Le Poème sans nomBibliothèque-Charpentier (p. 192).
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CLIII


Tu ne sais rien de cette haine, au demeurant.
Elle serait pour ton orgueil une pâture
Qui te consolerait — trop, je le conjecture.
Mais nul ne la connaît ; nul, donc, ne te l’apprend.

Pour ma part, je sais, moi, que ton dépit est grand
D’avoir été par moi conduite à la rupture ;
Et ton tourment, je dirai même ta torture,
Depuis ce jour, est de me croire indifférent.

Que tu ne comptes plus pour moi, c’est ta pensée
Constante et dans ton sein comme un dard enfoncée !
Et, puisqu’il suffirait pour que ton sein guérît

Que ma haine te fût connue, eh bien ! ma haine,
Je la cèle en mon cœur ainsi qu’en mon esprit
Comme un double poignard dans une double gaine !