Œuvres de Jean LahorAlphonse Lemerre, éditeurL’Illusion (p. 176-177).
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LE POÈME


Allah est le feu, l’air et la terre ; Allah est dans tout.
(Mystiques persans.)

 
Le soleil est ma chair, le soleil est mon cœur,
Le cœur du ciel, mon cœur saignant qui vous fait vivre ;
Le soleil, vase d’or, où fume la liqueur
De mon sang, est la coupe où la Terre s’enivre.

Les astres sont mes yeux, mes yeux toujours ouverts,
Toujours dardant sur vous leurs brûlantes prunelles,
Et mes grands yeux aimants versent sur l’univers,
Sur vos brèves amours, leurs clartés éternelles.

Les vents sont mes soupirs, les vents sont mes baisers ;
Je suis le souffle, l’air, et vous êtes la flamme,
Et vous êtes pareils aux charbons embrasés,
Quand, l’été, mes soupirs ont passé sur votre âme.

Les fleurs sont mes désirs, les fleurs de toutes parts
Tendant vers vous leurs longs regards pleins de délices ;
Les fleurs sont mes désirs, les fleurs sont mes regards,
Et vous buvez mon rêve au fond de leurs calices.


Je suis l’amour, l’amour qui tourmente les flots,
Soulève et fait vibrer les océans immenses,
Et la chaleur, par qui les germes sont éclos,
Et le printemps, qui fait se gonfler les semences.

Je suis dans tout, je suis la fraîcheur de la nuit,
Et je suis dans l’éther la lune qui vous aime,
Et l’ouragan aussi, l’éclair ardent qui luit ;
Car la création entière est mon poème,

Est un poème étrange où se mêlent des pleurs,
Et dont vous, ô mortels, vous êtes les pensées,
Ô vous qui partagez ma joie et mes douleurs,
Et l’ennui des éternités déjà passées !