Le Premier Livre pastoral/Éloge martial des muses retrouvées

Le Premier Livre pastoralLéon Vanier, libraire-éditeur (p. 119-122).

ÉLOGE MARTIAL
des muses retrouvées

Ab Jove principium

Virgile

Ce n’est point aux rives d’un fleuve
Où dorment les vents et les eaux
Que fait sa véritable preuve
L’art de conduire les vaisseaux ;
Il faut, en la plaine salée,
Avoir lutté contre Malée
Et près du naufrage dernier
S’être vu dessous les Pléiades
Éloigné de ports et de rades,
Pour être cru bon marinier.

Malherbe

Le blé déjà florit en innombrables piques ;
Plein déjà du soigneux dessein
De combler de son sang tes ferventes barriques,
Bacchus hâte pour toi la rondeur des raisins ;
Déjà nouant le pampre à son grave portique,
Ton seuil est ferme au plus fameux du Palatin
Et jà, qu’on voit seconde aux emprises belliques,
Déjà la Victoire arme le zénith de ton destin !
En vain, encontre au pavois qu’une troupe gaillarde hausse,
Gueules dont tu te gausses,
Entendes-tu la haine faire rage comme mâtins ;

Vois, épuisant tout le noir lait dont elle est grosse,
Sur l’arène retomber l’envie ;
Vois que, de ton or, avide en vain, Genséric ira qui convie
Le cupide Avare pérégrin :
Soins vaniteux ! Caution de ta vie,
Minerve t’a lacé son propre gorgerin :
Comm’ pour rien doncques, aux inébranlables môles,
Neptune charge en escadrons marins,
Entends, César ! entends ruer son impuissant tumulte à ton trône
La canaille mamelu’ d’airain !