Le Parfum des prairies (le Jardin parfumé)/9


CHAPITRE IX

DES DIFFÉRENTS NOMS
DU SYSTÈME DES FEMMES


Écoutez, Seigneur Vizir, que Dieu comble de ses faveurs !

Le système des femmes a bien des noms, en voici quelques-uns : El Fordj, l’entrée ; El Keuss, la motte ; El Zehnoun, El Enss, El Zorzor, l’oiseau ; Bou Tortoura, le plumet ; Bou Crichoum, le grand nez ; Oul Confouth, le hérisson ; El Sacoutzi, le silencieux ; El Dekeque, le profond ; Oul Ezoquil, le brûlant, Oul Fichefeche, le bruyant ; El Sebah, le lion ; El Telab, qui demande toujours ; El Assou, le joli ; El Nefar, le palpitant ; Bou Djebah, l’élevé ; Oul Zelour, le puant ; Oul Louessah, le large ; El Arid, le grand ; Bou Belram, le gros ; El Megaar, le profond ; Bou Chelatzine, les lèvres ; Bou Angra, la montagne ; Oul Relbal, le remuant ; Oul Ezez, qui se balance ; Oul Sodi, qui se retire ; Oul Mahïn, qui aide ; Oul Meritz, qui s’effraie ; Oul Mesboul, qui s’étend ; Oul Moulaké, le goulu ; Oul Monkebel, le rapproché ; El Arap, le fuyard ; El Sabear, le mort ; El Laly, le haut ; El Messelar, l’uni ; Oul Meroneur, le puits ; El Atat, l’enragé ; et beaucoup d’autres.

Et les zouques s’appellent ainsi pour les causes suivantes :

D’abord Fordj, l’entrée, parce qu’ils sont fendus. Il ne faut pas confondre fordj, qui veut dire zouque, avec foredj, qui signifie fente de mur. Mais nous reviendrons plus tard à ces explications.

Disons tout de suite que celui qui rêvera au zouque d’une femme, fera un songe de bon augure ; s’il a des chagrins, ses peines seront amoindries ; s’il est attaché à un corps d’armée faisant la guerre, il n’aura rien à redouter et s’il est pauvre, de nombreux secours lui arriveront.

Celui qui rêvera foredj, fente de mur, et qui, à son réveil, adressera à Dieu une fervente prière, verra sa demande exaucée.

Si, pendant son sommeil, on aperçoit un zouque ouvert, on peut se réjouir : tout est pour le mieux. Si c’est le fordj d’une petite fille, on sera plongé dans l’affliction, ce que l’on aura demandé à Allah en se couchant ne sera point accordé, et le malheur sera proche. Si le zouque de cette petite fille est ouvert, on aura grand peine à secouer le mal, et malgré les recherches qu’on pourra faire pour en découvrir la cause on restera plongé dans la nuit.

Celui qui verra en songe un homme prenant le pucelage d’une fille et qui, après la retraite de cet homme, apercevra le fordj de la jeune femme, réussira dans ses entreprises, et le bien lui viendra de celui qu’il aura vu niquer. Si c’est le dormeur lui-même qui a caressé la pucelle, il fera lui-même son affaire sans le secours de personne.

Si l’on rêve que l’on dort avec une femme et que l’on est heureux près d’elle, signe de bonheur ; si l’on caresse la femme sans plaisir, impossibilité de réussir. Celui qui verra une femme jouir, couchée seule dans son lit, et qui, en ce moment, s’approchera d’elle pour la posséder, aura plus tard cette femme pour maîtresse.

Si l’on songe que l’on dort avec sa mère, sa sœur, sa tante ou quelque femme de ses parentes, ce rêve atroce portera malheur.

Si l’on voit son tota coupé, l’on sera un jour, ainsi que sa famille, retranché du monde. Les songes se rapportant au membre des hommes sont toujours mauvais ; nous en avons déjà parlé dans le chapitre précédent ; mais les rêves de zouque portent toujours bonheur.

Celui qui verra des pantalons pendant son sommeil, deviendra grand. Si le Sultan lui-même vous fait présent du Seroual, vous deviendrez officier de sa maison. Le pantalon sera de bon augure, parce qu’il cache les nudités de l’homme et de la femme.

Les amandes donnent l’espérance du succès, pourvu que le fruit soit doux ; si l’amande est amère c’est l’inverse.

Celui qui verra la coiffure d’une femme par derrière en distinguant la couleur du ruban, sera passionnément aimé d’une jeune fille, si la femme dont il a vu la tête est jeune ; et il aimera lui-même une vieille, si la femme du rêve est vieille.

Si une femme rêve qu’elle lit, si le livre est bon elle apprendra de bonnes nouvelles ; si, au contraire, le livre est mauvais, le chagrin viendra la trouver ; si le manuscrit qu’elle a dans la main est une copie du Coran, elle sera aimée de Dieu qui la placera plus tard dans son paradis. Tous les rêves qui se rapportent à ce saint livre sont envoyés de Dieu et, par conséquent, présagent le bien.

Si vous rêvez à une affaire heureusement entreprise, Allah est avec vous.

En général, ceux qui verront en songe de bonnes choses seront aidés de Dieu, et ceux-là qui en verront de mauvaises seront abandonnés de lui.

Si l’on voit des chevaux, des mulets ou des ânes, c’est un excellent signe. D’après le Coran Dieu a dit : Si tu es monté sur un cheval, un mulet ou un âne, Dieu est avec toi. Si l’âne quitte le galop pour marcher l’amble, ta bonne chance s’éloigne ; si l’âne marche tout à fait mal, la misère t’enveloppe ; et si l’âne tombe et que dans ta chute ton turban se détache de ta tête, tu es perdu.

Celui qui rêvera encore qu’il marche la tête et les pieds nus, perdra sa femme dans l’année.

Mais revenons au zouque.

El Keuss, la motte, est le plus joli nom du zouque ; le keuss doit être doux, poli et bombé du haut.

El Relmoun, la motte ; c’est le nom qu’on donne au zouque d’une demoiselle, lorsqu’elle est charmante et un peu grasse.

Oul Enss, la motte ; c’est encore le zouque d’une toute petite fille.

Oul Zorzor, l’oiseau ; c’est celui d’une demoiselle prête au mariage ; elle est mince, joyeuse et a la peau fraîchement colorée comme l’oiseau.

Oul Akeque, le mince ; celui d’une petite femme, toute mignonne.

Bou Tortoura, le plumet ; celui dont le tortouche ressemble à une crête de coq.

Bou Crichoum, le grand nez ; celui dont le tortouche est encore trop proéminent.

Oul Confouth, le hérisson ; pour les vieilles qui ont les poils blancs et rudes.

El Sacoutssi, le silencieux ; parce qu’il n’est pas bavard.

El Dekeque, le profond ; celui-ci se serre de toutes ses forces contre l’homme, pour n’en rien perdre.

Oul Ezoquil, le chaud ; celui-là est toujours trop pressé pour faire entrer le tota : il en userait des centaines.

El Fichefeche, le bruyant. Il y a peu de femmes auxquelles le nom de ce fordj puisse s’appliquer. L’on nomme ainsi les zouques qui sifflent et font grand bruit en pissant.

El Sebah, le lion ; le nom de celui-là indique assez ses goûts ; il est fou de chair humaine.

El Assen, le joli ; zouque extrêmement rare, dont l’espèce se perd de plus en plus.

El Nefar, le palpitant ; celui qui s’ouvre et se ferme en jouissant.

El Telab, le gourmand ; celui-là ne veut pas se séparer une seconde du bon tota, dont il est très friand.

El Megaar, le profond ; il faudrait, pour satisfaire celui-ci, être monté comme un cheval ou tout au moins comme un âne.

Bou Chelatzine, les lèvres ; celui-là, dont les lèvres pendent abondamment, appartient d’ordinaire à une femme maigre et sèche.

Bou Angra, la montagne ; celui qui est bombé, dont l’aspect est sauvage et dont le poil frisé comme la laine des moutons retombe sur les cuisses.

El Relbah, le remuant ; son action est brillante et l’homme parviendra sans efforts à complète satisfaction.

El Ezez, qui se balance ; comme le précédent, le zeb lui donne une impulsion qui amènera bien vite la jouissance, but désiré.

El Sodi, celui qui se retire ; celui-là donne à tort et à travers et toujours à contre-sens ; si le tota va à gauche, le sodi va à droite ; et si le zeb donne à droite, le sodi reviendra à gauche.

Oul Mahïn, qui aide l’homme ; celui-ci, à l’inverse de l’autre, suit exactement les mouvements du zeb ; il l’accompagne lorsqu’il monte et redescend, et le bonheur vient à tous deux ensemble.

Oul Meritz, qui appelle au secours ; il est doux comme une étoffe de soie, bombé comme une coupole de marabout, et désirerait deux totas plutôt qu’un.

Oul Mesboul, qui s’étend ; lorsque la femme se couche, il s’allonge, et se raccourcit lorsqu’elle s’accroupit.

Oul Moulaké, le goulu ; à l’approche de l’homme, il s’ouvre comme la gueule d’un lion furieux. Rien ne l’effraie et, dans ses moments de désir, un sabre prêt à l’éventrer ne lui ferait pas peur ; il est ardent et courageux comme le guerrier le plus intrépide, et de la rencontre de ce zouque et d’un bon zeb, l’éclair jaillit comme de deux lames d’acier qui se brisent en se heurtant.

El Moukebel, le tout prêt ; celui-là attend toujours, sans cesse altéré, et demande constamment à boire.

El Arap, qui se sauve ; il craint l’homme et fuit devant son zeb.

El Sabear, le mort ; il ne dit rien, attend l’homme sans émotion et le voit sans beaucoup de plaisir.

El Marouï, le mouillé ; celui qui se remplit d’eau en jouissant.

El Messefar, l’uni ; il a le poli de l’ivoire. Il est mince, doux, petit et sans poils.

Oul Mezouem, le puits ; il est toujours bouche béante, profond et tellement grand que les mieux établis, renoncent, après de vains efforts, à en trouver le fond.

El Atat, l’enragé ; il dévore le tota et le serre à lui faire perdre le souffle.

Bou Djebah, l’élevé ; il a une petite montagne au-dessus du tortouche.

El Arid, le grand ; les hommes sont fanatiques de sa majestueuse ampleur et de ses proportions charmantes ; ils le préfèrent à beaucoup d’autres.

Bou Belram, le gros. Oh ! celui-ci appartient à la femme aux proportions colossales, à celle qui est grosse à ne pouvoir remuer ; lorsqu’elle croise les jambes l’une sur l’autre, son zouque sortira par-dessus ses cuisses et dans cette position elle aura l’air de porter une cruche entre ses jambes ; celui qui se trouvera assis en face d’elle s’y trompera assurément. Lorsqu’elle marchera, son fordj sera aussi apparent que si elle n’avait pas de pantalons.

Fais-nous goûter, ô Allah, un échantillon de chacun de ces zouques afin que nous puissions nous instruire et dire, sans nous tromper, quel est le préférable. Mais nous renoncerons à ce dernier, car nous avouons, tout humilié, que nous ne pourrions lui donner la moindre satisfaction, puisqu’il lui faudrait un zeb long comme la tige d’un candélabre et large comme le turban d’un turc, ce que nous n’avons pas.

Histoire de Djady et de Fadeaty-el-djamel

Il y avait une fois un comédien dont les hommes et les femmes s’égayaient fort. Son nom était Djady.

Ses accointances avec les femmes, qui se le disputaient, étaient nombreuses, d’autant mieux que sa façon était si bonne, que celles qui l’avaient connu ne pouvaient plus en voir d’autres.

Il avait l’habitude déplorable, selon les maris, mais excellente selon lui, de niquer les dames de tous ceux qui l’appelaient pour les amuser. Personne n’était exempt de ses mauvais tours, ni vizir ni sultan. Malgré cela, ou plutôt à cause de cela, sa réputation croissait tous les jours.

Dans ce monde vicieux l’on fait grandir les mauvais, tandis que les bons pourrissent dans leur triste sphère.

Le proverbe dit ainsi :

Dans cette vie les gens de bien croupissent,
Mais les méchants grandissent toujours.
Celui dont la mère était cahabah,
Dont le fils est encore zamel,
Qui est caouëd depuis sa naissance,
Sera puissant parmi les hommes jusqu’à ce que Dieu fasse justice.

Djady était amoureux d’une femme grande et belle, dont la taille était superbe, malgré son embonpoint. Son zouque, semblable à celui dont nous avons parlé plus haut, était proéminent, et les plis de son séroual en laissaient deviner les formes. Le comédien était son voisin. Chaque jour une nouvelle conquête plongeait les maris du quartier dans une perplexité extrême ; mais lui, indifférent à toutes ces victoires faciles, ne songeait qu’à sa délicieuse voisine, qui lui rendait œillade pour œillade, mais qui rejetait bien loin les douces propositions. À chaque prière du comédien, elle répondait par les mêmes paroles auxquelles il cherchait en vain à donner un sens.

Voici ce qu’elle disait en chantant :

Entre les montagnes j’ai vu une tente admirablement située,
D’une partie du monde on la distingue ;
Mais hélas ! elle n’a pas de colonne pour la soutenir,
Elle reste à terre comme une outre vide,
Affaissée et sans forme,
Sur le sol poli comme l’acier luisant.

Djady demandait inutilement à tous ce que signifiaient ces vers : personne ne pouvait l’éclairer. Alors il partit pour Bagdad afin de consulter un de ses amis dont la ruse était grande.

Cet ami, qui s’appelait Benouoz, était bouffon d’Aroun-el-Raschid. Il lui raconta ce qui se passait dans son cœur, lui avoua son amour, ses chagrins, et lui dit mot à mot cette chanson qu’il savait si bien, l’ayant entendue tant de fois.

Le bouffon saisissant immédiatement le sens de l’énigme, lui dit :

— Djady, le cœur de cette femme t’appartient. D’après ces vers, je suppose qu’elle est d’un caractère voluptueux et sans mari. Mais malgré son désir de s’abandonner à toi, elle craint de se fourvoyer, pensant que ton zeb est de petite dimension, ce qui la satisferait peu, et rendrait sa défaite sans compensation. Je crois encore qu’elle est peu clairvoyante, car à ta tournure, j’imagine que tu dois avoir de quoi la satisfaire largement.

— Je le crois aussi, dit le comédien.

— Eh bien ! reprit Benouoz, écoute et comprends bien la signification de sa chanson. Les montagnes entre lesquelles se voit la tente sont ses cuisses, et cette tente, c’est son zouque, qui est, comme elle le dit, admirablement situé et dont on doit apercevoir le haut bombé quand elle marche. La colonne qui lui manque n’est autre que le tota d’un bon mari, et de même qu’une tente s’affaisse sans un bâton pour la soutenir, elle languit sans époux. Remarque aussi qu’à une superbe tente, il faut un énorme bâton ; sans cela le bois faiblissant, la tente tomberait à terre. Maintenant le sol poli sur lequel l’édifice repose, est sa peau blanche, fine et unie, qui entoure un fordj appétissant comme un plat de couscoussou.

— Ô la méchante femme, s’écria Djady, que ne l’ai-je comprise plus tôt.

— Quand un boulanger fait son pain, reprit l’ami, il emploie la force de ses bras, et si tu manges à une assiette avec une petite cuillère, la nourriture aura le temps de brûler, si elle est encore sur le feu, ou de refroidir, si tu l’as retirée, avant que ton repas soit terminé. Apprends donc à profiter de son amour momentané et presse-toi d’employer les grands moyens. Il faut toujours en user ainsi avec les dames qui résistent pour la forme, lorsqu’au fond elles ne demandent qu’à céder. Si donc tu ne te sers pas, pour faciliter la chute de cette femme, du secours de tes genoux et de ta poitrine, je te le dis, mon pauvre Djady, elle t’échappera et tu ne seras jamais son homme. Mais dis-moi comment s’appelle cette dame ?

— Fadeaty-el-djamel, belle des belles, répondit le comédien.

— Eh bien ! porte-lui cette chanson, reprit Benouoz ; quand tu la lui auras dite, tes affaires seront bien avancées : lorsqu’elles seront terminées viens me trouver pour me raconter ce qui se sera passé.

— Je te le promets, dit Djady.

Fadeaty-el-djamel, entends et écoute.
J’ai compris tes paroles,
Tu seras ma bien-aimée, quoiqu’il advienne ;
Tu es comme les fleurs du matin qui naissent à la rosée.
Mes yeux, mon âme, je veux chanter aussi,
Afin de répondre à ta douce chanson.
Ton amour remplit mon cœur,
Et ma tête perdue te rêve follement ;
Chacun en me voyant m’appelle insensé
Et l’on rit de ma triste folie.
Si tu m’as cru faible, tu t’es bien trompée,
Mon zeb est solide et fort.
Regarde et tu verras si je te trompe.
Bien d’autres l’ont connu et l’ont pleuré.
Lorsqu’il s’allonge, il est comme une colonne,
Je ne sais que devenir, tant il m’embarrasse.
Prends-le, ma bien-aimée, pour soutenir ta tente,
Que l’on aperçoit entre de délicieuses montagnes,

Il la tendra merveilleusement de tous côtés,
Et désormais elle ne s’affaissera plus ;
Prends-le pour soutenir son toit,
Afin que tu puisses accorder dans elle la douce hospitalité.
Viens essayer, je t’appartiens tout entier ;
Le bâton est long et ferme,
Il ne pliera jamais, je te le jure,
Et tu l’appuieras sur ce joli sol
Dont la blancheur fait noircir la neige ;
Prends, mon amour, et cède à mes désirs.

Le comédien, ayant appris ces vers, retourna bien vite près de sa dame.

À peine de retour, il se présenta chez elle et la trouva seule, mais son accueil lui parut glacé.

— Que me veux-tu, mauvais démon ? s’écria-t-elle.

— Livre-moi ce que tu m’as toujours caché, répondit-il.

— Que veux-tu dire ?

— Je m’expliquerai mieux quand ta porte sera close.

— Tu as l’air plein d’audace aujourd’hui. Ton voyage t’a-t-il donc rendu plus courageux ?

— Tu en jugeras par toi-même.

— Mais que te ferai-je, Satan, si tu n’accomplis pas tout ce que rêve ma pensée.

— Tu rendras mes yeux obscurs en me chassant pour toujours de ta présence.

Alors sa figure parut moins sévère et elle fit fermer la porte par son esclave.

Aussitôt il la supplie, comme autrefois, de lui accorder ses faveurs, mais elle lui répondit par l’éternelle chanson, qu’il entendit jusqu’à la fin sans l’interrompre. Puis, à son tour, lui disant les vers de Benouoz, il remarquait, à chaque strophe, les yeux de son amante qui brillaient d’un feu plus ardent ; sa poitrine émue soulevait le voile fin et transparent qui l’abritait ; ses lèvres se séchaient sous ses soupirs brûlants, et son corps tremblant chancelait sur ses pieds sans forces.

Il avança ses bras pour la soutenir.

— Viens, disait-il, quittons cette cour. Vois d’ici les coussins soyeux de ta chambre ; ils nous convient en souriant.

— Laisse-moi, Djinn, je suis épuisée et sans courage, je ne saurais sortir d’ici. Prends-moi, sans plus tarder, car la vie m’abandonne.

— Sortons de ce lieu, insistait Djady, il est peu convenable pour l’amour, quelques pas encore et les deux tapis seront témoins de nos serments et de nos cris d’ivresse.

Mais elle, s’affaissant sur les dalles de marbre, disait :

— Pourquoi, ô mon dieu, me jettes-tu aux mains de ce mauvais, moi dont la vertu est restée ferme devant les plus grands. C’était écrit, Dieu est fort !

Alors, rompant les cordons de soie qui serraient sa taille, son séroual tomba en découvrant ses formes suaves et moelleuses aux regards éblouis du comédien, dont le cœur bondit à rompre sa poitrine.

Le zouque de Fadeaty-el-djamel s’ouvrait et se fermait comme celui d’une jument qui veut l’étalon. Djady, sans voix, se pencha sur elle, qui l’étreignit de ses deux bras.

— Sur la tête de ton père, murmura-t-elle, prends-moi !

Mais à peine eut-elle senti le tota du comédien entre les lèvres de son fordj, que la jouissance, comme un torrent impétueux, envahit tout son être ; le sang s’arrêta dans ses veines, elle tordait ses membres, des cris étouffés sortaient de sa gorge, ses os craquaient, ses ongles blancs se rougissaient dans les chairs de son amant, et ses yeux, perdus dans l’espace, n’avaient plus de regards. Et pourtant le zeb n’avait pas encore possédé ce joli zouque, poli comme de l’ivoire, bombé comme une colline, et que le dégoût ne saurait atteindre.

Cependant Djady entrait dans elle avec précaution, il craignait que la grosseur de son tota ne fît pousser un cri de douleur à la bouche pourprée de sa maîtresse. Mais elle, le serrant plus fort, disait à demi-voix :

— Ô mon amour, joie de mon âme, donne-moi le feu de ton cœur ; prends mon corps que je t’abandonne, et serre-le contre le tien, qu’ils se confondent ; et puis tourne sur moi, comme cela, partout, en haut, en bas ; ensuite de chaque côté, puis trois fois au milieu ; et quand le bonheur viendra, que ton zeb embrasse bien Aoualda.

Alors déchirant ses vêtements, pour mieux sentir Djady, elle poussa un long soupir et tous deux s’affaissèrent, expirants.

Un instant après, le comédien se retira d’elle, et la belle des belles, prenant de l’eau transparente et parfumée, le lava doucement. Le désir vint bientôt les envelopper, et de nouveaux transports en furent les suites. Ils s’embrassaient amoureusement et retardaient, autant qu’ils le pouvaient, le bonheur suprême. Une heure se passa ainsi, puis une douce ivresse les renversa de nouveau sur le sol. Cependant, le comédien revint à lui le premier ; il enveloppa sa maîtresse de ses bras, la pressant sur son sein, et vint la déposer sur un moelleux divan.

La belle des belles lui mit alors dans la bouche un morceau de bois de quebebas, pour empêcher son membre de faiblir.

— Couche-toi, lui dit-elle, je veux à mon tour me placer sur toi.

Alors elle mit elle-même le zeb de Djady dans son zouque ; elle en tenait la base avec sa main pour le diriger plus facilement contre les parois les plus sensibles à la jouissance. Une douce extase la transporta de nouveau ; elle poussa des cris saccadés, d’abondantes larmes coulèrent de ses yeux noyés de langueur, et, de temps en temps, s’appuyant fortement sur son amant, elle faisait entrer dans son corps tout ce qu’il possédait. Puis se soulevant, elle considérait avec attendrissement ce qui la rendait si heureuse, et ensuite remuait comme avant. Elle continua ainsi jusqu’au moment où les forces lui manquèrent.

Mais la satiété n’était pas encore venue, ils se couchèrent l’un à côté de l’autre ; puis le comédien remonta sur elle. Et cela dura jusqu’au soir.

Djady voulut alors se retirer, mais elle ne consentit pas à le laisser partir, et le malheureux disait en soupirant : hélas ! elle mange mon corps ; demain serai-je vivant ? Dieu le sait.

La maison de la belle retentit toute la nuit de leurs amoureux ébats, car ils ne songèrent point à dormir.

Et le lendemain le comédien avait compté vingt-sept niquages, en faisant durer au moins une heure chaque attaque avant l’éruption spermatique. Aussi disait-il, effrayé de leur bouillante ardeur : La mort seule me délivrera de cette femme.

Djady partit quelque temps après pour Bagdad afin de rejoindre son ami, auquel il raconta tout ce qui s’était passé.

Benouoz frémit au récit d’une si redoutable vigueur.

— Cela ne peut pas durer dit-il, et je crois bien que cette femme, dont tu parais très épris, te rendra en gros ce que tu as fait souffrir aux autres en détail.

— Elle veut que je l’épouse, dit le comédien. Ne vaudrait-il pas mieux pour moi ne la conserver que comme maîtresse.

— Je te conseille, reprit le bouffon, de ne la garder ni comme femme ni comme maîtresse, mais de la laisser bien vite ; car une pareille goule sucera ton sang, dévorera tes forces, et te fera cocu, ce qui fait toujours plaisir au monde. Alors on rira de toi et ce sera bien fait ; un homme qui épouse une femme sensuelle est un nigaud : il se condamne lui-même le jour de ses noces, car si son tota mollit, elle prendra le zeb d’un nègre plutôt que de laisser son zouque sans bouchon.

Et il chanta :

Les femmes sont des démons femelles,
Les gens d’esprit n’y ont guère confiance ;
L’amour-propre guide leurs pensées.
Elles rendent fous ceux qui les aiment
Par leur rouerie et leur malice.
Ceux qui ne sont point de cet avis sont amoureux,
Ils verront dans la suite, qui, de moi ou des femmes, les aura trompés,
Alors ils me rendront justice, mais trop tard.

Si tu parviens à satisfaire tous les désirs d’une femme,
Je consens à te suivre en esclave.
La femme dit toujours : Vois mon cœur, il est pur,
Mon œil est innocent, ma parole est loyale ;

Et puis, en même temps : Donne-moi cela,
Achète-moi ceci ; cède à mes désirs.
Si tu refuses, elle te trompe,
Rit de toi et promène partout ta honte ;
Si la rage d’amour la prend, les chaînes de fer sont comme le fil ;
Elle ne vit plus par le cœur, mais pour son zouque,
Elle prendra un nègre, enfin le premier venu.
Crains les femmes, elles ont toujours le fordj ouvert,
Alors il leur faut un zeb pour le boucher.

Que Dieu nous garde de la malice des femmes !