Le Pèlerinage du chrétien à la cité céleste/6
CHAPITRE VI.
Or je vis ensuite dans mon songe que la route par laquelle s’avançait Chrétien, était défendue des deux côtés par une muraille fort haute, appelée le Salut[1]. C’est dans cette route qu’il courait sans s’arrêter, bien qu’il n’avançât qu’à grand’peine, à cause du pesant fardeau dont il était chargé.
Il continua ainsi jusqu’à ce qu’il fut arrivé 1 à un monticule sur lequel s’élevait Une croix, au pied de laquelle il y avait un sépulcre. Or, je vis qu’au moment où Chrétien s’approcha de la croix, son fardeau se détacha de dessus ses épaules, roula par terre, et alla tomber dans le sépulcre, où il disparut pour toujours.
Chrétien, plein de reconnaissance et de joie, s’écria avec transport : Il m’a donné la paix par ses souffrances, et la vie par sa mort. Il s’arrêta quelques instants à considérer avec admiration ce qui l’entourait, car il était étonné que la seule vue de la croix l’eût ainsi déchargé de son fardeau ; il ne pouvait se lasser de la contempler, jusqu’à ce qu’enfin les sentiments qui remplissaient son cœur le firent fondre en larmes[2]. Dans ce moment, trois personnages resplendissants de lumière s’approchèrent de lui, et le saluèrent en lui disant : « La paix soit avec toi. » — Le premier ajouta : « Tes péchés te sont pardonnés[3]. » Le second le dépouilla de ses haillons, et lui mit un autre vêtement[4] ; le troisième lui mit une marque sur le front[5], et lui donna un rouleau de parchemin, auquel un sceau était attaché ; il lui recommanda de le regarder attentivement pendant qu’il poursuivrait son voyage, et lui dit de le montrer à la porte de la cité céleste. Chrétien, plein de joie, se remit en route avec un cœur léger et content.