Le Pouvoir religieux au Thibet

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LE POUVOIR RELIGIEUX
AU THIBET
SES ORIGINES



Tandis que se déroulent les bruyantes péripéties de la guerre russo-japonaise, le monde asiatique est le théâtre d’une action plus silencieuse, mais non moins émouvante, capable d’exercer une influence considérable sur ses destinées. La mission britannique est entrée à Lhassa ; le Dalaï-lama, le dieu vivant, n’a pas trouvé de sortilèges assez puissants pour foudroyer les étrangers téméraires, aux portes, jusqu’ici inviolées, de la ville sainte. Il fuit devant les sacrilèges… l’idole vénérée par plusieurs millions de fidèles n’est plus qu’un pauvre souverain sans défense devant les armes perfectionnées des soldats occidentaux… le miracle attendu, escompté par la foi ardente de tout un peuple, ne s’est pas produit. Il y a là un fait dont la portée peut être immense et préparer un véritable bouleversement moral parmi la majeure partie des populations de l’Asie centrale.

On ne se doute guère, en Europe, de l’attraction extraordinaire qu’exerce, sur d’immenses populations, ce Thibet que les Occidentaux considèrent volontiers comme un état barbare dénué de toute importance. Cependant, de Peschaver, de Srinagar, de Darjeeling, de tous les points de l’Inde où l’on peut entrevoir, à des distances infinies, les cimes éclatantes de l’Himalaya, des hommes de toutes races, de toutes sectes se prosternent devant elles, saluant l’inaccessible Mérou des cosmogonies orientales, pivot de la terre et paradis d’Indra. Des rives de l’Amour, des bords du Baïkal, des confins du steppe tartare, des pèlerins partent et cheminent vers le Koukou-noor, vers les monts Kouen-loun. Au nord, au sud des fronts s’inclinent, de pieuses caravanes gravissent à six mille mètres au-dessus des houles de l’océan les vertigineux sentiers donnant accès au pays de leurs rêves mystiques…

Ce n’est pas au Dalaï-Lama seul qu’est due la singulière fascination émanant du « Pays des Neiges[1] ». Il est, par excellence, la terre de la magie, du merveilleux. Un monde de génies, de fées et d’enchanteurs a toujours hanté ses solitudes désolées. Les dévots voyageurs qui se hâtent vers Kra-sis-lhum-po ou vers Lhassa ont mille sujets, mille buts divers qui les attirent. Ce sont les lacs sacrés que les Dakinîs[2] effleurent de leurs robes éclatantes et dont les eaux limpides purifient de toutes souillures. C’est l’arbre de Kou-Boum, ce sont les abikheshas, les initiations mystérieuses ouvrant au fidèle les portes du monde des dieux et ce sont les dieux eux-mêmes, enfin, les dieux vivants et tangibles, répandus dans toute la contrée.

On trouverait difficilement, chez une autre nation, les traits qui caractérisent la mentalité thibétaine. Fanatisme, dévotion, religiosité, sont des termes inexacts impuissants à définir le sentiment réel que décèlent la littérature et les mœurs du « Pays des Neiges ». Il semble, plutôt, qu’à vivre si près du ciel ses habitants s’y soient rapprochés naturellement des hôtes surhumains qu’on lui prête et que, les coudoyant sans cesse, en un perpétuel prodige, ils rééditent cette ère de la Fable où les immortels descendaient de l’Olympe pour se mêler aux hommes.

§

Avant l’introduction du Bouddhisme, les habitants du Thibet, gouvernés par un roi, ne pratiquaient aucune religion proprement dite. Des sorciers, du genre des shamans de la Sibérie, évoquaient les génies pour connaître l’avenir, conjuraient les démons afin de les empêcher de nuire et se livraient à toutes les pratiques de nécromancie généralement usitées parmi les anciennes populations de race jaune. Or, rapporte la tradition, il arriva que, vers l’an 337, quatre objets tombèrent miraculeusement du ciel sur la terrasse du palais royal. C’étaient : 1o le simulacre de deux mains jointes ; 2o une châsse renfermant une pierre précieuse sur laquelle se trouvait gravée la fameuse formule : Aum mani padme om (c’est le cintamani, le joyau magique) ; 3o la représentation d’un chorten (petit édifice où l’on conserve des reliques) ; 4o un traité de morale religieuse, extrait du Khandjour : le « Vaisseau construit » (Zamatog).

Cet envoi mystérieux, dont nul ne pouvait expliquer la provenance ni le sens, était soigneusement conservé dans le trésor des souverains, lorsque l’un d’eux, le roi Lha-to-to-ri, ou Totori Nyan-tsan, vit, un jour, apparaître devant lui cinq étrangers qui lui révélèrent la signification des objets symboliques dont il était possesseur, puis disparurent soudainement sans laisser la moindre trace.

Ces faits, comme la plupart des épisodes légendaires, se placent à une époque indéterminée (vers le IIIe ou le IVe siècle). Il est possible que, dès cette époque, des missionnaires hindous ou chinois aient déjà pénétré au Thibet[3] ; toutefois, d’après des données historiques plus sérieuses, l’établissement réel du Bouddhisme dans le pays date d’une époque beaucoup plus rapprochée de nous (VIIe siècle).

Le monarque régnant sur le Thibet se nommait alors Sron-btsan-sgam-po. Déjà prévenu favorablement pour le Bouddhisme, il envoya dans l’Inde son ministre Thoumi-Sambhota accompagné de seize savants du royaume. Les émissaires avaient pour mission d’étudier les Écritures sacrées des bouddhistes, ainsi que la langue et les caractères alphabétiques hindous afin de combiner un système d’écriture pouvant s’adapter à la langue thibétaine.

Sron-btsan-sgam-po consacra toute la durée de son règne à la propagation des doctrines bouddhiques parmi ses sujets ; il publia notamment des édits tendant à réprimer l’emploi des pratiques de sorcellerie. Ses deux femmes, bouddhistes l’une et l’autre, le secondèrent énergiquement. La première était d’origine népalaise ; il avait épousé la seconde, une Chinoise, pour sceller un traité après une guerre où la victoire lui était restée. La tradition raconte, au sujet de cette dernière, qu’elle apporta de son pays une statue de santal, représentant Çakya-Muni, dont l’arrivée en terre thibétaine fut marquée par des prodiges éclatants.

Le roi Sron-btsan-sgam-po est le fondateur de Lhassa, la capitale actuelle ; sous ses prédécesseurs, la Cour résidait à Yar-lun. Ce souverain édifia aussi de nombreux monastères, temples et collèges, malgré, disent les chroniques, les obstacles que lui suscitèrent les génies et les démons, qui, jusque-là avaient seuls reçu les hommages du peuple et voyaient, avec colère, s’établir le nouveau culte qui mettait fin au leur.

En substituant le mot sorcier à celui de démon, on est fondé à croire ce récit véridique. Les magiciens, les nécromanciens de tous genres qui pullulaient au Thibet devaient, en effet, voir d’un mauvais œil l’intrusion d’une doctrine étrangère venant tarir la source de leur puissance et de leurs profits… Ils pouvaient, toutefois, se rassurer. Le « Pays des Neiges » était trop attaché à la magie grossière dont ils accomplissaient les rites pour qu’il lui fût possible de se passer d’eux. À maintes reprises, des monarques ou des réformateurs religieux tentèrent d’extirper les superstitions anciennes. Leurs efforts furent vains et le Bouddhisme ne triompha, chez les Thibétains, qu’en admettant, dans son sein, la majeure partie des croyances et des pratiques indigènes, en les renforçant même, plus tard, d’une foule d’éléments empruntés aux sectes civaïtes-yoguistes, en un mot, en ne conservant guère de bouddhiste que le nom.

Sron-btsan-sgam-po et les princesses Dolkar et Doldjang, ses épouses sont encore, de nos jours, l’objet d’une profonde vénération. D’après une croyance populaire, leurs esprits désincarnés résident dans une statue représentant Avalokiteçvara, que l’on montre à Lhassa. En outre, Doldjang est tout particulièrement invoquée par les Thibétaines stériles qui souhaitent de devenir mères.

§

Le VIIIe siècle vit l’arrivée au Thibet d’un des plus extraordinaires personnages que mentionnent les légendes orientales : Padmasambhava. Les particularités véritables de sa vie ont si complètement disparu, sous les épisodes fantaisistes des innombrables récits dont il est le héros que certains orientalistes sont tentés de voir en lui un personnage purement mythique. Cependant, l’époque, relativement récente, assignée à sa prédication, les ouvrages philosophiques qui lui sont attribués semblent établir son existence réelle.

Padmasambhava est, d’après la légende, une émanation, un fils né de l’esprit du Bodhisatva Amitâbha. Il ne fut point conçu par une femme, mais sortit miraculeusement d’un lotus[4] dans le palais du roi d’Indrabhûti, souverain du pays d’Oudyâma. Sa jeunesse offre de nombreux points de ressemblance avec celle de Çakya-Muni. Comme celui-ci, il est destiné au trône ; il surpasse en intelligence tous les jeunes gens qui l’entourent ; il épouse une princesse d’une extraordinaire beauté et, malgré tous les biens dont il jouit, il veut renoncer au monde pour obéir à une voix intérieure qui le lui commande impérieusement. Toutefois — et c’est en cela qu’il diffère de Çakya-Muni — la recherche à laquelle il désire consacrer sa vie n’est pas uniquement celle du « savoir » (la bôdhi). Ce qui lui tient à cœur, c’est la conquête des secrets magiques (les fameux « siddhis » dont il est tant question dans l’Inde) donnant à l’homme le pouvoir de commander à la matière sous toutes les formes qu’elle revêt : pierres brutes, nuages, animaux, impalpable éther, démons ou dieux.

Une action assez singulière le fit bannir des États de son père adoptif. Il foudroya plusieurs de ses compatriotes… Était-ce un malencontreux effet des connaissances occultes qu’il possédait déjà, mais dont l’application pratique ne lui était pas encore familière ?… On serait porté à le croire. Quoi qu’il en soit, il échappa à grand peine au supplice et seulement parce qu’il fut démontré que ses victimes avaient la conscience chargée de nombreuses et mauvaises actions. Une sentence d’exil fut rendue contre le maladroit apprenti thaumaturge. Lorsque ce jugement eut été prononcé, cinq Dâkinîs descendirent du ciel. Elles conduisaient un coursier prestigieux qu’elles amenèrent à Padmasambhava. Ce fut sur cette monture fantastique qu’il s’en alla, par le chemin des nues, vers le lieu où il devait préluder, par la retraite et les épreuves, à sa merveilleuse carrière d’apôtre et de magicien.

À ce départ, peu ordinaire, les légendes font succéder les aventures habituelles aux ascètes hindous : Padmasambhava acquiert la connaissance approfondie de toutes les langues, de tous les arts et de toutes les sciences[5], sans en excepter, bien entendu, la magie. Enfin, par mille travaux pénibles, et surtout par la puissance secrète dont il dispose, il conquiert une Dâkini et la possession de cette divinité achève l’initiation du héros. Cet épisode est, évidemment, symbolique.

Padmasambhava commence ensuite sa prédication. Ici, sa personnalité nous apparaît vraiment intéressante. Du cadre des récits fabuleux émerge, tout à coup, un de ces politico-religieux aux convictions peu étroites, peu précises… un ambitieux poursuivant le triomphe de sa secte et qui, fin connaisseur des hommes, passablement sceptique et très adroit, évite de heurter trop violemment leurs habitudes anciennes, s’accommode de leurs mœurs et même de leurs dieux que, selon les circonstances, il rattache à son système ou se donne pour garants.

Saint Paul n’en usa guère autrement envers les Athéniens lorsqu’ayant découvert, chez eux, un autel dédié à un dieu inconnu, il s’empressa de leur déclarer que le dieu qu’il leur annonçait était précisément celui-là. Les Jésuites, prêts à permettre aux Chinois de conserver, tout en devenant chrétiens, leur culte national au « Ciel », sous prétexte que ce ciel était la demeure du dieu qu’ils leur prêchaient et tant d’autres, enfin, ont largement pratiqué la même méthode ; mais aucun d’eux, sans doute, avec autant de hardiesse que Padmasambhava.

Le Padma-tanyig (ouvrage consacré à la biographie de Padmasambhava) renferme, parmi de pittoresques descriptions, de curieux détails sur la façon de procéder du grand apôtre. Je ne puis mieux faire que d’en citer quelques fragments :

« Nous trouvons dans le pays de Djamboumale environ seize millions de villes. Au milieu du pays s’élève l’arbre nommé Djambouvriksha[6], il est comme l’axe du Djamboudvîpa[7] méridional ; sa hauteur est de quatre mille « tours », il est immense. Il compte seize branches principales, le nombre des petites dépasse toute imagination. Ses feuilles sont molles comme la soie la plus fine et d’un gris rougeâtre. Sa fleur brille comme l’or. Son fruit a de nombreux noyaux de la grosseur d’un œuf d’oie et de différents goûts très agréables. Son jus est jaune et coule comme le beurre fondu. Il guérit toutes les maladies… Les habitants de la contrée se nourrissent des fruits de l’arbre. Leur roi est un déva (dieu), il appartient à la dynastie de Jayajn. Comme ce peuple était attaché aux huit Mâyâsurtas (livres religieux) et à la Loi qui y est développée, Padmasambhava, après un long séjour dans le pays, « tourna la roue » (expression de la phraséologie bouddhique qui signifie prêcher) de la Loi du Vajranyânamalatantramâyâjala. Il eut un grand succès et gagna un nombre immense de convertis à la religion. »

De là, le missionnaire se rend dans le pays de Prabatadvîpa : « Le peuple y mangeait de la viande et préférait le gibier à toute autre nourriture… Yama (dieu des enfers) y était tout puissant… Les habitants suivaient la Loi du Manjuçri noir, Padmasambhava leur « tourna la roue » de Manjuçri… »

« Puis il alla dans le pays de Mâgapotaddipa… Le pays possède des forêts fournissant des fleurs en abondance ; on y récolte aussi une énorme quantité de lotus. La population s’en sert comme aliment. Elle révère Padmapâni (Avalokiteçvara)… Padmasambhava lui « tourna la roue » d’Avalokiteçvara… »

Il est inutile de prolonger cette citation. Elle suffit à démontrer ce que j’avançais plus haut : que le célèbre docteur présentant sa doctrine sous le patronage de la divinité la plus honorée dans la contrée où il se trouvait mêlant les pratiques bouddhiques à celles des religions nationales, instituait, en réalité, autant de Bouddhismes différents qu’il rencontrait de cultes divers.

Témoin des obstacles que les « démons » ne cessaient de susciter à la propagation du Bouddhisme, un des disciples de Padmasambhava, Çanta-rakshita, qui vivait à la Cour thibétaine, engagea le roi Krisron-lde-Btsan à demander le secours de son illustre maître. L’apôtre, sur le désir exprimé par le souverain, se rendit au Thibet, y vainquit les démons locaux et assura la prédominance des doctrines bouddhiques.

D’après ce que nous savons des procédés habituels de Padmasambhava nous pouvons imaginer que sa victoire fut, surtout, faite des concessions accordées au « démons » et à leurs représentants à qui il laissa une place honorable dans l’Église. Par le mélange qu’il fit de la métaphysique bouddhique et des superstitions thibétaines, il peut être considéré comme le véritable fondateur du lamaïsme, qui diffère si complètement des autres sectes d’origine bouddhique.

La fin d’un tel personnage ne pouvait, selon l’invariable coutume des biographes orientaux, être que surnaturelle ; aussi ne possédons-nous sur ce sujet que des légendes extravagantes :

Le sage, estimant son œuvre achevée, avertit le roi qu’il va quitter le Thibet afin de poursuivre plus loin sa propagande. Accompagné du souverain, de la Cour et d’une masse considérable de disciples, il se dirigea vers la frontière du Népal. Quand il y fut parvenu, un nuage et un arc-en-ciel se montrèrent. Au milieu du nuage on vit un cheval ; ce cheval portait une selle d’or et d’argent. Les oreilles frémissantes, il descendit vers la terre. Il hennit et, dans son hennissement, on entendit : « Voici un trône d’or, un trône de jade. Le nom de ce cheval est roi des chevaux » (Valâha). Une troupe nombreuse de Dâkinis entourait le cheval… Padmasambhava, s’élevant du sol, alla à leur rencontre : « Roi, reine, et vous tous qui avez embrassé la doctrine, dit-il, persévérez dans la justice. Je vais vers le couchant… Je veux gagner les Râkshasis (démons féminins) à la doctrine du Bouddha… La vie éternelle est à qui a l’amour… Je vous garderai à jamais !… »

« Il sauta alors sur le cheval qui s’élança à travers les nues. Le roi et sa suite le suivaient des yeux en pleurant à haute voix. Alors Padmasambhava se retourna et ajouta : « Restez fidèles à la doctrine comme si vous étiez en face de la mort et des maladies. Si vous aspirez à la paix éternelle, vouez-vous à la doctrine… Il ne vous est point permis de me suivre… Vous me retrouverez… On me cherchera sans fin !… »

« Il parla ainsi, puis il s’éleva. Le roi et sa suite étaient tels que des poissons sur le sable… Lorsqu’ils regardèrent, en suivant le saint, ils le virent grand comme un corbeau. Lorsqu’ils regardèrent encore, ils le virent comme une rousserole ; la troisième fois, il ressemblait à une mouche ; ensuite il devint trouble et vague, grand comme un œuf de pou et, lorsqu’ils regardèrent de nouveau, ils ne le virent plus !… »

Bien que l’Église lamaïque actuelle soit directement issue de la réforme opérée par Tson-ka-pa, dont je parlerai plus loin, Padmasambhava est toujours honoré au Thibet. Toutefois, c’est plus au titre de magicien éminent qu’à celui d’apôtre bouddhique qu’il continue à être l’objet d’une vénération superstitieuse. Les lamas de l’Église jaune (église réformée) affectent volontiers une sorte de dédain pour sa personne, mais, en revanche, les fidèles de l’Église rouge (ancien rite), les sorciers, les devins, les conjurateurs de démons lui vouent un culte particulier. L’une des femmes du héros, la princesse Mandârava, est également le sujet d’une dévotion spéciale. Un temple lui est encore actuellement consacré.

§

Vers la fin du XIe siècle, le roi Lan-dar-ma persécuta les bouddhistes. Ils força les moines thibétains à se marier, ferma les temples et brûla les livres sacrés ; mais le bouddhisme était déjà trop fortement implanté dans le pays pour pouvoir être détruit de cette manière. Le souverain persécuteur ne réussit qu’à provoquer l’indignation de ses sujets. Un dévot, halluciné ou imposteur habile, prétendit avoir reçu de la déesse Çridevi l’ordre de le mettre à mort. Il lui décocha une flèche qui le tua.

L’arrivée du célèbre docteur hindou Atisha (1042) et des savants religieux qui l’accompagnaient redonna un nouvel essor aux théories religieuses des écoles trans-himalayennes. À cette époque, les démons et génies indigènes, avec qui Padmasambhava avait conclu un si singulier compromis, reprenaient toute leur importance primitive et le peuple, revenu insensiblement à ses anciennes coutumes, délaissait l’élément philosophique et moral représentant la partie d’importation bouddhiste dans la religion thibétaine, pour y faire prédominer les pratiques de sorcellerie.

Atisha et ses disciples luttèrent fortement contre cette tendance et parvinrent, jusqu’à un certain point, à ramener la population aux doctrines spirituelles… Ce fut pour peu de temps. Au XVIe siècle, non seulement les laïques mais la grande majorité des membres du clergé n’étaient plus préoccupés que de magie et les exercices du culte, la méditation, les sermons sur les textes bouddhiques avaient fait place à des parades grossières, des tours de prestidigitation et des jongleries de toutes natures par lesquels les prêtres affirmaient leurs relations avec le monde des démons et des dieux.

Ce fut alors que parut celui qui devait être le Luther de l’Église lamaïque, le fameux Tson-ka-pa.

Tson-ka-pa naquit vers 1355 dans la vallée des Oignons (vallée de Tson-ka)[8] près des rives du Lac Bleu, sur le territoire d’Amdo, en Mongolie. Érudit, connaissant à fond toutes les Écritures sacrées, passant pour entretenir un commerce surnaturel avec les Bouddhas et les Bodhisatvas, il se vit bientôt entouré de nombreux disciples. Il rompit alors ouvertement avec le clergé thibétain, censura ses mœurs et ses pratiques et s’éleva particulièrement contre le mariage des prêtres et la sorcellerie. Son vaste savoir le rendit victorieux dans toutes les controverses que ses adversaires voulurent engager avec lui. Il fonda, non loin de Lhassa, les monastères de Se-ran et de Ga-ldan et se chargea lui-même de la direction de ce dernier. La nouvelle secte prit le nom de « Secte de la Vertu ». Comme signe distinctif, Tson-ka-pa imposa à ses adeptes le bonnet jaune qui est, encore de nos jours, la coiffure des prêtres célibataires de l’Église lamaïque et les distingue de leurs collègues appartenant aux anciennes sectes, non réformées, qui portent un bonnet rouge (d’où les désignations familières d’Église jaune et d’Église rouge).

Le corps du réformateur, conservé dans une châsse d’or, est toujours vénéré dans le couvent de Ga-ldan. Les très nombreux pèlerins, dévots à la mémoire du saint, se rendent aussi au lieu de sa naissance où s’élève la merveille des merveilles, l’arbre aux cent mille images.

Deux légendes ont cours à son sujet : d’après l’une, cet arbre aurait abrité la maison dans laquelle Tson-ka-pa vit le jour ; selon la seconde, il est né des cheveux que le grand docteur se coupait et jetait à terre. Quelle qu’en soit l’origine l’arbre — un sandalier blanc — porte, dit-on, sur chacune de ses feuilles l’image du Bouddha Simhanâda (le Bouddha à la voix de lion représenté assis sur un lion couché) ou la formule magique (dhâranî) par laquelle on le conjure (la Simhanâdadhâranî).

Depuis cinq siècles, la foi en ce prodige se maintient vivace. Des multitudes, appartenant aux races les plus diverses, se sont succédé sur le lieu du miracle et pas une seule voix ne s’est élevée pour démentir l’existence des images imprimées sur les feuilles merveilleuses. Il s’agit, cependant, semble-t-il, d’un fait bien simple à contrôler et, tous ceux qui ont fait le pèlerinage affirment énergiquement avoir vu de leurs yeux et touché de leurs mains les empreintes mystérieuses. Le fanatisme, pourra-t-on penser, crée bien des illusions… Or, voici que des Occidentaux, des incroyants, pis encore, des adversaires, par profession, des superstitions thibétaines, des missionnaires catholiques[9], joignent leur témoignage à celui des dévots lamaïstes. Ils ont vu l’arbre de Kou-boum (cent mille images) et tiennent sur lui les mêmes propos étranges que j’entendis tomber, un soir, des lèvres d’un très vieux lama, devant un petit temple campagnard dont l’humble silhouette se détachait sur le fond majestueux des cimes du Kintchindjinga.

De toutes les réformes de Tson-ka-pa, peu de chose devait rester. De son vivant même, il lui fallut se résigner, pour ne pas compromettre le succès de sa secte, à entrer en composition avec ses adversaires, les « bonnets rouges ». La grande autorité dont il jouissait permit, cependant, au saint abbé de Ga-ldan de grouper, sous son obédience, la majeure partie des communautés religieuses ; mais celles-ci, bien qu’elles gardent toujours le souvenir du réformateur et le bonnet jaune distinguant ses disciples, sont encore une fois revenues à leurs anciens errements, et la magie, sous ses formes les plus grossières, prédomine de nouveau au Thibet.

§

Bien que les Dalaï Lamas actuels prétendent être les successeurs, en ligne directe, de Tson-ka-pa — ce qui est d’ailleurs exact — ni la puissance temporelle qu’ils exercent, ni le caractère quasi-divin que l’on prête à leur personnalité ne leur ont été légués par leur illustre devancier.

Celui-ci fut, uniquement, un chef religieux. Les Thibétains le reconnaissaient pour un savant versé dans la connaissance des sciences profanes et des Écritures sacrées, un saint en relations familières avec les génies, les bodhisatvas et les plus éminents des docteurs défunts de l’Église lamaïque. Ils n’allèrent pas plus loin. Quelques disciples, plus enthousiastes, avancèrent, peut-être, timidement, que l’esprit d’un grand homme du passé ou d’un déva bienfaisant animait leur maître ; mais, de son vivant, Tson-ka-pa ne se vit jamais reconnaître officiellement une nature surhumaine. Au point de vue matériel, il ne détint jamais, non plus, le pouvoir suprême qui restait, de son temps, entre les mains du roi.

Ce fut vers 1439 que les moines du monastère de Potala[10], à Lhassa, déclarèrent, pour la première fois, que leur supérieur Ge-dun, neveu et disciple de Tson-ka-pa, possédait en lui l’esprit réincarné du Bodhisatva Padmapani (en thibétain Chenrési) et que ce même esprit continuerait à se réincarner, en chacun de ces successeurs, pour donner à l’Église des guides divins.

Cette innovation paraît avoir été accueillie favorablement par les fidèles. La croyance aux réincarnations composant le fond des doctrines bouddhiques, la prétention émise par les supérieurs du couvent de Potala ne heurtait point les idées admises. Seules, peut-être, l’extraordinaire clairvoyance que s’attribuaient les religieux en discernant Chenrési sous l’enveloppe corporelle de leur abbé et leur singulière affirmation que ce même Chenrési animerait perpétuellement le prieur des lamas de Potala, eussent pu susciter des doutes et éveiller la défiance des Thibétains. Il ne semble point qu’ils soient entrés dans cette voie. Leur amour du merveilleux, l’attachement que, malgré les efforts réitérés des apôtres bouddhistes, ils conservaient pour ce monde occulte de génies et de démons dont ils peuplaient les solitudes arides et les monts fantastiques du « Pays des Neiges » ont dû leur rendre agréable la pensée que le sublime Chenrési habiterait désormais parmi eux.

Grâce à son intervention charitable, en effet, ce ne devait plus être seulement à travers les odorantes volutes de fumée montant des tables à offrandes, ou dans les demi-ténèbres des grottes éclairées par les flammes dansantes des brasiers magiques, qu’un petit nombre de privilégiés entreverraient les formes imprécises des mystérieuses déités. Sous les traits d’un saint moine, le dieu se montrerait à tous. Chacun pourrait se prosterner devant lui dans la grande lumière du plein jour, toucher du front le bout de ses souliers de feutre rouge et le voir accepter ses dons pieux !… L’insatiable dévotion du peuple thibétain ne pouvait qu’être ravie de la combinaison.

Les simples supérieurs de monastères, que l’imagination intéressée des moines avait transformés en idoles vivantes, ne tardèrent pas à jouir d’un prestige qui éclipsa celui des souverains du pays. En possession de la puissance morale, les Dalaï Lamas n’avaient qu’un pas à franchir pour s’emparer de la puissance matérielle. N’étaient-ils pas des dieux… la royauté ne leur revenait-elle pas de droit ?… La tentation était trop grande pour qu’ils pussent y résister. Dès lors, nombre de difficultés, sans cesse renaissantes, s’élevèrent entre les deux autorités thibétaines. Le Pouvoir laïque, représenté par le roi, lutta énergiquement contre les empiétements du Pouvoir religieux. La guerre civile éclata. Ce fut à ce moment que l’un des papes de Lhassa : Nga-vang-Lo-bgang Gyam-tso, pour brusquer l’issue des hostilités, appela à son aide les tribus mongoles disséminées sur les rives du lac Bleu. Le roi fut vaincu (en 1640) et les Mongols laissèrent le Dalaï Lama s’emparer de l’autorité souveraine qu’il exerce encore de nos jours.

§

Le Thibet, ai-je dit, est une théocratie. Ce terme, qui nous reporte aux temps reculés où l’histoire confine à la Fable, évoque, en notre esprit, l’idée d’un pouvoir absolu détenu par un pontife dictant ses ordres au nom d’une divinité. Combien, dès lors, sera-t-on porté à croire à l’étendue illimitée de l’autorité concentrée entre les mains du chef de l’État, lorsque ce chef est un dieu lui-même !

L’on aurait tort de se baser sur ces déductions, cependant logiques, pour se former une idée de la façon dont sont gouvernés les Thibétains.

La théorie répond bien à ce que l’on s’imagine. Le Dalaï Lama est effectivement considéré comme l’autocrate par excellence, non seulement souverain, mais possesseur, sans partage, du pays entier et de tout ce qu’il contient. Les productions naturelles du sol, tant végétales que minérales, les animaux sauvages aussi bien que le bétail, les marchandises diverses, les produits, quels qu’ils soient, du travail des habitants, et ces habitants eux-mêmes, enfin, passent pour appartenir, de droit, au Dalaï Lama. En principe, celui-ci peut, à son gré, disposer de tous ses sujets, leur enlever les richesses qu’ils ont acquises, diviser les familles, les transporter d’un lieu dans un autre et leur réclamer, aussi souvent qu’il le juge bon, tels impôts qu’il désire. Mais, il y a loin, très loin de la pratique à la théorie. Au lieu du despote que l’on se figure volontiers, l’idole vivante de Lhassa n’est, bien souvent, qu’un instrument inerte aux mains de son entourage.

En réalité, le Gouvernement civil du Thibet se compose, en dehors du Dalaï Lama, d’un vice-roi et d’un conseil suprême comprenant quatre principaux ministres et seize autres dignitaires. Au-dessous de ces personnages existe une quantité de fonctionnaires classés hiérarchiquement et préposés aux différents services de la Justice, du Commerce, des Finances, etc. De plus, la Chine, qui prétend exercer sa suzeraineté sur le pays, y entretient des représentants dont l’influence et les prérogatives sont considérables. On voit, d’après ces quelques détails, que la théocratie thibétaine, pourvue de lois, de réglementations minutieuses, en proie à des nuées de délégués, de tous grades, du Pouvoir central, ne diffère pas autant qu’on serait porté à le croire de nos pays occidentaux.

Malgré le peu d’autorité effective que conservent les Dalaï Lamas, la Chine, d’une part, le haut clergé thibétain, de l’autre, redoutent constamment la présence sur le trône des pontifes-rois, d’une individualité trop personnelle et trop énergique qui pourrait être tentée de se soustraire à leur tutelle. Obvier à ce danger est chose difficile, en apparence. En effet, un Dalaï Lama ne s’élit point par un vote, comme un simple pape romain. Lorsqu’un Bouddha vivant quitte le palais de Potala pour l’un des multiples séjours paradisiaques des lamaïstes, l’esprit divin qui l’animait se sépare de sa dépouille pour élire domicile en un autre mortel. L’on comprend immédiatement que, selon ce système, le nouveau Dalaï Lama doit être né après la mort de son prédécesseur (49 jours, au minimum, après cette mort, dit le code ecclésiastique). La difficulté consiste à reconnaître, parmi les enfants venus au monde dans le délai canonique, celui en qui s’est réincarné l’esprit (en thibétain, le Prulba ; le terme n’est pas absolument équivalent de Chenrési). Des cérémonies magiques répétées, la consultation des génies, l’examen des signes spéciaux que portent les nouveau-nés, sans oublier les avis impératifs des mandataires de la Chine et ceux de la coterie la plus influente de la Cour lamaïque, finissent par découvrir l’heureuse famille que le bodhisatva a honorée en l’un des siens.

L’enfant est alors transporté, en grande pompe, dans le monastère de Ri-rgyal-po-bran, où il demeure, avec ses parents jusqu’à l’âge de quatre ans. À cette époque, ceux-ci sont congédiés et la petite divinité, qui leur est définitivement enlevée, fait son entrée solennelle au couvent de Potala, où elle commence son noviciat. À sept ans le jeune garçon est moine profès et abbé de Potala.

Astreints à de longues heures d’étude, à une discipline sévère, les pauvres enfants-idoles traînent, le plus souvent, des jours misérables au milieu des manifestations de religieux respect dont ils sont entourés. Autour d’eux les compétitions des hauts dignitaires ecclésiastiques, les luttes perpétuelles d’une foule d’intérêts rivaux font, de leur royale demeure, aux colonnades et aux coupoles d’or, un lieu troublé et sans grande sécurité pour leur auguste personne… Les « Précieuses Majestés » (Gyelva Rinpoche) atteignent, paraît-il, rarement l’âge adulte… Le Dalaï-Lama actuel fait cependant exception. Renversant les rôles, il passe pour avoir empoisonné le régent qui gouverna pendant sa minorité.

§

Malgré son caractère tout à fait particulier, la Cour de Lhassa n’est pas le majeur sujet d’intérêt présenté par le « Pays des Neiges ». Ce qui mérite de retenir notre attention, c’est la mentalité, unique au monde, d’un peuple où la moitié, peut-être, de la population mâle appartient au sacerdoce.

Cette proportion semblera invraisemblable ; quelques chiffres serviront à l’appui de mon dire.

Sans parler de Lhassa dont les monastères renferment 18.500 lamas contre 15.000 laïques habitant la ville, il résulte des données recueillies à diverses sources que Ladak possède un lama pour treize laïques[11]. Dans la vallée de Spiti on compte un lama pour sept laïques[12]. Nous voilà, certes, encore loin du partage égal de la population mâle ; mais il faut considérer premièrement que ceux-là mêmes qui nous fournissent ces chiffres déclarent qu’ils sont, certainement, de beaucoup inférieurs à la réalité, en ce qui concerne les religieux, et qu’ils ont dû s’en contenter faute de meilleurs moyens d’investigation, secondement, que, sous la désignation de laïque, l’élément féminin est englobé. Ces évaluations ne portent, du reste, que sur les bonzes vivant habituellement en communauté ; elles ne comprennent pas la masse des lamas pèlerins, si considérable dans le Thibet, la Mongolie, la Mandchourie et les territoires avoisinants. En sont également exclus, les lamas isolés, ascètes, ermites ou simples paysans restés dans leur village après leur ordination. Personne ne les a jamais régulièrement dénombrés. Il suffira, pour donner une idée de la véritable armée qu’ils doivent former, de se rappeler que, dans la majeure partie des familles tartares, l’aîné des fils seul demeure laïque, tous ses frères sont, dès leur plus jeune âge, destinés à la vie religieuse. Enfin, les « bonnets rouges », c’est-à-dire les prêtres mariés, n’appartenant pas à l’église réformée ne sont point compris, non plus, dans les chiffres cités. Il en est de même des ministres attachés au culte des anciennes divinités d’origine non bouddhique, des sorciers de tous genres, etc. On voit, à ce compte, la forte proportion qu’il faut encore défalquer du nombre déjà si faible des laïques, dont j’ai donné un aperçu plus haut.

Cette multitude de religieux contribue à donner aux mœurs thibétaines un caractère tout à fait spécial qu’on chercherait vainement ailleurs. Tant par tendance naturelle que sous l’influence de leur nombreux clergé, les habitants du « Pays des Neiges » se sont créé une quantité prodigieuse de sujets de dévotion. Toute leur vie est enveloppée d’une atmosphère de religiosité sans égale. Les nuages, le vent, les montagnes, les lacs leur parlent de personnages fantastiques toujours prêts à intervenir dans les affaires des hommes. Leurs voyages sont de perpétuels pèlerinages et, lors même que le négoce en est le seul but, la caravane ne manque pas de marquer chaque étape, chaque tournant de route, chaque sommet, laissés derrière elle en y plantant une banderole de prière couverte d’inscriptions magiques, en gravant sur un rocher un symbole mystique, un charme, une évocation !… Les plus arides solitudes thibétaines, les cols les plus élevés, les sentiers où seules les brebis ont le pied assez sûr pour servir de bêtes de charge sont ainsi jalonnés de figures étranges, de formules mystérieuses, de lambeaux multicolores que le vent effiloche et que la piété des fidèles renouvelle sans cesse, afin qu’à chaque claquement de l’étoffe qui s’agite des dhâranîs puissantes s’envolent dans l’espace.

C’est à travers ce pays peuplé de dieux et de magiciens que s’est aventurée la petite caravane anglaise. Sous les regards hostiles des vieux génies embusqués sur son passage, elle a traversé les régions enchantées où la bise répète des paroles magiques, où, sur les pierres des chemins, des charmes sont gravés… Tandis qu’elle s’acheminait ainsi vers les demeures des idoles vivantes, d’innombrables sortilèges ont dû, certainement, être jetés sur elle pour arrêter ses pas ou lui fermer le chemin du retour. La longueur du voyage, le dur climat de ces hautes altitudes faciliteront, sans doute, beaucoup leur œuvre et serviront les colères des dévots alarmés. Dans les froides solitudes thibétaines, plus d’un soldat d’Albion restera à jamais étendu, victime expiatoire aux divinités courroucées dont il viola l’empire. Mais la légende est morte, la foi au merveilleux ébranlée. Le souvenir de la défaite du Bouddha vivant restera en bien des âmes. La haine de l’étranger profanateur ne remplira pas à elle seule le cœur des croyants, le doute se glissera en beaucoup d’entre eux. Ce n’est, certes, pas en un jour que les nombreux fidèles lamaïstes abandonneront le culte singulier de leurs moines déifiés, mais le prestige de ceux-ci sera gravement atteint. Quelle plus triste posture imaginer, en ce pays épris de miracles, que celle du pauvre dieu, dont la colère impuissante n’a pas su foudroyer, au pied de son autel, les insolents téméraires qui l’ont bravé !…

ALEXANDRA MYRIAL.
  1. Nom donné au Thibet dans la littérature bouddhique. Thibet est, d’ailleurs, une dénomination que les Occidentaux ont seuls adoptée et dont les Thibétains ne se servent pas. Ceux-ci appellent leur pays Bod-Yout (pays des Bods), les Chinois le désignent sous le nom de Si-Tsung et les Mongols sous ceux de Tangout et de Bardn-Vola.
  2. Déesses.
  3. Une première tentative de prédication bouddhique semble, en effet, avoir eu lieu dans le courant du IIe siècle avant notre ère.
  4. C’est ce qu’exprime son nom sanskrit Padma-sambhaya.
  5. On remarquera en passant que, contrairement à ce que nous constatons dans les religions occidentales, les Hindous, aussi bien que les peuples de race jaune, ne conçoivent point le type du saint ignorant à l’esprit borné. Chez eux la sainteté comprend, nécessairement, un vaste savoir et la perfection morale est le résultat d’une connaissance approfondie de la véritable nature des choses.
  6. L’arbre Djambou de la cosmogonie hindoue.
  7. L’Inde.
  8. D’où le surnom de Tson-ka-pa (natif de Tson-ka) sous lequel il est généralement connu. Les ouvrages sanskrits le nomment Aryamahâratna Sumatîkirti. Son nom de moine est, en thibétain, Je-rin-po-ce-blo-bzan-grags-pa.
  9. Huc et Gabet.
  10. Cet immense et somptueux monastère, résidence actuelle des Dalaï Lamas, se trouve situé en dehors de Lhassa, sur une montagne nommée Pota-la. Le véritable nom du couvent est Nam-rgyal-cos-sde.
  11. Cunningham.
  12. Major Hay.