Le Principe de relativité et la théorie de la gravitation/chap. 9

CHAPITRE IX.

DYNAMIQUE DE LA RELATIVITÉ.


40. La masse est fonction de la vitesse.

Supposons que, dans un système un point matériel soit en mouvement avec la vitesse à l’instant

Introduisons un second système se mouvant par rapport au premier avec la vitesse à l’instant considéré, le mobile a une vitesse nulle dans ce système Pendant le temps infiniment court qui suit, nous pouvons, dans le système appliquer les équations de la dynamique classique, puisque le mobile part du repos dans ce système et que les équations classiques sont exactes à la limite.

Soient les coordonnées d’espace et de temps du mobile dans le système sa masse initiale ou masse au repos, c’est-à-dire sa masse pour des observateurs par rapport auxquels il est au repos à l’instant considéré. Désignons par les composantes, mesurées par un observateur du système de la force qu’il subit. Nous aurons

(1-9)

Pour obtenir les équations de la dynamique pour les observateurs du système il suffit de savoir comment se transforment en fonction des mesures faites dans le système

En ce qui concerne l’accélération, les équations de Lorentz nous donnent la réponse ; on a, en adoptant la disposition d’axes précédemment considérée,

(2-9)

On déduit de là

mais puisque le mobile part du repos dans et de la vitesse initiale dans remplaçant par au dénominateur de la dernière expression, et par conséquent par il vient

(3-9)

et par un calcul analogue, on trouverait

(4-9)

Il s’agit maintenant d’obtenir la transformation des composantes de la force. À cet effet, nous considérerons le cas particulier de la force électrique pour laquelle la transformation est donnée par les formules (4-8). Supposons donc que, dans le système règne un champ électrique (sans champ magnétique), et que la particule considérée possède une charge pour les observateurs de ce système, la force qui s’exerce sur la particule est

Appliquant les équations de transformation, en y faisant remarquant que la charge est un invariant, on voit que, pour les observateurs du système il s’exerce sur la particule une force

(5-9)

En substituant dans (1-9) d’une part les valeurs (3-9) et (4-9) des composantes de l’accélération, d’autre part les valeurs (5-9) des composantes de la force, il vient

(6-9)

Bien qu’établies dans un cas particulier, celui de la force électrique, ces équations s’appliquent à une force quelconque : supposons, en effet, qu’une force mécanique, telle que la tension d’un ressort, fasse équilibre à l’action exercée par un champ électrique sur un corps électrisé ; ce sera un fait absolument indépendant de tout observateur, un fait sur lequel tous les observateurs de tous les systèmes devront se trouver d’accord. Il est donc nécessaire que, dans le passage d’un système à un système les composantes de la force mécanique se transforment suivant la même loi que la force électrique (équations 5-9).

Les équations fondamentales de la dynamique nouvelle (6-9) montrent que, si l’on définit la masse comme coefficient d’inertie, c’est-à-dire comme coefficient de proportionnalité de la force à l’accélération (masse newtonienne), non seulement la masse mesurée dépend de la vitesse relative du corps par rapport à l’observateur, mais il faut envisager deux masses :

1o La masse longitudinale pour la composante de l’accélération dans la direction de la vitesse ;

2o La masse transversale

41. Le vecteur impulsion et la masse maupertuisienne.

Bien qu’avec la disposition d’axes que nous avons considérée, les composantes de la vitesse suivant les axes et soient nulles, complétons l’expression de la vitesse en écrivant

Nous remarquons alors que les équations de la dynamique (6-9) peuvent s’écrire

(7-9)

Nous avons, en effet, en posant

(8-9)

à l’instant considéré, d’une part,

et, d’autre part,

nous avons donc, d’une part,

d’autre part,

ce qui démontre l’identité des équations (6-9) et (7-9).

Sous la forme (7-9) absolument symétrique par rapport aux coordonnées, les équations sont indépendantes de l’orientation des axes, c’est-à-dire qu’elles sont valables quelle que soit l’orientation des axes par rapport à la vitesse ; en un mot, elles sont absolument générales.

sont les composantes de la quantité de mouvement ou impulsion communiquée par la force. On peut écrire

(9-9)

ou, en intégrant et prenant la quantité de mouvement nulle au repos,

(10-9)

Si l’on définit la masse comme coefficient de proportionnalité de l’impulsion à la vitesse (masse maupertuisienne), il n’y a plus à envisager deux masses, il y a une masse unique, capacité d’impulsion,

(11-9)

qui a même valeur que le coefficient d’inertie transversal ou masse newtonienne transversale.

42. L’inertie de l’énergie[1].

Multiplions les équations (7-9) respectivement par et ajoutons ; nous obtenons

(12-9)

Le premier membre s’écrit

ou, en remarquant que

Finalement, l’équation (12-9) prend la forme simple

(13-9)

étant le travail de la force ou l’énergie fournie au point matériel. Intégrant, on a

(14-9)

La variation de la masse est proportionnelle à la variation d’énergie.

L’énergie cinétique acquise par le point matériel en passant, dans le système de l’état de repos à la vitesse est donc

(15-9)

formule qui donne, en première approximation, l’expression habituelle de l’énergie cinétique

Ainsi, il y a identité, au facteur près, entre la variation de la masse corrélative d’un changement de vitesse et la variation de l’énergie cinétique d’un point matériel ou d’un corps.

Nous allons montrer que cette relation, qui vient d’être établie dans le cas particulier de l’énergie cinétique d’un mobile, doit être considérée comme générale et doit s’appliquer à toute énergie, quelle que soit sa forme.

De plus, nous serons conduits à annuler la constante de l’équation (14-9) généralisée.

1o Masse de l’énergie rayonnante. — Considérons un train d’ondes planes tombant normalement sur une surface noire Soit l’énergie absorbée pendant le temps exerçant pendant ce temps une pression égale à la densité de l’énergie. Cette énergie à l’origine du temps, était contenue dans le volume

Elle a communiqué au corps absorbant une impulsion

L’énergie rayonnante possède donc une quantité de mouvement

(16-9)

et, puisque sa vitesse est on peut la considérer comme possédant une masse maupertuisienne On a donc, pour l’énergie rayonnante,

C’est la même équation que dans le cas de l’énergie cinétique d’un mobile (14-9) avec une constante nulle.

2o Un corps qui rayonne éprouve une perte de masse égale à la masse de l’énergie rayonnée — Nous traiterons seulement le cas suivant : nous supposons qu’une lame plane, normale à rayonne par ses deux faces, avec la même intensité, des ondes planes se propageant de part et d’autre normalement à son plan.

Pour un observateur lié à la source, celle-ci envoie de part et d’autre des quantités de mouvement électromagnétiques, égales et opposées ; elle reste donc immobile. Soit l’énergie totale rayonnée par une surface déterminée pendant un temps déterminé.

Imaginons un second observateur animé d’une vitesse par rapport à la source, parallèlement à et dans le sens des croissants. Quel sera, pour l’aspect du phénomène ? Pour cet observateur, le rayonnement précédemment considéré, dont l’énergie est de chaque côté de la lame pour le premier observateur est transformé d’après la formule (19-8).

Pour la partie qui se propage suivant la direction de la vitesse ( croissants), on a

La quantité de mouvement de cette énergie est

Pour la partie qui se propage suivant la direction des décroissants, on a

Au total, la quantité de mouvement qui s’est propagée pour dans le sens des croissants est

Or est la vitesse de la source pour l’observateur D’après la conservation de la quantité de mouvement, est la quantité de mouvement perdue par la source ; comme la vitesse n’a pas changé, la variation de la quantité de mouvement de la source provient nécessairement d’une variation de masse de cette source

pour l’observateur et, dans le système de la source

(17-9)

précisément égale à la masse de l’énergie rayonnée.

Ainsi un corps qui rayonne une énergie perd une portion de sa masse, et cette portion de masse se retrouve comme capacité d’impulsion de l’énergie rayonnée. Le principe de la conservation de la quantité de mouvement, sur lequel nous nous sommes appuyés dans la démonstration, entraîne la conservation de la masse. On peut dire encore que le résultat obtenu justifie que l’on considère comme la masse de l’énergie rayonnante si l’on admet les principes de conservation de la quantité de mouvement et de la masse dans un même système.

Inversement, une absorption d’énergie entraîne une variation proportionnelle de la masse d’un corps matériel.

3o L’énergie potentielle totale d’un électron est égale à sa masse au repos, multipliée par [2]. — Supposons que l’électron au repos soit assimilable à une sphère de rayon possédant une charge superficielle. On sait que l’énergie potentielle du champ électrostatique est

étant l’élément de volume, et l’intégration étant étendue à tout l’espace extérieur à l’électron. On a donc, puisque (loi de Coulomb), étant des coordonnées polaires,

On sait, d’autre part, que la masse au repos de l’électron est

On a, par suite,

Pour avoir l’égalité entre et l’énergie totale, il faudrait une énergie supplémentaire

Imaginons qu’une pression extérieure s’exerce sur l’électron : l’énergie potentielle de cette action est égale au produit de par le volume de l’électron : écrivons que l’énergie compense la différence entre et

d’où

en posant

est la surface de l’électron ; donc est la densité de charge superficielle. D’après un résultat bien connu démontré électrostatique, une pression ayant la valeur équilibrerait la tension résultant de la répulsion mutuelle des éléments qui composent la charge

Précisément, cette pression avait été imaginée par Henri Poincaré qui, étendant à l’électron les lois de l’électrostatique, avait admis que le milieu extérieur devait exercer une action s’opposant à la dispersion de la charge.

Il est remarquable de constater que la pression de Poincaré fournit exactement le supplément d’énergie nécessaire pour que l’énergie potentielle totale () de l’électron au repos (énergie cinétique nulle) soit égale au produit de la masse au repos de l’électron par le carré de la vitesse de la lumière.

Ici encore, nous retrouvons l’équation (14-9) avec une constante nulle.

Généralisation. Nous avons établi les résultats suivants :

1o Toute variation d’énergie cinétique est accompagnée d’une variation de masse

2o L’énergie rayonnante a une masse

3o Une source qui émet (ou absorbe) l’énergie subit une diminution (ou une augmentation) de masse

Nous avons fait le calcul dans le cas des ondes planes. Des cas plus compliqués conduisent au même résultat.

4o L’énergie potentielle d’un électron immobile est égale à étant la masse au repos de l’électron.

Ce résultat s’étend à toute la matière, formée d’électrons positifs[3] et négatifs.

5o Dans tous les cas où l’on peut calculer l’énergie totale (potentielle et cinétique) d’un système, on la trouve égale au produit de la masse du système par le carré de la vitesse de la lumière.

On est donc conduit à généraliser l’équation (14-9) et, en même temps, à annuler la constante de cette équation

et l’on peut énoncer les lois suivantes :

Toute variation d’énergie (potentielle ou cinétique) d’un système est accompagnée d’une variation de masse égale au quotient de cette variation d’énergie par le carré de la vitesse de la lumière.

Toute forme d’énergie possède de l’inertie ; la masse de l’énergie est (masse maupertuisienne ou capacité d’impulsion).

Toute masse représente une énergie totale

43. Quelques conséquences de l’inertie de l’énergie (P. Langevin).

1o Variation de la température. — Une masse d’eau, par exemple, égale à 1g à la température de 0°, aura à 100° une inertie plus grande. La différence s’obtient en divisant l’énergie 4,19.109 ergs (100 calories) par 9.1020. On trouve 3.10−12 gr., accroissement d’ailleurs insensible.

Malgré la petitesse de l’effet, cet exemple montre que la notion de masse cesse de se confondre avec celle de quantité de matière. Deux masses d’eau égales, prises l’une à 100°, l’autre à 0°, ne contiennent pas la même quantité de matière, puisqu’elles cessent d’être égales quand on les ramène toutes deux à la même température. Deux quantités d’eau contenant le même nombre de molécules n’ont la même masse que si elles sont prises à la même température.

2o Réactions chimiques. — La masse d’un composé n’est rigoureusement égale à la somme des masses des composants. Par exemple, lorsque 2g d’hydrogène s’unissent à 16g d’oxygène, il se dégage 2,87.1012 ergs ; on n’obtient pas 18g d’eau, mais 3,2.10-6 milligr. en moins.

3o Transformations radioactives. — Dans les transformations radioactives, l’énergie libérée est considérablement plus grande que l’énergie mise en jeu dans les réactions chimiques. Par exemple, la transformation complète d’un gramme de radium en hélium et en radium-D libère 1,1.1017 ergs ; il doit en résulter une perte de masse égale à 0mg,12 ; ce n’est d’ailleurs qu’une étape des transformations qui partent de l’uranium pour aboutir à un plomb ; la masse globale de l’hélium et du plomb engendrés par une certaine quantité d’uranium est certainement inférieure de plus de 1/10000 à la masse de cette quantité d’uranium.

Si la masse d’une même portion de matière se conservait exactement au cours des transformations radioactives dont cette portion de matière peut être l’objet, il en résulterait des relations simples entre les masses atomiques des éléments successivement engendrés. Dans une transformation accompagnée seulement d’une émission β, la masse atomique ne changerait pas, puisque le nouvel atome, pour redevenir électriquement neutre, doit récupérer un nombre d’électrons égal au nombre d’électrons perdus. Dans le cas d’une émission α, la masse atomique diminuerait exactement de celle d’un atome d’hélium : la différence entre la masse atomique de l’uranium et celle du radium devrait être exactement le triple de la masse atomique de l’hélium, puisqu’il y a entre l’uranium et le radium trois produits donnant des rayons α.

L’énergie libérée étant inerte, il ne doit pas en être ainsi : les différences doivent être plus grandes et les écarts, proportionnels aux énergies perdues pendant la transformation, peuvent être notables[4].

Langevin voit dans les écarts à la loi de Prout une confirmation de l’inertie de l’énergie. Prout a émis l’hypothèse que les atomes sont construits à partir d’un élément primordial, et cette idée est reprise aujourd’hui si l’on admet, comme cela est possible et même probable, que le noyau atomique de l’hydrogène est l’électron positif. Le nombre des électrons négatifs de l’atome neutre étant nécessairement égal au nombre des électrons positifs, la masse d’un atome neutre devrait être un multiple exact de celle de l’atome d’hydrogène, c’est-à-dire que les poids atomiques, calculés en prenant H = 1, devraient être des nombres entiers. Effectivement, les poids atomiques sont groupés autour de nombres entiers, mais il y a cependant des écarts :

Li = 6,94,  Gl = 9,  Bo = 10,90,  C = 11,91  Az = 13,90,  O= 15,87,  Fl =18,90, 

Langevin a proposé l’explication suivante : les écarts proviennent de ce que la formation des atomes à partir d’éléments primordiaux (par désintégration radioactive, ou par un processus inverse non encore observé, mais qui s’est nécessairement produit dans la formation des atomes lourds) s’accompagne de variations d’énergie interne par émission ou absorption de rayonnement. Les écarts sont tels que les énergies mises en jeu seraient du même ordre de grandeur que celles observées effectivement au cours des transformations radioactives.

Il faut remarquer toutefois que, dans certains cas, par exemple pour le chlore et le néon, le mélange d’isotopes ayant les mêmes propriétés, mais des poids atomiques différents, est une autre cause d’écarts à la loi de Prout.

44. La matière réservoir d’énergie.

Soit la masse initiale ou masse au repos d’un corps. La constante de l’équation (14-9) étant nulle, lorsque le corps est animé de la vitesse par rapport à un système son énergie totale pour les observateurs de ce système est

(18-9)
 

Le second terme et les suivants, qui dépendent de la vitesse représentent l’énergie cinétique relative au système cette énergie se réduit pratiquement au second terme, pour les faibles vitesses. Mais si la vitesse croît, l’énergie cinétique augmente plus rapidement que le carré de la vitesse, et elle croît indéfiniment quand la vitesse tend vers la vitesse de la lumière ; la vitesse de la lumière nous apparaît, une fois de plus, comme une vitesse limite qu’aucune matière ne peut atteindre.

Le premier terme est l’énergie intra-atomique ; c’est la somme des énergies cinétiques et potentielles des particules électrisées qui composent la matière. Cette énergie a une grandeur fantastique : un gramme de matière, quelle que soit sa nature, correspond à la présence d’une énergie interne égale à 9.1020 ergs, énergie qui permettrait de soulever trente millions de tonnes au sommet de la Tour Eiffel.

Presque toute l’énergie interne appartient aux noyaux atomiques, à ces mondes fermés, insensibles aux actions extérieures. Une très faible partie de l’énergie des noyaux est libérée spontanément dans les transformations radioactives ; une portion d’énergie, considérablement plus petite encore, provenant des électrons qui gravitent autour des noyaux, est dégagée dans le rayonnement, ou mise en jeu dans les réactions chimiques.

45. Le principe de la conservation de la masse se confond avec le principe de la conservation de l’énergie.

Dans un système isolé, les diverses parties échangent de l’énergie entre elles ; les masses individuelles ne se conservent donc pas : seule la masse de l’ensemble reste invariable. Le principe de la conservation de la masse n’est pas distinct du principe de la conservation de l’énergie.

Si l’on prend, comme on le fait d’ailleurs souvent, la vitesse de la lumière dans le vide comme unité naturelle et fondamentale, on peut dire : la masse d’un corps est égale à son énergie totale.

Les masses individuelles ne se conservant pas, l’individualité d’une portion de matière ne peut plus être caractérisée par sa masse : il faut la chercher dans le nombre des éléments primordiaux dont elle est formée, car ce nombre reste seul invariable à travers tous les changements que subit la portion de matière (P. Langevin).

46. Quadrivecteurs d’espace-temps.

Considérons un événement origine et un point-événement ou point d’Univers de coordonnées ces coordonnées définissent un quadrivecteur

En géométrie ordinaire, les cosinus directeurs d’une droite joignant l’origine à un point d’espace à la distance sont et l’on a

Dans la géométrie des événements, on a de même

(19-9)

ne sont plus des cosinus, ce sont des coefficients de direction dans l’espace-temps.

Dans la représentation géométrique de Minkowski (no 27), on doit distinguer deux natures de quadrivecteurs : les vecteurs de temps et les vecteurs d’espace. Le vecteur est un vecteur de temps si appartient au domaine antérieur ou au domaine postérieur c’est-à-dire si la droite de la représentation géométrique coupe l’espace hyperbolique à deux nappes

et peut être prise comme axe du temps, en d’autres termes encore si les événements et forment un couple dans le temps. Le vecteur est un vecteur d’espace si le point d’Univers est dans le domaine intermédiaire

Plus généralement, un vecteur est un vecteur de temps ou un vecteur d’espace suivant qu’une direction parallèle (c’est-à-dire ayant mêmes coefficients de direction) menée par le point-événement origine peut ou non servir d’axe du temps, ou encore suivant que les événements origine et extrémité du vecteur forment un couple dans le temps ou un couple dans l’espace.

En géométrie ordinaire, les vecteurs dont les composantes sont sont orthogonaux si l’on a

De même, nous dirons que les quadrivecteurs sont orthogonaux si la condition suivante est remplie[5] :

(20-9)

Dans la représentation géométrique, si l’on joint à l’origine un point d’un des espaces hyperboliques, et si l’on mène une tangente en à cet espace, on a deux directions orthogonales. D’après cela, un vecteur orthogonal à un vecteur de temps est nécessairement un vecteur d’espace, mais la réciproque n’est pas vraie parce que l’espace a trois dimensions ; un vecteur orthogonal à un vecteur d’espace est, soit un vecteur de temps, soit un vecteur d’espace.

Quadrivecteur de mouvement ou vitesse généralisée. — Considérons un mobile , auquel appartient une certaine ligne d’Univers.

Avec Minkowski, nous pouvons considérer les coordonnées comme des fonctions du temps propre dont la différentielle est

(21-9)

Les dérivées par rapport à

(22-9)

définissent quatre grandeurs qui, étant proportionnelles aux composantes de l’élément d’intervalle , se transforment comme ces composantes quand on change de système de référence. Elles sont les composantes d’un quadrivecteur, le quadrivecteur de mouvement ou vitesse généralisée.

Ce quadrivecteur est dirigé suivant l’élément de ligne d’Univers du mobile, disons suivant la tangente à la ligne d’Univers, comme en cinématique ordinaire la vitesse est tangente à la trajectoire. On a d’ailleurs

(23-9)

Quadrivecteur de l’accélération. — De la relation précédente (23-9), on tire

relation qui exprime, d’après (20-9), que les grandeurs

(24-9)

sont les composantes d’un nouveau vecteur, le vecteur de l’accélération, orthogonal au vecteur de mouvement ou orthogonal à la ligne d’Univers.

Le vecteur de mouvement étant un vecteur de temps, puisqu’il est tangent à la ligne d’Univers, c’est-à-dire au temps propre, le vecteur de l’accélération est nécessairement un vecteur d’espace.

Quadrivecteur force. — Pour transformer la force , , en un quadrivecteur de l’espace-temps, multiplions ses composantes par Les équations fondamentales de la dynamique (7-9) s’écrivent

(25-9)

La quatrième composante du quadrivecteur (composante de temps) s’obtient par la condition que ce quadrivecteur soit dirigé suivant le quadrivecteur d’accélération

(26-9)

On doit remarquer que les équations (25-9)

sont sous la forme newtonienne, avec une masse constante, la masse au repos du point matériel. Effectivement le point matériel est au repos dans le système qui lui est lié, où le temps est

Les composantes d’espace de la force de Minkowski sont liées aux composantes de la force par les relations

(27-9)

L’impulsion d’Univers. — Multiplions par la constante les composantes du quadrivecteur de mouvement, nous obtenons les composantes de l’impulsion d’Univers :

(28-9)

étant la masse du point matériel dans le système ces composantes s’écrivent, puisque ,

Les trois composantes d’espace de l’impulsion d’Univers sont les trois composantes de la quantité de mouvement, la composante de temps est l’énergie totale, divisée par

Ce quadrivecteur englobe donc la quantité de mouvement et l’énergie.

47. Unification des principes de conservation de la masse, de l’énergie et de la quantité de mouvement. Conservation de l’impulsion d’Univers[6].

Soit un système matériel isolé. En Mécanique on envisage trois principes : la conservation de la masse, la conservation de l’énergie, la conservation de la quantité de mouvement.

Nous avons déjà identifié le principe de la conservation de la masse et le principe de la conservation de l’énergie (no 45).

La conservation de la quantité de mouvement et de l’énergie, qui s’écrivent

se résument maintenant dans l’affirmation que la somme des quadrivecteurs impulsions d’Univers, somme entendue au sens géométrique, reste constante dans un système matériel isolé.

Il ne subsiste plus qu’un principe unique, la conservation de l’impulsion d’Univers.

Ce principe a un sens absolu indépendant du système de référence, tandis que les composantes d’espace et de temps du vecteur d’Univers, c’est-à-dire la quantité de mouvement et l’énergie, ne restent constantes que dans un même système et varient quand on passe d’un système à un autre.

Seul l’ensemble des principes de la dynamique a un sens absolu.

Loin de compliquer les lois de la Nature, le principe de relativité, par sa puissance de simplification, conduit à une synthèse qui apparaîtra plus complète encore en relativité généralisée et sur la beauté de laquelle il serait superflu d’insister.

Séparateur

  1. A. Einstein, Ann. d. Phys., t. 17, 1905. — P. Langevin, Conférence à la Société de Physique, 6 mars 1913, publiée dans le Journal de Physique.
  2. P. Langevin, Journal de Physique. Conférence à la Société de Physique, 26 mars 1913.
  3. Il est vraisemblable que l’ion positif d’hydrogène ou noyau atomique de l’hydrogène est l’électron positif.
  4. Des mesures suffisamment précises n’ont pas encore été faites pour vérifier ce résultat.
  5. En coordonnées arbitraires, où l’invariant a pour expression

    la généralisation de la condition d’orthogonalité est , comme nous le montrerons plus tard. Ici si

  6. D’après une Note de M. Langevin.