Le N° 13 de la rue Marlot (Pont-Jest)/III


III

OÙ WILLIAM DOW APPARAÎT POUR FAIRE EXÉCUTER UNE HORRIBLE PROMENADE AUX LECTEURS DE CE RÉCIT.


Quelques-uns de ces curieux étaient sortis de l’hôtel du Dauphin, domestiques et voyageurs ; et parmi ces derniers on remarquait un homme d’une trentaine d’années, à la physionomie particulièrement intelligente et sérieuse, qui, sans questionner personne, écoutait et regardait.

C’était un Américain ou un Anglais. Sa nationalité se trahissait à la coupe de sa barbe, à la forme de ses vêtements, à sa démarche.

Arrivé à Paris depuis un mois à peine, il s’était fait inscrire à l’hôtel sous le nom de William Dow. Il y occupait, au premier étage, un petit appartement donnant sur la rue.

Ce qu’il était venu faire en France, on l’ignorait. Rien dans ses allures ni dans ses relations n’avait mis son hôtelier sur la voie.

William Dow ne recevait ni lettres ni visites. Il restait parfois absent des journées et des nuits entières ; mais, comme il ne rentrait jamais gris, payait sans en discuter le prix et sans en vérifier l’addition la note qu’on lui remettait tous les huit jours, et ne se plaignait pas du service, son propriétaire, comprenant qu’il n’en pouvait demander davantage, avait fini par ne plus s’inquiéter de son mystérieux locataire.

William Dow, qui n’était sorti de chez lui qu’après son déjeuner, quoiqu’il fût rentré de bonne heure la veille, se promenait donc à travers les groupes qui stationnaient devant le n° 13, et il était là depuis quelques instants déjà, lorsqu’il entendit un des péroreurs raconter, en prétendant tenir ces renseignements du secrétaire du commissaire de police, que la victime du drame de la nuit dernière était un inconnu d’une soixantaine d’années, que le couteau avait été trouvé dans la blessure même dont il était mort, et que le cadavre était exposé à la Morgue.

Ces détails parurent éveiller dans l’esprit de l’Américain une idée subite, car ses lèvres esquissèrent un sourire étrange, et il rentra à l’hôtel du Dauphin, où, après avoir jeté un coup d’œil rapide dans la loge du concierge, sur le casier où les voyageurs déposaient les clefs de leurs chambres, il remonta dans son appartement, dont il ferma la porte derrière lui.

Cet appartement se composait de deux pièces, d’abord un salon, ensuite une chambre à coucher, qui n’était séparée du logement voisin que par une cloison légère, dans laquelle il existait une porte, mais condamnée ou plutôt fermée de chaque côté par des verrous.

Afin d’isoler plus complètement encore ces deux appartements, on avait recouvert de bandes de papier les joints de cette porte de communication.

William Dow s’en approcha sans bruit et souleva une de ces bandes qui ne masquait qu’en apparence, du côté des gonds, une solution de continuité assez large pour qu’on pût voir la chambre tout entière. Il la parcourut du regard et prêta attentivement l’oreille. Ce qu’il découvrit coïncidait sans doute avec la pensée qui s’était emparée de lui quelques instants auparavant, car il eut encore le même sourire, et, sans autrement prolonger son observation, il redescendit et sortit de l’hôtel en se dirigeant du côté de la place Royale.

Là, il prit une voiture et donna au cocher une adresse qui fit faire à cet homme un mouvement de surprise.

L’étranger avait dit à l’automédon de le conduire à la Morgue.

Dix minutes plus tard, William Dow franchissait le seuil du lugubre lieu et se mêlait à la foule qui examinait, à travers le large vitrage de la salle d’exposition, les corps étendus sur leurs lits de pierre.

Il y avait là, sur des plans inclinés et faisant face au public, des noyés boursouflés, déjà verdâtres ; une femme, jeune encore, trouvée la tête brisée dans les fossés des fortifications ; un enfant qu’un chariot avait écrasé ; des inconnus enfin, aussi nus que le permettait la décence et arrosés par un filet d’eau. Leurs vêtements étaient suspendus au-dessus d’eux pour que parents ou amis pussent les reconnaître malgré les blessures et la décomposition des corps.

Dow parcourut d’un regard rapide ces tristes dépouilles, mais sans doute aucune d’elles n’était ce qu’il cherchait, car il se dirigea immédiatement vers une porte située au milieu de la muraille de gauche et sur un des panneaux de laquelle était écrit : Greffe.

Un gardien assis contre cette porte pour en interdire l’entrée au public la lui ouvrit, et l’Américain se trouva dans un bureau fort bien tenu, soigneusement clos, hygiéniquement chauffé, presque élégant, qui faisait un contraste saisissant et bizarre avec l’horrible promenoir qu’il venait de quitter.

Trois employés, silencieusement courbés sur leurs pupitres, écrivaient dans de grands registres à couvertures vertes.

— Monsieur le greffier ? demanda William Dow à l’un des travailleurs.

— C’est moi, monsieur, répondit une voix partant d’un grand meuble d’acajou qui n’aurait pas déshonoré le cabinet d’un notaire.

L’Américain s’approcha.

Le greffier était un homme d’une cinquantaine d’années, à la physionomie douce et placide, portant un collier de barbe réglementaire, une cravate noire ornée d’un gros camée, un gilet et une redingote de teinte foncée.

On eût pu le rencontrer tout aussi bien dans une étude d’avoué qu’à la Morgue.

C’était un officier ministériel de la tête aux pieds.

Il répondit gravement au salut de l’Américain, en soulevant la calotte grecque ornée d’un gland d’or dont il était coiffé, puis il l’interrogea du regard.

— Monsieur, dit l’étranger, n’avez-vous pas reçu ce matin, du quartier de l’Arsenal, le corps d’un homme assassiné ?

— Je ne sais, monsieur, si…

— Oh ! ma question ne saurait être bien indiscrète, interrompit le visiteur, en souriant au ton administratif qu’avait pris le fonctionnaire, car l’identité de ce malheureux n’ayant pas été constatée, vous allez très-probablement exposer son cadavre. Or, je crois pouvoir vous donner un renseignement utile. Il se peut que je le connaisse. Du reste, voici ma carte et de plus une autorisation de visiter la Morgue. Je ne pensais pas m’en servir si promptement.

Après avoir lu le nom gravé sur le petit carton qui lui était présenté et s’être assuré que l’autorisation de pénétrer dans les salles réservées de son triste domaine était bien en règle, le greffier fixa William Dow avec curiosité pendant quelques instants, et, se levant, il lui dit :

— C’est fort bien, monsieur ; veuillez me suivre ; je vais vous faire voir l’inconnu de ce matin.

Il avait, en même temps, sonné un gardien, qui s’était aussitôt présenté à la porte par laquelle on communiquait du bureau dans l’intérieur de la Morgue.

Cet employé était un homme de vingt-cinq ans à peine, carré, trapu, avec une physionomie à la fois craintive et bestiale. Ses yeux, aux paupières clignotantes, avaient des regards obliques. On eût dit que, n’osant fixer les corps confiés à ses soins, il avait pris l’habitude de ne jamais regarder personne en face.

Nu-tête, ses épais cheveux tombaient incultes sur ses sourcils. Il était vêtu d’un costume gris, espèce d’uniforme découpé peut-être dans la capote d’hôpital de quelque cadavre.

C’était un des deux surveillants de la Morgue.

Vingt-quatre heures sur quarante-huit, il y passait la journée et la nuit, seul, avec ses hôtes muets et défigurés. Son tour de veille achevé, il était libre d’aller embrasser sa femme et ses enfants, pourvu que le jour suivant, il revint ponctuellement auprès de ses morts.

Quelles pensées pouvaient traverser le cerveau de ce misérable ? Peut-être aucune, heureusement ! Son gros trousseau de clefs à la main, il allait comme un automate, ne répondant que par monosyllabes.

Il y avait en lui du geôlier et du fossoyeur, moins la brutalité du premier et la sinistre gaieté du second, car à la Morgue, on n’y pourrait rudoyer aucun être vivant et le greffier n’y supporterait certes pas les murmures d’un refrain, en admettant le cas improbable qu’il en montât jamais un aux lèvres de ses subalternes.

Une fois en dehors de son bureau, le greffier fit un signe, et, après avoir ouvert une porte située à l’extrémité d’un petit couloir, le gardien s’effaça pour laisser passer son chef et l’étranger.

William Dow comprit qu’il se trouvait dans la salle d’autopsie. C’était une pièce dallée et voûtée. Elle était éclairée par deux larges demi-fenêtres, à six pieds du sol.

On eût dit une grande cellule de quelque prison, sans les deux étranges tables qui en occupaient les côtés.

L’une, en zinc, ressemblait à s’y méprendre à un grand comptoir de marchand de vin, sauf qu’il existait à chacune de ses extrémités un trou communiquant par un tuyau à un seau de fer-blanc. L’autre avait tout l’aspect d’un gigantesque gril.

À un homme moins expert que paraissait l’être William Dow en semblable matière, le greffier se fût empressé d’expliquer que c’était sur ces lits de métal que se pratiquaient les autopsies ; mais il jugea sans doute que tous détails étaient inutiles, car il se contenta de dire que la seconde de ces installations ne servait plus.

Elle était cependant l’invention d’un médecin célèbre, qui avait pensé qu’en établissant un courant d’air chaud sous le cadavre à examiner, les émanations seraient moins dangereuses pour l’opérateur ; mais un confrère l’avait remplacé, et, à tort ou à raison, le gril était abandonné à la rouille et à ses horribles souvenirs.

L’autre table était luisante, presque neuve, mais inoccupée.

— Le médecin légiste, chargé de l’autopsie d’un individu qu’on suppose victime d’un assassinat, demanda tout à coup l’Américain, profite certainement de cette occasion pour amener quelques-uns de ses élèves, afin de leur donner une leçon d’anatomie ?

— Jamais, monsieur, jamais ! répondit avec dignité le greffier ; les autopsies, surtout celles qui sont ordonnées par la justice, sont des opérations rigoureusement secrètes. Le docteur ou les docteurs désignés, car parfois ils sont deux, ne peuvent même se faire accompagner d’un confrère. Ces jours exceptionnels, assez rares heureusement, je fais prévenir mon second gardien, et ce sont mes deux hommes seuls qui servent d’aides aux opérateurs. C’est ce qui se passera demain, car il est probable que c’est demain qu’on examinera le malheureux en question. Je crois que l’entrée de cette salle me serait interdite à moi-même ! Vous pensez combien il est important que le résultat de l’autopsie ne soit pas divulgué. Les coupables pourraient s’en faire un moyen de défense.

— C’est vrai, monsieur, je ne réfléchissais pas à ce danger.

— Est-ce que ces messieurs sont là ? demanda l’administrateur de la Morgue en s’adressant au gardien.

Celui-ci répondit oui de la tête plutôt que de la voix.

— Poursuivons alors, ajouta le greffier en se tournant vers l’étranger ; me voilà forcé de vous faire assister à un spectacle probablement nouveau pour vous ; seulement il nous faut traverser d’abord plusieurs salles dont la visite est peu agréable. Si cela vous contrarie, nous pouvons passer par un autre chemin.

— Du tout ! monsieur, du tout ! répondit l’Américain avec son flegme ordinaire ; seulement je m’accuse de prendre ainsi votre temps.

Le greffier souleva sa calotte de velours pour remercier son visiteur de sa politesse, et il le précéda dans une salle voisine dont le gardien venait d’ouvrir la porte.

C’était une pièce en tout semblable à la précédente par sa construction, mais elle était plus longue et il y régnait à droite et à gauche, au ras de terre et la tête à la muraille, comme des lits dans un dortoir, sept grands coffres de zinc un peu inclinés, fermés par des couvercles bombés et s’ouvrant sur le côté.

— C’est ici la salle des couvre-corps, dit l’obligeant cicerone.

Et soulevant la couverture de l’un des coffres, il fit voir à William Dow un corps étendu dans cette caisse de métal, corps en état parfait de conservation, bien qu’il fut là depuis déjà plusieurs jours, grâce au filet d’eau désinfectante qui, venant d’un réservoir destiné à alimenter tout l’établissement, l’arrosait de la tête aux pieds.

— Jadis, poursuivit le greffier avec complaisance et un certain orgueil, tous les cadavres étaient exposés découverts ; mais c’était là un spectacle pénible pour ceux qui venaient reconnaître un parent ou un ami ; j’en fis l’observation au savant docteur Devergie, et la Morgue lui doit cette importante amélioration. Les corps ayant ici chacun leur numéro, nous n’avons à ouvrir, grâce à cette installation, que le coffre où est renfermé celui qu’on nous demande. Ils restent ici, après avoir été reconnus, jusqu’au moment de l’inhumation, mais vous devez vous apercevoir qu’ils ne répandent aucune mauvaise odeur.

C’était exact. Dans cette pièce, il ne faisait que froid et humide. Ces caisses de zinc fermées, on aurait pu se croire dans un tout autre lieu, pourvu toutefois qu’on n’y aperçût pas, comme le fit William Dow, au moment de sortir, un enfant d’un jour ou deux qui, placé tout simplement sur le contrefort du mur, attendait, poings fermés et membres repliés, que la science dise s’il avait été mis au monde vivant ou mort.

En quittant cette horrible exhibition, le greffier et le visiteur traversèrent le lavoir, puis le séchoir, endroits où les vêtements des cadavres sont soigneusement nettoyés et suspendus jusqu’à ce qu’ils prennent place au vestiaire, et ils atteignirent enfin le but de leur course : la salle d’arrivée et de départ.

Cette salle donne sur le passage découvert qui court le long de l’établissement et que suivent les corps, après être entrés par l’une des grilles de droite ou de gauche, selon le quartier d’où ils sont envoyés.

La porte à deux battants de cette pièce était grande ouverte, et il pénétrait un joyeux rayon de soleil qui se jouait sur une bière sans couvercle, où reposait de son dernier sommeil un mort enfoui sous une couche de sciure de bois.

Sur le seuil de cette porte, faisant face au dehors et à un appareil photographique, un individu était couché sur une civière dont la tête avait été élevée à l’aide de deux larges briques.

— C’est encore là une innovation, dit le greffier à l’étranger ; maintenant, lorsqu’un mort n’est pas reconnu après un certain laps de temps, on fait son portrait, afin de pouvoir l’inhumer sans trop attendre. Quand il s’agit de la victime d’un crime, comme dans la circonstance présente, et que l’autopsie est ordonnée, on photographie le malheureux, sur l’ordre du parquet, avant de le livrer au chirurgien. Souvent même la préfecture prend l’initiative de cette opération. C’est ce qui arrive aujourd’hui, car il est peu probable que l’affaire soit déjà entre les mains des magistrats.

— Cela est fort ingénieux, répondit William Dow, malgré le ton quelque peu ironique avec lequel son interlocuteur lui avait donné ces intéressantes explications.

— Peuh ! fit celui-ci, ça servira peut-être une fois sur mille.

L’étranger comprit qu’il avait affaire à un de ces fonctionnaires jaloux de leurs moindres prérogatives, fonctionnaires si communs en France.

Mais l’Américain, quoiqu’il trouvât que cette idée de photographier les morts était, au contraire, utile à tous égards, n’avait pas envie de discuter avec son cicerone ; aussi se contenta-t-il de lui répondre par un de ces mouvements de tête qui disent oui ou non, au gré de celui qui les interprète ; et, pressentant qu’il allait trouver ce qu’il cherchait, il s’approcha de la civière pour examiner celui qui y était étendu.

C’était le vieillard du n° 13. Son pantalon déchiré laissait apercevoir en partie l’horrible blessure qu’il avait reçue au bas-ventre.

Ce que remarqua surtout William Dow, c’est que les traits de cet infortuné avaient conservé l’expression d’une indicible épouvante.

Pendant ce temps-là, les photographes poursuivaient leur travail, plaçant et déplaçant le cadavre, le mettant dans le meilleur jour, afin d’obtenir des épreuves aussi parfaites que possible. Eux, au moins, étaient assurés de l’immobilité de leur modèle.

— Eh bien ? demanda le greffier à son visiteur.

— C’est bien l’homme que je supposais, répondit celui-ci avec le plus grand calme. À qui dois-je faire ma déclaration ?

— À moi d’abord, monsieur, ensuite au commissaire de police qui a relevé le corps.

— C’est que je ne connais pas le nom de ce mort ; je sais seulement où il demeurait, mais il est probable qu’on trouvera dans la chambre qu’il occupait quelque papier de nature à mettre sur les traces de son identité.

— Vous n’avez alors qu’à donner l’adresse de cette chambre au commissaire de police ; c’est M. Meslin, du quartier de l’Arsenal.

— Je vais me rendre chez lui. Il ne me reste, monsieur, qu’à vous remercier de votre obligeance.

Et soulevant son chapeau, William Dow salua le greffier en faisant un pas vers la porte où se tenaient les photographes.

— Ah ! pardon, monsieur, fit son guide en l’arrêtant du geste, il n’y a que les morts qui entrent et sortent par là ; il nous faut repasser par le greffe. Cependant ne craignez rien, je ne vais pas vous faire reprendre le vilain chemin que vous avez déjà parcouru.

L’Américain s’inclina en souriant comme pour exprimer que cela lui était absolument égal.

Il semblait d’ailleurs poursuivre une idée nouvelle. Le greffier l’introduisit dans la salle qu’il fallait traverser pour gagner son bureau.

C’était une pièce carrée dont les murailles disparaissaient derrière d’innombrables casiers remplis de vêtements roulés, noués, étiquetés. On eût dit un dépôt du mont-de-piété.

Seulement on n’avait prêté en échange de ces tristes défroques qu’un lit de pierre humide et glacée.

— C’est ici le vestiaire, dit l’administrateur.

Et remarquant la grimace significative de l’étranger, qui n’avait jeté sur ces guenilles qu’un coup d’œil distrait, il ajouta :

— Ah ! il n’y a pas de quoi s’endimancher à la Morgue. Ces effets restent à la disposition des parents ou des héritiers pendant six mois. Ce laps de temps écoulé, la vente de ce qui n’est pas réclamé est faite au profit du domaine.

Sans s’inquiéter autrement du bénéfice que devait faire là le domaine deux fois par an, William Dow hâta le pas. Il lui tardait d’être dehors.

Cependant, au moment de rentrer dans le bureau, il s’arrêta brusquement en disant au greffier et en lui désignant le gardien :

— Puis-je donner un louis à ce pauvre diable ?

— Certainement, monsieur ; il n’a jamais eu pareille aubaine. Pourvu qu’il le remporte tout entier chez lui ce soir, car il n’est pas de service cette nuit. Le malheureux a quatre ou cinq enfants !

— Il demeure probablement dans le voisinage ?

— Du tout, fort loin au contraire. Par ici les loyers sont trop chers ; il gîte au delà de la barrière d’Italie.

— Vous permettez alors ?

Le greffier, pour que sa présence ne gênât pas son employé, avait déjà ouvert la porte de son cabinet. William Dow s’approcha rapidement du gardien, et lui mettant vingt francs dans la main, il lui dit à demi-voix, mais de façon à en être bien compris :

— Il y en aura quatre fois autant pour vous si vous êtes ce soir, à neuf heures, chez le marchand de vin qui est au coin de la rue Vandrezanne et de la route d’Italie. Surtout, pas un mot !

Stupéfait, l’homme ne répondit que du regard. On lui promettait là ce qu’il gagnait en deux mois de sa misérable existence.

Il n’était pas encore revenu de sa surprise que l’étranger avait disparu dans le greffe.