CHAPITRE II


CE QUI M’ARRIVA SOUS LES RÈGNES DE ABOU’L ‘ABBAS AHMAD
ET DE SON FILS ABOU FARIZ ‘ABD AL-‘AZÎZ.


Cinq mois après ma conversion à l’Islâm, le sultan me donna le poste de chef des douanes[1], pensant que dans cette place j’apprendrais vite la langue arabe, à cause des nombreuses relations entre Chrétiens et Musulmans, auxquels je devais servir d’interprète.

J’appris parfaitement l’arabe au bout d’une année[2].

J’assistai à cette époque à la descente de la flotte des Gênois et des Français à Al Mahdiyya[3], étant chargé de la traduction des dépêches qu’ils envoyaient au sultan. Peu de temps après, Dieu les ayant humiliés, ils se dispersèrent.

J’accompagnai aussi le sultan au siège de Gâbes[4], en qualité de trésorier, de même qu’au siège de Gafsa[5]. À ce dernier siège, le sultan fut atteint d’une maladie qui le mena au tombeau le 3 scha‘ bân 796[6].

Son fils, le prince des croyants et le défenseur de la religion, Aboû Fâris ‘Abd Al-Azîz[7], lui succéda sur le trône du khalifat. Il renouvela à mon égard tous les bénéfices que son père m’avait accordés et m’investit en outre de l’intendance de son palais.

Or, sous son règne, alors que j’étais chef de la douane et interprète, il arriva qu’un navire musulman, chargé de marchandises, aborda. Au moment où il jetait l’ancre, deux vaisseaux siciliens l’attaquèrent et s’en emparèrent aussitôt que l’équipage musulman s’en fut éloigné.

Notre seigneur Aboû Fâris ordonna au chef de la douane et à ses assistants de se rendre à la Goulette et de négocier avec les Chrétiens au sujet du rachat de la cargaison appartenant aux Musulmans. Ils partirent et demandèrent l’amân[8] au drogman chrétien. L’amân leur ayant été accordé, ils montèrent aux vaisseaux des Chrétiens et commencèrent les négociations. Les Chrétiens exagérant leurs prétentions, il fut impossible d’obtenir quoi que ce fut.

Par ces vaisseaux était arrivé un prêtre très considéré de la Sicile, avec qui j’avais été lié d’une amitié vraiment fraternelle du temps où nous étudiions ensemble. Il avait entendu parler de ma conversion à l’Islâm et cela lui avait été très pénible. Il était venu par ces vaisseaux dans l’intention de me ramener à la religion chrétienne, comptant sur notre ancienne amitié. Se trouvant seul avec l’interprète qui était monté à bord, il lui dit : Comment t’appelles-tu ? L’interprète lui répondit : ‘Alî. Eh bien, ‘Alî, lui dit-il, prends cette lettre et remets-la au kâïd ‘Abd Allah, chef des douanes ; prends aussi ce dînâr et quand tu m’auras apporté la réponse, je te donnerai un second dînâr.

Ayant pris la lettre et le dînâr, l’interprète se rendit à la Goulette et informa le chef des douanes de tout ce qui était arrivé ; puis il l’informa aussi de ce que lui avait dit le prêtre, de la lettre qu’il lui avait remise et du dînâr qu’il avait reçu en récompense. Le chef des douanes prit la lettre, la fit traduire par quelques marchands gênois et envoya l’original et la traduction à notre seigneur Aboû Fâris.

Celui-ci l’ayant lue, m’envoya chercher. Admis en sa présence, il me dit : Ô ‘Abd Allah, cette lettre est arrivée par mer, lis-la et fais-nous savoir ce qu’elle contient. Je la lus et me mis à rire. — Qu’est-ce qui te fait rire ? me demanda le sultan. — Que Dieu nous protège ! lui répondis-je. Cette lettre m’a été expédiée par un prêtre qui fut jadis de mes amis, je vais vous la traduire, avec la permission de Dieu. M’étant assis près de lui, je la traduisis en arabe, et lui en remis la traduction. Il la lut et dit à son frère Ismâ‘îl : Par le Dieu Tout-Puissant, il n’en a pas omis une lettre. — Ô seigneur, m’écriai-je, comment le sais-tu ? — Par un autre exemplaire, traduit par les Gênois, me répondit-il. Pais il me dit : ‘Abd Allah, dans quel sens répondras-tu à ce prêtre ? Seigneur, lui dis-je, tu connais mes opinions, tu sais que j’ai embrassé l’Islâm par libre choix et par amour pour la vraie religion ; en aucune manière et d’aucune façon, je n’acquiescerai en n’importe quoi à ce que ce prêtre me conseille.

— Nous sommes convaincu, me déclara le sultan, de la sincérité de la conversion et nous n’avons jamais eu le moindre doute à ton égard. Mais dans la guerre, il faut de la ruse[9], écris donc à ce prêtre qu’il commande au capitaine du vaisseau de rendre contre rachat ces marchandises des Musulmans et de se montrer accommodant à cet égard ; puis, dis-lui : « Quand vous serez tombé d’accord avec les marchands musulmans sur le prix du rachat, je viendrai avec le taxateur peser les marchandises, puis la nuit venue, je me retirerai auprès de vous. » Je fis ainsi. Quant au prêtre, il accepta mon offre avec empressement.

Les Chrétiens se montrèrent très coulants dans le rachat des marchandises, mais bien que le taxateur allât et vint, je ne l’accompagnai pas. À la fin, le prêtre désespérant de me voir arriver, fit lever l’ancre et partit.

Voici le contenu de sa lettre : Après les formules d’usage, salut de la part de ton frère Fransis[10] le prêtre. Je te fais savoir que je suis venu dans ce pays à cause de toi, pour t’emmener avec moi. J’occupe aujourd’hui un rang élevé auprès du roi de Sicile[11] ; c’est moi qui destitue et qui nomme, qui donne et qui refuse ; toutes les affaires
 du royaume sont entre mes mains. Suis donc mes conseils et rends-toi auprès de moi, avec la bénédiction du Dieu Très-Haut. Ne crains ni perte d’argent, ni rang, car ce que j’ai en argent et en rang dépasse tout et je ferai pour toi tout ce que tu désireras. Ne te laisse tromper par aucune chose de ce monde, car ce monde est périssable, la vie est courte et le tombeau[12] guette. Crains donc Dieu, convertis-toi à lui. Sors des ténèbres islamites et rentre dans la lumière chrétienne. Sache que Dieu Très-Haut est triple dans son royaume, or l’on ne saurait séparer ce que Dieu a réuni dans son essence. Je sais bien que tu connais tout cela beaucoup mieux que moi-même, mais j’ai voulu te le rappeler parce que la mention en profite à ceux qui croient que la Trinité est Dieu. Réveille-toi donc du sommeil de l’insouciance et réponds à ma lettre par ton arrivée chez moi. Un homme comme toi n’a pas besoin de maître. Salut.

Quelques détails biographiques sur le prince des croyants Aboû Fâris ‘Abd Al Azîz, que Dieu le protège. C’est lui qui a inauguré parmi ses sujets le règne de la justice en les gouvernant selon le Livre[13] et la Sounna[14].

Parmi ses belles qualités, citons son habitude d’honorer les savants et les hommes pieux et de les traiter en sa présence avec le plus grand respect. Il honora aussi profondément les schérifs, les descendants de notre prophète. Il leur prodigua des dons si considérables qu’ils accoururent de tous les points de la terre, de l’Orient et de l’Occident. À tous ceux d’entre eux qui s’établirent dans son pays, il accorda des émoluments, des revenus et des vêtements d’honneur. Ceux qui ne faisaient que passer furent reçus avec de grands honneurs et comblés de présents. Il avait assigné chaque année soixante dînârs qu’il remettait à ceux qui venaient le visiter dans la nuit du Moulad[15], pour les dépenser en festins et rendre joyeuse par là la fête du Moulad (cet argent était pris sur les revenus de la douane), sans compter les parfums, l’eau de rose et l’encens dont ce don magnifique était accompagné.

Quant à sa justice en faveur de quiconque était victime d’un oppresseur, quel qu’il fût, elle était si connue que ses gouverneurs et ses officiers se hâtèrent de suivre son exemple et s’abstinrent de toute iniquité et de toute exaction. Du reste le sultan accueillait toutes les plaintes qu’on portait contre ses magistrats.

Il tirait son entretien, celui des membres de sa famille, leurs vêtements et autres besoins légitimes des impôts sur les chrétiens et des capitations des Juifs (que Dieu lui en fasse profiter !). Il eut grand soin des prisonniers, mettant en liberté ceux qui le méritaient, et faisant exécuter les jugements prononcés contre les criminels.

Sa réputation de générosité était universelle. Il avait fixé des époques pour la distribution de ses largesses à tous ceux qui en étaient dignes par leurs qualités belles ou viriles. Le soin de les répartir incombait à l’éminent jurisconsulte et professeur Aboû Abd-Allâh Mohammad ibn Salâm le Tabarien[16], qui remettait à chacun ce qui lui revenait en argent, en nourriture, en huile, en troupeau de bœufs et de brebis. Il en faisait ainsi à Tunis, la capitale, et dans toute l’étendue du territoire.

Au sujet de ses belles actions, mentionnons encore ceci : chaque année il dirigeait une troupe de pèlerins vers la sainte maison de Dieu[17] et au tombeau du prophète[18] et faisait distribuer à cette occasion de quoi mettre à l’aise tous les habitants et avoisinants de la Mecque et Médine. Que Dieu l’en récompense ! Outre cela il envoyait de l’argent et des vêtements d’honneur aux Schaikhs arabes, terreur des voyageurs, pour les empêcher par là de molester les pèlerins et pour les engager à leur faciliter le voyage.

Parmi ses belles actions il faut citer aussi le secours perpétuel qu’il avait l’habitude de faire parvenir aux habitants de l’Andalousie[19]. Il avait consacré à cet effet chaque année mille[20] kafiz[21] de farine provenant de la dîme du pays. À cet envoi il ajoutait des cuirs, de l’argent, des chevaux de race, des armes excellentes et de la précieuse poudre à canon qui leur manquait. Mentionnons aussi sa sollicitude pour les prisonniers musulmans tombés entre les mains des chrétiens. À cet égard il fit des choses sans précédent, au point de désigner pour cette œuvre des biens considérables, inaliénables. L’administration de ces biens était confiée à Aboû Abd-Allah Mohammad ibn Azzoûz, qui était chargé d’en garder les revenus augmentés du quart de tous les droits d’entrée et de sortie de la ville de Tunis, afin d’employer cet argent au rachat des esclaves après la mort de l’Émir des croyants. Pendant sa vie les prisonniers étaient rachetés avec l’argent du Trésor. Bien des fois j’étais présent quand il recommandait aux marchands chrétiens de lui amener autant que possible de prisonniers musulmans. Il leur fixa pour tout jeune homme de 60 à 70 dînârs[22] et pour tout vieillard ou adulte de 40 à 50. Dans ces négociations c’est moi qui fonctionnais comme interprète. Peu de temps après, des marchands chrétiens arrivèrent avec des prisonniers en nombre considérable, nous les rachetâmes tous avec l’argent du Trésor.

Il en agissait encore ainsi au moment de la composition de ce livre. Que Dieu l’en récompense !

Au nombre de ses fondations pieuses mentionnons la Zawiya[23] hors de la porte de la Marine à Tunis.

Il y avait là autrefois un foundouk[24] (auberge) dans lequel publiquement se commettaient de bien grands péchés, car quelques chrétiens l’avaient loué à raison de 12 mille dinars d’or par an, pour y vendre du vin et d’autres boissons enivrantes. Ce foundouk, rendez-vous de la plupart des infidèles, était un sujet de tristesse pour le cœur des croyants. Notre seigneur Aboû Fâris renonça à ce revenu illicite, prohibé, corrupteur et vil. Mais il ne se contenta pas d’avoir fait cesser ce péché. Il fit démolir le foundouk et construisit à sa place une Zawiya, grande de dimension et d’utilité, lieu de prière, d’adoration et d’hospitalité et dont l’entretien était assuré par des revenus inaliénables, très considérables, provenant d’un champ, de deux parcelles plantées en oliviers, d’un pressoir y adjacent, etc.

Il fit construire aussi la Zawiya qui se trouve dans le voisinage du jardin du Bardo[25] et la Zawiya, située près de Al-Dâmoûs[26] et la montagne de Al-Khâwî, au sud de Tunis. Il les dota, toutes deux, de quoi suffire à leur entretien. Il fit construire encore l’aqueduc qui se trouve hors de Bâb al-Djedîd[27] (La porte neuve) et le grand réservoir situé en dessous du Mousallâ de la Fête[28].

Une de ces plus belles œuvres est encore la fondation de la Bibliothèque, dans l’intérieur de la Djama‘ Zitoûna[29] à Tunis, où il réunit les ouvrages se rapportant aux diverses sciences et qu’il dota, au profit des étudiants, d’une dotation perpétuelle, en plantations d’oliviers, etc. Cette dotation était plus que suffisante pour l’entretien de la bibliothèque, des bibliothécaires et du gardien[30].

Il fonda aussi à Tunis un hôpital à l’usage des étrangers musulmans, tombés malades. Aucun roi d’Afrîkiya, soit ancien soit moderne, n’avait fait quelque chose de pareil. Il dota cet hôpital de quoi largement suffire à son existence. Cette fondation eut lieu l’année même de la composition de mon livre, soit l’année 823[31].

Remarquons encore son renoncement généreux, en faveur des pauvres[32], aux grandes sommes que ses prédécesseurs retiraient d’impôts, imposés contrairement aux prescriptions religieuses. Ses impôts étaient prélevés sur tout ce qui se vendait aux divers marchés de Tunis. Tout vendeur en gros ou en détail était tenu de remettre au Sultan une somme fixée d’avance, depuis un dirhem jusqu’à un dînâr et même davantage. Ce prélèvement existait depuis bien longtemps quand Dieu inspira à Aboû Fâris l’idée de l’abolir. C’est ainsi qu’il renonça au produit du marché des marchands d’huile, estimé à 300 dînârs d’or[33] ; du marché des olives, 5000 dînârs ; du marché des comestibles, à 5000 dînârs ; du marché des épiciers à 150 dînârs[34] ; du marché des bestiaux, à 10,000 dînârs ; du marché des légumes, à 300 dînârs[35], du marché du charbon, à 1000 dînârs ; du marché des poutres à l’usage des Bédouins, à 1000 dînârs ; quelques impôts provenant de corvées, à 3000 dînârs ; du marché des marchands de bric à brac, à 100 dînârs[36] ; du marché des chaudronniers, à 100 dînârs[37] ; du marché des charlatans, à 50 dînârs ; du marché des cuirs, à 50 dînârs[38] ; du marché du sel, à 1500 dînârs. Il permit aussi la fabrication des savons, dont jusqu’ici les sultans avaient le monopole.

Mais la meilleure chose qu’il fît, sous ce rapport, fut l’abolition de l’impôt sur la débauche. Le prélèvement de cet impôt, dont le produit était très considérable, était confié au gouverneur de la ville. (Certains de ses agents, chargés de le percevoir gagnaient jusqu’à 3 dînârs 1/2 par jour). Notre Seigneur Aboû Fâris, ayant fait cesser cette perception, abolit également l’impôt sur les joueurs de flûte et les chanteurs. De même encore il renonça à l’impôt prélevé sur les prostitués, tenus à des services dans le palais du Sultan, et ayant appris les vilaines pratiques de ces gens-là, il les chassa de tous les endroits de son royaume.

Au commencement de son règne il fit une incursion en Sicile, s’empara de la ville de Tirkouna (?) dont il abattit les murs et revint à Tunis avec beaucoup de butin et de prisonniers. Ses victoires et ses conquêtes dans l’Afrikya, où il s’efforça d’effacer les traces des précédentes guerres civiles, sont au plus haut point remarquables, rien ne saurait en donner une idée ! Il prit Tripoli, Gabès, Hammâ[39], Gafsa, Touzer[40], Nafta[41], Biskara[42], Constantine et Bougie. Il continua sa route victorieuse jusqu’au Saharâ et s’empara de Warkla, Gadâmes[43], de Tougourt[44].

Dieu agrandit sa gloire au point d’effacer devant lui la renommée des plus fameux conquérants arabes ou étrangers.



  1. C’était un des postes des plus importants de la Tunisie. Plus d’une fois, sous la dynastie des Beni Hafs, il fut occupé par des membres de la famille régnante.
  2. Comme nous l’avons déjà dit, le style d’Abd Allah, quoique correct en général, laisse beaucoup à désirer.
  3. Ou El Mahedia, à 328 kilomètres de Tunis, est encore une ville assez importante. Mais elle est bien déchue ; l’ancien port, dont on voit encore des ruines grandioses, est presque entièrement ensablé. La ville doit son nom à Obaid Allah, surnommé El Mahdi, fondateur de la dynastie des Fatimites, qui en fit la capitale de l’Afrikiya. Le géographe arabe Aboul Feda l’appelle une des plus belles villes du monde. Sous le règne de Abou’l-Abbâs Ahmad, dit l’auteur déjà cité, Ibn Aboû Dînâr, les Gênois et les Français (un autre auteur tunisien, El Mas‘oudi, dit les Génois et d’autres) arrivèrent en quatre-vingts bandes devant El Mahdîyya, où ils restèrent deux mois. Le sultan avant envoyé une armée contre eux, les obligea, après plusieurs batailles, de s’en retourner frustrés dans leur attente. D’après M. Abel Clarin de la Rive, Histoire générale de la Tunisie, p. 250, les Français, alliés aux Génois, étaient commandés par le duc de Bourbon Philippe d’Artois. À la remarque des Tunisiens, pourquoi les Français leur faisaient la guerre, les barons français donnèrent pour motifs que les Musulmans avaient crucifié Jésus-Christ et qu’ils ne croyaient ni au baptême, ni à la Vierge. Réponse qui faisait rire les Tunisiens, vu, disaient-ils, que ce n’étaient pas eux qui avaient crucifié Jésus-Christ, mais les Juifs.
  4. L’ancien Tapaca, à 667 kilomètres de Tunis, actuellement une petite ville, mais autrefois, à en juger d’après la description de El Bekri (p. 17), ville très belle, très importante. À la conquête de Gâbes, par Abou’l ‘Abbâs Ahmad, se rattache l’anecdote suivante : Le poète Bedr ed-Dîn ibn ed-Demâmînî, ayant composé une kasîda sur la prise de Gâbes, l’envoya d’Alexandrie, où il demeurait, à Tunis. Abou’l ‘Abbâs lui fit parvenir en récompense autant de dînârs que son poème contenait de vers. Le poète ayant refusé ce présent avec dédain, le messager eut l’heureuse idée de lui dire que le sultan lui accordait pareille somme chaque année. Remarque, ajoute ibn Aboû Dînâr, p. 142 du texte arabe, comme le marché des belles lettres est froid (sans débit) de nos jours, et comme il était bien achalandé (de bon débit) au temps des Abbassides quand on donna jusqu’à 1000 dirhems pour un seul vers. Il en fut ainsi pour Merwân ibn Aboû Hafsa, qui a reçu pareille somme au temps de Haroûn Ar-Raschîd. De nos jours, si quelqu’un s’amuse à faire de beaux vers, on lui donne en récompense un pot de terre. Note du traducteur. Au moment où j’écris ces lignes, j’apprends qu’un poète tunisien, ayant composé, en honneur du bey, un très beau poème, à l’occasion du Korbân Bairâm, vient de recevoir de S. A. Si Ali Bey, un présent de 800 piastres (500 francs).
  5. Ou plutôt Kafsa, l’ancien Capsa des Romains (voy. Salluste Jugurtha, LXXXIX), à 211 kilom. de Kairouân, dans une oasis d’environ 10 kilom. de circonférence, chaque jour davantage envahi par les sables. Très importante sous la domination romaine, comme l’attestent d’immenses ruines, considérable encore au temps d’Aboulfeda, qui l’appelle une capitale célèbre, Gafsa n’est plus qu’une petite ville. Les événements dont il est question ici sont racontés par tous les auteurs indigènes que nous avons consultés, mais tous ne les racontent pas dans le même ordre.
  6. Fin de juin 1394. On l’enterra dans la Kasba de Tunis (Al Mas‘oudi, p. 78).
  7. Aboû Fâris Azoûz (Masoudi) Mouley Bouféri, chez les auteurs occidentaux. Il monta sur le trône le lendemain de la mort de son père, et régna plus de 40 ans. Mort au commencement de 837 (fin de 1433), il fut enterré près de la maison de Sidi Maharez (un des plus grands saints de la Tunisie). Masoudi l’appelle la perle de la dynastie des Hafsides. Le règne de ce sultan est des plus remarquables et donne lieu à bien des observations (religion, légendes, mœurs).
  8. Un sauf-conduit.
  9. Proverbe arabe.
  10. Ce nom est diversement écrit dans les mss. Frânsi, Frânsîsek. L’Histoire générale de la Tunisie de M. de la Rive, p. 261, mentionne plusieurs voyages et missions de prêtres siciliens à Tunis, sous le règne d’Abou Fâris.
  11. Alphonse le Magnanime, 1416-1458.
  12. La plupart des mss. lisent : et Dieu. Du reste, cette fin de lettre présente beaucoup de variantes, et manque dans le texte imprimé.
  13. Le Korân.
  14. La tradition orale, que l’on peut comparer avec le Talmud, avec cette différence toutefois que dans la Sounna tout se rapporte à des paroles ou à des enseignements attribués au prophète. Le premier qui recueillit et réunit les diverses traditions, fût Mâlik ibn Anas, mort l’an 179.
  15. Fête instituée en l’honneur de la naissance du prophète et célébrée chaque année le 12 du mois Rabi‘I (troisième mois du calendrier arabe). Pour les Musulmans tunisiens, c’est la plus grande fête de l’année. La célébration solennelle en remonte probablement à Abou Fâris.
  16. Beau père de l’auteur.
  17. La Mecque.
  18. Médine.
  19. Il assigna aux habitants de l’Andalousie, chaque année, des aliments, etc. pour les aider à faire la guerre sainte contre les ennemis de la religion (Ibn Aboû Dînar, p. 144).
  20. Un M. dit : deux mille.
  21. La Kafiz est une mesure tunisienne du poids de 50 quintaux métriques.
  22. Le Dînâr d’or valait autrefois 4 1/2 piastres tunisiennes soit 2 fr. 70 de notre monnaie. Il n’existe plus et est remplacé par le Bou Khamsa, piécette d’or de 5 piastres. On calcule toutefois encore par Dînâr d’une valeur de 10 Kharouba soit, 40 centimes.
  23. Une Zâwiya, correspond à ce qu’on appelle en Algérie un Marabout. C’est une construction plus ou moins grande, plus ou moins bien dotée, qui renferme le tombeau d’un saint. Elle sert d’habitation à un personnage connu pour ses vertus ou par son savoir et qui est chargé d’employer les revenus des biens dont la Zâwiya est dotée à l’entretien du bâtiment et à celui des pauvres. La Zâwiya dont il est question ici n’existe plus. La porte de la marine (Bâb el Bahar) est une des principales portes de Tunis. Elle se trouve dans le quartier européen.
  24. Le foundouk est un bâtiment public, destiné à recevoir les marchandises. Le mot vient du grec πανδοϰεῖον.
  25. Le Bardo, magnifique palais du Bey à deux kilomètres de Tunis, est entouré des plus beaux jardins de la régence. Tout près on trouve le palais de Kasr Saïd, connu par la convention qui a placé la Tunisie sous le protectorat de la France. Actuellement il se trouve près du Bardo, trois petites Zawiya. Celle dont il est question ici est probablement la Zâwiya de Sidi Ali ben Amor.
  26. Par Al-Dâmous, mot qui en Tunisie a le sens de cave, les Tunisiens désignent les célèbres citernes de Carthage, trop connues pour les décrire ici. Le Djebel al-Khâwî est une petite montagne tout près de Carthage entre le cap Kamart et le cap de Sidi Bou Saïd. Il est possible que cette Zâwiya soit celle de Sidi Bou Saïd, autour de laquelle s’est construit un des plus pittoresques villages du monde et dont le territoire jouit d’une réputation de sainteté.
  27. Cette porte existe encore sous le même nom, mais l’aqueduc a disparu. On y a établi un autre aqueduc amenant dans ce quartier de Tunis les eaux de Zaghouân.
  28. Un Mousalla était un emplacement en dehors des villes ou, avant la fondation des grandes mosquées les musulmans se réunissaient pour la prière du vendredi et des fêtes. La fête, c’est-à-dire, la fête de la rupture du jeûne du ramadân. Je n’ai pas pu retrouver l’emplacement de ce réservoir.
  29. Cette bibliothèque que les successeurs d’Aboû Fâris n’ont cessé d’agrandir, passe encore pour une des plus importantes du monde musulman. Quand connaîtrons-nous enfin les trésors qu’elle renferme ! L’accès, ainsi que celui de la Djama‘ Zitoûna (Mosquée des Oliviers) en est encore rigoureusement interdit aux Chrétiens.
  30. Aboû Fâris avait fixé des heures pour la lecture et ordonné qu’aucun livre ne sortît de la bibliothèque (Ibn Aboû Dînar).
  31. Corresp. à l’année de notre ère 1420.
  32. Litt. pour l’amour de Dieu.
  33. Nous avons laissé cette énumération pour qu’on puisse se représenter l’importance du commerce de Tunis à cette époque. La plupart de ces marchés (ou Souk) existent encore sous les mêmes noms qu’au temps de notre auteur.
  34. Un Man. lit : 5000.
  35. Deux Man. : 3000, d’accord avec Ibn Aboû Dînâr.
  36. Quelques mms. 200.
  37. Ibn Aboû Dînâr dit : 1000.
  38. Un M. 3.
  39. Cette ville n’existe plus, mais le nom se trouve conservé dans un endroit pas très-loin de Gabes.
  40. Ou Tozer, ville dans une oasis, riche en dattiers, chef-lieu de la province tunisienne du Djerid. C’est l’ancien Tisurus.
  41. Ou Nefta, ville encore très-considérable, au sud de la Tunisie, également située dans une oasis des plus fertiles.
  42. Ou Biskra en Algérie.
  43. Ville autrefois de grande importance, dans une oasis. Il s’y trouve des ruines romaines.
  44. Dans la province de Constantine.