Le Poème sans nomBibliothèque-Charpentier (p. 266).
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Combien d’êtres vivants moururent sans un cri
Dans ma propre enveloppe et sous ma propre écorce ?
Le faible enfant, l’adolescent croissant en force
Et par l’amour prématuré déjà flétri ;

Puis l’homme en son premier espoir déjà meurtri ;
Puis cet autre homme que je fus, d’âme retorse
Et qui lançait si bien sa dangereuse amorce…
Combien de ces vivants en moi-même ont péri ?

Mais de ce faible enfant, de l’adolescent même,
Soulevé d’idéal, chimérique à l’extrême,
Et des hommes aussi que je fus tout d’abord.

Si la mémoire en moi se dispersa si vite,
Il reste, néanmoins, ceci, qui n’est pas mort :
Et c’est ce cœur ardent qui sous ma main palpite !