Le Nouveau Testament (Martin, 1861)/Les Actes des Saints Apôtres/XXVII

Société biblique américaine (p. 252-255).

CHAP. XXVII.

La navigation de Saint Paul en Italie, et de ses compagnons ; leur naufrage.


OR, après qu’il eut été résolu que nous naviguerions en Italie, ils remirent Paul, avec quelques autres prisonniers, à un nommé Jule, centenier d’une cohorte de la légion appelée Auguste.

2 Et étant montés dans un navire d’Adramite, nous partîmes pour tirer vers les quartiers d’Asie, et Aristarque, Macédonien de la ville de Thessalonique, était avec nous.

3 Le jour suivant nous arrivâmes à Sidon ; et Jule, traitant humainement Paul, lui permit d’aller vers ses amis, afin qu’ils eussent soin de lui.

4 Puis étant partis de là, nous tînmes notre route au-dessous de Chypre, parce que les vents étaient contraires.

5 Et après avoir passé la mer qui est vis-à-vis de la Cilicie et de la Pamphylie, nous vînmes à Myra, ville de Lycie ;

6 où le centenier trouva un navire d’Alexandrie qui allait en Italie ; dans lequel il nous fit monter.

7 Et comme nous naviguions pesamment durant plusieurs jours, en sorte qu’à grande peine pûmes-nous arriver jusqu’à la vue de Gnide, parce que le vent ne nous poussait point, nous passâmes au-dessous de Crète, vers Salmone.

8 Et la côtoyant avec peine nous vînmes en un lieu qui est appelé Beaux-Ports, près duquel était la ville de Lasée.

9 Et parce qu’il s’était écoulé beaucoup de temps, et que la navigation était déjà périlleuse, vu que même le jeûne était déjà passé, Paul les exhortait,

10 en leur disant : Hommes, je vois que la navigation sera périlleuse, et que nous serons exposés non seulement à la perte de la charge du vaisseau, mais même de nos propres vies.

11 Mais le centenier croyait plus le pilote, et le maître du navire, que ce que Paul disait.

12 Et parce que le port n’était pas propre pour y passer l’hiver, la plupart furent d’avis de partir de là, pour tâcher d’aborder à Phénix, qui est un port de Crète, situé contre le vent d’Afrique, et du couchant septentrional, afin d’y passer l’hiver.

13 Et le vent du Midi commençant à souffler doucement, ils crurent venir à bout de leur dessein, et étant partis, ils côtoyèrent Crète de plus près.

14 Mais un peu après, un vent orageux du Nord-Est, qu’on appelle Euroclydon, se leva du côté de l’île.

15 Et le navire étant emporté par le vent, de telle sorte qu’il ne pouvait point résister, nous fûmes emportés, ayant abandonné le navire au vent.

16 Et ayant passé au-dessous d’une petite île appelée Clauda, à grande peine pûmes-nous être maîtres de la chaloupe ;

17 mais l’ayant tirée à nous, les matelots cherchaient tous les remèdes possibles, en liant le navire par dessous ; et comme ils craignaient de tomber sur des bancs de sable, ils abattirent les voiles, et ils étaient portés de cette manière.

18 Or, parce que nous étions agités d’une grande tempête, le jour suivant ils jetèrent les marchandises dans la mer.

19 Puis le troisième jour nous jetâmes de nos propres mains les agrès du navire.

20 Et comme il ne nous parut durant plusieurs jours ni soleil ni étoiles, et qu’une grande tempête nous agitait violemment, toute espérance de nous pouvoir sauver à l’avenir nous fut ôtée.

21 Mais après qu’ils eurent été long-temps sans manger, Paul se tenant alors debout au milieu d’eux, leur dit : O hommes ! certes il fallait me croire, et ne point partir de Crète, afin d’éviter cette tempête et cette perte.

22 Mais maintenant je vous exhorte d’avoir bon courage ; car nul de vous ne perdra la vie, et le navire seul périra.

23 Car en cette propre nuit un ange du Dieu à qui je suis, et lequel je sers, s’est présenté à moi,

24 me disant : Paul, ne crains point, il faut que tu sois présenté à César ; et voici, Dieu t’a donné tous ceux qui naviguent avec toi.

25 C’est pourquoi, ô hommes ! ayez bon courage ; car j’ai cette confiance en Dieu que la chose arrivera comme elle m’a été dite.

26 Mais il faut que nous soyons jetés contre quelque île.

27 Quand donc la quatorzième nuit fut venue, comme nous étions portés çà et là sur la mer Adriatique, les matelots eurent opinion, environ sur le minuit, qu’ils approchaient de quelque contrée.

28 Et ayant jeté la sonde, ils trouvèrent vingt brasses ; puis étant passés un peu plus loin, et ayant encore jeté la sonde, ils trouvèrent quinze brasses.

29 Mais craignant de donner contre quelque écueil, ils jetèrent quatre ancres de la poupe, désirant que le jour vînt.

30 Et comme les matelots cherchaient à s’enfuir du navire, ayant descendu la chaloupe en mer, sous prétexte d’aller porter loin les ancres du côté de la proue,

31 Paul dit au centenier et aux soldats : Si ceux-ci ne demeurent dans le navire, vous ne pouvez point vous sauver.

32 Alors les soldats coupèrent les cordes de la chaloupe et la laissèrent tomber.

33 Et jusqu’à ce que le jour vint, Paul les exhorta tous de prendre quelque nourriture, en leur disant : C’est aujourd’hui le quatorzième jour qu’en attendant vous êtes demeurés à jeun, et n’avez rien pris.

34 Je vous exhorte donc à prendre quelque nourriture, vu que cela est nécessaire pour votre conservation ; car il ne tombera pas un cheveu de la tête d’aucun de vous.

35 Et quand il eut dit ces choses, il prit du pain, et rendit grâce à Dieu en présence de tous, et l’ayant rompu il commença à manger.

36 Alors ayant tous pris courage, ils commencèrent aussi à manger.

37 Or, nous étions en tout dans le navire deux cent soixante-seize personnes.

38 Et quand ils eurent mangé jusqu’à être rassasiés, ils allégèrent le navire, en jetant le blé dans la mer.

39 Et le jour étant venu, ils ne reconnaissaient point le pays ; mais ils aperçurent un golfe ayant rivage, et ils résolurent d’y faire échouer le navire, s’il leur était possible.

40 C’est pourquoi ayant retiré les ancres, ils abandonnèrent le navire à la mer, lâchant en même temps les attaches des gouvernails ; et ayant tendu la voile de l’artimon, ils tirèrent vers le rivage.

41 Mais étant tombés en un lieu où deux courans se rencontraient, ils y heurtèrent le navire, et la proue s’y étant enfoncée demeurait ferme ; mais la poupe se rompait par la violence des vagues.

42 Alors le conseil des soldats fut de tuer les prisonniers, de peur que quelqu’un s’étant sauvé à la nage s’enfuit.

43 Mais le centenier voulant sauver Paul, les empêcha d’exécuter ce conseil, et il commanda que ceux qui pourraient nager se jetassent dehors les premiers, et se sauvassent à terre ;

44 et le reste, les uns sur des planches, et les autres sur quelques pièces du navire ; et ainsi il arriva que tous se sauvèrent à terre.