Le Panthéon canadien/C

Jos. M. Valois, libraire-éditeur (p. 44-64).
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C


Cabot (Sébastien), surnommé le grand marin, né à Bristol d’un pilote vénitien, découvrit, sous les auspices de Henri VII, le continent de l’Amérique, et reconnut en particulier le Labrador. Ayant servi quelque temps l’Espagne, il fonda San Salvador sur la rivière Plata. Il fut créé pilote major et eut le même titre en Angleterre sous Edouard VI. Il fut aussi gouverneur de la Compagnie des marchands aventuriers et de la Compagnie de Russie. Ses actes se retrouvent dans Hawkluyt.

Cadieux (Louis Marie), grand vicaire du diocèse de Québec, né à Montréal en 1785, fréquenta le collège St-Raphaël en même temps que Michel Bibaud et Michel O’Sullivan, et fut ordonné prêtre en 1810. Après avoir été directeur au collège de Nicolet, il fut successivement curé de Beauport, des Trois-Rivières où il fut créé vicaire général et de la Rivière-Ouelle, où il est mort le 13 juin 1838. Il fit le sermon pour le jour du sacre de Mgr de Sydime, écrivit plusieurs articles dans l’Ami de la religion et du roi, journal imprimé aux Trois-Rivières et qui eut dix numéros, mais surtout sa savante brochure intitulée : Observations sur un écrit intitulé : Questions sur le gouvernement ecclésiastique du district de Montréal, par un prêtre du diocèse de Québec, Trois-Rivières, imprimé par Ludger Duvernay, rue Royale, 1823, dans laquelle il réfute avec succès M. Chaboyez.

Cadot (J.-Bte), ancien coureur de bois, dont le voyageur Jonathan Carver a écrit : « À l’extrémité du détroit Ste-Marie il y a un fort qui est commandé par M. Cadot, Canadien-Français. On lui a permis de conserver le commandement parce qu’il est propriétaire du terrain avoisinant. » C’était plutôt parce qu’il était l’un des chefs ogibways, ayant épousé Anastasie, fille du chef qu’on nommait vulgairement le Nipissingue. Les Anglais n’eurent pas à regretter leur confiance, puisqu’il tira le voyageur Henry des mains des sauvages pour en faire son associé dans la traite, et qu’il empêcha les Sauteux de se joindre à Pontiac, quoi que pût faire son délégué, le chef Matchekoui. Cadot eut trois fils, J. B. Cadot, jeune, Michel et Louis. Cathna, dans un voyage à Londres vers 1840, menant avec lui des sauvages, persuada Louis Cadot qui, d’après les données de Joseph Tassé, était un des plus beaux rejetons de la race métisse, d’assumer le rôle de chef. La fille d’un riche marchand de Londres se trouva énamourée à sa vue, l’épousa et le suivit dans les forêts de l’Ouest, où, malheureusement, elle vécut plutôt son esclave que sa compagne, et y mourut avant 1853, époque où un voyageur trouva Cadot repentant de n’avoir pas été bon pour elle. Il lui érigea de sa main un tombeau.

Cadot (Marie Amélie), entrée au monastère du Bon-Pasteur, sous le nom de Mère Marie de St-Alphonse, a été vers 1868 la première supérieure canadienne. Provinciale en 1871. Les Mères Chessault et Tisson n’avaient point eu ce titre.

Caën (Guillaume et Émery de), oncle et neveu, gentilshommes huguenots et négociants, auxquels le duc de Montmorency, vice-roi de la Nouvelle-France, confia le Canada en 1622, mandant à Champlain de leur prêter main-forte. Mais ils ne s’occupèrent guère que de leur monopole commercial. Guillaume est appelé général des vaisseaux du roi, et le Cap-Tourmente fut érigé en baronnie en sa faveur. Il le perdit par suite de l’organisation de la compagnie des Cent-Associés, en 1627 ; mais en 1640, le roi l’indemnisa en érigeant en baronnie en sa faveur plusieurs îles dans les Indes Occidentales, « en conséquence de ce qu’il avait été dépossédé de la baronnie du Cap-Tourmente, située en notre pays de la Nouvelle-France, laquelle lui avait été donnée et érigée par des titres illustres d’honneur, et en considération des grands périls, hasards et aventures qu’il a courus, tant pour prendre entrée et habitude en notre dit pays de la Nouvelle-France, que pour la conservation et tuition d’icelui. »

Callières (Hector, chevalier de), membre de la compagnie de Montréal, gouverneur particulier de cette ville, puis gouverneur et lieutenant général de la Nouvelle-France en 1799, montra beaucoup de sagesse dans ses guerres et ses relations avec les Iroquois, et conclut la paix mémorable de 1701 à Montréal. Il avait servi 29 ans en Europe, et Charlevoix n’hésite pas à le proclamer le meilleur général qu’ait possédé le Canada. Il était de Torigny dans la Basse-Normandie. François de Callières, son fils, fut plénipotentiaire au congrès de Ryswick.

Calonne (Jacques Ladislas Joseph de), célèbre prédicateur, frère du ministre de Louis XVI, était né à Arras en 1743, devint official de Cambray et conseiller au parlement de sa province avant la révolution, qui le força de passer à Londres, où il fonda le Courrier de l’Europe avec M. de Montlosier, et vint de là en Canada au mois d’août 1799. En 1807, il fut fait chapelain des Ursulines des Trois-Rivières et eut assez d’influence pour que Craig, voulant imposer à Mgr J. O. Plessis ses volontés au sujet des affaires ecclésiastiques, écrivît à Ryland que ce prélat était monté aux Trois-Rivières pour consulter de Calonne et Noyseux. Il mourut le 16 octobre 1822 à l’âge de 80 ans. On trouve dans le tome XXVII de l’Ami de la Religion une lettre de l’abbé de Calonne au cardinal Beausset, qui révoquait en doute dans sa Vie de Fénelon l’existence d’un ostensoir donné par l’immortel archevêque à son église métropolitaine en mémoire de son adhésion au bref papal qui condamnait son livre des Maximes des Saints.

Campbell (Alexander), sixième lieutenant-gouverneur de la province d’Ontario. Il naquit en mars 1822, fut élève des collèges de St-Hyacinthe et de Kingston et fut admis au barreau en 1843. Il représenta la division de Cataracoui dans le conseil législatif du Canada depuis 1858 jusqu’à l’union des provinces. Il fut orateur de cette assemblée durant quelques années et commissaire des terres de la couronne. M. Campbell fit partie du premier cabinet de la Puissance, comme maître général des postes, jusqu’à la résignation du ministère MacDonald en 1873. Durant l’administration de M. MacKenzie, il fut chef de l’opposition au sénat. Lorsque les conservateurs revinrent au pouvoir, M. Campbell eut successivement les portefeuilles de la milice et de la défense, des postes et de la justice, et en 1887 il était nommé lieutenant-gouverneur d’Ontario. Il est commandeur de l’ordre de St-Michel et de St-George.

Caron (René Édouard), l’un des premiers maires de Québec et second lieutenant-gouverneur de la province de ce nom, né à la côte de Beaupré en 1799, mort à la fin de 1876 avant le terme de son administration. Oraison funèbre par l’abbé Hamel ; Vie par Louis Turcotte.

Caron (J. P. R. Adolphe), actuellement ministre de la milice à Ottawa, est fils aîné du précédent. Il naquit à Québec en 1843, et fut élève du séminaire de cette ville, de l’université Laval et de l’université McGill. Il se mêla encore jeune aux luttes politiques et eut le portefeuille de la milice en 1880. Pour reconnaître les services qu’il rendit au pays, durant les troubles du Nord-Ouest en 1885, il fut créé commandeur de l’ordre de St-Michel et de St-George, le 25 août de la même année.

Cartier (Jacques), fameux navigateur de St-Malo. — On lui attribue à tort la découverte du Canada ; mais dans trois voyages consécutifs vers ce pays sous les auspices de François 1er, de 1534 à 1542, il parcourut une bonne partie du Canada, et fit connaissance avec les naturels, dont Stadaconé, près de Québec, et Hochelaga, dans l’île où est maintenant Montréal, étaient les chefs-lieux. Il construisit le château fort de Charlesbourg-Royal, au Cap-Rouge, conduisit en Finance Donnacona, le plus marquant des chefs du pays, et revint à son fort, où il fut tellement incommodé par les naturels et par le scorbut qu’il l’abandonna pour retourner en France, et rencontra le vice-roi Roberval qui lui donna ordre de revenir ; mais ils ne tardèrent pas à se perdre de vue, et Cartier se hâta de cingler vers St-Malo. Il conserve la gloire d’être le premier navigateur qui ait assez exploré le Canada pour qu’on puisse dire qu’il a frayé le chemin à ses successeurs. « Cartier, dit le Dictionnaire historique de Liège, fit plus que découvrir ; il visita tout le pays avec beaucoup de soin, et laissa une description exacte des îles, côtes, détroits, ports, golfes, rivières et caps qu’il reconnut. Nos marins se servent encore aujourd’hui de la plupart des noms qu’il donna à ces endroits. » Il présenta lui-même sa relation à François 1er, magnifiquement reliée et couverte de velours bien tenu par des ornements d’or. Sa mémoire, toujours en respect en Canada, s’est tout à coup réveillée plus vivace, ces années dernières, à l’occasion d’un tableau représentant ce marin, présenté à la Société littéraire et historique de Québec par le maire de St-Malo, et l’enseignement normal a été inauguré à Montréal sous son patronage : une des écoles porte son nom. Les armements de François 1er étaient bien insuffisants à établir le Canada, malgré tout ce qui se trouve d’imposant dans les patentes. Dans son second voyage, Cartier était « capitaine général de l’expédition et pilote major, avec bon nombre de navires, et de toutes qualités, arts et industries, pour plus avant entrer es dits pays, converser avec les peuples d’icelui et avec eux habiter si besoin est ». Les rois de France continuèrent à s’attribuer la propriété du Canada, et Henri III octroya à Jacques Noël et au sieur Chaton, petits-neveux de Jacques Cartier, le commerce exclusif du golfe et du fleuve St-Laurent ; un sieur Ravillon leur succéda et visita le Saguenay en 1591. Jacques Cartier fut anobli par François 1er.

Cartier (George Étienne), LL. D., et baronnet, né à St-Antoine de la rivière Chambly en 1815, se disait issu d’un frère de Jacques Cartier. Il était un patriote dans sa jeunesse. Il devint plus tard partisan d’Albion et fut l’un des principaux auteurs de la Confédération. Il prit aussi l’initiative de la codification des lois du Bas-Canada. Il était alors procureur général, mais ses décisions et opinions légales prime-sautières dans les affaires de l’incursion de St-Albans et du commis de banque Lamirande, le firent juger à Londres bien plus propre à occuper le ministère nouveau de la milice et de la défense, qu’on le vit en effet remplir avec une grande activité. Cartier mourut à Londres le 20 mai 1873. Il fut exposé dans une chapelle ardente, en costume de ministre de la milice, et ses restes furent apportés au Canada par un vaisseau de l’État. La reine écrivit à lady Cartier une lettre de condoléance. À l’arrivée du cercueil il y eut un service à Québec avec oraison funèbre par l’abbé Racine, le futur évêque de Sherbrooke, puis aux Trois-Rivières, par le grand vicaire Caron. À Montréal il eut de magnifiques obsèques. — Biographie par L. Turcotte. Statue par Hébert. Buste dans le Canadian Portrait Gallery, Toronto.

Cartwright (sir Richard), petit-fils de l’hon. R. Cartwright, membre du premier parlement du Haut-Canada en 1792, Il est né à Kingston en 1835. Avant et après l’union des provinces, M. Cartwright prit une part active aux luttes politiques. Durant l’administration de M. Mackenzie, il eut le portefeuille des finances et fit trois voyages en Angleterre dans les intérêts de la Puissance. Élu par acclamation, en 1883, pour représenter South-Huron aux Communes, il fut réélu en 1887 et de nouveau aux dernières élections générales. M. Cartwright est l’auteur d’une brochure, sur la question de la milice, qui parut il y a plusieurs années. En 1879, l’Angleterre le créait commandeur de l’ordre de St-Michel et de St-George.

Casgrain (l’abbé H. R.), écrivain canadien, né au manoir de la Rivière-Ouelle, en 1831, s’est fait tout d’abord connaître par ses Légendes canadiennes, dont les trois premières furent reproduites en Europe. Ses Légendes ont été suivies de la belle Vie de la Mère de l’Incarnation, qu’un prêtre allemand a traduite et publiée à Munich. L’abbé a lui-même traduit le poème de Byron, Le Prisonnier de Chillon, et publié ses propres poésies sous le titre de : Les Miettes. Il s’est aussi essayé dans l’archéologie.

Casot (Jean Joseph), dernier Jésuite du Canada, n’était que frère coadjuteur quand il vint dans ce pays, à l’âge de 27 ans. Mais il avait des talents naturels et le P. de Glapion lui donna la charge de procureur et le fit ordonner en 1766. C’était après la conquête, et par conséquent il n’eût pas eu qualité pour succéder à la jouissance des biens de la Compagnie ni par son état, ni comme Canadien, sans la bienveillance marquée de l’autorité temporelle : on sent que Carleton était là. Ce gouvernant permit de l’ordonner. Il était né à Port-Louis, ville forte et maritime de Bretagne. À sa mort, arrivée le 16 mars 1800, dans la 71e année de son âge, le roi se mit en possession des biens des Jésuites, bien qu’ils fussent réclamés par les Canadiens. Jean-Baptiste Noël, mort en 1770, fut ordonné en même temps que le P. Casot, et Alexis Macquet, dernier Jésuite ordonné, le fut l’année suivante (1767). Le Père Casot mourut le 2 mars 1775.

Cauchon (Joseph), né à Québec en 1816, fondateur et pendant quatorze ans rédacteur du Journal de Québec. Il devint membre du parlement, puis ministre, après d’incessantes polémiques au milieu desquelles il fit énergiquement son chemin. Dans le cabinet il s’est fait connaître surtout par deux actes, celui qui l’a entraîné dans un conflit avec Mgr de Charbonnel et l’épiscopat au sujet des écoles mixtes, et son rapport sur le département des terres de la couronne, important par lui-même autant que par les cartes précieuses qui l’accompagnent, et dont le Montreal Witness a dit qu’il est destiné à être placé à côté des rapports de sir W. Logan. M. Cauchon se tenant entre l’administration et l’opposition sous MM. McDonald et Cartier, a prêté à celle-ci un appui très fort ; mais il a refusé de se charger d’un portefeuille dans le cabinet Brown-Dorion. Outre son rapport, important pour la science, on lui doit des Leçons de physique et une brochure remarquable sur le projet de la confédération des provinces. Il devint président du Sénat en 1867 et gouverneur de la province de Manitoba, en 1878. Il mourut en 1885. Portrait dans l’Histoire des Canadiens-Français de B. Sulte.

Céloron de Blainville (le sieur), gentilhomme canadien qui prit possession, en 1748, du pays contesté entre l’Angleterre et la France, en qualité de sub-délégué du vicomte de La Galissonnière. Parti à la tête de 300 hommes, il pénétra presque aux monts Apalaches ou Alleghany. Il lui fut fourni des plaques de plomb, sur lesquelles étaient gravées les armes de France, et qu’il avait ordre d’enterrer à des stations particulières, ce dont il devait être dressé des procès-verbaux signés de lui et des officiers qui l’accompagnaient. Céloron s’acquitta ponctuellement de sa commission, malgré les murmures de diverses tribus sauvages ; le vicomte envoya les procès-verbaux en France, et deux ans après, son sub-délégué fut fait gouverneur du Détroit avec le rang de major. Il finit par se retirer à Montréal. Ce fut une perte pour le corps des officiers canadiens, dit l’auteur des Mémoires sur le Canada. Il ajoute qu’il eut des ennemis qui le perdirent. Selon lui, il était brave, intelligent et capable de commander. Cette famille émigra à la conquête et la marquise de Villeneuve, qui a envoyé des fruits et des fleurs de ses serres à Abd-el-Kader et reçu les hommages de cette célébrité, est une Céloron de Blainville.

Céré (Henriette), fondatrice, avec Eulalie Durocher et Mélodie Dufresne, de l’Institut enseignant des sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie, établi à Longueuil en 1843.

Chaboillez (Augustin), fameux gallican, fils d’un notaire, fut ordonné prêtre en 1796 par Mgr Denaut, dont il devint le secrétaire. Il fut ensuite curé de Longueuil, où il se fit connaître par trois brochures en faveur de l’inamovibilité des curés et du parti qui s’opposait à l’administration de Mgr Lartigue en qualité d’auxiliaire et suffragant de l’évêque de Québec (1823). Il fut réfuté par le grand vicaire Cadieux et par un autre adversaire dont P. H. Bedard, avocat, fut le prête-nom. Il est mort le 28 août 1834.

Champlain (Samuel de), fondateur de Québec et de la Nouvelle-France, pour ainsi dire (car avant lui la France n’eut point d’établissement régulièrement assis en Canada, et il établit encore les Trois-Rivières et projeta d’établir Montréal), était natif de Brouage dans le Saintonge, et avait le titre de géographe du roi. Il servit sous Henri IV aux ordres des maréchaux d’Aumont, de St-Luc et de Brissac, et fut engagé pour le voyage du Canada par le commandeur de Chatte. Il fit alliance avec les nations sauvages, parcourut en tous sens ces vastes contrées et donna son nom à un de nos grands lacs. Les plus grands obstacles se rencontrèrent sur son chemin. Les Anglais s’emparèrent une fois du pays, après que ce fondateur les en eut tenus éloignés un an par sa bonne contenance, et il dut passer plusieurs fois la mer pour raviver l’œuvre coloniale en France. Ce grand homme eut pour tombeau, l’an 1635, le majestueux promontoire sur lequel il avait fondé, en 1608, la ville qui devint plus tard le boulevard de l’Amérique, laissant après lui la réputation d’un grand navigateur, d’un génie infatigable et bien propre à fonder un nouvel État, et d’un écrivain assez poli pour son siècle, quoique son style soit moins agréable que celui de Jacques Cartier. Il gouverna la Nouvelle-France sous le roi, sous les vice-rois et sous la Compagnie des Cent-Associés.

Chandonnet (l’abbé Th. Aimé), savant canadien, né en 1834 à St-Pierre-les-Becquets, de Joseph Chandonnet et d’Angèle Bibaud, mort subitement à Montréal le 4 juin 1881, fut envoyé, après de brillantes études à l’université Laval, se perfectionner à Rome où il s’acquit les grades académiques de docteur en philosophie et en théologie du Collège romain et en droit canon de l’Apollinaire. Mais il s’est surtout fait connaître ici par sa défense de l’usage des classiques contre un grand nombre d’adversaires. Il fonda la Revue de Montréal, où il y a de lui des articles très remarquables, et qui eut un grand succès dès la première année.

Chapleau (Joseph Adolphe), homme d’État et orateur distingué, naquit à Ste-Thérèse de Blainville en 1840. Après avoir fait de bonnes études aux collèges de Terrebonne et de St-Hyacinthe, il fut reçu avocat en 1861, et se distingua dès ses premiers débuts au barreau par la facilité et l’élégance de son élocution. Aussi les dignités et les honneurs durent-ils le trouver de bonne heure. En 1873, nous le retrouvons déjà solliciteur général. Trois ans plus tard, il avait le portefeuille de secrétaire provincial qu’il conserva jusqu’au renvoi du cabinet, par Letellier de St-Just, en 1878. Lors de la démission de M. Joly, chef du cabinet libéral, M. Chapleau qui était alors chef de l’opposition, fut appelé à former un ministère. Il prit pour lui le portefeuille des voies ferrées et de l’agriculture et le garda jusqu’au mois de juillet 1882. Peu de temps après, le gouvernement français le nomma commandeur de la Légion d’honneur. Déjà il avait été l’objet d’une distinction semblable de la part de Sa Sainteté Léon XIII.

M. Chapleau est professeur de droit des gens à l’université Laval, directeur du chemin de fer de Pontiac et un des administrateurs du crédit foncier canadien-français. Depuis 1867, il n’a pas cessé de représenter le comté de Terrebonne, soit à l’Assemblée législative de la province, soit à la chambre fédérale. C’est un des debaters les plus distingués qui aient passé sur la scène politique de son pays. Le député de Terrebonne est un rare organisateur de batailles électorales. Il a eu des revers parfois ; mais que de victoires il a remportées aux hustings ! Son éloquence entraînante, son activité infatigable, sa fécondité de ressources, sa perspicacité, son art de découvrir le côté faible de ses adversaires en font un lutteur électoral redoutable.

Charbonnel (Armand de), deuxième évêque de Toronto, issu d’une illustre maison française qui compte plusieurs personnages historiques, sans parler de la fameuse Tricline de Carbonel. Ce prélat, qui a été sacré à Rome par Pie IX lui-même, était ci-devant de la communauté de Saint-Sulpice et a été professeur de théologie dogmatique au grand séminaire de Lyon. Il s’est fait connaître à Montréal comme prédicateur, et s’est signalé sur son siège par son zèle dans la cause des écoles séparées.

Mgr de Charbonnel est mort en France, le 28 mars 1891.

Charland (Louis), géographe et antiquaire, passait pour le premier de ses compatriotes en fait de mathématiques. Il était inspecteur des ponts et chaussées à Montréal. Ce fut lui qui dressa avec Duberger la première carte correcte du Canada, publiée à Londres par Faden, sous le nom de Vondenvelden. Il fouilla aussi le premier parmi les documents féodaux enfouis dans les archives de la province, et publia : Extraits des titres de concessions de terres en seigneuries, par W. Vondenvelden et Louis Charland, Québec, 1803. Le commandeur Viger a été son digne élève. L. Charland est décédé en 1813, à l’âge de 40 ans.

Charlevoix (Pierre François-Xavier de), de la Compagnie de Jésus, né à St-Quentin en 1682, historien de la Nouvelle-France, de l’île St-Domingue, du Japon et du Paraguay, visita le Canada, fut durant plus de vingt ans un des rédacteurs ou collaborateurs du journal de Trévoux, et mourut en 1761. Le P. Charlevoix manque de précision dans le style ; mais il a presque toutes les autres qualités de l’historien. On lui doit encore la vie de la Mère de l’Incarnation. Tout le monde sait son nom en Canada.

Charly (Marie Catherine), dite sœur du St-Sacrement, quatrième supérieure générale de l’institut de Marguerite Bourgeois, née à Ville-Marie en 1666, avait été assistante de la sœur Barbier, puis maîtresse des novices. Ce fut sous sa supériorité que le ministre de Pontchartrain défendit les vœux. Après avoir écrit en vain à cet homme d’État et à madame de Maintenon, elle adopta, avec l’assentiment de l’intendant Baudot, l’usage de faire faire des vœux secrets pour un an. Elle mourut en odeur de sainteté en 1717, après avoir été élue une seconde fois supérieure. Elle avait eu une maladie durant laquelle la sœur Bourgeois s’offrit à Dieu en sacrifice à sa place.

Charnock (John), célèbre écrivain militaire, né à la Barbade en 1763, reçut son éducation en Europe. Il entra ensuite dans la marine, mais fut en proie au malheur et mourut dans la prison du banc du roi en 1807. Parmi ses nombreux ouvrages on estime la Vie de Nelson, la Biographia Navalis en six volumes, le supplément aux Vies des amiraux de Campbell et l’Histoire de l’architecture navale.

Chasseur (Pierre), mort au mois de juin 1842, célèbre naturaliste canadien qui, avec le secours de son génie et sans autre instruction qu’une éducation élémentaire[1], car il était originairement sculpteur et doreur à Québec, recueillit un beau cabinet d’histoire naturelle, qui fut acheté par la législature en retenant le nom de Musée Chasseur, et qui a fini par être en tout ou en partie la proie des flammes. La Gazette de Québec, publiée par autorité, disait en 1826 : « La cité de Québec doit s’enorgueillir de posséder dans son sein un citoyen dont les travaux doivent nécessairement tourner à la gloire de sa patrie. Mais si l’industrie et la persévérance de M. Chasseur ont droit à nos éloges, la manière dont il conduit son ouvrage n’est pas moins digne de notre admiration. Il rassemble autant que possible, autour de chaque objet, tout ce qui tend à le caractériser, de manière à nous donner tout à la fois, en quelque sorte, l’histoire et les habitudes de l’animal en vue. Pour atteindre ce but, il a dû suivre la nature à la piste, et pour ainsi dire la prendre par surprise, et il lui a fallu la chercher dans les bois, sur le sommet des montagnes, dans les marais et jusque sur les rochers les plus escarpés. »

Châteaufort ou Chasteaufort (Marc Antoine de Bras-de-fer, écuyer, sieur de), gouverna le Canada après M. de Champlain et avant le chevalier de Montmagny. Cela devient un fait avéré, quoiqu’il ait échappé à Charlevoix et à nos historiens modernes. Il est désigné « lieutenant général en toute l’étendue du fleuve St-Laurent en la Nouvelle-France », et Giffard, seigneur de Beauport, jure devant lui d’observer les ordonnances qui lui seront signifiées.

Chateauguay, branche de l’illustre maison des Le Moine. — Louis Le Moine, second sieur de Chateauguay, Charles Le Moine, son père ayant porté ce titre, né le 5 janvier 1676, se signala sous d’Iberville, son frère, au fort Nelson, et fut tué à 18 ans, le 4 novembre 1694, en combattant auprès du héros, héros lui-même.

Antoine Le Moine, troisième sieur de Chateauguay, né le 7 juillet 1683, guerrier habile, se signala en Floride, à la Louisiane, en Acadie et aux Antilles. Il servit sous d’Iberville, de 1705 à 1706, année de la mort de ce héros. Dans la guerre contre l’Espagne il prit Pansacola en 1719, fut fait gouverneur de Mobile à la paix et commandant en second du pays. Il fut employé depuis à la Martinique, puis nommé gouverneur de la Guyane. Il participa à la défense de Louisbourg de 1745 à 1747, année de sa mort. Cette branche de la maison des Le Moine paraît s’être conservée en France.

Chaumonot (Pierre Joseph Marie), de la Compagnie de Jésus, fils d’un vigneron, naquit en 1611. Il étudia au collège de Châtillon-sur-Seine, puis au noviciat de St-André à Rome, en 1632. De là, il fut envoyé à Florence, où il professa, et repassa à Rome pour y faire sa théologie sous le P. Poncet, qui était en correspondance avec le P. de Brébeuf. Il obtint la permission de passer en Canada et partit à pied pour Lorette où il fit vœu de bâtir une chapelle sur les mêmes dimensions que la Casa Santa. Arrivé à Québec en 1639, il partit pour le pays des Hurons et y évangélisa pendant onze années. Après leur dispersion, il suivit ceux qui trouvèrent un refuge dans l’île d’Orléans. Après une mission chez les Montagnais, en compagnie du P. Dablon, il fut employé à Ville-Marie, où il établit la dévotion à la sainte Famille. Rappelé à Québec par Mgr de Laval, il reprit le soin de la pauvre nation huronne jusqu’en 1666, époque où il dut suivre M. de Tracy dans sa grande expédition. Il préluda à ce voyage en desservant les forts naissants de Richelieu et de Chambly. Il revint ensuite retrouver ses Hurons à Ste-Foye près de Québec. En 1674, il les mena à l’endroit où il bâtit la chapelle qu’il avait fait vœu de construire. Il célébra à Québec sa cinquantième année de sacerdoce en 1689, et y mourut en février 1693. Les Relations des Jesuites font mémoire de ses travaux. Il laissa quelques écrits.

Chauveau (Pierre J. 0.), LL.D. (du collège McGill), membre de l’Institut polytechnique, classe des Belles-Lettres, membre correspondant de l’Académie des sciences de la Nouvelle-Orléans et membre de la Société américaine pour l’avancement des sciences, surintendant de l’Instruction publique, né à Québec le 30 mai 1820, étudia au séminaire de cette ville et entra ensuite au barreau. Membre du parlement pour le comté de Québec en 1848, il fut solliciteur général sous M. Hincks, puis secrétaire provincial ou chancelier. Il se montra partisan ardent de l’abolition du régime féodal, comme on devait l’attendre de l’auteur de Charles Guérin, premier essai canadien considérable dans le genre roman, qui fut publié par M. Hippolyte Cherrier en 1852. M. de Puibusque en a développé les beautés et les défauts dans un écrit sur la littérature canadienne, imprimé dans l’Union de Paris. M. Chauveau, sacrifié par ses collègues sous sir Allan McNab, sut leur inspirer des craintes ; il succéda au docteur Meilleur à la tête du département de l’Instruction publique. Après son installation, il inaugura l’enseignement normal, fonda la bibliothèque du département et commença la publication du Journal de l’Instruction publique en français et en anglais. Il a signé l’appel de Lamartine aux Canadiens et introduit M. Desplace, son délégué, à la société de Montréal. Outre son Charles Guérin, on a de M. Chauveau : Discours à la mémoire des braves tombés sur la plaine d’Abraham, prononcé le 18 juillet 1855, Québec, imprimerie de Fréchette, 1855. Les lieux, le concours de ce qu’il y avait de plus éminent dans le pays, et la présence d’un envoyé de la France, fournirent à l’orateur la plus heureuse occasion de déployer son éloquence naturelle ; cette harangue en fut un bel effort. M. Chauveau fut aussi correspondant du Courrier des États-Unis sous M. Gaillardet, et ce n’est pas son moindre titre de gloire. M. Chauveau fut premier ministre de la province de Québec de 1867 à 1873, et orateur du sénat à Ottawa de 1873 à 1874. Il fut nommé ensuite shérif de Montréal, position qu’il a occupée jusqu’à sa mort, arrivée au commencement de 1890.

Chénier (J. Olivier), médecin, jeune patriote canadien d’un grand courage, tué en 1837 en voulant s’ouvrir un chemin après avoir défendu, avec un courage déterminé, l’église de St-Eustache de la Rivière-du-Chêne contre les troupes de Colborne.

Cherrier (le commandeur Côme Séraphin), de l’ordre de St-Grégoire, ancien président du barreau du Bas-Canada, né le 23 juillet 1795. Il refusa la judicature en 1849 et en 1863, et déclina l’honneur de devenir juge en chef. M. Cherrier mourut à Montréal le 10 avril 1885.

Christie (Robert), né à Windsor dans la Nouvelle-Écosse en 1788, décédé en 1856, vétéran politique et écrivain laborieux, étudia au collège du Roi à Windsor, lieu de sa naissance, avec sir James Stuart. Il vint jeune en Canada, alla de là en Angleterre et passa aux yeux de Craig pour être l’entremetteur entre Mgr J. O. Plessis et les évêques d’Irlande et d’Angleterre. Il se fixa en Canada et fut envoyé au parlement par le district de Gaspé. Dénoncé comme espion par le parti populaire, il fut expulsé de la chambre, mais les Gaspésiens tinrent bon, le réélurent et en agirent ainsi itérativement. Comme il a écrit des annales parlementaires dans lesquelles son nom revient nécessairement souvent, il serait trop long de retracer ici sa carrière politique, et nous y renvoyons. M. Christie rédigea le Télégraphe en 1820. Il écrivit ensuite des Mémoires de la dernière guerre entre les États-Unis et l’Angleterre, qu’Alison cite plusieurs fois dans son beau chapitre de l’Histoire de l’Europe qui a trait à l’Amérique. Son Histoire du Canada en six volumes est simplement une histoire politique ou parlementaire commençant en 1791, et elle est plus utile qu’attrayante ou littéraire. Il y a tout un volume de pièces que l’auteur a connues trop tard pour s’en servir à leur place : elles sont très importantes pour notre histoire, surtout pour l’administration du farouche Craig. Sir James Stuart conserva jusqu’à la fin une étroite amitié pour son ancien condisciple.

Clarke (le général sir Alured), gouverneur de la Jamaïque, puis lieutenant-gouverneur du Bas-Canada, inaugura le régime constitutionnel en 1792. Il avait accepté la lieutenance dans l’espoir que lord Dorchester résignerait bientôt la capitainerie. Il conquit depuis, assisté par sir James Craig, le cap de Bonne-Espérance, fut vice-président du conseil de régence à Calcutta, et aida le marquis de Wellesley à combiner les vastes plans de campagne dont l’exécution fut confiée à Wellington et à lord Lake. Il parut comme témoin au procès du fameux colonel Despard.

Closse (Lambert), major de Ville-Marie et gouverneur en l’absence de M. de Maisonneuve, fut un des premiers habitants, défit, en 1653, 200 Iroquois qui s’étaient approchés de la place. Quoiqu’il n’eût que 34 hommes et deux pièces de canon, il leur tua vingt guerriers et en blessa cinquante. Il mourut de la mort qu’il avait ambitionnée en combattant ces nations. Un arrière-fief de la seigneurie de Montréal porte son nom.

Collet (Mathieu Benoît), procureur général de S. M. T. C. au conseil souverain de Québec, qui offrit en 1717 de rédiger un code civil pour les colonies, et qui fut refusé par le ministre de la marine. — Charles Angèle Collet, chanoine de Québec, fut forcé de retourner en France par les Anglais en 1760. — Luc son frère, Récollet, né en Canada, aumônier dans les troupes, ayant été fait prisonnier en 1759, conduit en Angleterre et élargi un an après, ne revint pas dans sa patrie, mais mourut en France dans une des maisons de son ordre.

Colombière (Joseph Séré de La), natif de Vienne en Dauphiné, exerça le ministère en Canada de 1682 à 1723, et ne doit pas être confondu avec Guillaume Daniel, qui servit de 1698 à 1728. Joseph fut grand vicaire, archidiacre, grand chantre et conseiller clerc au conseil souverain. Ce fut en 1722 qu’il succéda à M. des Maizerets dans la dignité de grand chantre par provision royale enregistrée au conseil. On lui doit l’oraison funèbre de Mgr de Laval-Montmorency, dont un passage remarquable est reproduit dans l’Encydopédie canadienne. Il mourut à l’Hôtel-Dieu de Québec.

Compain (Pierre Joseph), natif de Québec, étudia la médecine à Montréal sous le docteur Feltz, chirurgien major des troupes, et acquit de la réputation dans sa profession, qu’il quitta néanmoins pour le sacerdoce. Ordonné en 1774 et successivement curé à Ste-Anne, à l’île aux Coudres et à Beaumont, il mourut en avril 1806, à St-Antoine de la rivière Chambly.

Condé (Henri II, prince de), deuxième vice-roi propriétaire de la Nouvelle-France, succéda à Charles de Bourbon, comte de Soissons. Il céda en 1620, pour 12,000 couronnes, sa vice-royauté au maréchal de Montmorency, son beau-frère, plus occupé lui-même des troubles de l’ancienne France que des affaires de la nouvelle.

Contrecœur (Pierre Claude de Pécaudy, écuyer, sieur de), fils de Pierre, anobli en Canada par lettres patentes du mois de janvier 1661, suivant les Mémoires publiés par la Société littéraire et historique, eut une assez grande influence sur les événements de son temps et la bonne fortune de vaincre par ses lieutenants le général Braddock à la bataille de Monongahéla, et Washington au fort Necessity. Il ne commanda pas seulement au fort Duquesne, puis sur le territoire contesté de l’Ohio, mais aussi en Acadie, dont on disputait une partie à l’Angleterre. Les initiales qu’on lit en tête des Mémoires, pourraient les lui faire attribuer, ou à un des siens. Cette famille ne disparut pas encore après la conquête, et l’auteur de la Vie de Marguerite Bourgeois cite un seigneur de cette famille qui se signala par sa charité et sa munificence. Le dernier rejeton a été victime d’un accident à la chasse.

Courcelles (Daniel de Remy de), gouverneur de la Nouvelle-France après M. de Mesy, fut d’abord subordonné au marquis de Tracy, lieutenant général du roi dans les deux Amériques, et dont le séjour en Canada fut de 18 mois. M. de Courcelles gouverna avec sagesse et fermeté, et se fit aimer des sauvages. Il est le véritable fondateur de Kingston (Cataracoui).

Courcy (les frères de), contemporains, écrivains français, canadiens par leur mère. — Pol de Courcy a écrit : Nobiliaire de Bretagne ou histoire de la noblesse bretonne. Charles, plus connu sous le nom de La Roche-Héron, a donné une Histoire ecclésiastique des États-Unis, les Servantes de Dieu en Canada, une critique de l’Histoire du Canada et de ses missions de l’abbé Brasseur de Bourbourg, et des articles détachés qui devront contribuer à éclairer l’opinion chez nos voisins.

Crémazie (Octave), poète canadien, autrefois de Québec, mort au Havre le 16 janvier 1879. Le comte de Foucault a loué ses vers dans le Monde de Paris. Remarquable par sa correspondance avec l’abbé Casgrain, mise au jour par ce dernier. Ses œuvres complètes ont été publiées en 1883 sous les auspices de l’Institut canadien de Québec.

Créqui (Jean Antoine Aide), premier peintre canadien, était né à Québec et fut ordonné prêtre le 24 octobre 1773. Il mourut le 7 décembre 1780. Une de ses toiles ornait encore la chapelle Ste-Anne de Québec en 1825, et l’Annonciation du maître-autel de l’église de la paroisse de l’Islet est aussi de lui. Le premier Canadien qui ait étudié en Europe et qui y ait remporté un prix, est Beaucours, dont le commandeur Viger conserve le portrait dans sa collection, et dont l’auteur de ce livre a vu la veuve dans son enfance. Il voyagea dans la plus grande partie de l’Europe.

Crespel (le R. P. Emmanuel), de l’ordre réformé de St-François, supérieur général et commissaire de son ordre en Canada, mort à Québec en 1775, est l’auteur de deux relations intéressantes. Il avait beaucoup voyagé et servi, en qualité d’aumonier, M. de Ligneris dans son expédition contre les Outagamis.

Croysille (le sieur de), gentilhomme bas-normand en faveur duquel Lebrun (Tableau des deux Canadas) prétend que fut érigée la baronnie de Portneuf, mais qui ne devint baron du lieu que par alliance avec une fille de la maison de Bécancour.

Cugnet, famille canadienne illustre dans la robe, et qui comprend André Cugnet, procureur général du roi au conseil supérieur (Jos. Frs Perrault loue sa science) ; François Étienne, premier conseiller en 1733, qui fut receveur général du domaine du roi, fit plusieurs voyages, essaya le commerce de la laine du bœuf illinois, et fut commissaire pour visiter et rétablir la haute justice du Château-Richer ; Thomas Marie, le premier Canadien qui, après avoir suivi les conférences du procureur général, reçut des lettres patentes de conseiller assesseur en 1754 ; Guillaume André, prêtre le 22 septembre 1753, chanoine de la cathédrale de Québec, mort en 1758 ; François Joseph, dont on va donner l’article, Thomas, son frère (le même peut-être que Thomas Marie), qui passa en France après la conquête et fut conseiller honoraire en cour souveraine à Blois, et J. F. Cugnet. — François Joseph Cugnet, écuier, seigneur de St-Étienne, jurisconsulte et feudiste, paraît avoir été conseiller au conseil supérieur sous les Français, et l’avoir suivi à Montréal en 1759, après la bataille d’Abraham. Le général Amherst avait laissé ses lois au Canada ; le général Murray, son lieutenant à Québec, nomma, le 2 novembre 1760, M. Cugnet procureur général et commissaire de la cour et conseil de guerre dans toute l’étendue de la côte du Nord deson gouvernement, comme homme de bonnes mœurs et capacité en fait de loi. Sur lui tombait tout le poids des affaires, les militaires constitués juges ne connaissant pas les lois françaises ; aussi l’attribution de commissaire se trouvait-elle jointe à celle de procureur général. Le roi ayant proclamé les lois anglaises en 1763, notre compatriote perdit sa place et les Canadiens furent effacés ; mais il éleva la voix et publia ses Observations sur le plan d’acte du parlement proposé par M. François Masères. Il devint secrétaire du sénat créé sous le nom de conseil législatif. Carleton ne l’apprécia pas moins que Murray, et il fut sous lui le principal rédacteur de l’Extrait des Messieurs ou réforme de la Coutume de Paris, que ce général le chargea de faire avec MM. Juchereau et Pressard, et qui fut imprimé à Londres en 1773, après avoir été revu par sir James Marriot, avocat général, et Thurlow et Wedderburne, procureur et solliciteur généraux d’Angleterre. Il est digne de remarque que les légistes canadiens étendirent leur travail au droit criminel. Cugnet fit seul son travail sur la partie civile et le publia sous le titre de Traité des anciennes lois, coutumes et usages de la colonie du Canada, Québec, 1775, chez W. Brown. On le trouve quelquefois relié avec un petit traité de police et des extraits raisonnés des édits, déclarations et règlements des rois et des ordonnances et jugements des intendants qu’il publia pour appuyer ses traités et pour répondre à des critiques envieux. Dans ce travail partiel, mais qui dut encore lui coûter beaucoup de peine, il disait : « Il serait à souhaiter que le gouvernement les fît imprimer, parce qu’ils sont une partie de la loi coutumière de cette province. » Ce conseil fut suivi sous sir Robert Shore Milnes. Sonouvrage le plus considérable après sa Coutume, fut son Traité des fiefs qui, bien qu’il paraisse avoir été ignoré ou du moins négligé par les législateurs anti-féodaux des derniers temps, est extrêmement bien fait et infiniment précieux pour l’histoire de notre pays. L’Extrait des Messieurs me semble être le meilleur et le plus clair travail existant sur la coutume de Paris. Il est bien écrit ; mais il n’est pas dû à la seule plume de Cugnet, et fut revu. La coutume de Cugnet en diffère beaucoup sous ce rapport. Un auteur de droit faisait autrefois peu d’attention au style, et c’est ce que fit aussi notre juriste canadien, qui avait pourtant des dispositions à écrire clairement et agréablement. Son style peut quelquefois servir de modèle ; d’autres fois, il est tellement coupé, incorrect, qu’il est inintelligible. Ayant suivi les conférences que le procureur général donnait sous les Français, il avait été mis sur la voie de l’étude du droit romain sans laquelle on n’est point jurisconsulte, et la lecture de ses ouvrages fait voir qu’il s’y était rendu profond. Depuis lui, il n’y a plus eu de jurisconsulte dans le pays et les écoles de droit pourront seules en former de nouveaux. Dans un temps où toutes les procédures anglaises devenaient à la mode, Cugnet fut utile au gouvernement dans l’affaire de l’agent Cochrane, et sur le refus du procureur général, depuis sir James Monck, de le poursuivre, il guida le solliciteur général Williams et fit recouvrer £100,000 par le procédé français de saisie-arrêt qu’on adopta. Il fut un temps où les Canadiens ne pouvaient se faire jour au barreau ; mais Cugnet pratiqua toujours, du moins en qualité d’avocat consultant. À en juger par sa consultation pour MM. de Niverville, seigneurs de Chambly, ses consultations égalaient en méthode et en clarté celles des avocats français de réputation. Elles sont d’une belle, très belle petite écriture, semblable à celle du beau manuscrit des œuvres de ce Canadien illustre que possédait l’honorable Pierre J. O. Chauveau. Cugnet était éminemment patriote, il se prononce énergiquement en faveur des droits d’une famille dépossédée en quelque sorte par les Anglais ; il fustige les juges et l’arpenteur général, et dans son traité de police, il regrette les sages ordonnances de la domination française, et déplore le désordre qui leur a succédé. Il eut assez d’influence pour en faire remettre quelques-unes en vigueur. Le Canada le perdit au mois de septembre 1789. Son frère, conseiller honoraire à Blois, lui survécut, et vivait encore en 1800. J. F. Cugnet, fils de François Joseph, est loué comme un des élèves dont le séminaire de Québec s’honore, dans la lettre de Mgr Hubert au Conseil législatif concernant le projet d’ériger une université. Il devint traducteur des lois. Beau jeune homme, il ne répondit pas aux espérances de ses instituteurs, visita l’Angleterre et la France, fit le grand seigneur, et dissipa le bien que son père lui avait laissé.

Curran (John Joseph), éloquent orateur, l’un des hommes politiques les plus populaires du parti conservateur, possède une tête intelligente que l’on remarque à première vue. Ses manières engageantes et affables, son empressement à obliger lui attirent les sympathies de tout le monde. Irlandais de naissance, M. Curran s’exprime en français avec autant de facilité et de pureté que dans sa propre langue et sait également, dans ses discours, plaire aux Canadiens-Français et aux Anglais. Il est né à Montréal en 1842, et a fait ses études au collège Ste-Marie de cette ville et à l’université d’Ottawa. Admis au barreau à vingt et un ans, il se fit bientôt remarquer dans sa profession et s’acquit une nombreuse clientèle. Le collège de Manhattan, N. Y., sous la présidence du cardinal McCloskey, lui conférait, en 1881, les degrés de docteur en loi et l’année suivante, il était nommé conseil de la reine. M. Curran est collaborateur de plusieurs journaux et magazines. Il représente Montréal Centre à la chambre des communes depuis 1882.

Cuthbert, honorable famille anglaise établie en Canada peu après la conquête. — James Cuthbert, acquéreur de la seigneurie de Berthier, fonda pour ainsi dire, en 1766, la paroisse de St-Cuthbert, en donnant, pour y bâtir une église, soixante arpents de terre, outre deux cloches et un tableau de Saint-Cuthbert, à la seule condition que la nouvelle paroisse portât son nom, tandis que des seigneurs catholiques retiraient des donations faites sous les Français. Membre du parlement, il proposa l’abolition de l’esclavage. L’honorable James Cuthbert, son fils, a été membre du Conseil législatif et du Conseil spécial, et l’honorable Robert Cuthbert l’a été du Conseil exécutif.

Ross Cuthbert, écuier, membre du barreau de Québec, publia un pamphlet en réponse à celui que M. Viger venait de publier en 1809, puis un système assez ingénieux sur les marées, qui eut l’honneur d’une critique dans le London Quarterly Review.

Cuvillier (l’honorable Augustin), habile financier canadien et fondateur d’une grande maison de commerce, fut élu membre du parlement provincial pour le comté de Huntingdon, en 1815, et devint l’âme des comités sur le budget. En 1828, il fut délégué, avec l’honorable D. B. Viger et l’honorable John Neilson, pour présenter au parlement impérial une supplique de 87,000 Canadiens se plaignant de la privation de leurs droits politiques. Interrogé par un comité spécial, ses réponses furent précises et marquées au coin de l’habilité et de la connaissance des affaires. Mais il n’alla pas jusqu’à approuver les 92 résolutions, et perdit en conséquence son siège en 1834. Réélu en 1841, sous l’acte d’Union, il fut porté à la présidence de l’Assemblée législative ; cependant, il ne partagea point les vues de l’administration La Fontaine-Baldwin à propos de la rupture de ces messieurs avec lord Metcalfe, se retira de la vie publique et mourut peu de temps après. Un journal anglais de Montréal a proclamé que, dans quelque pays que M. Cuvillier eût pu naître et dans quelque sphère qu’il eût pu se mouvoir, il n’aurait pas manqué de devenir un homme distingué, aucun de ses contemporains n’ayant surpassé son talent pour les affaires.


  1. M. Pierre Chasseur, quoique dépourvu d’instruction, est parvenu par son zèle infatigable à composer un cabinet d’histoire naturelle à Québec. — Lebrun, Tableau des deux Canadas.