, G. de Peyrebrune, G. Réval, Marcelle Tinayre reçoivent les hôtes venus pour applaudir un merveilleux programme, composé d’œuvres du maître Massenet et dont il conduit lui-même l’exécution. Mlle Lucie Arbell, de l’Opéra ; M. Louis Diemer, MM. Clément, Dufranne et Bedetti de l’Opéra-Comique, prêtent leur concours à cette fête.

Séance du 1er juin. — Réunion à la Salle des Amis des Sciences. Librairie Hachette et Cie. Étaient présentes : Mmes C. de Broutelles, Delarue-Mardrus, Dieulafoy, Félix-Faure-Goyau, Marni, de Peyrebrune, G. Réval.

On examine la question de savoir si Mme Arvède Barine, empêchée par son absence perpétuelle de prendre part aux travaux du Comité et démissionnaire, sera immédiatement remplacée. Beaucoup de membres du jury ayant déjà quitté Paris, on décide de remettre l’élection à la rentrée.

Fête du 10 juin. — Réunion à l’Élysée Palace pour la seconde fête d’art, comportant un programme exclusivement composé d’œuvres de Benjamin Godard. La sœur dévouée du compositeur, l’éminente violoniste Mlle Magdeleine Godard réunit autour d’elle Mme Litvinne, Mlles Granjean et Hatto de l’Opéra, Mme Debillemont, MM. Barraine et Ciampi.


TROISIÈME ANNÉE

Séance du 2 novembre. — Réunion chez Mme Gabriel Réval, sous la présidence de Mme Séverine. Étaient présentes : Mmes Bertheroy, de Broutelles, Alphonse Daudet, Dieulafoy, Duclaux, Claude Ferval, Judith Gautier, Felix-Faure-Goyau, Daniel Lesueur, Catulle Mendès, de Noailles, Poradowska, Réval, Séverine, Marcelle Tinayre.

Un premier examen des ouvrages proposés au jury en laisse environ une dizaine en présence. Une réunion supplémentaire, précédant le vote du prix, est fixée au vendredi 30 novembre, chez Mme Félix-Faure-Goyau.

On parle ensuite de l’élection d’un nouveau membre du Comité. Quelques noms sont mis en avant et la Compagnie se promet de voter, après en avoir référé aux intéressées, à une prochaine séance.


Tels ont été les travaux du Comité jusqu’à l’heure ces pages ont été remises à l’impression.

Chez Mme Dieulafoy : vote du prix en 1905.
Chez Mme Dieulafoy : vote du prix en 1905.