Le Musée pédagogique (1896)

Le Musée pédagogique (1896)
Revue pédagogique, premier semestre 189628 (p. 38-42).


LE MUSÉE PÉDAGOGIQUE
(Extrait d’un Rapport au Conseil d’administration du Musée.)


Le développement du Musée pédagogique dans cette dernière année a été des plus satisfaisants. On commence à le bien connaître et à l’apprécier dans le monde de l’enseignement et de l’étude. Le nombre des lecteurs à la Bibliothèque et des visiteurs dans les salles grandit chaque année. Le nombre des cartes de travail distribuées en 1895 a été de 591, dont 345 à des dames, 246 à des hommes.

Les ouvrages prêtés à domicile à des membres de l’enseignement ont atteint le chiffre de 10,953, et les ouvrages étudiés sur place le chiffre de 10,761, sans compter les lecteurs des revues et périodiques déposés sur les tables.

Malgré la largeur avec laquelle nous consentons les prêts, nous n’avons pas de perte à signaler, grâce à l’attention vigilante avec laquelle le bibliothécaire fait rentrer les ouvrages au temps fixé par le règlement. Il faut quelquefois, mais rarement, une persévérance à réclamer plus forte que la négligence obstinée à ne pas rendre. Mais nous n’avons en somme qu’à nous louer de la régularité du public.

La Bibliothèque circulante continue à rendre de précieux services au personnel enseignant primaire des départements. Nous envoyons à tout instituteur et institutrice qui nous sont présentés par leur inspecteur primaire les ouvrages qu’ils demandent sur la liste de notre catalogue imprimé des livres de la Bibliothèque circulante. L’envoi se fait par colis postal de trois ou même de cinq kilos, à nos frais ; le retour, par le même procédé, aux frais de l’emprunteur, qui est autorisé à garder les ouvrages pendant deux mois ; après cette période, nous autorisons assez souvent une prolongation sur demande motivée. Cette année, 538 personnes ont fait des emprunts à cette Bibliothèque, soit 136 institutrices et 402 instituteurs ou professeurs d’écoles primaires supérieures ; elle ont emprunté 1,886 ouvrages.

Quelques étrangers fréquentent assidûment le Musée. Nous avons noté cette année, parmi les dames, dix Russes, huit Allemandes, six Anglaises, une Suédoise ; parmi les hommes, huit Russes, trois Allemands, un Anglais, un Belge, un Grec et un Roumain.

Voici le tableau indiquant la proportion pour cent des catégories d’ouvrages qui sont demandés par les lecteurs de la Bibliothèque générale :

Littérature 30.3 Histoire 18.2 Théâtre 10.6 Pédagogie. 9.3 Philosophie 6.0 Romans 4.9 Géographie 4.7 Grammaire 4.1 Revues diverses 3.8 Histoire naturelle 3.6 Physique et chimie 2.8 Mathématiques 1.7

TOTAL 100.0

L’ordre apparaît un peu différent s’il s’agit de la Bibliothèque circulante. Voici la proportion qui se dégage des prêts de cette année :

Pédagogie 33.5 Littérature 26.3 Histoire 9.3 Géographie 6.6 Philosophie 5.8 Histoire naturelle 4.4 Grammaire 4.1 Mathématiques 3.0 Morale 2.6 Agriculture 2.2 Physique et chimie 2.2

TOTAL 100.0

Pendant que nous en sommes à la statistique, constatons que les prêts de livres représentent dans la Bibliothèque générale une moyenne de 2.25 par lecteur, et, dans la Bibliothèque circulante, de 3.50.

Le progrès d’une année à l’autre est assez sensible. En 1895 nous trouvons que la Bibliothèque générale a prêté 23,605 ouvrages à 13,036 lecteurs[1] ; 6,468 lecteurs à domicile ont emprunté 12,844 ouvrages, et 6,568 en ont étudié à la Bibliothèque 10,761. L’année antérieure, en 1894, 5,001 lecteurs ont emporté chez eux 8,808 ouvrages, et 4,670 en ont étudié 8,595 à la Bibliothèque ; soit, en 1894, 9,671 lecteurs et 17,403 ouvrages. Ce qui fait, en faveur de 1895, une différence en plus de 3,365 lecteurs, et de 6,202 ouvrages lus ou consultés.

À cet accroissement du nombre des personnes qui utilisent notre Bibliothèque correspond le nombre croissant de nos acquisitions d’ouvrages. Les livres débordent de toutes parts et s’emparent peu à peu de salles où se trouvaient des expositions scolaires de diverse nature. Notre établissement mérite aujourd’hui pleinement son titre de Bibliothèque centrale de l’enseignement primaire.

Mais il a encore une autre destination, il est un Musée de l’enseignement. Il nous vient des visiteurs des diverses parties de la France, et des étrangers, nombreux et notables, qui portent leur curiosité sur d’autres points que les livres. On veut voir une salle de classe modèle, ou du moins les éléments qui la constituent, le mobilier, le matériel d’enseignement de tout genre. Nous ne perdons pas de vue ce côté de notre tâche.

Nous avons réorganisé la salle de géographie et institué un système de portants et de catalogue qui permet de retrouver sans peine les différentes cartes murales provenant des éditeurs français ; nous avons déjà quelques cartes provenant du dehors ; nous nous appliquons à en augmenter le nombre, pour offrir des termes de comparaison utiles à l’avenir. Les salles d’appareils de physique, de chimie, celles pour l’enseignement des sciences naturelles, nos collections de plâtres et de modèles pour le dessin, etc., demandent à être incessamment entretenues, renouvelées, mises au point.

Notre exposition du travail manuel des jeunes filles, chassée par les livres des petites salles qu’elle occupait au premier étage, a gagné à son exode. Nous lui avons trouvé un asile dans un vaste grenier, ingénieusement aménagé, où elle a pu prendre une extension considérable. Grâce à l’activité de Mlle Kœnig, cette partie du Musée est devenue des plus attrayantes et instructives ; elle reçoit de très nombreuses visites, surtout le jeudi, d’institutrices et de mères de famille. Les ouvrages sont méthodiquement rangés dans des vitrines, sur des tables, dans des albums, depuis les premiers essais de dessin spontané ou de pliage par les tout petits, jusqu’aux coutures ménagères ou aux ouvrages de luxe de nos écoles primaires supérieures. Comme dans toutes les autres parties de la maison, nous voulons qu’on voie ensemble ce qui se fait, ce qui peut se faire et ce qui doit se faire.

L’exposition du travail manuel dans les écoles de garçons, élémentaires, supérieures et normales, est presque tout entière à renouveler. Ce sera pour le printemps prochain.

Nous sommes très à l’étroit dans nos salles, ou plutôt dans les chambres d’inégale étendue et d’inégal éclairage où nous réunissons nos collections. Il faut nous étendre un peu au dehors. Nous préparons deux salles nouvelles dans un petit pavillon abandonné et qui menaçait de s’effondrer. Au moyen d’assez modiques réparations, nous obtiendrons un peu de place pour une exposition permanente d’hygiène scolaire, de tableaux muraux, de plans d’école, de bancs et tables, etc. C’est là aussi que nous pourrons installer les collections de lanternes et de vues destinées à l’enseignement par l’aspect, s’il est donné suite au projet d’établir au Musée pédagogique une sorte de Bibliothèque circulante des clichés photographiques à projection.

Nous voulons que notre établissement ne soit pas une sorte d’hypogée où se conservent dans l’isolement les choses mortes, mais qu’il soit un établissement de vie et de progrès. Nous vous proposons dans ce but de créer tous les ans un concours avec mentions et médailles soit entre les instituteurs, soit entre les éditeurs, pour les meilleurs ouvrages d’enseignement populaire, ou pour les meilleurs spécimens de matériel ou mobilier d’école. Les œuvres envoyées seront exposées et pourront suggérer d’utiles améliorations pratiques à nos maîtres.

Du reste, la vie déjà n’est pas absente de la maison. On y est venu l’hiver dernier en grand nombre pour les conférences pédagogiques du jeudi, qui vont reprendre cet hiver-ci. Les réunions de la Guilde anglo-française continuent à être très fréquentées, ainsi que les conférences en anglais qu’elle donne dans notre grande salle, qui ont été quelquefois honorées de la présence de l’ambassadeur d’Angleterre, et où des hommes de lettres ou d’enseignement des plus distingués de l’Angleterre ou de l’Amérique sont venus se faire entendre.

Nous donnons tous les ans l’hospitalité la plus large aux examens supérieurs de l’enseignement primaire et parfois même de l’enseignement secondaire. Nos salles sont envahies en juillet et août par les candidats. Nous y gagnons que la maison est plus connue, et qu’on y revient volontiers chercher des renseignements et des conseils. Plus d’une œuvre excellente s’est déjà fondée dans nos salles ; c’est ici qu’ont été élaborés les statuts de la Société de l’Union française pour le sauvetage de l’enfance, de la Société entre la mendicité des enfants dans les rues, du Congrès du Havre pour les patronages et cours d’adultes.

C’est bien là ce que doit être le Musée pédagogique, un rendez-vous de tous les amis de l’enfance, un organe vivant de l’instruction primaire, un instrument d’action et de progrès. Nous ne prétendons pas avoir atteint le but, mais nous sommes tous d’accord pour nous y efforcer.



  1. Il faut observer que le nombre indiqué comme celui des lecteurs ne représente pas un nombre égal d’individualités distinctes ; autant on compte, dans une séance, de personnes demandant des livres, autant on compte de lecteurs, mais si, dans une séance ultérieure, la même personne se représente, elle est comptée de nouveau ; et elle figure dans le compte du nombre total des lecteurs pour autant d’unités qu’elle est venue de fois aux séances de lecture. — Rédaction.