Le Père Duchesne (n°245)

Ce document est un des numéros du Père Duchesne.
Le Père Duchesne238 à 300 (p. 1-8).
◄  N° 244
N° 246  ►

Je suis le véritable pere Duchesne, foutre !


LA GRANDE COLERE
DU
PERE DUCHESNE,
De voir la République à deux doigts de sa perte par toutes les manigances de l'Angleterre et des Brissotins, pour rétablir la royauté en France et mettre sur le trône un des fils du roi Georges Dandin. Ses bons Avis à tous les braves Sans-Culottes des départemens, pour qu'ils mettent leurs têtes dans un bonnet avec les parisiens, afin d'éviter la guerre civile et de demander ensemble à la convention, une bonne constitution qui assurera la paix à la France, en établissant la liberté et l'égalité.

Jamais, foutre, nous n'avons été si près de la contre-révolution et en même tems aussi forts que nous le sommes. Je le dis et le répéterai toujours, si nous ne nous entendons pas, si nous ne sommes pas tous unis comme des frères, nous sommes foutus et contre-foutus. Non seulement, comme l'a dit le prophète Isnard, on cherchera sur les rives de la Seine le lieu où exista Paris, mais les bords de la Garonne seront également balayés et on n'y trouvera plus de Vordeaux. Rouen, Marseille, Lyon, seront également anéanties. Du Nord au midi, la France sera embrâsée.

Tandis, foutre, que nous nous mangerons le blanc des yeux, les ours du nord, les tigres d'Espagne, conduits par des prêtres, fondront sur nos départemens ; les propriétés seront ravagées, les femmes violées sur les cadavres de leurs maris, les enfants égorgés sur le sein de leurs mères ; il ne restera plus sur la terre de la liberté que quelques troupeaux d'esclaves que de barbares vainqueurs traiteront avec plus de férocité que les nègres. Le sort de tout français qui pourra survivre à la république sera pire que celui des bêtes à somme ; il sera forcé de labourer de ses mains le champ encore fumant du sang de ses frères. Les esclaves d'Alger ; les forçats des galères n'endurent pas la centième partie des tourmens qu'on lui fera éprouver.

Voilà, pauvres Sans-Culottes, oui, foutre, le sort qu'on vous prépare. Vous ne savez pas quelle main invisible vous tourmente et vous divise. Ne vous souvient-il plus que l'Angleterre a été de tout tems l'ennemie de la France ! Quand les Anglois n'ont pu vous vaincre par les armes, ils vous ont réduits par la trahison. Depuis plus de six siècles, ils ont sans cesse pillé, ravagé nos côtés, troublé notre commerce, détruit nos flottes. Ces buveurs de bierre ne nous pardonnent pas d'avoir des départemens qui produisent du bon vin et jusqu'à ce qu'ils soient maîtres des vignes de Bourgogne et Champagne, ils ne nous donneront pas de repos. Le roi Georges Dandin qui, comme vous le savez, ose s'intituler roi de France, mais à qui ce titre ne sert pas plus que les clefs du paradis au pape, se flatte enfin de régner tout de bon sur nous. Au commencement de notre révolution, il a fait le chien couchant et son porte-esprit, le ministre Pitt, avoit déclaré qu'il ne se mêleroit jamais de nos affaires. « Chacun est maître chez soi, disoit-il, que les français fassent comme ils leur voudront leur constitution ; qu'ils rognent, qu'ils tranchent à leur gré ; ils en sont maîtres. »

Et bien, foutre, c'étoit pourtant le roi Georges Dandin qui, sans que nous nous en doutions, conduisoit toute la marotte. Les tripotiers de l'assemblée constituante, Mirabeau, la Fayette, Barnave s'entendoient avec lui comme larrons en foire, et les gredins lui vendoient, au plus offrant, le trône de France pour un de ses fils ; l'imbécile Capet, au lieu de se réunir de bonne foi aux Sans-Culottes, manigançoit avec les mêmes jean-foutres la perte de la nation, et se brûloit lui-même à la chandelle.

Dans ce tems là le docteur Carra (pour bonne raison sans doute) ne craignoit pas de proposer aux jacobins de faire le duc d'York roi des français ; dans ce tems là le vertueux Pétion, accompagné de la Maca Silleri et de la fille de Capet-bordel, alla secrétement en ambassade à Londres recevoir du ministre Pitt les arrhes du mariage de cette jeune gourgandine avec le même duc d'York. Il est donc clair, foutre, que depuis la révolution nous autres Sans-Culottes nous avons été toujours dupés des fripons. On veut à telle fin que de raison rétablir la royauté ; les brigands couronnés versent l'or à pleines mains pour perdre notre république ; ils savent, les bougres, que si nous triomphons, que si la liberté et l'égalité règnent en France, le peuple sera heureux, et que bientôt toutes les nations suivront notre exemple et étoufferont à leur tour tous les mangeurs d'hommes qui tyrannisent la sans-culotterie depuis tant de siècles.

Qu'on ne soit donc pas surpris, foutre, de voir la discorde régner parmi les représentans du peuple, de voir les départemens divisés. Partout les intrigans de l'ancien régime se sont emparés des places. Les administrations sont remplies d'aboyeurs de palais, que nous autres parisiens avons sagement foutus de côté. Notre département, notre municipalité, nos tribunaux, ne sont occupés que par de véritables Sans-Culottes, aussi, foutre, les affaires marchent rondement. Nous ne faisons pas de grâce aux conspirateurs. Nous poursuivons les traîtres à toute outrance et nous défendrons la liberté jusqu'à la mort.

Voilà, foutre, tous les crimes des parisiens, ceux qui veulent un roi, savent bien que tant que Paris subsistera, tous leurs complots s'en iront à vaux-l'eau, aussi redoublent-ils d'efforts pour perdre Paris ; aussi le roi Georges Dandin paye-t-il une armée de coquins qui se répandent dans tous les départemens pour calomnier les Sans-Culottes de Paris. On nous accuse d'être des buveurs de sang, nous qui n'avons pas fait une égratignure, donné une seule chiquenaude aux fripons qui ne cessent de conspirer contre la république, nous ne nous sommes vengés des traîtres qu'en les dénonçant à l'opinion publique. On nous fout sans cesse au nez les massacres de 2 et 3 septembre, quoique ces massacres ayent été faits par des étrangers et au surplus, foutre, quels sont donc les hommes qui ont péri dans ces massacres, n'étoit-ce pas les plus grands de tous les scélérats, des monstres qui avoient eux-mêmes fait égorger des milliers de bons citoyens. A-t-on oublié que Gorsas et Brissot qui pleurent aujourd-hui la mort de Montmotin et de tous les membres du comité autrichien, qui voudroient souffler au cul des prêtres réfractaires, des évêques, archevêques qui ont péri dans ces dernières journées, ont eux-mêmes fait l'éloge de ces messacres ? Qu'on lise ce qu'ils écrivoient alors et ce qu'ils disent aujourd'hui, et l'on verra quelle foi on doit avoir dans de pareilles girouettes qui tournent à tous les vents et surtout du côté où il y a plus d'argent et d'assignats.

Ces jean-foutres ne nous pardonneront point de ne nous être pas laissé graisser la patte ; ils nous accusent de vouloir dissoudre la convention, parce que nous avons demandé à la convention de chasser de son sein les intrigans et les traîtres qui mettent des bâtons dans les roues et l'empêchent de nous donner une bonne constitution. Ils auront beau japper et cabaler, on ne persuadera jamais aux véritables républicains que Paris a changé ; il veut la république une et indivisible, une bonne constitution qui assure la liberté et l'égalité. Les Sans-Culottes n'en veulent point aux propriétés des riches ; mais ils ne veulent pas que les riches soient leurs maîtres.

Voilà leur profession de foi, foutre ; c'est celle de toute la Sans-culotterie ; que nos frères de la Gironde, de Marseille, du Finisterre viennent en personne nous juger ; c'est là le tribunal devant lequel nous voulons comparoître. Nous leur demanderons si c'est nous qui avons fait perdre neuf mois à la convention ; si c'est nous qui avons voulu sauver le traître Capet ; nous les menerons dans nos galetas, et nous leur dirons si c'est là que coule l'or de l'Autriche et de l'Angleterre ; nous leur prouverons enfin que nous sommes les mêmes qu'en 1789, toujours prêts à verser jusqu'à la dernière goutte de notre sang pour la cause commune. Vous n'en direz pas autant, Brissotins, Rolandins et Pétionistes, qui regorgez d'or et de richesses ; vous rendrez compte des dons patriotiques, des diamans du garde-meuble, des assignats que vous fabriquez, des caisses publiques qui sont entre vos mains, des places que vous avez vendues, des infâmes généraux que vous avez nommés et protégés. Complices de Dumouriez, la France vous jugera foutre ; Paris, qui tant de fois a sauvé la France, ne périra pas ; ce sera vous, infâmes coquins, foutre.




De l'Imprimerie de la Rue Neuve de l'Egalité
Cour des Miracles.