Le Printemps (Pouget)

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Almanach du Père Peinard 1897
Le Père Peinard (p. 15).

almanach du père peinard


LE PRINTEMPS


C’est le 20 mars que s’amène le PRINTEMPS et voici que Germinal montre sa crête verte.

Quoique ça, les bidards qui avez des paletots et des nippes de rechange, ne vous pressez pas trop de quitter vos attifeaux d’hiver. Ce gaillard-là a de sales revenez-y.

On aura encore de la froidure, nom de Dieu !

Pourtant, quoique le soleil soit encore pâlot, déjà on se sent plus gaillards : notre sang, kif-kif la sève dans les veines des végétaux, s’éveille et bouillonne.

Nous voici à la riche saison des bécottages : les oiselets font leurs nids, se fichent en ménage à la bonne franquette et, pour s’embrasser, ne sont pas assez cruchons d’aller demander la permission à un pantouflard ceinturonné de tricolore, comme môssieur le maire, ni à un crasseux amas de graisse ensaché dans une soutane.

Ils s’aiment et ça suffit !

Aussi, ils récoltent !

Tandis que, chez les humains, grâce à toutes les salopises légales qui font du mariage la forme la plus répugnante de la prostitution, les gosses ne germent pas vite.

Quand, au lieu de se marier par intérêt, pour l’infect pognon, les gas seront assez décrassés pour s’unir parce qu’il en pincent l’un pour l’autre, et quand, par ricochet, on aura perdu l’idiote habitude de reluquer de travers une jeunesse qui a un polichinelle dans le tiroir, — sans que les autorités aient passé par là, — c’en sera fini de la dépopulation.

Mais pour ça il faut que les abrutisseurs se soient évanouis de notre présence !

En attendant, à la campluche, on est moins serins : y a des andouillards moralistes qui nous vantent ce qu’ils appellent les « vertus champêtres », — qui ne sont qu’une épaisse couche de préjugés.

Ces escargots, plus moules qu’une dizaine d’huîtres, n’ont jamais vu ni un village, ni un paysan, — sans quoi ils sauraient qu’aux champs on est bougrement plus sans façons.

Quand vient la fenaison, filles et garçons se roulent dans les foins et, sans magnes, ils vont derrière les buissons, sous l’œil des oiseaux, faire la bête à deux dos.