Le Pantcha-Tantra ou les cinq ruses/Conclusion

Vichnou-Sarma 
Traduction par Jean-Antoine Dubois.
J.-S. Merlin (p. 226-228).

CONCLUSION.

Après que Vichnou-Sarma eut fini le récit de tous les apologues qu’il avait inventés pour l’instruction de ses élèves, ceux-ci se sentirent des hommes tout nouveaux. Éclairés maintenant, sages et polis, on ne pouvait plus reconnaître en eux ces princes insensés que leur ignorance, leur déraison et leur grossièreté rendaient jadis l’objet du mépris public. Ils comprirent alors l’importance du service que leur précepteur incomparable leur avait rendu en réformant leurs manières basses et leur esprit grossier, et en les rendant dignes d’occuper avec honneur le rang élevé auquel leur destinée les appelait, et ils renouvelèrent à leur instituteur l’expression de la plus vive reconnaissance pour de si grands bienfaits.

Vichnou-Sarma, de son côté, fier de l’heureux succès de ses travaux, embrassa tendrement ses trois pupilles, et les tint long-temps serrés entre ses bras, versant sur eux des larmes de joie.

Après ces premières démonstrations d’amitié et d’attachement, voyant que son ouvrage était heureusement terminé, il conduisit les trois jeunes princes auprès du roi leur père. Celui-ci fut transporté de joie à la vue de la réforme entière qui s’était opérée dans l’esprit et les manières de ses trois fils. Il admira de plus en plus l’esprit d’intelligence et les autres grandes qualités qu’ils faisaient paraître, et combla d’éloges Vichnou-Sarma, à qui il était redevable de ce service si important.

Voulant ensuite honorer ce sage précepteur comme il méritait de l’être, il convoqua une assemblée générale de tous les illustres brahmes Vitou-vansa de son royaume, et lorsqu’ils furent tous réunis, il introduisit ses trois fils au milieu de l’assemblée, et leur fit voir de quoi le sage Vichnou-Sarma avait été capable.

Les Vitou-vansa, qui avaient tous auparavant désespéré de donner une bonne éducation aux trois princes, et qui avaient même hautement blâmé Vichnou-Sarma d’avoir eu la témérité de se charger d’une entreprise dont le succès leur avait paru à tous impossible, furent tous saisis d’étonnement et couverts de confusion, à la vue du changement qui s’était opéré dans l’esprit et les manières des princes, et ne purent s’empêcher d’admirer l’esprit de sagesse de celui qu’ils avaient auparavant blâmé.

Le roi Souca-Daroucha et ses trois fils réitérèrent à Vichnou-Sarma les témoignages de leur sincère reconnaissance, lui firent des dons considérables en terre, en or et en joyaux, lui donnèrent de nouveau le sapt-anga, et congédièrent l’assemblée.

Dès ce jour, tous les soins des jeunes princes furent d’aider le roi leur père dans le gouvernement du royaume, et ils vécurent long-temps ensemble dans une paix et un bonheur inaltérables.

FIN DU PANTCHA-TANTRA.