Le Moyen de parvenir

Texte établi par Charles RoyerA. Lemerre (p. 1-6).
LE
MOYEN DE
PARVENIR.


Oeuure contenant la raiſon de tout ce qui a eſté, eſt, & ſera : auec demonſtrations certaines & neceſſaires, ſelon la rencontre des effects de Vertu.


Et aduiẽdra que ceux qui auront nez à porter lunettes s’en ſeruirõt : ainſi qu’il eſt eſcrit au Dictionnaire à dormir en toutes langues. S.


Recenſuit Sapies ab A, ad Z.
Nunc ipſa vocat res.

Hac iter eſt.

Æneid., ix, 320.
Imprime cette annee.

Si Madame m’euſt ſurueſcu,
  I’euſſe commencé cet ouurage.
  Quand la Mort s’en torcha le cu
  I’eu le cœu mou comme fromage.

LE MOYEN
DE PARVENIR.

PREMIERE TABLE

QVESTION I.


Car eſt il, que ce fut au temps, au ſiecle, en l’indiction, en l’Aere, en l’Hegire, en l’hebdomade, au luſtre, en l’Olimpiade, en l’an, au terme, au mois, en la ſepmaine, au iour, à l’heure, à la minute, & iuſtement à l’inſtant, que par l’auis & progrez du Daimon des ſpheres les eſteufs deſcheurent de credit, & qu’au lieu d’eux furent auancees les molles balles, au preiudice de la noble antiquité, qui ſe jouoit ſi joliment. Confuz ſoient ces inuenteurs de nouueautez, qui gaſtent la jeuneſſe, & contre les bonnes couſtumes troublent nos jeux. N’eſt ce point au jeu où l’ame ſe dilate pour faire voir ſes conceptions ? Si vn diable jouoit auec vous il ne ſe pourroit feindre, il vous feroit voir ſes cornes. Mais qu’eſt ce que jouer ? c’eſt ſe delecter ſans penſer en mal. Beaucoup de maux ſont auenus à cauſe de ce changement, qui troublera l’intelligence des hiſtoires, & gauchira toute la mappe-monde. Voyez combien deſia en ſont venus de troubles, guerres, maux, veroles & telles petites mignardiſes qui chatouillent malheureuſement les perſonnes pour les faire rire. Tant de ſages qui eſtudient aux auantures attribuent tels effects à d’autres cauſes, comme au retranchement des dix jours, depuis quoy on n’a fait vendanges que par rencontre de ſaiſon, aux pullulations d’hereſies, depuis leſquelles les boſſes n’ont peu eſtre plattes, aux reuoltes des grands qui ſont occaſion que fillettes ont hanté les cloiſtres, & les menagers les tauernes, aux hauſſements des tailles, durant quoy les vieilles gens ne font que rechigner, & infinitez autres ſotiſes, dont ie ne ſuis point controlleur, dautant qu’il ne m’appartient pas d’entreprendre ſur vous. Et bien en cet excellent periode il auint ce que vous ſçauez, & ie vous iure ſans iurer, que tout eſt vray. Si vous me preſſez ie vous defonceray trois ou quatre ruades toutes brodees de cremoify, & iureray comme vn homme, ou bien ie priray mon voiſin de iurer pour moy, ainſi que feit le ſire Guillaume, qui preſſé du Iuge de iurer luy dit ainſi ; « Monſieur ie ne ſcay point iurer, parce que ie n’ay pas eſtudié ny eſté à la guerre, & ne ſuis docteur, ny gendarme, ny gentilhomme ; mais i’ay vn frere qui iurera pour moy. » Il fut donc en ceſte ſaiſon ſonné, trompé, trompeté, corné, (comme vous voudrez, prenez au gouſt de voſtre ratte) & crié, huché, dit & proclamé auec la trompe philoſophique, que toutes ames qui auoient ſerment à la Sophie ſe trouuaſſent au lieu ſuſdit, ainſi qu’il auoit eſté ordonné & promis auec ſerment ſolemnel, comme il eſt ordinaire és affaires ſerieuſes de la benoiſte couſtume des Sages ; pour aſſeurance dequoy les enfans de la ſcience auoient mis la main au ſymbole de la conſcience. Parquoy nous fusmes tous reſolus de nous trouuer chez le bon homme noſtre pere ſpirituel, parce qu’il auoit eſté ordonné & iugé en dernier reſſort de ſerrure, d’horloge, de cranequin, de rouet, de routiſſoir, d’arbaleſte, & que les deffaillans ſeroient mis à la nois, à la noiſette, au noyau, & à l’amende. A cet eſclat de mandement ie ne failliſmes à nous trouuer, auſſi auions nous promis de nous bien chercher pour cet effect ; & puis ie l’auions iuré, & ſçachez que c’eſt vn grand peché de faillir parmi nous, pource que nous ſuyuons vniquement la regle de perfection en promeſſe. Et bien que ce ſoit vne ordinaire, gliſſee de pere en fils pour gens de bien, coulée de mere en filles pour femmes d’honneur, d’oncle à neueu pour gens d’Egliſe ; ordinaire (diſie) comme ces docteurs qui enfilent leurs diſcours ; que promettre & tenir eſt tout ce qu’vne perſonne de bien peut faire, & qu’il n’appartient qu’à ceux qui ſont iſſus de damoyſellerie & de gentilhommette, ſi en a ton menti vn petit, & ie le vous diray auſſi honneſtement que fit Coquereau à monſieur le Preſident ſon maiſtre. Il eſtoit ſommelier & nous boyuions frais & bon, ie diſois que le vin eſtoit bas, monſieur diſoit qu’il eſtoit à la barre, madame dit, « Et bien ſommelier qu’en eſt il ? — Ha ha, dit il, monſieur n’a menty de gueres. » Promettre eſt facile, mais effectuer difficile, de tenir il eſt aiſé, tenir ce que l’on promet eſt faire comme le ſeigneur de noſtre parroiſſe, qui ne vous refuſe rien, & baille encor moins.


Texte à compléter