Le Parnasse contemporain/1876/Ballade

Le Parnasse contemporainAlphonse Lemerre [Slatkine Reprints]III. 1876 (p. 428-429).




GABRIEL VICAIRE

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BALLADE


Vous souvient-il du bon vivant,
Rougeaud comme jambon en foire,
Qui s’ébaudissait au couvent
Du petit Saint-André-sur-Loire ?
Il ne lisait aucun grimoire,
Mais noyait, en franc déchaussé,
Au fond du pot son a b c.
Las ! le deuil est au réfectoire,
Frère Panuce est trépassé.

Le bon diable ! Aux fêtes d’Avent
Comme il jouait de la mâchoire !
Il s’en allait, flairant le vent,
Du côté de la rôtissoire.
S’il buvait sec, on le peut croire.

Même un jour il fut ramassé
Chantant la messe en un fossé.
Gare le jeûne en Purgatoire !
Frère Panuce est trépassé.

Pour les fillettes, sous l’auvent
Leur en a-t-il.... ! La bonne histoire !
Toujours il allait de l’avant,
Sans compter que dame Victoire
Avait la clef de l’oratoire.
A l’enseigne du Pot-cassé
Il a maintes fois confessé,
Mais à présent fermez l’armoire.
Frère Panuce est trépassé !


ENVOI


Que chacun dise à sa mémoire,
Une oraison jaculatoire,
Et requiescat in pace !
Puis à la cave. A boire, à boire !
Frère Panuce est trépassé.