Le Père De Smet/Chapitre 17

H. Dessain (p. 373-397).


CHAPITRE XVII

EXPÉDITION CONTRE LES MORMONS.
PACIFICATION DE L’ORÉGON.
ÉTAT DES MISSIONS


1858-1859


Les difficultés soulevées contre l’œuvre du P. De Smet étaient, depuis quelque temps, aplanies. À la lumière des faits, la vérité triomphait des imputations erronées. On reconnaissait, à Rome, la droiture de sa conduite, la sagesse de ses plans. Désormais, ses supérieurs ne s’opposaient plus à son attrait pour les missions.

Dès 1854, sur la demande de Mgr Lamy, évêque de Santa-Fé, le P. Beckx, successeur du P. Roothaan, avait autorisé notre missionnaire à aller évangéliser les tribus du Nouveau-Mexique ; mais le retour en Europe des Jésuites exilés en 1848 devait, quelque temps encore, le retenir à Saint-Louis.

Cependant l’appel des Indiens est de plus en plus pressant. La petite vérole vient de faire chez eux 4 000 victimes, dont beaucoup n’ont pu recevoir le baptême. « Ah ! s’écrie le P. De Smet, si le désir de mes supérieurs, qui est pour moi la volonté de Dieu, s’accordait avec le leur, je serais bien vite en route pour leur porter mes faibles secours ».[1]

Enfin, au printemps de 1858, il est libre de partir. Il n’a attendu, pendant dix ans, la permission de revoir ses néophytes, que pour leur porter, avec les lumières de la foi, les bénédictions de la paix.

Avant d’aller en Oregon, le P. De Smet devait accompagner une expédition dirigée par les États-Unis contre les Mormons.

Chassés, pour leurs mœurs infâmes, d’abord du Missouri, puis de l’Illinois, « les Saints des derniers jours » s’étaient retirés, en 1847, sur les bords du Lac Salé, de l’autre côté des Montagnes-Rocheuses.[2]

Le chef de la secte, Brigham Young, jouissait sur les siens d’une autorité absolue, et ne prétendait à rien moins qu’à établir le mormonisme sur tout le continent américain. Nommé par les États-Unis gouverneur de l’Utah, il se déclara indépendant du pouvoir fédéral. De sa « Nouvelle Jérusalem », le « Prophète » défiait le Président de Washington. Les officiers du gouvernement se virent forcés de quitter le territoire, ou rendus incapables d’y exercer leurs fonctions.

Le Congrès nomma alors un nouveau gouverneur. À l’automne de 1857, celui-ci partit pour l’Utah, avec deux ou trois mille soldats, chargés de faire reconnaître son autorité.

Aussitôt, Brigham Young se prépare à la résistance. Avant que l’ennemi ait atteint sa capitale, il surprend un convoi de vivres, brûle les chariots, emmène bœufs, chevaux et mulets, et laisse, en plein désert, la petite armée exposée aux rigueurs de la faim.

À cette nouvelle, les États-Unis décident d’envoyer au printemps une seconde expédition, sous les ordres du général Harney. Cet officier venait de réprimer divers soulèvements d’Indiens en Floride, au Texas, au Nouveau-Mexique. Aussi prudent qu’énergique, il semblait, plus qu’aucun autre, capable de soumettre les Mormons.

Avant d’entrer en campagne, le général voulut assurer à ses soldats, dont les trois quarts étaient catholiques, les secours religieux. Il exprima le désir d’avoir comme aumônier le P. De Smet.

Le 13 mai 1858, celui-ci recevait la proposition officielle du ministre de la Guerre : « Le Président a l’intention de vous attacher à l’armée de l’Utah, en qualité d’aumônier. Il pense que, sous plus d’un rapport, vous rendriez au pays d’importants services. Lui-même me charge de vous communiquer son désir, avec l’espoir que cette charge ne sera, ni incompatible avec vos devoirs ecclésiastiques, ni contraire à vos goûts personnels ».

Le P. De Smet, espérant pouvoir combiner avec ce voyage une visite aux tribus de l’Orégon, soumit la chose à son supérieur. Le P. Provincial lui conseilla d’accepter. Quelques jours plus tard, le nouvel aumônier quittait Saint-Louis pour rejoindre l’armée au fort Leavenworth, dans le Kansas.

Le général Harney le reçut avec courtoisie, l’assurant que toute liberté lui serait laissée pour l’exercice de son ministère. « Il a tenu parole avec une admirable loyauté, écrit le P. De Smet, et tous les officiers ont imité son exemple. Les soldats étaient toujours libres de venir à ma tente pour les instructions et les confessions. Souvent, de grand matin, j’avais la consolation de célébrer le saint sacrifice, et de voir un bon nombre de soldats s’approcher de la sainte table ».[3]

Tout en accompagnant l’armée, le missionnaire ne pouvait négliger les sauvages dont il traversait le pays. Chez les Pawnees, les Sioux, les Cheyennes, il fit plusieurs instructions et baptisa plusieurs enfants.

En remontant la Nebraska, on rencontra des groupes de Mormons, qui allaient s’établir au Kansas ou au Missouri. Ils se réjouissaient d’avoir pu échapper au despotisme de Brigham Young, et annonçaient que plusieurs autres familles étaient également décidées à quitter la secte.

Ces nouvelles permettaient d’espérer la prompte soumission du pays. Quelques jours plus tard, en effet, on apprend que les Mormons ont cessé la résistance. Le nouveau gouverneur est entré dans la capitale ; le peuple reconnaît son autorité. Le général Harney reçoit l’ordre de diriger ses troupes sur d’autres points et de retourner aux États-Unis.

Jugeant sa mission terminée, le P. De Smet rentra à Saint-Louis, et offrit au ministre de la Guerre de résigner sa charge d’aumônier. Mais de nouvelles difficultés venaient de surgir à l’ouest des Montagnes-Rocheuses ; sa démission ne fut point acceptée.

Les peuplades de l’Orégon avaient, pendant quinze ans, vécu heureuses sous l’œil des missionnaires. Un grand nombre de sauvages avaient reçu le baptême et s’étaient initiés à l’agriculture ; les récoltes étaient abondantes ; le moulin travaillait sans relâche ; chaque jour, on défrichait de nouvelles terres.

Lorsque, en 1854, les agents du gouvernement avaient pénétré chez les tribus des Montagnes, ils avaient été émerveillés des résultats acquis. Ils ne pouvaient assez louer, dans leurs rapports, la bravoure, la piété, la probité, l’intelligence, l’industrieuse activité des nouveaux chrétiens. « À peine, disait l’un d’eux, pouvais-je en croire mes yeux. Je me demandais : Suis-je parmi des Indiens ? Suis-je parmi ces gens que tout le monde appelle sauvages » ?[4]

Rapprochant de ce tableau l’abjection où, naguère, croupissaient les tribus, ils proclamaient leur admiration : « Grâce aux soins assidus des Pères, les Indiens ont fait de grands progrès dans l’agriculture. Instruits dans la religion chrétienne, ils ont abandonné la polygamie. Leurs mœurs sont pures et leur conduite édifiante. L’œuvre des missionnaires est vraiment prodigieuse ».[5]

Ces témoignages, dus à des plumes protestantes, permettent d’entrevoir ce que seraient devenus les Indiens, si les États-Unis, au lieu de les exterminer, eussent abandonné aux catholiques le soin de les civiliser.

Les missionnaires ne devaient pas longtemps jouir en paix de ces magnifiques résultats. Les circonstances qui, en 1850, avaient amené la fermeture de Sainte-Marie, allaient, quelques années plus tard, mettre en péril les autres réductions.

Depuis la découverte des mines d’or, les Blancs n’avaient cessé d’affluer vers l’Ouest. « Imaginez-vous, écrivait le P. De Smet, des milliers d’aventuriers venus de tous les pays, des déserteurs, des voleurs, des meurtriers, l’écume des États-Unis, du Mexique, du Pérou, du Chili, des îles Sandwich, tous vivant sans frein ni loi ».[6]

Les nouveaux venus avaient promptement envahi la Californie, et déjà se répandaient dans les territoires d’Orégon et de Washington. Au mépris de tous les droits, ils chassaient les indigènes et les refoulaient dans les montagnes. L’histoire de la « conquête blanche » n’a point de page plus lugubre.[7]

En échange de leurs terres, de leurs chevaux, de leurs fourrures, les Blancs offrent aux Indiens l’eau-de-vie. Avec la passion de leur race, ceux-ci se jettent sur la fatale boisson. On se rappelle quelles atrocités l’ivresse faisait commettre aux Potowatomies ; mêmes scènes se renouvellent dans la Californie et l’Orégon. Les hommes s’entre-tuent par centaines ; les femmes et les enfants se traînent comme des animaux autour de leurs wigwams.

Si mortel que soit l’alcool, son action est trop lente au gré des envahisseurs. Ils pensent que le revolver agira mieux que le whisky, et offrent une récompense de vingt dollars à quiconque apportera un scalp d’Indien. La chasse à l’homme rouge devient un sport. On tue pour se faire la main, pour essayer son arme. De quel prix peut être la vie d’un sauvage, quand celle d’un Blanc pèse si peu ?

Chose encore plus horrible : on vend aux Indiens de la farine, du sucre, mêlés d’arsenic ; on jette de la strychnine dans les sources où ils viennent se désaltérer ; on leur distribue des habits contaminés.

« Voici, dit un missionnaire, ce qui me fut un jour raconté par des témoins véridiques. C’était sur les côtes du Pacifique. Les Blancs avaient résolu de détruire un camp indien. Ils suspendirent simplement à un arbre, à l’entrée du camp, les habits d’un homme qui venait de mourir de la petite vérole. Les Indiens aperçurent ces défroques et, enchantés de leur trouvaille, ils les prirent et s’en revêtirent. Bientôt la terrible maladie se répandit dans le camp, et, de plusieurs centaines de sauvages, il ne resta qu’une douzaine de pauvres gens, réduits à pleurer la tribu ravagée par le fléau ».[8] Si l’on ajoute, à ces causes de destruction, les maux engendrés par l’immoralité des Blancs, on comprendra qu’en dix ans la population indienne de la Californie soit tombée de 100  000 à 30  000 âmes.

Remontant la vallée du Columbia, les chercheurs d’or avaient occupé le pays des Cayuses, des Wallawallas, des Nez-Percés, des Yakimas, des Spokanes. Bientôt ils atteindraient les réductions. Que deviendrait alors l’œuvre du P. De Smet ?

La mission Saint-Paul-Colville, fondée chez les Chaudières en 1845, avait pris, sous la direction du P. De Vos, un rapide développement. Elle comptait au moins 1 000 sauvages baptisés, tous fidèles aux pratiques chrétiennes. À partir de 1855, l’aspect des choses changea. Les Blancs s’emparèrent des terres qu’on avait commencé à cultiver. Le village, livré à la débauche et à l’ivrognerie, devint le théâtre des pires excès.

Le P. Vercruysse, arrivé depuis six ans à Colville, écrivait en 1857 : « Depuis qu’une foule d’étrangers se rendent aux mines, on ne reconnaît plus les Indiens. Gâtés par les mauvais discours et les mauvais exemples, ils ne nous écoutent plus. Le chef ne met plus le pied, ni à l’église, ni chez nous. Jeu, vol, commerce illicite, divorce, sorcellerie, recommencent, à peu de chose près, comme avant l’arrivée des Pères. Il n’y a point d’espoir de les ramener, si ce n’est par une absolue séparation des Blancs ».[9] — « De la part des Indiens, ajoute le missionnaire, ce n’est pas méchanceté, mais légèreté et sottise. Leur cœur est bon. Seuls avec nous, ce seraient des anges ».[10]

Pendant trois ans au moins, les PP. Vercniysse et Ravalli disputèrent aux étrangers l’âme de leurs néophytes. « C’est un plaisir d’être ici, écrivaient-ils, mais pour l’amour de Dieu et le salut des Indiens ; sinon, un jour nous semblerait un siècle ».

Enfin, il fallut se résoudre à quitter la mission. Dans les derniers jours de 1858, les Pères, avec quelques chrétiens restés fidèles, se retirèrent chez les Cœurs-d’Alène. La mission du Sacré-Cœur, dirigée par le P. Joset, commençait elle-même à souffrir du voisinage des émigrants. Plusieurs chrétiens avaient repris l’habitude du jeu, et cessé de fréquenter l’église. Aux dernières Pâques, la moitié seulement s’étaient approchés des sacrements.

— Vous dites que la religion des Blancs rend les hommes meilleurs, disaient-ils aux missionnaires, et les Blancs que nous voyons sont plus méchants que nous.

Cependant les Indiens n’avaient pas, sans résistance, laissé envahir leur territoire. Ceux de la Californie d’abord, puis ceux du Bas-Oregon, s’étaient maintes fois livrés à de terribles représailles.

Désirant rétablir la paix, les États-Unis avaient offert, en 1855, d’acheter les terres comprises entre le Willamette et le pays des Pieds-Noirs. Les tribus, se retirant vers le nord, n’auraient plus à craindre les vexations des émigrants. Mais déjà les Indiens avaient été trop souvent trompés pour croire encore à la bonne foi des Blancs. Loin d’accepter la proposition, les Cayuses, les Yakimas, les Nez-Percés, les Palooses excitèrent contre les étrangers les autres peuples de l’Orégon. Les chrétiens, hésitant à prendre les armes, s’entendirent traiter de « femmes » de « petits chiens qui ne savent qu’aboyer lorsque le danger menace ». Les missionnaires eux-mêmes furent dénoncés comme ennemis.

— Ils sont blancs comme les Américains, répétait le chef des Yakimas, ils n’ont tous qu’un même cœur.

Au printemps de 1858, le colonel Steptoe, à la tête d’une compagnie de dragons, arrive du Willamette pour rétablir la paix autour du fort Colville. Il fait halte dans le voisinage des Cœurs-d’Alène. Ceux-ci se croient menacés. Malgré le P. Joset, qui traite de folie leur prétention, ils jugent le moment venu de se mesurer avec les États-Unis. Fondant à l’improviste sur la petite troupe, ils tuent deux officiers et plusieurs soldats. Trop inférieurs en nombre, les Américains se retirent précipitamment, abandonnant leurs bagages et leur artillerie.

Enivrés de ce facile succès, les Indiens se croient invincibles. On n’entend plus, dans les Montagnes, que cris de guerre et menaces de vengeance.

Décidé à en finir, le gouvernement de Washington fait appel au général Harney. Celui-ci accepte le commandement des troupes, et, de nouveau, réclame comme aumônier le P. De Smet. Il sait quelle est l’influence du missionnaire auprès des Indiens ; il ne doute pas que sa médiation ne mette un terme aux hostilités.

La mission est délicate. Que penseront les Indiens, lorsqu’ils verront la robe-noire en compagnie de ceux qui viennent leur faire la guerre ?… Mais, ramener la paix dans l’Orégon, n’est-ce pas sauver les réductions ? Comptant sur le secours d’en haut, le religieux s’assure l’approbation de ses supérieurs et, immédiatement, se

dispose à partir.

Afin d’éviter la traversée du désert, le général Harney avait décidé de passer par l’isthme de Panama, et d’entrer dans l’Orégon par l’embouchure du Columbia.

On quitta New-York le 20 septembre ; un mois plus tard, on était à Vancouver.

À peine débarqué, le général n’est pas peu surpris d’apprendre la soumission des Indiens. Désirant venger la défaite de Steptoe, le colonel Wright est parti de Wallawalla à la fin d’août, avec une colonne de 600 hommes. Par son habile tactique, il a, dans les premiers jours de septembre, mis en déroute les forces réunies des Cœurs-d’Alène, des Spokanes et des Kalispels. Déconcertées par cette prompte revanche, les tribus se sont empressées de faire la paix. Elles ont donné des otages, et livré, pour être pendus, les auteurs de divers assassinats commis sur les Américains.

Les Indiens étaient vaincus ; ils n’étaient point réconciliés. Les promesses du vainqueur n’avaient, ni dissipe les défiances, ni apaisé les ressentiments. Il fallait faire accepter aux tribus le fait accompli, leur ménager avec le gouvernement une loyale entente, leur assurer des garanties contre les vexations des émigrants ; sinon, la guerre pouvait, à chaque instant, recommencer.

La saison étant trop avancée pour permettre aux troupes de s’engager dans les montagnes, le P. De Smet offrit d’aller seul passer l’hiver chez les Indiens, de consolider la paix, et de revenir, au printemps, faire son rapport au général.

Le 29 octobre, il quittait Vancouver. Quatre cents milles le séparaient de la mission la plus proche, celle des Cœurs-d’Alène.

Au fort Wallawalla, il rencontra les otages pris, deux mois auparavant, par le colonel Wright.

« Les croyant en danger de se pervertir, raconte le P. Vercruysse, il demande qu’ils puissent l’accompagner dans leur pays.

— Impossible, répond le colonel. Il me faudrait l’autorisation expresse du général Harney.

— Eh bien ! dit le Père, je suis sûr que le général ne vous reprochera pas d’avoir acquiescé à ma demande. Je connais les Spokanes, les Cœurs-d’Alène et les Kalispels. Ce sont mes enfants. Je réponds de leur fidélité sur ma tête, et, si le général me la demande, je la lui apporterai.

» Dès lors, le colonel ne s’oppose plus au départ des otages, et ceux-ci s’en vont avec leur Père, joyeux comme les âmes sortant des Limbes ».[11]

Cet arrangement fournit au P. De Smet des compagnons et des guides, mais surtout lui assure bon accueil auprès des tribus. Lorsque, le 21 novembre, il arrive chez les Cœurs-d’Alène, il est reçu avec enthousiasme, comme l’ami, le père, le libérateur des Indiens.

Le missionnaire revoit, après douze ans, ceux qu’il a jadis engendrés à la foi. Depuis lors, la réduction s’est développée. Elle possède une belle église, des habitations commodes, un moulin, des ateliers, de riches pâturages, des champs d’une fertilité prodigieuse. Mais cette prospérité même n’est pas sans danger. Déjà les Blancs convoitent les terres de la mission. La pensée de devoir bientôt quitter les tombeaux des aïeux jette la tribu dans un morne abattement.

Le P. De Smet ne manque pas de flétrir la conduite des émigrants. Il fait promettre aux chrétiens de n’avoir plus de commerce avec eux. D’ailleurs, assure-t-il, les États-Unis, tout en réprimant les violences des Indiens, entendent faire respecter leurs droits. Quant à reprendre les hostilités, ce serait folie. Le général Harney fait savoir aux tribus que « le gouvernement, toujours généreux envers un ennemi vaincu, est en même temps décidé à protéger ses citoyens sur tous les points du territoire, et que les Indiens n’échapperont à la mort que par l’entière soumission aux ordres qu’ils reçoivent. Les troupes qui leur ont livré bataille l’automne précédent restent cantonnées dans l’Orégon. Au moindre signe de rébellion, elles repartiront pour les Montagnes, avec ordre de ne faire aucun quartier ».[12]

Les Cœurs-d’Alène, on s’en souvient, n’avaient pris les armes qu’à l’instigation des tribus non converties, et dans le but de défendre leurs terres. Il était facile de les décider à la paix.

Mais le P. De Smet n’ignorait pas que la religion est le plus sûr moyen de dompter les cruels instincts du sauvage. Les trois mois qu’il passa à la mission furent, en grande partie, consacrés à instruire les néophytes, à ramener aux pratiques chrétiennes ceux que le contact des Blancs avait égarés.

« Le jour de Noël, écrit-il, je chantai la messe de minuit. Les Indiens, hommes, femmes et enfants, entonnèrent ensemble le Vivat Jésus, le Gloria, le Credo, avec plusieurs cantiques dans leur langue. Tous chantaient avec un accord merveilleux. Je ne saurais dire que de consolations me fit goûter, au milieu du désert, cette solennité. Elle me rappelait les réunions des premiers chrétiens, alors que tous n’avaient qu’un cœur et qu’une âme. Depuis huit jours, les Indiens s’étaient préparés à faire une bonne confession ; tous, à peu d’exceptions près, s’approchèrent de la sainte table. Pareille fête ne s’oublie pas ; son souvenir reste parmi les meilleurs de ma vie »[13].

Impatient de visiter les autres tribus, le P. De Smet partit, dès le milieu de février, pour la mission Saint-Ignace[14].

Un rigoureux hiver rendait le voyage périlleux. Tandis qu’il franchissait, dans un frêle canot d’écorce, les rapides de la Clarke, le missionnaire se trouva plus d’une fois en danger de périr. Mais la joie de revoir ses néophytes, l’espoir de leur assurer la paix, lui rendaient la fatigue légère.

Il arriva enfin chez les Kalispels. Ceux-ci le reçurent avec de vives démonstrations de joie. N’est-ce pas lui qui, le premier, leur avait appris à connaître le Maître de la vie ?

La mission comptait 2 000 Indiens baptisés. C’était la plus prospère de l’Orégon. Moins exposée au contact des Blancs que celles de Saint-Paul et du Sacré-Cœur, elle avait conservé, sous la direction du P. Hoecken, la ferveur des débuts.

Bientôt le P. De Smet voit arriver les Kootenais. Ils ont fait, à travers la neige, plusieurs jours de marche, pour venir lui serrer la main, et l’assurer qu’ils sont restés fidèles à ses enseignements.

Restent les Têtes-Plates. Malgré la douleur de ne plus trouver que des ruines, le P. De Smet veut revoir l’ancienne, et toujours chère, mission Sainte-Marie.

Sans doute, la passion du jeu a causé de graves désordres ; mais le mal n’est pas irréparable. Les vieillards n’ont cessé de déplorer l’aveuglement de leur tribu ; tous souhaitent ardemment le retour des missionnaires. Le grand chef a traversé l’Orégon, à la recherche du P. Mengarini. Lorsque, l’année précédente, un Père de Saint-Ignace est venu les visiter, la plupart se sont approchés des sacrements, et ont repris l’habitude de la prière.

Comme les Cœurs-d’Alène, les autres peuplades converties promettent de ne pas recommencer la guerre. Entrées dans la coalition pour défendre leurs droits, elles n’ont à se reprocher aucun acte de cruauté. Les Têtes-Plates et les Kalispels se font gloire de n’avoir jamais versé le sang d’un Blanc.

Le pacificateur devait, semble-t-il, rencontrer plus de difficulté chez les tribus restées païennes. Mais tel est l’ascendant du P. De Smet, si franches sont ses manières, si touchante sa bonté, qu’il a promptement dissipé la défiance des sauvages. Les Spokanes, les Yakimas, les Palooses, les Okinaganes, les Chaudières, promettent d’accepter les conditions du gouvernement.

Le 16 avril 1859, le missionnaire reprend la route de Vancouver. Il est accompagné de neuf chefs sauvages, qui vont, au nom de leurs tribus, signer la paix avec les agents de la République. Seul et sans armes, un jésuite a plus fait, pour la tranquillité du pays, que les troupes américaines. Ceux que contenait la force, il les a charmés, et il les amène, sincèrement soumis, aux pieds du vainqueur.

Si le succès est complet, le voyage est difficile. Il faut plus d’un mois pour atteindre le quartier général. « Nous eûmes beaucoup de dangers à courir par suite de l’abondance des neiges et de la crue des rivières. Pendant dix jours, nous dûmes nous frayer une route à travers d’épaisses forêts, où se croisaient des milliers d’arbres, abattus par la tempête, et recouverts de six et huit pieds de neige. Chaque jour, ma monture et moi culbutâmes plusieurs fois ; mais, à part quelques contusions, un chapeau troué, un pantalon déchiré, et une soutane en lambeaux, je sortis sain et sauf du terrible passage »[15]

Enfin, les chefs indiens se trouvent en présence du général Harney et du surintendant des Affaires Indiennes. Ils renouvellent l’assurance de leur soumission et implorent l’amitié des Américains. Ils regrettent l’aveuglement qui leur a fait prendre les armes ; ils s’engagent à ne plus molester les Blancs qui traverseront leur territoire ; ils sont même disposés à abandonner leurs terres, si le gouvernement consent à leur donner des « réserves », et s’engage à les y protéger.

Ravi de ces dispositions, le général fait aux Indiens bon accueil ; il leur offre des présents, et leur promet la protection des États-Unis. Il s’empresse de signaler au gouvernement les importants services rendus à l’armée par le P. De Smet. « Je suis convaincu, ajoute-t-il, que, si l’on agit avec prudence, il n’y a pas à craindre, d’ici à longtemps, de guerre sérieuse dans ce pays ».[16]

Non content d’avoir assuré la paix, le P. De Smet songeait à prévenir de nouveaux conflits. Il ne voyait d’autre moyen que d’éviter aux sauvages le contact des émigrants. Dans un intéressant rapport, il exposa son plan au général Harney. Les États-Unis abandonneraient aux Indiens, à titre de réserve, le pays compris entre la chaîne des Rocheuses, les montagnes de la Racine-Amère et la rivière des Kootenais, Là serait rassemblé, sous la direction des missionnaires et la protection du gouvernement, ce qui restait des tribus éparses dans les territoires d’Oregon et de Washington[17].

Frappé des avantages qu’offrait le projet, le général en fit part au ministre de la Guerre :

« La région dont il s’agit, déclarait-il, ne sera pas, avant vingt ans au moins, occupée par les Blancs. Elle est d’un accès difficile, et n’offre pas aux colons les avantages qu’ils trouvent partout sur la côte.

» Le système, en usage en Californie, de placer dans une seule réserve un grand nombre d’Indiens, et de leur faire adopter tout d’un coup la façon de vivre des Blancs, a échoué par suite de la brusque transition imposée à ces primitives et défiantes tribus. Le plan proposé par le P. De Smet échappe à cet inconvénient. Il place les Indiens dans un pays où abonde le gibier et le poisson, et où il y a assez de terre labourable pour encourager leurs essais de culture. Les missionnaires qui vivent parmi eux ont assez d’autorité, et sauront leur inspirer assez de confiance, pour les amener, peu à peu, à accepter les exigences de la civilisation, lorsque l’inévitable décret du temps aura fait pénétrer chez eux le progrès.

» L’histoire de la race indienne sur notre continent a prouvé que le missionnaire réussit là où avait échoué l’autorité civile et militaire. Dans une affaire qui n’intéresse pas moins les Blancs que les sauvages, il serait bon de profiter des leçons de l’expérience, et d’adopter le projet du P. De Smet ».[18]

Le gouvernement ne devait point, hélas ! entrer dans ces vues. Il n’en faut pas moins savoir gré au général Harney d’avoir cherché à faire prévaloir des conseils de sagesse et d’humanité.

La mission du P. De Smet était terminée. Désirant revoir encore les établissements des Montagnes et visiter les tribus du Missouri, il obtint du général l’autorisation de retourner à Saint-Louis par la voie de terre. Le 15 juin, il quitta Vancouver, accompagné des chefs indiens qui regagnaient leur pays.

Quelques mois plus tard, il recevait les lignes suivantes d’Alfred Pleasonton, alors capitaine dans l’armée d’Oregon :

« Mon cher Père, nous avons tous vivement souffert de votre départ. Je n’ai rencontré aucun officier de notre connaissance qui ne m’ait exprimé le même regret. C’est à vous que nous nous sentons redevables de la bonne entente qui règne maintenant entre les Blancs et les Indiens…

» Le général me charge de vous exprimer sa vive reconnaissance pour les précieux services que vous avez rendus au pays durant son commandement. Il vous renouvelle l’assurance de sa haute estime et de son inaltérable amitié. Quant à moi, je sentais, en me séparant de vous, la perte que je faisais. Votre bienveillance, votre bonté, faisaient sur moi grande impression, et m’aidaient à dompter mon humeur peu traitable. Daignez donc me garder votre amitié, et m’aider à acquérir les biens inappréciables qu’offrent la vertu et la religion ».[19]

Bientôt, l’auteur de cette lettre sera devenu l’un des premiers généraux de son pays. Son témoignage prouve que le P. De Smet avait dignement rempli sa charge d’aumônier.

On se souvient que la mission des Montagnes-Rocheuses était, depuis 1854, rattachée à la province de Turin. Les Pères de l’Orégon n’en continuaient pas moins à regarder le P. De Smet comme le principal soutien des réductions. C’était surtout lui qui recueillait les aumônes ; chaque année, il envoyait de Saint-Louis une ample provision de vivres, d’habits, de semences, d’outils, d’instruments de culture ; il obtenait du gouvernement autorisations et subsides ; jamais il ne quittait l’Europe sans emmener avec lui de nombreux missionnaires ; sans cesse il recommandait à la sollicitude du P. Général « ses pauvres enfants du désert ».

Profitant de sa présence, le P. Congiato, supérieur de la mission, tint à prendre ses conseils. Depuis l’abandon de Sainte-Marie et de Saint-Paul-Colville, les Jésuites ne possédaient plus en Oregon que deux réductions, celle des Cœurs-d’Alène et celle des Kalispels. Ne fallait-il pas profiter des bonnes dispositions des Indiens pour relever les ruines, et même, s’il se pouvait, établir de nouveaux postes ?

Comme les Têtes-Plates, les Chaudières n’avaient pas tardé à regretter le départ des missionnaires.

— Robe-Noire, disaient-ils, nous voudrions être bons, et faire ce que demande le Grand-Esprit. Mais vois combien nous sommes exposés. De plus en plus, les Blancs se répandent dans le pays. — Ils nous offrent le whisky, et nous disent qu’il n’est pas défendu d’en user. Avant leur arrivée, nous ne trouvions aucune difficulté à être bons ; aujourd’hui, quel changement !

Pour leur venir en aide, on décida que le P. Joset irait prochainement rouvrir la mission de Colville.

Quant à Sainte-Marie, les Pères ne pourront y rentrer de sitôt. La création récente de la mission de Californie[20] a réduit à six le nombre des prêtres travaillant dans les Montagnes. Toutefois, les Têtes-Plates ne seront pas abandonnés. Plusieurs fois chaque année, les missionnaires de Saint-Ignace iront les visiter, les instruire, leur administrer les sacrements.

De tous les Indiens, les Kootenais paraissent, actuellement, les plus dignes d’intérêt. Ils n’ont pas encore souffert du voisinage des Blancs : « Chez eux, écrit le P. De Smet, continue à régner l’union fraternelle, la simplicité évangélique, l’innocence et la paix. Leur honnêteté est si connue, que la marchand quitte son magasin et le laisse ouvert, quelquefois pendant plusieurs semaines. Les Indiens entrent, se servent eux-mêmes, et, à son retour, le propriétaire se trouve fidèlement payé. L’un d’eux m’a assuré qu’ainsi il ne lui avait jamais manqué la valeur d’une épingle ».[21]

Les Kootenais ont bâti de leurs mains une église, dans laquelle ils se réunissent, matin et soir, pour prier. Deux ou trois fois par an, ils ont la visite du missionnaire. À Pâques et aux principales fêtes, ils se rendent à Saint-Ignace, pour recevoir les sacrements et consacrer quelques jours aux exercices religieux.

À l’est des Montagnes, le P. Hoecken préparait l’établissement d’une mission chez les Pieds-Noirs. Depuis qu’ils avaient reçu l’Évangile, ceux-ci ne molestaient plus les tribus de l’Orégon ; mais toujours on craignait de voir se réveiller leurs sauvages instincts. Sur les instances du P. De Smet, le P. Général avait enfin permis de reprendre l’œuvre du P. Point. Encore quelques mois, et la mission Saint-Pierre réunirait, près de la Rivière-au-Soleil, des centaines de néophytes.

Partout, la paix semblait rétablie ; les réductions allaient de nouveau prospérer ; le P. De Smet se disposa à regagner Saint-Louis.

Le P. Congiato voulut lui-même l’accompagner jusqu’à sa sortie de l’Orégon. Ce fut pour lui l’occasion d’admirer le grand missionnaire dans ses rapports avec les Indiens. « Je n’oublierai jamais, écrit-il, le bonheur que j’ai éprouvé en voyageant avec le P. De Smet parmi les tribus. J’ai pu me convaincre par mes propres yeux que le respect, l’amour, l’estime, que lui ont voués les Indiens, sont bien mérités. Impossible de n’être pas touché de sa charité, de sa tendresse, pour une race d’ordinaire méprisée et persécutée. Les Indiens l’appellent leur père, mais ses sentiments pour eux sont plutôt ceux d’une mère ».[22]

Il n’était pas facile, en ce temps-là, de franchir les monts qui séparent la mission du Sacré-Cœur de celle de Saint-Ignace.

« Imaginez-vous d’épaisses forêts vierges, avec des milliers d’arbres abattus par le vent. Le sentier, à peine visible, est obstrué par des barricades que doivent constamment franchir les chevaux, et qui, chaque fois, mettent en danger la vie du cavalier. Deux gros torrents serpentent à travers ces forêts. Leurs lits sont formés d’énormes blocs détachés des rochers, et de pierres glissantes roulées par les eaux. Le sentier traverse le premier de ces torrents trente-neuf fois, l’autre, trente-deux. Souvent l’eau arrive au cheval jusqu’au poitrail, quelquefois même au-dessus de la selle. On s’estime heureux d’en sortir n’ayant que les jambes mouillées. Une montagne, haute d’environ 5 000 pieds, sépare les deux rivières. Ajoutez, çà et là, de vastes plateaux, où la neige n’a pas moins de huit à douze pieds de profondeur.

» Après huit heures de pénible ascension, nous arrivons dans une plaine émaillée de fleurs où, seize ans auparavant, lors de mon premier voyage, une croix avait été dressée. Dans ce beau site, j’aurais désiré camper. Le P. Congiato, persuadé que deux heures suffiront pour atteindre le pied de la montagne, nous décide à continuer notre marche.

» Les deux heures s’écoulent, puis quatre autres, et la nuit nous surprend au milieu de mille obstacles. Ce sont de nouveaux monticules de neige, de nouvelles barricades d’arbres renversés. Il faut marcher, ici, sur le bord de rochers à pic, là, sur une pente presque perpendiculaire. Le moindre faux pas peut nous précipiter on ne sait où. En pleine obscurité, sans guide, sans chemin frayé, on fait chute sur chute, on marche à tâtons et à quatre pattes, toujours en descendant et en roulant.

» Enfin, nous entendons de loin le bruit du torrent que nous cherchions. Chacun de se diriger aussitôt de ce côté. Vers minuit, tous, les uns après les autres, finissent par y arriver, épuisés par une marche de seize heures, les habits en lambeaux, avec des écorchures et des contusions nombreuses, mais sans gravité. On prépare à la hâte le dîner-souper. Chacun raconte l’histoire de ses culbutes, et en divertit ses compagnons. Le bon P. Congiato reconnaît qu’il s’est trompé dans ses calculs, et est le premier à en rire de bon cœur ».[23]

Sans doute, le P. De Smet jouissait d’un heureux caractère et d’une robuste santé. L’imprévu, en voyage, ne lui déplaisait pas. Toutefois, l’amour des Indiens pouvait seul lui faire affronter, à cinquante-huit ans, de telles aventures.

Arrivé au fort Benton, il se sépara du P. Congiato. Dans l’espoir de rencontrer un plus grand nombre de peuplades, il avait songé à franchir à cheval l’énorme distance qui le séparait de Saint-Louis. Force lui fut de renoncer à ce projet. Ses six chevaux étaient épuisés, et, n’ayant pas été ferré, leur sabot s’était complètement usé sur les chemins raboteux des montagnes. À la hâte, il fit construire un léger esquif, engagea trois rameurs avec un pilote, et, le 5 août, s’embarqua sur le Missouri.

« Nous passions, dit-il, les nuits à la belle étoile ou sous une petite tente, soit sur un banc de sable, soit au bord d’une plaine, soit au milieu de la forêt. Souvent nous entendions hurler les loups, rugir les tigres et les ours, sans toutefois éprouver la moindre inquiétude, car « le Seigneur a inspiré la crainte de l’homme à tous les animaux ».[24]

» Il nous a été donné, au désert, d’admirer et de remercier la paternelle providence de Dieu, attentive aux besoins de ses enfants. Rien ne nous a manqué ; nous avons même vécu dans l’abondance. Les rivières nous fournissaient d’excellent poisson, des poules d’eau, des canards, des outardes et des cygnes ; les forêts et les plaines, des fruits et des racines. Le gibier ne nous a pas fait défaut : partout nous trouvions, soit des troupeaux de buffles, soit des biches, des chevreuils, des cabris, des grosses-cornes, des faisans, des perdrix, des dindes sauvages ».[25]

Chemin faisant, le P. De Smet rencontrait des milliers d’Indiens : Assiniboins, Corbeaux, Mandans, Gros-Ventres, Sioux, etc. Il s’arrêtait un ou deux jours dans chaque tribu, baptisait les enfants, instruisait les adultes, assistait les moribonds, étudiait le moyen d’établir des missions. Partout il recevait le plus cordial accueil. Depuis nombre d’années, les Indiens du Missouri désiraient des robes-noires. Le P. De Smet promit d’appuyer leur demande auprès de ses supérieurs, et de venir lui-même souvent les visiter.

Après avoir franchi en canot plusieurs centaines de lieues, il monta sur un bateau à vapeur qui descendait le Missouri. Six jours plus tard, le 23 septembre, il arrivait à Saint-Louis.

« À Dieu seul toute gloire, écrit-il, et à la bienheureuse Vierge Marie, mon humble et profonde reconnaissance pour la protection et les bienfaits reçus pendant ce long voyage !… Ma grande consolation est d’avoir été, entre les mains de la Providence, l’instrument du salut d’environ neuf cents petits enfants moribonds, auxquels j’ai conféré le baptême. Plusieurs semblaient n’attendre que cette grâce pour s’envoler vers Dieu, et le louer éternellement.[26]

Depuis un an, le missionnaire avait parcouru près de cinq mille lieues.

    les tribus indiennes. J’ai souvent entendu discuter quel serait, dans ce but, le meilleur expédient ». Julius Froebel, cité par Marshall, Les Missions Chrétiennes, t. II, p. 438.

  1. Lettre à Gustave Van Kerckhove. — Saint-Louis, 25 juillet 1857.
  2. Il semble que le P. De Smet ne fut pas étranger au choix de cette nouvelle résidence. « Dans l’automne de 1846, écrit-il, en approchant des frontières du Missouri, je trouvai l’avant-garde des Mormons, au nombre d’environ 10 000, campés sur le territoire des Omahas, pas loin du vieux Council Bluffs. Ils venaient, pour la deuxième fois, d’être chassés d’un État de l’Union. Ils avaient résolu d’hiverner à l’entrée du Grand-Désert et d’y pénétrer ensuite pour s’éloigner de leurs persécuteurs. Ils ne savaient point encore où ils fixeraient leur demeure. Ils me firent mille questions sur les régions que j’avais parcourues. La description que je leur fis des vallées de l’Utah, leur plut beaucoup. Est-ce cela qui les a déterminés ? Je n’oserais l’assurer ». (Lettre à Charles De Smet. — Saint-Louis, 10 mars 1851).
  3. Lettre au R. P. Général. — Saint-Louis, ler nov. 1859.
  4. Voir dans les Lettres choisies du P. De Smet, 2e série, p. 206-217, de longs extraits du rapport adressé par le gouverneur Stevens au Président des États-Unis.
  5. Lieutenant Mullan, Exploration from the Mississipi River to the Pacific Océan, I, p. 308.
  6. Lettre à son frère Charles. — Saint-Louis, 26 avril 1849.
  7. « Il faudrait un volume pour raconter les injustices, les violences, les meurtres commis depuis trente ans sur la côte du Pacifique ; et le détail en serait trop horrible pour qu’on pût le croire ». Helen Jackson, A Century of Dishonor, p .  337.
  8. Article du P. de Rougé, dans les Études, 1890, t. I, p. 492. « Il est certain que les Blancs ont cherché à empoisonner toutes
  9. Lettre au P. Broeckaert. — Colville, 13 novembre 1857.
  10. Au même. — 13 juin 1859.
  11. Lettre au P. Broeckaert. — 13 juin 1859.
  12. Cité par Chittenden et Richardson, p. 1572.
  13. Lettre au R. P. Général. — Saint-Louis, ler nov. 1859.
  14. Cette réduction fondée, quinze ans auparavant, prés de l’embouchure de la Clarke, avait dû être transférée, en 1854, dans un endroit plus favorable, à quelques milles au nord de Sainte-Marie. Elle se trouvait ainsi réunie à la mission Saint-François de Borgia.
  15. Lettre au R. P. Général. — 1er nov. 1859.
  16. Cité par Chittenden et Richardson, p. 1576.
  17. Ibid., p. 970 et suiv.
  18. Chittenden et Richardson, p. 1579.
  19. Fort Vancouver, 9 nov. 1859.
  20. À la demande de l’évêque de Monterey, les PP. Accolti et Nobili avaient été, dés 1849, envoyés en Californie, pour s’occuper des émigrants catholiques. Bientôt après, les PP. De Vos et Mengarini devaient les rejoindre. Ils avaient fondé d’importants établissements à San-Francisco, à Santa-Clara, à San-José. La mission, définitivement constituée en 1854, était, depuis 1858, détachée de celle de l’Orégon.
  21. Lettre au R. P. Général. — 1er nov. 1859.
  22. Lettre du 20 janvier 1860, publiée dans le San-Francisco Monitor.
  23. Lettre du P. De Smet au R. P. Général. — ler nov. 1859.
  24. « Terror vester ac tremor sit super cuncta animalia terres », {Genèse, IX, 2.)
  25. Lettre à Laure Blondel, épouse de Ch. De Smet. — Saint-Louis, 13 octobre 1859.
  26. Lettre au R. P. Général. — ler novembre 1859.