Le Président Garfield

Le Président Garfield
Revue des Deux Mondes3e période, tome 47 (p. 671-684).
LE PRÉSIDENT GARFIELD

Le Général James A. Garfield, vingtième président des États-Unis, par M. Frank H. Mason, ex-capitaine du 42e régiment Ohio. Traduction par M. Benjamin-Franklin Peixotto, consul des États-Unis à Lyon; Paris, 1881; Dentu.

Au moment où le câble transatlantique nous annonce la mort du président Garfield, dont le monde entier espérait si ardemment le rétablissement, on voudra connaître la vie de cet homme de bien, si cruellement enlevé à son pays, qui l’aimait et qui l’admirait. Nous venions précisément de recevoir une esquisse biographique écrite par un de ses anciens compagnons d’armes de la guerre de sécession. M. Franck H. Mason, actuellement consul des États-Unis à Bâle. Ce n’est qu’un résumé très rapide des principaux faits de la carrière du général Garfield, mais il suffit pour faire comprendre la profonde estime et l’affection enthousiaste que lui ont vouées tous ses compatriotes.

Garfield est le type le plus parfait de ces self made men si nombreux aux États-Unis. Tour à tour garçon de ferme, batelier, instituteur, professeur, capitaine, général, homme de loi, représentant, sénateur, et enfin chef de la grande république, sa vie nous offre l’exemple frappant de l’un des côtés les plus séduisans des institutions démocratiques. J’emprunte à l’un de ses discours qui date de plusieurs années une poétique image qui exprime parfaitement ce mouvement d’ascension qui, en Amérique, porte souvent au sommet ceux qui sont partis du plus bas. Macaulay, on s’en souvient, a prédit qu’un jour viendrait où, aux États-Unis, comme en Europe, les luttes du travail et du capital mettraient à mal les institutions libres, et où les « nouveaux barbares » sortis des bas-fonds de la misère et de la démagogie, le ventre vide et le cœur rempli de haines, useraient de leur droit de vote pour détruire l’ordre social actuel. Garfield ne croyait pas à ces prophéties pessimistes. « Macaulay, dit-il, vivant dans une société où la majorité des hommes doit rester écrasée à jamais sous le poids de l’aristocratie et des capitalistes héréditaires, ne pouvait comprendre la situation toute différente créée par les institutions démocratiques. Grâce à Dieu, ajoute-t-il, grâce à nos ancêtres par qui fut constituée cette république, grâce aux hommes qui ont réalisé les promesses de la Déclaration, il n’existe pas chez nous de classifications fixes et immuables. Ici, la société n’est pas stratifiée en couches horizontales, comme la croûte de la terre ; elle ressemble plutôt à l’Océan, large, profond, ouvert, toujours en mouvement, et tellement libre dans toutes ses parties, que la goutte d’eau qui a roulé sur le sable du fond monte ensuite, monte encore, jusqu’à ce qu’elle étincelle enfin aux feux du soleil, balancée sur les plus hautes cimes des flots. Voilà l’image de notre milieu social, tout pénétré des bienfaisantes clartés de la liberté humaine. Pas un enfant de l’Amérique, si pauvre, si humble, si délaissé qu’il soit, pourvu qu’il ait une tête bien organisée et un bras vigoureux, qui ne puisse monter par tous les degrés de l’échelle sociale et devenir l’ornement, la gloire, la colonne de l’état. » Je suis porté à croire, quant à moi, que Macaulay a vu juste, et si le sombre avenir qu’il prévoyait est encore très éloigné, j’estime qu’il faut l’attribuer aux espaces illimités et aux richesses incalculables que la nature offre là-bas aux générations nouvelles, plutôt encore qu’à l’excellence des institutions. Mais à ne considérer que le présent, la poétique image tracée par Garfield est juste. Il en est la preuve vivante. N’est-il pas, en effet, cette goutte d’eau qui, partie du fond de l’océan démocratique, monte toujours et brille enfin sur la plus haute crête de la vague ?

James-Abraham Garfield naquit, le 19 novembre 1831, à Orange-Township, non loin de la ville si florissante aujourd’hui de Cleveland, dans l’état d’Ohio. Il descendait de l’un de ces puritains qui, en 1635, quittèrent l’Angleterre, pour conquérir la pleine liberté de conscience. Sa famille est, dit-on, d’origine saxonne pure. Son nom, en effet, signifiant « champ de guerre, » est formé de racines exclusivement germaniques : gar, gwar, war, guerre, et field, champ. Les parens de Garfield vinrent s’établir, en 1830, dans les forêts vierges de l’Ohio. Trois ans après, ils avaient bâti leur demeure et défriché la propriété dont la culture devait les faire vivre. Malheureusement, le père, à la suite d’un travail forcé, fut atteint d’un refroidissement qui l’emporta. La veuve, restée seule avec quatre enfans, dont James était le plus jeune, parvint à vivre sur sa ferme. au prix du plus dur labeur, de la plus stricte économie, souvent même des plus grandes privations. Néanmoins, elle ne manqua pas, quand l’hiver venait interrompre les travaux de la campagne, d’envoyer ses enfans à l’école la plus voisine. Le petit James y fut pris d’une ardeur insatiable pour la lecture. Ayant reçu en prix, encore tout enfant, un Nouveau-Testament, il le sut bientôt, tout entier, par cœur. Il y joignit, un peu plus tard, Robinson Crusoé, qu’il lut et relut avec acharnement, au point de pouvoir en réciter des chapitres entiers. Il dévora ainsi toute la petite bibliothèque de sa mère et du maître d’école. Ce qui lui plaisait surtout, c’était le récit des aventures maritimes et des guerres de l’émancipation. Il était très bon, mais, batailleur et robuste, il se fit la réputation d’un fighting boy. On voit apparaître, dès le début de la carrière de Garfield, le rôle essentiel que remplit l’école primaire dans la démocratie américaine. Elle est la véritable racine des institutions républicaines. Elle exerce une action civilisatrice bien plus grande que l’école populaire d’Europe, parce qu’elle reçoit les enfans mieux préparés par l’éducation domestique. Chez nous, l’écolier de la campagne apprend à lire, mais quand il le sait, il ne lit pas et il oublie tout; aux États-Unis, il apprend pour lire le plus qu’il peut, parce que, autour de lui, il voit tout le monde en faire autant et que partout il a des livres sous la main.

A l’âge de seize ans, le jeune James veut gagner son pain et il se fait bûcheron, comme l’avait été Lincoln, noble métier, puisque c’est celui que choisirait aussi M. Gladstone. Mais de la forêt où il travaille, il voit passer les voiles des bateaux naviguant sur le lac Érié. Les belles histoires de voyages sur mer lui reviennent à l’esprit. Il est décidé à se faire matelot. Il descend au bord du lac pour s’engager. Les hommes d’équipage du bâtiment auquel il s’adresse se querellaient. Effrayé de leur brutalité, il recule, et se contente d’entrer au service d’un cousin pour conduire les chevaux qui traînent une barque sur le canal. Le désenchantement était cruel. Il est pris de découragement. La fièvre s’y joint. Il revient chez sa mère, atteint d’une maladie grave qui le met en danger. Pendant sa convalescence, le maître d’école, qui aide à le soigner, lui parle des facilités que lui donnent ses lectures et son heureuse mémoire pour entrer dans l’enseignement. Ce projet lui sourit, et il se rend à Geauga afin d’y suivre les cours de l’école normale. Pour toute ressource il a 17 dollars ; mais pour vivre il travaillera de ses mains. Avec une ardeur que rien ne rebute, il apprend les langues anciennes, les mathématiques, l’histoire; il lit tous les livres de la bibliothèque, et bientôt il est le premier dans toutes les branches. En même temps, pour subsister, il donne des répétitions, et met ses bras robustes au service des fermiers du voisinage. On sait qu’il existe maintenant, aux États-Unis, plusieurs universités organisées de façon à permettre aux étudians de gagner de quoi vivre, en exécutant des travaux manuels pendant une partie de la journée. Le jeune Garfield acheva ses études à Williams-College, une des maisons d’éducation les plus anciennes et les plus renommées de la Nouvelle-Angleterre. Tout en excellant aux exercices de gymnastique, il se distinguait dans l’étude des langues anciennes et de la philosophie. L’éclat de ses compositions littéraires, sa présence d’esprit et son éloquence comme contreversiste, le mettaient hors de pair. Il publia dès lors plusieurs essais sur des sujets philosophiques dans la Williams Quarterly Review. En 1856, quand il prit « ses degrés, » il remporta « l’ovation » pour la métaphysique, distinction très exceptionnelle. U avait alors vingt-cinq ans. La fermeté de son esprit et l’élévation de ses idées ont laissé une impression durable chez ses maîtres et chez ses condisciples. L’un d’eux disait à M. Mason : « Jeunes encore, nous ne pouvions comprendre toute la grandeur du caractère de Garfield ; mais nous la sentions pourtant, car son extérieur et la moindre de ses paroles nous la révélaient. »

Les idées religieuses occupaient une large place dans son âme. Il ne se contenta pas des formes extérieures du culte. Pendant son séjour au collège de Geauga, il s’était affilié à la secte des « disciples du Christ » ou « campbellistes. » il ne sortait point ainsi de la grande communion protestante ; mais il se l’assimilait d’une manière plus personnelle et plus intime. La dogmatique de la secte était des plus simples. Il suffisait de croire au Nouveau-Testament. Toute formule humaine de la vérité divine, imposée en tant que condition à l’admission, était repoussée comme un attentat à la liberté du chrétien régénéré. Tocqueville, ayant remarqué que le sentiment religieux était le fondement solide de la démocratie américaine, en avait conclu que la religion est la condition de la liberté. « Il faut, dit-il, qu’un peuple croie ou qu’il serve. » Depuis lors, « l’infidélité » est devenue plus fréquente aux États-Unis. Cependant toutes les paroles prononcées par le président font voir que, quant à lui, sa piété était restée vivante. Les « disciples du Christ » avaient fondé à Hiram, près de Cleveland, une école pour former leurs pasteurs, qui avait acquis en peu de temps une grande célébrité. Quand il eut passé ses derniers examens, Garfield y fut nommé professeur de langues anciennes et de littérature anglaise. Après une année de professorat, il fut promu à la présidence de la faculté. En peu de temps, le bûcheron des forêts d’Orange-Town, le batelier du canal de l’Érié, avait fait du chemin. La goutte d’eau montait. Sa méthode d’enseignement fut très remarquée. Il visait surtout à faire des hommes. Il s’efforçait de développer l’initiative individuelle. Il attachait aussi la plus grande importance aux exercices corporels. Après avoir dirigé lui-même une partie de balle ou de cricket, il faisait rédiger par ses élèves une dissertation sur un sujet emprunté tantôt à la littérature ancienne, tantôt aux événemens contemporains. Comme, aux États-Unis, tout homme majeur prend sa part dans la direction des affaires publiques de la commune, du comté et de l’Union, il croyait qu’on ne peut assez tôt préparer les jeunes gens à remplir leurs devoirs de citoyen. Quoiqu’il ne fut pas ordonné pasteur, il montait souvent en chaire pour y prononcer le sermon du dimanche, et il s’était acquis ainsi, comme prédicateur, une grande réputation d’éloquence.

Jusqu’à ce moment, tout entier à ses études, Garfield s’était peu occupé de politique. Mais quand, en juin 1856, le parti du freesoil eut publié un manifeste très net et très vif en faveur de l’abolition de l’esclavage et même désigné comme candidat à la présidence le général Fremont, abolitioniste ardent, ce fut une question de justice et d’humanité qui se posa devant le pays et qui devint le point de séparation des partis.

Cette grande cause ne pouvait laisser indifférent un cœur généreux, dévoué à la justice et à la liberté. Garfield se jeta dans la mêlée avec une ardeur et un dévoûment qui allaient jusqu’au sacrifice de la vie. L’épreuve était suprême et il ne l’ignorait pas. C’était l’avenir de la grande république, l’unité du pays qui était en jeu. Le Sud, pour sauver « l’institution divine, » « la pierre angulaire » de son état social, n’hésiterait pas à lever l’étendard de la révolte. Il faudrait donc vaincre la sécession, les armes à la main, ou se résigner au démembrement de cette patrie qu’on se plaisait à rêver immense, embrassant le continent américain tout entier. Garfield était de ceux qui cherchent d’abord le « royaume de Dieu, » c’est-à-dire le règne du droit. Sa devise était celle des gens de foi qui ne doutent pas du triomphe final du bien : Fiat justitia, pereat mundus. Pendant. les campagnes électorales de 1857 et 1858, où l’on procéda au choix des membres de la législature des états particuliers, il prononça un grand nombre de discours contre l’extension de l’esclavage et conquit ainsi beaucoup d’influence et de popularité dans son état natal, l’un des plus importans de l’Union, l’Ohio. « Quoiqu’il y ait déjà un quart de siècle, dit M. Peixotto, le traducteur du livre qui nous sert de guide, je me rappelle encore l’immense impression produite par ses discours. C’est le plus grand effet oratoire auquel j’ai assisté. L’élévation des sentimens, l’éloquence de la parole, le pathétique, la puissance d’action du jeune professeur, m’ont laissé un souvenir ineffaçable. » En 1859, le district sénatorial dans lequel était situé le lieu de sa résidence, Hiram, élut Garfield sénateur de l’état de l’Ohio. L’énergie de ses convictions, la vigueur de son esprit et l’éloquence de sa parole le placèrent bientôt à la tête du parti républicain radical, avec J.-D. Cox, plus tard ministre de l’intérieur sous le président Grant, et James Monroe, l’un des hommes les plus populaires de sa région. Garfield n’avait encore que vingt-huit ans ; il était le plus jeune membre du sénat de l’Ohio.

Quand Lincoln fut élu président, il devint certain que le Sud prendrait les armes pour constituer une confédération indépendante sur la base de l’esclavage. Les états où dominaient les adversaires de « l’institution » décidèrent d’armer à leur tour, même avant que le gouvernement central eût songé à se défendre. En janvier 1861, le sénat de l’Ohio discutait un bill ayant pour objet l’équipement de six mille hommes. Garfield prononça à ce sujet un discours qui exerça une influence décisive, parce qu’il dessinait nettement la situation. On reprochait à ceux qui voulaient prendre des mesures énergiques d’attenter à l’indépendance des états et d’avoir recours à la « coercition, » reproche grave dans un pays si jaloux de toutes ses libertés. Voici la réponse que fit Garfield : « Si, par ce mot « coercition, » vous entendez que le gouvernement fédéral déclarera et fera la guerre à un état particulier, je ne vois aucun homme sérieux, démocrate ou républicain, qui préconise une semblable mesure. Mais si le sens de cette parole est que le gouvernement général doit défendre les lois, quels que soient ceux qui les violent; qu’il doit protéger la propriété et le drapeau de l’Union; qu’il doit punir les traîtres à la constitution, qu’ils soient dix ou qu’ils soient dix mille, alors je suis « coercitioniste, » la grande majorité de ce sénat et les neuf dixièmes des habitans de l’Ohio sont « coercitionistes, » je dis plus, tous les citoyens de l’Union sont « coercitionistes, » sinon ils sont des traîtres. »

On se rappelle l’admirable mouvement qui souleva les populations du Nord après le désastre de Bull-Run, en juillet 1861, et qui amena successivement sous les drapeaux de l’Union plus de deux millions de volontaires. M. Masson cite quelques vers de Bret Harte, qui rendent bien cet élan héroïque :

Écoutez : j’entends la marche des multitudes,
Et le bruissement de la foule armée.
Voyez : les bataillons sortis du peuple se sont réunis
Autour du tambour qui, en hâte, bat l’alarme,
Disant : Accourez,
Hommes libres, accourez,

Avant que votre héritage soit dévasté. Ainsi parle
Le tambour battant l’alarme à coups pressés[1].


Chose admirable, ce fut des rangs du corps enseignant que se levèrent le plus de volontaires à l’appel de la patrie en danger. Proportion gardée, la classe des instituteurs fournit dix fois plus de soldats que toute autre profession. Sur les trois cents étudians du collège de Hiram, plus de cent s’engagèrent, et à leur tête leur professeur préféré, Garfield. Celui-ci appliqua aussitôt son infatigable activité et sa vigoureuse intelligence à se mettre au courant de tout ce qui concernait l’art de la guerre, depuis l’équipement et les exercices du soldat jusqu’au mouvement des troupes et aux grandes manœuvres d’une armée en campagne. Un vaste camp d’instruction militaire s’était formé à Camp-Chase, près de Columbus, capitale de l’Ohio. Garfield fut nommé, avec l’assentiment général, colonel du 42e régiment. Il sut communiquer l’enthousiasme qui l’animait à tous ses hommes. Sa santé robuste le préservait de la fatigue et de la maladie. Il travaillait la journée entière et une partie de la nuit. Il fallait tout apprendre à ces volontaires, pleins d’ardeur, mais nullement préparés à la guerre difficile qui commençait sur un théâtre immense. Il eut soin de les exercer, non-seulement aux marches et au tir, mais à faire des ponts, à réparer des chemins de fer, à se servir du télégraphe, à élever des fortifications et des abris improvisés.

Garfield eut bientôt l’occasion de montrer qu’il possédait, outre la théorie, le coup d’œil du stratégiste. Le général Buell, sous lequel il servait, avait pour mission de repousser les sécessionistes du Kentucky, où commandait le général Marshall. Garfield proposa a son chef un plan de campagne qui fut approuvé et dont l’exécution lui fut en partie confiée. Il se couvrit de gloire à la bataille de Middle-Creek. Les confédérés étaient retranchés sur une hauteur et protégés par un cours d’eau. Garfield, avec une force très inférieure, passe la rivière à gué et escalade la colline sous le feu de l’ennemi. Ses hommes, bien dressés, tiraient admirablement et avaient appris à profiter des accidens de terrain. Après cinq heures d’une lutte acharnée, il délogea les sudistes, qui furent obligés de se retirer dans la Virginie. Cette victoire, la première remportée par les soldats de l’Union, eut un grand retentissement et releva partout le courage. Elle lui valut le grade de général.

A la grande bataille de Pittsburgh-Landing, où la jonction du corps de Buell détermina la défaite des confédérés, Garfield se distingua encore par son intrépidité et par la justesse de ses décisions. Il ne tarda pas à être promu à un poste supérieur. Le 20 février 1863, il fut nommé chef d’état-major de l’armée du Cumberland, commandée par le général Rosecrans, qui opérait alors dans le Tenessee contre les forces de Bragg. Rosecrans, après avoir passé plusieurs mois à organiser les élémens assez disparates de son armée, hésitait à marcher en avant. Garfield l’y décida par un rapport qui est, disent les spécialistes, un chef-d’œuvre. C’est lui qui, en réalité, traça tout le plan de la campagne de Tullahoma, dont M. Whitelaw Reid, dans son histoire de cette guerre, a pu dire que « la conception première en fut parfaite et l’exécution excellente. » A la bataille si disputée de Chickamauga, le coup d’œil et la bravoure personnelle de Garfield vinrent, au dernier moment, apporter un secours indispensable à l’héroïque résistance du général Thomas, et sauver ainsi l’armée fédérale d’un désastre. Il eut son cheval tué sous lui et, au milieu du feu le plus meurtrier, il établit une batterie qui arrêta un mouvement tournant de l’ennemi. Ce fut son dernier fait d’armes.

Il avait été élu, dans l’Ohio, membre du trente-huitième congrès qui devait se réunir en décembre 18(53. Le président Lincoln, à qui il était allé rendre compte de la situation de l’armée du Cumberland, le pria de venir occuper son siège à la chambre. « Ce qu’il nous faut, disait-il, c’est un orateur qui, ayant vu la guerre de près, puisse faire comprendre au congrès les besoins de l’armée et les sacrifices qu’exige encore le triomphe définitif de notre cause. » Il lui en coûta de se rendre à l’appel du président. Le général Thomas l’appelait à ses côtés : il voulait lui confier le commandement d’un corps d’armée. Il lui fallait renoncer à sa commission de général-major qu’il venait de recevoir. Il regrettait surtout de perdre de vue ce glorieux 42e, décimé par le feu ennemi et son drapeau déchiqueté par les balles. Mais l’armée elle-même joignit ses instances à celles de Lincoln. Il céda et, comme représentant de l’Ohio, il prit place au congrès, qu’il ne quitta que pour monter au fauteuil de la présidence.

De l’avis unanime, le jeune général avait montré, pendant ces deux années de service actif, des aptitudes militaires de premier ordre. En prononçant l’éloge funèbre du général Thomas, il a décrit admirablement les qualités que doit posséder aujourd’hui un commandant d’armée. Ce sont, affirment des appréciations compétentes, celles qui précisément le distinguaient lui-même. « La vie de Thomas, dit-il, est une glorification de la puissance d’un travail opiniâtre en même temps que l’opiniâtreté du travail nous y révèle la supériorité du talent. Un de ses instructeurs, à West-Point, disait de son illustre élève qu’à l’école il n’abandonnait jamais une question sans l’avoir examinée sous toutes les faces. Tel on le voit quand il eut à conduire une armée. Un combat, pour lui, n’était pas, comme pour d’autres, une sorte de tremblement de terre ou de volcan en éruption, une mêlée confuse d’hommes intrépides et de chevaux fougueux, enveloppés des éclairs et de la fumée des canons. C’était la concentration d’une force contre une autre force, mathématiquement combinée, un calcul de lignes et de positions, de bataillons et de compagnies, de puissance de métal et de résistance. Il savait que les élémens de la victoire ne sont pas créés sur le champ de bataille, mais patiemment élaborés dans le calme des camps, par la perfection de l’organisation et par l’équipement complet des corps d’armée. Sa remarque à un capitaine d’artillerie occupé à inspecter une batterie mérite d’être rapportée, parce qu’elle montre comment il entendait la théorie de la victoire : « Tenez bien tout en ordre. Quelquefois la roue d’un affût décide du sort d’une victoire, » Aussi quand l’heure d’agir avait sonné, il s’était si exactement rendu compte de l’armement et des forces relatives de ses troupes, qu’il aurait pu dire à quelles attaques il leur était possible de résister et quels coups elles pouvaient porter à l’ennemi. »

Au congrès, Garfield rendit à l’armée tous les services qu’elle attendait de lui. En même temps, il continua à défendre avec le même dévoûment la cause « abolitioniste. » Ne pouvant reprendre ses fonctions au collège de Hiram et presque constamment retenu à Washington, il entra au barreau pour plaider principalement les causes constitutionnelles devant la cour suprême. Déjà précédemment il s’était occupé de l’étude du droit, et il avait été amené, en attaquant dans ses discours la révolte des états sudistes, à scruter à fond les questions qui touchent aux rapports des états entre eux et avec le pouvoir fédéral. On lui confia plusieurs causes très importantes qui lui firent un nom comme juriste en droit public. Son attitude dans les questions concernant le Sud était celle qui aurait inspiré ses actes durant sa présidence : maintien absolu et énergique de l’égalité pour les noirs, mais politique d’oubli et de réparation pour leurs anciens maîtres, définitivement vaincus. Voici ce qu’il dit à ce sujet dans un de ses plaidoyers : « Dans la plus effroyable tourmente qu’aient subie nos destinées, Dieu nous avait placés dans cette alternative : ou de perdre notre liberté, ou d’accorder l’émancipation à l’esclave. Dans cette détresse extrême, nous avons appelé à nous l’homme de couleur ; nous lui avons dit de nous aider à sauver la république, et, sous le feu de la mitraille, nous avons conclu avec lui une alliance scellée par le sang de chacun et ayant Dieu pour témoin. Par ce contrat, nous nous sommes engagés à briser son joug et à lui faire partager avec nous tous les avantages et toutes les gloires de la liberté. » Voilà pour les affranchis. «Quant à l’avenir, ajoute-t-il, nous ne devons jamais rien faire qui ne soit en rapport avec l’esprit et le génie de nos institutions. Le but de nos efforts doit être : rien pour la revanche, tout pour la sécurité; oublions le passé, songeons au présent et à l’avenir. Hélas ! rien ne pourra réparer les pertes que nous avons subies. Les quatre cent mille tombes où dorment nos pères, et nos frères frappés dans la lutte contre les rebelles, resteront fermées jusqu’à ce que l’ange de la résurrection fasse l’appel des morts. Mais détournons nos regards de ce triste et glorieux passé et cherchons dans la justice une sécurité que rien ne puisse désormais troubler. »

Garfield a siégé au congrès pendant dix-sept ans, d’abord comme représentant et plus récemment comme sénateur de l’Ohio. Il n’ambitionnait pas de position supérieure à celle que ses concitoyens venaient de lui confier presque à l’unanimité. Chaque état, on le sait, ne nomme que deux sénateurs. Représenter au sénat fédéral l’Ohio, qui est grand comme l’Angleterre et qui donne souvent le ton à la politique générale, est donc une des plus hautes dignités de la république.

Garfield fut désigné comme candidat à la présidence à l’improviste et, s sans qu’il eût fait la moindre démarche à cet effet. La « convention » du parti républicain s’était réunie, dans l’automne de 1880, à Chicago, pour choisir le nom sur lequel devaient se concentrer partout les votes de ses partisans. Elle se composait de sept cent cinquante-six délégués de tous les états et parmi ceux-ci se trouvait Garfield. Trois concurrens étaient en présence: l’ex-président Grant, ardemment soutenu par un parti puissant à la tête duquel était le sénateur de New-York, Conkling, le sénateur du Maine, Blaine, et Sherman, l’ancien ministre du trésor, qui avait si admirablement géré les finances fédérales. Pendant plusieurs jours on discuta et on vota sans arriver à un résultat: aucune majorité ne se formait. Garfield soutenait la candidature de Sherman. Il prit la parole à plusieurs reprises et, chose exceptionnelle dans une assemblée où les compétitions avaient vivement surexcité les passions, il était toujours écouté avec la plus grande déférence. C’était la preuve évidente de l’estime générale qu’il avait su conquérir. Il en ressortait que le parti républicain ne pouvait présenter aux suffrages du pays un nom plus populaire. Ce fut l’idée qui surgit spontanément de tous les côtés à la fois. Des lettres, des télégrammes, des articles de journaux arrivaient de partout répétant : « Prenez Garfield. » La vox populi fut écoutée par la convention, fatiguée de recommencer, des jours entiers, des scrutins de ballottage apportant toujours le même partage des votes. Les trois concurrens furent abandonnés. Garfield fut proclamé candidat du parti républicain et bientôt après élu président à une très grande majorité.

Entré en fonctions au printemps de cette année, l’abominable attentat qui l’a jeté sur un lit de douleurs ne lui a pas permis de montrer ce qu’il eût été comme chef d’état. Cependant sa première parole fut consacrée à recommander la substitution de l’arbitrage à l’emploi barbare de la force, pour régler les différends internationaux, et l’un de ses premiers actes fut de proposer à l’Europe de former avec l’Amérique une union monétaire, afin de faciliter les relations commerciales entre les deux continens. L’enfant batailleur, le fighting boy, le général qui s’était illustré à la guerre, ne prêchait que la paix. Comme tous les Américains clairvoyans, il voulait donner pour mot d’ordre à la grande république la sainte maxime de l’évangile : Heureux les pacifiques, car ils possèderont la terre ! Les États-Unis n’ont d’armée que pour maintenir l’ordre sur leurs frontières, une vingtaine de mille hommes pour 39 millions d’habitans.

Cependant, avec un excédent annuel de recettes d’un demi-milliard, ils pourraient armer plus facilement que la plupart de nos états européens, de nombreux régimens. S’ils ne le font pas, ce n’est point par économie, mais par prudence. Ils ont hérité de leurs ancêtres d’Angleterre cette conviction qu’une grande armée et des institutions démocratiques sont deux choses qui s’excluent. Le principe des armées, c’est l’autorité. Le principe des gouvernemens libres, c’est la discussion. A la longue, ces deux principes contraires doivent se heurter. Partout où existe une grande force militaire, le régime parlementaire ne dure que par tolérance. Vienne une grande secousse ébranlant la société, le chef de l’état pourra faire un 18 brumaire ou même un 2 décembre. A l’époque de la guerre de la sécession, des collaborateurs de la Revue, visitant les États-Unis, croyaient voir apparaître, derrière les quinze cent mille baïonnettes qui couvraient le territoire de l’Union, l’ombre d’un césar qui approchait. Ces prévisions ne se sont pas réalisées. L’armée a été licenciée. Les citoyens qui s’étaient armés pour défendre l’intégrité de la patrie ont repris leurs occupations dans la vie civile. Jamais l’avenir de la liberté n’y a semblé p’us assuré qu’en ce moment. Comme, tant qu’elle restera unie, nul autre état ne pourra mettre en péril la puissante république qui occupe tout un continent, longtemps encore elle aura ce bonheur exceptionnel de n’avoir pas besoin d’une forte armée permanente. Le danger du césarisme n’apparaîtra que le jour où les barbares de l’intérieur, prédits par Macaulay, auront forcé la société à s’armer pour se défendre, c’est-à-dire quand l’inégalité des conditions sera devenue excessive et que le territoire, tout entier occupé, n’offrira plus de place pour les nouveau-venus-,

M. Mason dépeint en une rapide esquisse le caractère et la manière de vivre de Garfield. On répète souvent que la haute culture intellectuelle est rare aux États-Unis. C’est une erreur. Tandis qu’en Europe l’éducation et l’aisance se transmettent ensemble héréditairement, on rencontre en Amérique beaucoup plus d’hommes riches et peu cultivés, parce qu’ils ont fait fortune en peu de temps, et on juge d’après ces enrichis de la veille. Le goût des lettres et surtout de la poésie est au contraire très général aux États-Unis. Cet enthousiasme littéraire qui caractérise chez nous l’époque du romantisme et qui s’est si singulièrement refroidi depuis, se retrouve encore au-delà de l’Océan. Presque fous les Américains que j’ai rencontrés avaient leur poète favori, fréquemment Burns ou Longfellow, dont ils aimaient à réciter des vers. Tout le temps que Garfield pouvait soustraire aux absorbans travaux du barreau ou du congrès, il le consacrait à la lecture, qu’il prolongeait souvent très avant dans la nuit. Il se plaisait à relire les poètes anciens. Pendant ses campagnes, il portait toujours un Horace dans sa poche. M. Mason raconte qu’un soir, bien après minuit, il trouva Garfield au comble de la joie. Il venait de découvrir dans un auteur grec de nouveaux détails sur Périclès et Aspasie, et il se proposait d’étudier à fond l’histoire des amans célèbres : Abélard et Héloïse, Dante et Béatrix, Laure e.t Pétrarque. Il avait cependant en ce moment la tête remplie des amas de chiffres qu’il venait d’examiner comme président de la commission du budget. Il aimait beaucoup les romans, surtout ceux de Dickens, et il n’en paraissait pas un de quelque valeur qu’il ne s’empressât de le lire. Il apprit le français pour étudier à fond l’histoire politique et financière de la France et en même temps pour pouvoir goûter ses grands écrivains dans leur propre langue. Président de l’Association littéraire de Washington, il aimait à réunir à sa table frugale, mais hospitalière, les hommes distingués, américains ou étrangers. Sa conversation alors était à la fois pleine de charme et, d’instruction, ses mots étaient profonds et brillans. D’un trait juste et piquant il jugeait le livre nouveau, l’événement du jour, ou les auteurs anciens dont sa mémoire fidèle lui permettait de citer les maximes et les idées.

Il n’a jamais cherché à s’enrichir; il ne. croyait pas que la destinée de l’homme fût de se livrer tout entier à la chasse aux dollars. Quoiqu’il eût quatre fils et une fille, il n’a rien fait pour leur laisser de la fortune, et cependant avec son éloquence au barreau et sa connaissance des affaires, rien ne lui eût été plus facile, dans un pays où la richesse jaillit, pour, ainsi dire, du sol. Tout ce qu’il possédait se réduit, paraît-il, à sa maison de briques rouges à Washington et à une villa dans son pays natal, près de Cleveland. C’est là qu’il aimait à se retirer, l’été, pour suivre de près l’exploitation de sa ferme. Comme la plupart des hommes éminens de l’Amérique, il se plaisait au travail des champs, se rappelant ce qu’avaient dit à ce sujet les républicains de la Rome antique : « Rien de meilleur, rien de plus productif, rien qui soit plus agréable et plus digne d’un homme libre que l’agriculture. » Sa manière de vivre était élégante, mais en même temps simple et « puritaine. »

Guizot a écrit, à propos des Russell, une page élevée et touchante, l’Amour dans le mariage. Rarement cet idéal s’est réalisé d’une façon plus intime et plus sainte que dans la maison de Garfield. A peine avait-il pris ses degrés au collège William qu’il épousa, à Hiram, une jeune fille studieuse, intelligente et douce, Lucrèce Rudolph. Aucun nuage n’est venu troubler cette union parfaite. Pendant cette longue agonie de trois mois, c’était à qui éviterait une peine à l’autre : lui maîtrisait sa souffrance, elle ses anxiétés, mais tous deux résignés, dès le début, à s’incliner sous la main de Dieu. Le premier jour, le blessé dit aux médecins : « Ne me cachez rien. Je ne crains pas la mort, j’y suis préparé. » L’un des médecins qui le soignaient lui parlant de son transport projeté pour Longbranch, lui dit : « Vous êtes si bien aujourd’hui, vous supporterez facilement les fatigues du voyage. — Oui, sans doute, répondit-il, et ce voyage pourra facilement se prolonger, se prolonger jusqu’à mon arrivée dans la patrie éternelle. » Le dernier jour, il fut saisi d’un spasme violent au cœur. Sa femme lui dit : « Souffres-tu? — Ma pauvre amie, répondit-il, ce qui me fait souffrir, c’est de vivre encore. » — Vers midi, il dit : « Je me rends parfaitement compte de ma situation. » Après un moment, il demanda à un de ses amis : « Croyez-vous que mon nom aura sa petite place dans l’histoire? — Oui, lui fut-il répondu, et une grande place ; mais une bien plus grande encore dans le cœur de l’humanité. » La vieille mère du président vit encore dans l’Ohio. Quand elle apprit sa mort, elle s’écria : « Lui, mort! est-ce possible! Il ne me reste plus qu’à mourir aussi. Mais non, je dois me soumettre à la volonté de Dieu. Il sait mieux que nous ce qui est bon. »

Dans tous les actes de sa vie, il a toujours été guidé par le sentiment du devoir et par l’amour de la justice. C’est un autre Abraham Lincoln, disent, avec le sénateur G. Hoar, les Américains qui lui ont voué un culte exalté. On retrouvait, en effet, en lui la droiture, le bon sens, l’attachement au bien de Lincoln, mais avec un esprit plus cultivé et des vues plus étendues. C’est bien le chrétien austère du temps des Pilgrim Fathers, raffiné toutefois par le commerce intime avec les grands écrivains de l’antiquité et des temps modernes. Dès son jeune âge, l’Écriture a été sa loi constante, mais tandis que ses ancêtres, les puritains, étaient les hommes de l’Ancien Testament, il était, lui, le disciple aimant et doux de l’Évangile. Dans cette vie consacrée tout entière au travail et à l’accomplissement consciencieux de tous les devoirs, il n’y a pas une tache, pas une faiblesse, pas une défaillance. La démocratie radicale, qu’il se faisait gloire de représenter, avait ici sa source dans les traditions les plus hautes et les plus pures de l’antiquité et du christianisme. On prétend que l’Amérique actuelle n’est plus celle qu’a décrite Tocqueville et que le niveau moral y a baissé. Ce jugement ne repose-t-il pas sur ce que l’on voit dans le pandémonium de New-York ou dans ces villes du Far-West qui, chaque jour, sortent du désert et de la barbarie? En tout cas, dans la mesure où le fait est vrai, il s’explique par deux causes : l’émigration, qui apporte le contingent impur des couches inférieures des peuples de l’Europe, et la fièvre de croissance physique du géant américain. Il s’agit avant tout là-bas de mettre en valeur les richesses naturelles d’un monde nouveau. Comment la préoccupation des intérêts matériels ne serait-elle pas l’affaire principale, alors qu’elle prend une place chaque jour croissante même dans nos vieilles sociétés? Le développement de la puissance économique de l’Amérique est un phénomène prodigieux dont rien dans l’histoire ne donne l’idée. Les chiffres qui le résument confondent l’imagination. Je n’en citerai qu’un seul. On y a construit, l’an dernier, près de 12,000 kilomètres de voies ferrées, c’est-à-dire qu’il n’y faut que deux ans et demi pour achever un réseau aussi étendu que celui de la France. Comment, au milieu d’une semblable expansion de toutes les puissances de la matière, la poursuite de la richesse ne se montrerait-elle pas partout ! Mais si l’on pénètre au fond, sous cette superficie parfois violente et trouble, on trouve, dans la très grande majorité des familles, une vie intellectuelle et morale vigoureuse et saine, un attachement réel aux idées d’humanité et de justice. Deux influences sont partout à l’œuvre pour soulever l’homme au-dessus du règne exclusif des égoïsmes et des appétits : l’école populaire et le christianisme. L’exemple de Garfield nous montre quels types admirables elles peuvent tirer même des couches les moins aisées de la population. Aujourd’hui, comme au temps de Tocqueville, ce sont là les vraies bases de la démocratie américaine. Tant que la grande république fera surgir des derniers rangs du peuple, pour en faire des chefs d’état, des hommes d’un caractère aussi pur et on peut dire aussi saint que celui de Lincoln et de Garfield, elle pourra considérer l’avenir sans crainte. L’heure des grandes épreuves ne sera pas encore venue pour elle.


EMILE DE LAVELEYE.


  1. Hark ! I hear the tramp of thousands
    And of armed men the hum;
    Lo ! a nation’s hosts have gathered
    Round the quick alarming drum
    Saying : Come,
    Freemen, come,
    Ere your héritage be wasted. Said the quick
    Alarming drum.