Le Mouvement ritualiste dans l’église anglicane/01

Le Mouvement ritualiste dans l’église anglicane
Revue des Deux Mondes5e période, tome 26 (p. 834-859).
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LE MOUVEMENT RITUALISTE
DANS L’ÉGLISE ANGLICANE

I
L’ORIGINE ET LES PREMIÈRES LUTTES DU RITUALISME

Voilà plus de cinquante ans qu’on bataille, en Angleterre, pour ou contre le Ritualisme. Ce n’est pas uniquement une querelle de sacristie. La question occupe, divise l’opinion, la presse, le Parlement. Il n’est pas jusqu’au mob qui, de temps à autre, ne soit intervenu, à sa manière, par quelque émeute. Qu’est-ce donc que ce Ritualisme qui a tenu et qui tient encore tant de place dans la vie religieuse de l’Angleterre ? Quelles en ont été l’origine et les vicissitudes ? Le sujet n’est peut-être pas sans intérêt pour le public français, d’autant que rien chez nous ne peut nous en donner l’idée. Aussi bien cette histoire renferme-t-elle, sur l’impuissance des rigueurs législatives et des coercitions judiciaires dans les choses de conscience, des enseignemens qu’il peut nous être utile et consolant de recueillir.


I

M. Gladstone, évoquant, en 1874, le souvenir de ce qu’était le culte anglican un demi-siècle auparavant, écrivait : « L’état des choses était déplorable au-delà de ce que j’ai jamais lu ou vu… Nos offices étaient probablement sans pendant dans le monde, par leur vulgarité. Ils auraient choqué un brahmane ou un bouddhiste, et ils n’eussent certes pas été supportés en Angleterre, si le goût et la perception de l’idéal n’avaient été engloutis dans le même naufrage que la dévotion. » « Je ne sais, disait-il encore, si la Chrétienté offrit jamais le spectacle de communautés de chrétiens plus froides, plus dénuées de dévotion et de respect religieux… Nos églises et notre culte n’attestaient que trop une indifférence glaciale. » Et il n’hésitait pas à confesser que cette situation était « le scandale de la Chrétienté[1]. »

Bien que principalement doctrinal, le Mouvement dont Newman et ses amis avaient pris l’initiative, peu après 1830, en publiant les Tracts for the Times[2], devait forcément faire naître le besoin d’une rénovation du cérémonial. En éveillant, d’une façon générale, la curiosité sympathique des choses catholiques, en suscitant le désir de se rattacher, dans la vie extérieure de l’Anglicanisme, aussi bien que dans sa vie intérieure, aux traditions d’avant la Réforme et de se remettre plus ou moins en harmonie avec l’Eglise universelle, en rehaussant l’idéal religieux, en recherchant le sens perdu du symbolisme liturgique, en ravivant la notion effacée du surnaturel et du mystère, en ouvrant des horizons depuis longtemps fermés à la piété et à la dévotion, on faisait naître, dans les intelligences, dans les cœurs et dans les imaginations, des besoins auxquels l’ancien culte ne pouvait satisfaire. Et surtout, du moment qu’on entendait restaurer la foi à la présence réelle et rendre au sacrifice eucharistique la primauté rituelle qu’il avait perdue, comment ne pas se sentir mal à l’aise dans ces églises froides et dénudées qui, par leur disposition même, n’étaient que des salles de prêche, où il n’y avait plus d’autel, et où l’on discernait à peine, à travers les bancs à haut dossier et derrière la chaire du prédicateur ou le pupitre du lecteur, la misérable table de bois, sur laquelle, en de très rares occasions, se célébrait, sans honneur et même souvent sans décence, le service de la communion[3] ? Ne devait-on pas être tenté de rétablir l’antique solennité des rites, des attitudes, des gestes, des ornemens et des costumes, pour affirmer la foi retrouvée et pour effacer le scandale de la négation pratique qui s’était si longtemps affichée dans le culte anglican ?

Les Tractariens avaient eu, dès l’origine, l’intuition de cette révolution rituelle et liturgique. « Je considérais, a écrit Newman, que l’Eglise anglicane devait avoir un cérémonial, un rituel, une plénitude de doctrine et de dévotion qu’elle n’avait pas[4]. » Koble, en 1839. dans la préface de la seconde partie des Remains de Froude, notait que l’auteur de ces Remains « appréciait très sérieusement, dans le service divin, l’importance de ces arrangemens qui tendent le plus à rappeler à l’adorateur que la maison de Dieu est une maison de prière et de sacrifice spirituel, non de simple enseignement. » Il se félicitait de voir, autour de lui, dans « les nouveaux aménagemens intérieurs des églises, » le signe que ces idées étaient en progrès et rencontraient des sympathies[5]. Pusey, en réponse à cette question : « Qu’est-ce que le Puseyism ? » rédigeait, en 1840, une sorte de programme dont le cinquième article portait : « Le souci de la partie visible de la dévotion, comme la décoration de la maison de Dieu, qui agit insensiblement sur l’esprit[6]. » Quand Newman avait entrepris d’élever une église à Littlemore, dans une dépendance de la paroisse qu’il dirigeait à Oxford, il s’était essayé à y faire une première application de ses principes ; et ce n’était pas sans un sentiment mêlé de surprise, d’admiration et aussi d’inquiétude, qu’un de ses plus chers disciples, Rogers, constatait, au jour de l’inauguration, en 1836, ces innovations, notamment le magnifique autel de pierre sculptée, surmonté d’une croix, ainsi disposé « qu’il effaçait tout le reste, et qu’en entrant dans l’église on ne voyait que lui, » et aussi, dans la cérémonie même, de la part du célébrant, des attitudes et des gestes auxquels on n’était plus habitué. « Nous étions tous dans la crainte, ajoutait Rogers, de ce que pourrait dire l’évêque. » Ne trouverait-il pas tout cela papistical ? « Néanmoins, Sa Seigneurie fut très satisfaite et complimenteuse, et tout s’accomplit dans le plus grand style[7]. » Peu après, de 1842 à 1845, quand Pusey fit élever, à ses frais, dans un quartier populaire de Leeds, cette église de S. Saviour, qui devait être le théâtre de tant de conversions au catholicisme, il voulut également y avoir un véritable autel, et non une simple table, afin, disait-il, d’affirmer les vérités déniées ; l’évêque, cette fois, lit des objections et déclara qu’il ne consacrerait pas l’église si l’autel de pierre n’était pas remplacé par une table de bois[8].

De ces faits, il ne faudrait pas cependant conclure que les Tractariens donnassent alors, autour d’eux, le mot d’ordre du renouvellement du cérémonial et qu’ils dussent être considérés comme les initiateurs ou seulement les précurseurs de ce qu’on devait appeler le Ritualisme. Non. Ils auraient été plutôt disposés à blâmer ceux qui voulaient entreprendre prématurément ces changemens ou qui y attachaient une importance exagérée. Ils craignaient qu’on n’irritât ainsi le public ou les autorités et que, pour des questions de formes, après tout secondaires, on ne compromît le succès des doctrines essentielles. Ils se méfiaient surtout des esprits superficiels et frivoles qui s’amuseraient à ces apparences en négligeant les réalités, et auxquels une sorte de religiosité esthétique ferait oublier la nécessité des conversions intérieures. Telle était la façon de voir très arrêtée et très réfléchie de Newman et de Pusey. En 1839, Pusey s’adressant à un clergyman qui venait d’écrire un tract sur l’observance de la « Rubrique des Ornemens, » mettait en garde ses amis contre des singularités imprudentes ou peu sérieuses ; qu’on voulût embellir l’église et surtout l’autel, il le comprenait, à condition que cela pût se faire sans trop de difficultés ; mais il n’aimait guère qu’on se préoccupât d’embellir le vêtement du célébrant[9]. Les chefs du Mouvement donnaient, d’ailleurs, dans leur conduite, l’exemple de la prudence et de la réserve qu’ils conseillaient à leurs partisans. Si Newman avait cru pouvoir essayer, à l’écart et en quelque sorte loin des regards du public, quelques innovations dans sa chapelle de Littlemore, il avait à peu près gardé l’ancien cérémonial dans son église de Sainte-Marie, à Oxford ; il s’était borné à y rendre les services plus fréquens et à les réchauffer, en quelque sorte, de sa piété personnelle[10].

En dépit de l’exemple et des recommandations des leaders, quelques-uns de leurs adeptes cédaient au désir d’inaugurer, sur tel ou tel théâtre particulier, un cérémonial mieux en harmonie avec leurs doctrines. L’un des premiers disciples de Newman, Oakeley, appelé, en 1839, à desservir la petite chapelle d’Old Margaret Street, à Londres, vit là, comme il le disait, « l’occasion d’essayer, sur un terrain pratique, l’effet des principes tractariens[11]. » Malgré l’installation fort défectueuse de la chapelle, il trouva moyen de la transformer ; il dégagea l’autel, jusqu’alors masqué par la chaire, le suréleva, l’orna de cierges, de fleurs, et plaça au-dessus une croix. Les offices, rapprochés autant que possible de la liturgie romaine, furent une révélation pour beaucoup d’âmes qui n’avaient pas encore éprouvé ce que la piété pouvait trouver, dans les formes catholiques du culte, de secours et de consolation[12]. Ils attirèrent une assistance délite dont la ferveur surprenait et édifiait ceux qui entraient en passant dans la chapelle[13]. Gladstone y fréquentait et y rencontrait ses amis Hope Scott et Bellasis qui, comme plusieurs autres membres de cette congrégation, devaient se convertir au catholicisme. Ces nouveautés furent dénoncées comme entachées de romanisme ; l’autorité ecclésiastique, effarouchée, fit des réprimandes ; elle ne consentit à tolérer les cierges que s’ils n’étaient pas allumés, les fleurs qu’à la condition d’avoir un seul bouquet et de n’en pas faire varier la couleur suivant la nature des fêtes[14].

Des changemens analogues s’essayaient dans d’autres paroisses, sans mouvement d’ensemble, suivant l’inspiration propre, on pourrait dire suivant la fantaisie de chacun. Ils ne portaient pas seulement sur l’aménagement de l’église, mais aussi sur le costume de l’officiant : quelques clergymen se bornaient à remplacer la robe noire (black gown) par le surplis ; un très petit nombre allaient plus loin et commençaient à user de ce qu’on appelait les « vêtemens eucharistiques, » chape, chasuble, étole, que l’on faisait venir de Paris[15]. Chaque jour, il était plus visible qu’une sorte d’attrait mystérieux poussait les adeptes de cette école à copier ce qui se faisait dans l’église romaine. T. Mozley, disciple et allié de Newman, ayant assisté, pour la première fois, en 1843, au cours d’un voyage en Normandie, à un office catholique, en recevait une impression qu’il qualifiait lui-même de « fascination. » « C’était le véritable culte, s’écriait-il ; il y avait là le sentiment d’une présence divine[16]. » Des idées de ce genre gagnaient jusqu’à la littérature. On en peut juger par les deux romans de Conningsby et de Sybil, que Disraeli publiait en 1844 et 1845 et, où il se piquait d’aborder les problèmes sociaux de l’époque. Bien que personnellement étranger et indifférent aux controverses théologiques d’Oxford, il laissait voir, dans ces romans, les préférences de son imagination pour ce qu’on eût pu appeler l’esthétisme du tractarianisme, et il préconisait un retour à la vieille poésie du culte catholique. « Ce que vous appelez formes et cérémonies, faisait-il dire à un pasteur, représente les instincts les plus divins de notre nature. »

Cet effort pour la restauration du culte coïncidait avec le mouvement romantique qui partout, en Angleterre comme sur le continent, remettait en faveur l’art du moyen âge. Une sorte d’alliance s’établit naturellement entre les deux mouvemens. Dans toute paroisse où prévalait l’anglo-catholicisme, l’ornementation de l’église devenait aussitôt gothique, sans qu’on s’inquiétât des disparates souvent étranges avec le style primitif de l’édifice[17]. Le gothique finit même ainsi par devenir un peu suspect aux yeux de certains catholiques romains, et ceux-ci préférèrent prendre pour modèles les églises italiennes du XVIe siècle ; on s’en aperçut plus tard, lors de la construction, à Londres, de la grande et très riche église de l’Oratoire. Cette méfiance toutefois était loin d’être partagée par tous les catholiques. Le propagateur le plus enthousiaste, le plus exclusif, le plus intolérant de l’art gothique, fut l’architecte Pugin, converti au catholicisme depuis 1833 : le culte qu’il professait pour l’art du moyen âge n’avait pas peu contribué à cette conversion. Mis en rapport avec quelques-uns des Tractariens, il s’appliqua, non sans succès, à leur insuffler un peu de son enthousiasme médiéval[18].

L’un des foyers de cette réaction à la fois religieuse et artistique était la Cambridge Camden Society, fondée en 1839. Elle se donnait pour programme de « promouvoir l’étude de l’art chrétien et des antiquités chrétiennes, plus spécialement en tout ce qui regardait l’architecture, l’arrangement et la décoration des églises. » C’était se proclamer l’ennemie du temple tel que l’avait fait le protestantisme et manifester la volonté d’y substituer l’ancien type de l’église catholique. Les adversaires du Tractarianisme ne s’y trompaient pas, et l’un d’eux, le Révérend Close, en 1844, résumait la pensée d’un de ses sermons dans cette phrase qui lui servait de titre : « La restauration des églises est la restauration du papisme. » Il se piquait de démontrer, dans ce sermon, « que, de même que le Romanisme était enseigné analytiquement à Oxford, il était enseigné artistiquement à Cambridge ; qu’inculqué théoriquement dans des tracts, à l’une des Universités, il était sculpté, peint, gravé, dans l’autre. » « Les Camdeniens de Cambridge, ajoutait-il, bâtissent les églises et fournissent les vaisseaux symboliques par lesquels les Tractariens pensent appliquer leurs principes[19]. » La Camden Society n’était pas seulement dénoncée dans la chaire ; ses entreprises l’exposaient à des conflits judiciaires : en restaurant l’église du Saint-Sépulcre à Cambridge, elle y avait établi un « autel de pierre ; » réclamation du desservant ; les churchwardens[20], appuyés par un meeting des paroissiens, se déclarèrent pour l’autel ; la question fut soumise à la Cour consistoriale du diocèse d’Ely qui, le 25 juillet 1844, donna raison aux churchwardens ; mais le desservant en appela à la Cour des Arches, qui jugea au contraire, le 31 janvier 1845, que les autels de pierre étaient chose illégale dans l’Église d’Angleterre.

Ces nouveautés d’ornementation ou de cérémonial frappaient les yeux mêmes des ignorans et se trouvaient agiter des couches populaires que l’on eût eu peine à émouvoir pour des controverses purement doctrinales. On le vit au trouble que causa, durant plusieurs années, ce qu’on a pu appeler alors la « question du surplis. » Déjà, en 1842, l’évêque de Londres, Blomfield, qui donnait cependant d’autre part plus d’un gage aux adversaires des Tractariens, avait tenté, par scrupule de fidélité aux Rubriques, de rétablir l’usage du surplis. Le public, excité par le Record, organe des Evangelicals, se montra si hostile que le prélat recula[21]. Ce fut pis encore à Exeter : l’évêque de cette ville, de sympathies High Church plus prononcées que celui de Londres, crut devoir, en novembre 1844, rappeler à son clergé que le surplis était obligatoire pour le sermon. La clameur fut telle qu’il retira son injonction, en laissant toutefois, à ceux qui s’y croyaient tenus en conscience, la faculté de mettre le surplis. L’un des vicars[22]de la ville, le Révérend Courtenay, prétendit user de cette faculté. Mal lui en prit. Meetings populaires, attaques de presse, tout fut employé pour soulever l’opinion. Le vicar voulut tenir bon. Un dimanche de janvier 1845, il monte en chaire, revêtu du surplis ; aussitôt les deux tiers des assistans sortent tumultueusement de l’église ; à la fin du service, il est assailli, dans la rue, par une sorte d’émeute ; on le siffle, on le hue, et la police a peine à le protéger contre des violences matérielles. Vainement, sur le conseil de son évêque, renonce-t-il à renouveler sa tentative, on lui signifie qu’il a perdu la confiance de ses paroissiens et on l’oblige à donner sa démission. Il devait mourir, peu après, des suites de ces émotions. Cette question du surplis parut d’ordre assez grave pour que le Times s’en emparât et envoyât un correspondant spécial à Exeter. Une pétition saisit la Chambre des lords, en mars 1845 ; l’évêque d’Exeter s’y défendit comme il put, mais un de ses collègues, l’évêque de Norwich, se déclara de cœur avec les agitateurs et proclama la nécessité de résister à toute innovation.


II

La conversion de Newman, en ruinant le Tractarianisme à Oxford, contribua à en modifier le caractère. Le Mouvement ne fut pas arrêté, mais, au lieu d’être concentré dans une élite de scholars, il se dispersa dans les presbytères d’Angleterre ; moins universitaire, il apparut plus paroissial. C’était fournir un terrain favorable aux innovations ritualistes. Celles-ci en effet, bien que n’étant encore que des incidens isolés, intermittens et non concertés, devinrent plus fréquentes. Ajoutons que l’opinion protestante en était d’autant plus choquée et irritée que les éclatantes « sécessions » de 1845 l’avaient mise davantage en éveil sur le péril romain.

Dans le diocèse de Chichester, c’est le Révérend Neale, tractarien prononcé, membre zélé de la Camden Society, qui est, de 1846 à 1848, aux prises avec son évêque. Celui-ci lui reproche « la friperie au moyen de laquelle il a transformé la simplicité de sa chapelle en une imitation des superstitions dégradantes d’une fausse Eglise. » Il prétend lui interdire toute fonction cléricale dans son ressort. La Cour des Arches, saisie, déclare Neale coupable d’offense ecclésiastique[23]. Dans le diocèse d’Oxford, l’évêque, qui est Wilberforce, n’était pas l’accusateur, mais l’accusé. On prétendait que, par complaisance, sinon par complicité, il laissait se répandre des pratiques romanisantes que le terrible Golightly, l’ancien dénonciateur de Newman, énumérait ainsi dans un pamphlet tapageur : « Confession auriculaire, croix d’autel et crucifix, processions, croix et bannières de procession, autels en pierre, l’hostie romaine, mélange de l’eau avec le vin dans l’Eucharistie, élévation des Elémens, génuflexion devant les Elémens, le prêtre faisant le signe de croix sur lui-même, onction pour les malades, messes pour les morts, vêtemens et ornemens romains, couvens de femmes. » Le collège théologique de Cuddesdon, sorte de séminaire fondé par Wilberforce, était signalé comme le foyer principal de cette infection romaine, et l’on y dénonçait plusieurs conversions au catholicisme[24]. Dans le clergé du diocèse, agité et divisé par ces polémiques, se signaient des adresses contradictoires. L’évêque se défendit de son mieux, contestant certains faits, en désavouant d’autres, et donnant à ses accusateurs ce gage de changer les directeurs du collège théologique[25].

Ce qui se passait à Londres avait naturellement plus de retentissement que les incidens de province. Tel fut notamment, en 1850, le cas du Révérend Bennett, que les Ritualistes honorent comme un de leurs premiers confesseurs et martyrs. Vicar de S.-Paul, Knightsbridge, il avait construit, dans un district de sa paroisse, l’église de S.-Barnabas, et y pratiquait un ritualisme très « avancé. » Lui disait-on qu’on n’avait trouvé, à Rome et à Paris, rien de plus que dans ses églises, il s’en félicitait comme d’un acheminement à l’unité. Quelque répugnance qu’eût l’évêque de Londres, qui était encore Blomfield, à s’en prendre à un ministre dont il appréciait le zèle pastoral, il lui adressa des représentations et blâma, dans un mandement, « ces continuels changemens d’attitude, ces fréquentes génuflexions, ces signes de croix, ces singularités d’habillement, ces décorations d’église, » qui tendaient à « rendre le service divin presque histrionic. » M. Bennett répondit qu’il ne pouvait rien changer à ses pratiques, tout en offrant de résigner ses fonctions, si l’évêque ne le jugeait plus digne d’avoir charge d’âmes dans son diocèse. Sur ces entrefaites, éclata la furieuse bourrasque de fanatisme protestant, soulevée par le Bref qui rétablissait la hiérarchie épiscopale en Angleterre. Lord John Russell lança sa lettre à l’évêque de Durham, où il dénonçait « l’agression papale » et la trahison, plus dangereuse encore, des Ritualistes, qualifiés de « fils indignes » de l’Église d’Angleterre. L’effet ne s’en fit pas attendre à S.-Barnabas. Plusieurs dimanches de suite, le mob assaillit les portes de l’église, interrompant le service divin par ses clameurs et ses sifflets. M. Bennett tint tête à l’émeute et adressa à lord Russell une lettre sévère et digne. Quant à l’évêque, il ne trouva d’autre moyen de mettre fin à ces désordres que de demander au vicar sa démission. Celui-ci s’exécuta et se retira dans une paroisse de province, laissant son évêque assez peu fier des éloges que lui valait son intervention[26].

Aussi bien cette intervention n’avait-elle pas supprimé la difficulté. Le successeur de M. Bennett, le Révérend Liddell ne se montra pas moins ritualiste, si bien qu’en 1854, des paroissiens, poussés par les meneurs protestans, portèrent plainte devant les tribunaux ecclésiastiques. Ceux-ci décidèrent, en 1855 et 1856, que plusieurs des innovations rituelles qui leur étaient dénoncées, étaient illégales. M. Liddell, encore imparfaitement éclairé sur les dangers de l’intrusion des cours civiles dans les affaires d’Eglise, déféra ces décisions au Comité judiciaire du Conseil privé et lui fournit ainsi l’occasion d’inaugurer la longue série de ses décisions cultuelles. Ces juges laïques, assistés de l’archevêque de Canterbury et de l’évêque de Londres qui était alors Tait, se montrèrent plus larges que les premiers juges ecclésiastiques. Par décision du 21 mars 1857, ils admirent la légalité d’un autel sculpté et orné, pourvu qu’il fût en bois, de couvertures d’autel en couleurs variées suivant les saisons, de croix sur les murs du sanctuaire. Ce qu’ils déclarèrent illégal, c’étaient les dentelles brodées sur la nappe de communion, la croix fixée sur la table de communion et surtout l’autel en pierre[27]. Les motifs par lesquels les juges appuyaient leur décision sur ce dernier point méritent d’appeler l’attention, parce qu’ils mettent bien en lumière la question de doctrine qui était engagée dans ces contestations sur des formes extérieures. Voici ces motifs :


La distinction entre un autel et une table de communion est en elle-même essentielle et fondée profondément sur la plus importante divergence, en matière de foi, qui sépare les protestans et les romanistes, c’est-à-dire sur la différence existant entre l’idée qui prévalait dans l’Église catholique romaine, au temps de la Réforme, sur la nature du Lord’s Supper, et celle qui fut introduite par les réformateurs. Bans le premier cas, c’était considéré comme un sacrifice du corps et du sang du Sauveur ; l’autel était la place sur laquelle le sacrifice devait être fait, les élémens consacrés, et ensuite traités comme le corps et le sang actuels de la victime. Les réformateurs, d’autre part, considéraient la sainte communion, non comme un sacrifice, mais comme une fête célébrée à la table du Seigneur, quoique pour la consécration des élémens, pour les effets de cette consécration et pour plusieurs autres points, ils diffèrent grandement entre eux. Le changement apporté dans la façon de considérer le sacrement, appelait naturellement un changement correspondant dans l’ancien autel. Il ne devait plus être un autel de sacrifice, mais seulement une table sur laquelle les communians prendraient part au Lord’s Supper[28].


Loin d’être abattus par les difficultés qu’ils rencontraient, les Ritualistes devenaient chaque jour plus entreprenans. Le Révérend Skinner défiait publiquement les poursuites[29]. Le Révérend Stuart, personnage considérable du parti, déclarait « très respectueusement » à l’évêque de Londres qu’il ne pouvait lui obéir en ce qui concernait l’allumage des cierges, et l’évêque en était réduit à exprimer son regret de cette désobéissance[30]. Même résistance de la part du Révérend Upton Richards, vicar de l’église All Saints, Margaret street, construite en place de la chapelle autrefois desservie par Oakeley[31]. « Je n’entends pas soutenir, écrivait-il à l’évêque, que l’usage des lumières soit, en aucune façon, essentiel ou ait, en lui-même, une vertu, mais je crois que c’est un des ouvrages extérieurs de la citadelle de l’Eglise, et qu’en luttant pour cet ornement, ainsi que pour tout autre rite que la loi de l’Eglise permet, je ne fais que lutter pour ces protections que la piété et la sagesse de nos pères avaient disposées autour des choses sacrées. » Aussi un catholique écrivait-il, dans une lettre publiée en 1857 : « Allez dans des églises comme S. Barnabas, Pimlico, et Sainte-Marie, Osnaburgh Street, et dites-moi en quoi elles diffèrent de nos propres églises[32] ? »

Ce qui contribuait à affermir et à enhardir les Ritualistes, c’est qu’ils commençaient alors à s’organiser en associations, les unes, plus ou moins secrètes pour l’impulsion du dedans, les autres publiques pour la lutte du dehors. En 1855, se fondait la « Société de la Sainte-Croix, » qui devait avoir peu après pour filiale la « Confrérie du Saint-Sacrement, » la première exclusivement ecclésiastique, la seconde renfermant clercs et laïques, toutes deux s’enveloppant d’un certain mystère pour échapper aux curiosités malveillantes des protestans. Elles groupaient les partisans les plus ardens du mouvement anglo-catholique. Leur idée maîtresse était la foi et la dévotion au dogme eucharistique : de là un effort constant pour restaurer, avec ses anciens rites et son ancienne solennité, la Messe, dont elles ne craignaient pas de prononcer le nom si décrié depuis la Réforme ; elles encourageaient aussi la « réserve » et l’adoration des espèces consacrées. C’était du reste, dans tous les actes du culte et de la piété, qu’elles tendaient à se rapprocher du modèle catholique. L’influence de ces deux sociétés se fera sentir dans toutes les entreprises ultérieures du Ritualisme[33].

C’est aussi vers cette époque, en 1859, que les partisans des idées High Church fondaient, par la concentration de diverses associations locales préexistantes, l’English Church Union : celle-ci se donnait pour tâche de soutenir la lutte publique, sur tous les champs de bataille de l’opinion. Elle n’avait alors, à ses débuts, que quelques centaines d’adhérens : bientôt ses membres se compteront par milliers, et son action sera des plus considérables. L’un des articles de son programme était « d’apporter conseil et protection à toutes personnes, laïques ou clercs, injustement attaquées ou entravées, en matière spirituelle[34]. » Par-là surtout, elle devait être d’un précieux secours aux Ritualistes, en leur procurant les moyens de résister aux persécutions diverses dont ils seront l’objet.

Dès la première année, l’English Church Union, fidèle à sa mission, faisait paraître un tract intitulé : Remèdes et Loi contre les perturbateurs du service divin. Cette publication était motivée par le renouvellement, en 1859, à l’église S. Georges in the East, dans l’un des quartiers les plus misérables de Londres, des troubles dont, neuf ans auparavant, S. Barnabas avait été le théâtre. Les protestans, irrités des innovations du vicar qui avait notamment installé un chœur pour le chant des psaumes et inauguré les vêtemens eucharistiques, avaient mis en mouvement la populace du quartier, secondés du reste par les cabaretiers que le zèle du clergé inquiétait sur la conservation de leur clientèle. Chaque dimanche, des désordres prémédités et organisés venaient interrompre le culte : cris, sifflets, tapage de tout genre, bouffonneries outrageantes, coussins jetés du haut des galeries, peaux d’orange et morceaux de pain lancés contre l’autel ou la table de communion, bousculades dirigées contre les membres du clergé. Sous les yeux de la police impuissante, ces désordres se prolongèrent, avec quelques intermittences, pendant près d’une année. Le Parlement s’en occupa à plusieurs reprises, en 1860. Tous les efforts de pacification, tentés par l’évêque ou par d’autres personnages, échouèrent. Le calme ne se rétablit que le jour où le vicar, découragé, consentit à échanger sa cure pour une autre à la campagne[35]. Il semblait que ce fût une victoire pour le parti protestant et une défaite pour le Ritualisme. L’effet d’opinion fut tout autre. L’infamie des moyens employés suscita, non seulement sur place, mais dans le pays entier, et jusque chez des hommes d’opinions fort opposées, comme lord Brougham et le doyen Stanley[36], un mouvement de sympathie en faveur du vicar et de son clergé. Pour la première fois, les Ritualistes se trouvaient être presque populaires.

Aussi, dans les années qui suivent, ne semble-t-il plus que personne soit bien empressé de se porter accusateur public des Ritualistes, de les dénoncer aux violences de la foule ou aux rigueurs des autorités. De cette abstention, il était d’ailleurs une autre cause. On sait quelle tempête souleva, en 1860, la publication des Essays and Reviews, les polémiques et les procès qui s’ensuivirent et qui passionnèrent, pendant cinq ou six années, le monde religieux[37]. Ce fut une diversion qui détourna l’attention des questions d’autel, de surplis et de cierges, d’autant que ceux qui avaient été naguère les plus ardens adversaires de ces nouveautés cérémonielles, les Low-churchmen, n’étaient pas maintenant les moins animés contre le Broad Church, et, que, dans cette nouvelle campagne, ils se trouvaient être les alliés de leurs ennemis de la veille, les High-churchmen. Ces motifs divers expliquent comment, après 1860, l’apaisement s’était fait momentanément autour du Ritualisme et comment celui-ci put continuer quelque temps à se développer silencieusement, sans soulever d’émeute ni de procès.


III

Cette trêve ne devait durer qu’un temps. Les témérités bibliques du Broad Church ne pouvaient toujours absorber l’attention du monde religieux. Aussi bien, en 1864 et 1865, les cours de justice, d’une part, les évêques, de l’autre, s’étaient prononcés sur les questions soulevées par les Essays and Reviews et par le livre de Colenso. Le débat était sinon tranché, du moins épuisé, et, sur ce sujet, se produisait, dans les esprits, à défaut d’apaisement, une sorte de lassitude. Dès lors, il n’y avait plus de raison d’être à l’alliance momentanée qui s’était faite entre le High Church et le Low Church, et celui-ci, redevenu libre de suivre sa tendance naturelle, recommençait à exercer sa vigilance, non plus contre ceux qu’il jugeait n’être pas assez chrétiens, mais contre ceux qui lui paraissaient être trop catholiques.

Ce qu’il voyait de ce côté était de nature à l’émouvoir. Des témoignages contemporains nous informent sur ce qui se passait, en 1866, dans les églises ritualistes. Pour l’ordre des offices, on s’inspirait des souvenirs d’avant la Réforme ou des rites actuels de l’Eglise romaine. Cela était vrai surtout du service eucharistique, où l’on remettait en usage la chasuble, l’aube, l’étole, le manipule, l’amict, les cinq couleurs canoniques, les positions et les gestes prescrits par les anciennes rubriques, les prières du missel romain, en un mot le cérémonial de la messe[38]. On se servait de crucifix, d’images de saints, parfois d’eau bénite. La confession était remise en honneur à la veille des fêtes, les ministres étaient parfois obligés de passer la nuit à entendre les pénitens. Des confréries entretenaient et développaient les diverses dévotions catholiques, notamment celle du Saint-Sacrement. Des manuels étaient publiés à l’usage des laïques ou du clergé, pour les initier à cette vie religieuse. Les clergymen se faisaient honneur de reprendre le nom de prêtres ; plusieurs portaient la soutane et se faisaient tonsurer ; il n’était pas jusqu’au célibat ecclésiastique qui ne commençât à avoir ses adeptes : ceux-ci constituaient la section supérieure de l’Association de la Sainte-Croix. Le Church congress, tenu à York en 1866, était l’occasion d’une exposition d’art religieux, où de magnifiques ornemens d’église, chasubles, bandeaux d’autels, crosses, mitres, crucifix, images de saints, étaient offerts à la curiosité du clergé. L’évêque de Londres disait dans un de ses mandemens : « Il y a, parmi nous, des églises dans lesquelles les ornemens autour de la table de communion, les vêtemens, les attitudes et toute la manière d’être du clergé officiant rendent difficile, pour un étranger qui y entre, de savoir s’il est dans un lieu de culte catholique romain ou anglican[39]. » Jowett écrivait à un de ses amis, le 24 décembre 1865 : « Si vous vous promeniez dehors, vous seriez très surpris du changement qui s’est fait dans les églises de Londres ; il y a, en elles, une sorte de revival esthético-catholique[40]. » Sans doute les églises où se pratiquait un culte si nouveau étaient encore assez rares ; mais c’étaient les plus fréquentées, les plus en vue, les plus vivantes. De ce nombre, étaient presque toutes celles que de pieuses libéralités élevaient dans les quartiers jusque-là déshérités de Londres : telle entre autres la belle église de S. Alban, Holborn, qui venait d’être consacrée en 1863 et qui devait être, sous la direction de son vicar, le Révérend Mackonochie, le foyer le plus ardent du Ritualisme.

Dans les couvens de religieuses, sisterhoods, qui s’étaient fondés d’abord timidement en petit nombre, sous l’influence des premiers Tractariens, de Pusey notamment, et qui, depuis, s’étaient développés, le Ritualisme se manifestait plus hardiment encore[41]. Tout y était copié sur le modèle romain : costume, cérémonial des professions et des prises d’habit, livres de prière, dévotions, scapulaire, triple règle ou vœu de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, confession habituelle, mortifications et même usage de la discipline que Pusey recommandait[42], — au grand scandale de ces Anglais qui ne s’effarouchaient pas de voir conserver le fouet dans les écoles et dans l’armée, — observance de fêtes catholiques jusque-là ignorées dans l’Anglicanisme, comme le Corpus Christi et la Commémoration des morts, adoration de la Croix le Vendredi saint, parfois même, usage du latin dans le chant des hymnes et dans la célébration de la messe[43], tabernacle au-dessus de l’autel, les Espèces conservées dans un ciboire, bénédiction du Saint-Sacrement, etc. Que, dans ces couvens, le défaut d’expérience, l’absence d’une autorité dirigeante, d’un contrôle supérieur aient amené, de temps à autre, des abus, des excès, des désordres, ce n’est pas à nier ; mais, malgré tout, la vie religieuse y était intense, le zèle ardent et généreux[44]. Le crédit que les Sœurs acquéraient ainsi sur les populations, notamment sur les enfans par les écoles, elles l’employaient à propager les croyances et les pratiques du Ritualisme le plus avancé.

Tous ces faits, surtout ceux qui se passaient dans les églises ouvertes au public, ne pouvaient pas ne pas éveiller l’attention et par suite l’indignation des tenans du protestantisme. Lord Shaftesbury, personnage considérable du parti evangelical, conseiller écouté de plus d’un ministre dans les nominations d’évêques, philanthrope zélé, homme de foi, mais imbu de tous les préjugés puritains, avait entrepris, avec quelques amis, une enquête personnelle. Ayant ainsi assisté, le 23 juillet 1866, au service du dimanche, dans l’église S. Alban, il ne pouvait, en en sortant, contenir son indignation. « C’est le culte de Jupiter et de Junon, » écrivait-il. Le cérémonial, à son avis, dépassait tout ce qu’il avait vu dans les « temples romains » et lui faisait l’effet d’une « scène de gymnastique théâtrale, » d’une parade « histrionique, » d’une sorte de « mélodrame, au terme duquel on était surpris de ne pas voir tomber le rideau. » Et il s’écriait : « Conduisons-nous ainsi les âmes au Christ ou à Baal[45] ? » Le Times, qui faisait également son enquête et envoyait des correspondans dans les églises suspectes, déclarait ne pas voir de différence entre le Ritualisme et le catholicisme romain le plus avancé. Il concluait à des mesures répressives et demandait à quoi servaient les évêques, s’ils ne pouvaient empêcher cette invasion du romanisme. Ce sentiment trouvait rapidement écho dans les parties protestantes de l’Anglicanisme : on y proclamait que de si scandaleuses nouveautés ne devaient plus être tolérées et qu’il importait d’en débarrasser l’Église établie. Aussi bien, pour la lutte à engager, un, puissant instrument venait d’être constitué : la Church Association, fondée en novembre 1865 ; cette société, qui était la contre-partie de l’English Church Union, établie six ans auparavant, et qui groupait les élémens les plus militans du Low Church, se proposait de combattre le Ritualisme, non seulement par les moyens ordinaires de controverse, mais en provoquant toutes les mesures de coercition, notamment les poursuites judiciaires, ce qui lui fit donner plus tard le surnom de Persecution Company limited. A peine instituée, elle procédait, elle aussi, à des enquêtes dans les églises, afin d’y trouver matière à procès.

Il n’y avait donc pas à s’y tromper : de toutes parts, les adversaires des innovations rituelles se disposaient à la lutte. Il ne s’agissait plus seulement, comme naguère, de quelques escarmouches, locales, accidentelles, intermittentes ; c’est une guerre générale, permanente, méthodique où l’on s’engageait. Sur le but, aucune hésitation ; on voulait abattre, put down, le Ritualisme.

Pour résister à cette attaque, quelle était la force des Ritualistes ? Ils croyaient avoir trouvé un fondement légal à leurs entreprises. Ils ne pouvaient nier, sans doute, qu’ils revenaient à un cérémonial depuis longtemps disparu sous l’action des idées de la Réforme, et qu’en le faisant, ils allaient au rebours de ces idées ; mais ils invoquaient un texte : c’était la rubrique qui, dans le Prayer Book, précédait l’ordre à suivre dans les prières et qui était ainsi conçue : « Et il faut observer ici que les ornemens de l’Eglise et de ses ministres seront tels, pendant tout le service, qu’ils ont été spécifiés pour cette Eglise d’Angleterre, par l’autorité du Parlement, la seconde année du règne du roi Edouard VI. » Or il paraissait facile d’établir que ces ornemens étaient ceux que les Ritualistes cherchaient à remettre en usage[46]. Si cette rubrique semblait peu en harmonie avec d’autres textes et surtout avec les tendances qui avaient prévalu depuis, il fallait n’y voir qu’une preuve, entre beaucoup d’autres semblables, des influences contradictoires qui s’étaient rencontrées à l’origine de la Réforme en Angleterre et de l’équivoque, souvent préméditée, à laquelle certains politiques avaient eu alors recours pour ne rebuter ni ceux qui se flattaient de rester plus ou moins catholiques, ni ceux qui entendaient aller au protestantisme. Newman n’a-t-il pas parlé, à ce propos, des « livres qui bégayaient des formulaires ambigus ? » Les Ritualistes ne contestaient pas cette ambiguïté, mais ils croyaient être fondés à en recueillir le bénéfice, du moment où ils s’autorisaient d’un texte formel. « Dans l’Eglise d’Angleterre, écrivait l’un d’eux, il y a toujours eu, comme il y a maintenant, deux partis ayant des façons de voir distinctes, et je crois que le grand objet des compilateurs de la Liturgie a été de la disposer de telle sorte qu’il y eût place pour l’expression des vues des deux partis. La Liturgie et les Articles doivent, je pense, être regardés comme un grand compromis,… et de même que les deux partis ont liberté de conserver leurs opinions propres, de même ils ont liberté de les mettre en pratique comme il leur plaît, pourvu qu’ils se renferment dans la lettre de la loi, l’un ne l’excédant pas, l’autre ne restant pas en deçà[47]. »

Si intéressante que fût la question de légalité, il importait davantage encore de savoir quelles sympathies le Ritualisme pouvait espérer rencontrer dans l’opinion. Au début, il n’avait guère été pris au sérieux ; ces querelles de cierges et de surplis paraissaient mesquines et ridicules. Mais, avec le temps, cette impression s’était, au moins chez certains esprits, un peu modifiée. J’ai déjà eu occasion de noter, à ce point de vue, la réaction favorable provoquée par les troubles de S. Georges in the East. Ajoutons que si, en s’accentuant et en s’étendant, le nouveau cérémonial éveillait, chez certains, des répugnances plus vives, il produisait, chez d’autres, un effet d’accoutumance. C’est ce que constatait un clergyman de Londres, dans une lettre adressée, en février 1866, à l’évêque de cette ville. « Dans ma propre église, disait-il, les vêtemens et autres pratiques high-ritualistic auraient, il y a six mois, effarouché beaucoup de gens et n’auraient plu à presque personne ; aujourd’hui, on en cause tranquillement, on s’instruit de leur signification et de leur usage, et plusieurs même les réclament. » Aussi ce clergyman croyait-il pouvoir affirmer que « le High ritual était un fait établi qu’on ne pouvait supprimer[48]. » Vers la même époque, l’évêque Wilberforce, fort soigneux cependant d’éviter toute compromission avec le romanisme, reconnaissait « qu’il y avait, dans l’esprit anglais, un grand mouvement vers un plus haut rituel, towards a higher ritual. » Il invoquait, dans ce sens, le témoignage du député de Manchester qui, au cours de sa campagne électorale, avait noté, non sans étonnement, l’intérêt pris par le peuple de cette ville aux choses d’église, et « le fort accroissement de son amour du rituel[49]. »

C’est que les préventions que le puritanisme était parvenu, depuis la Réforme, à susciter contre le cérémonial religieux, suspect à ses yeux de rappeler les superstitions romaines, loin d’être en harmonie avec les habitudes générales d’esprit des Anglais, avec leurs goûts, avec leurs usages sociaux, y faisaient plutôt violence. Elles avaient quelque chose d’artificiel et d’imposé. La nudité du temple et la sécheresse du culte étaient une anomalie au milieu de tout ce qui les entourait. En effet, nul peuple n’a plus curieusement et plus scrupuleusement conservé, dans sa vie civile, l’antique et parfois bizarre somptuosité du cérémonial et du costume. On n’en veut pour preuve que les rites du couronnement du Roi, de l’installation du lord-maire, de l’ouverture des sessions du Parlement, le costume des présidens des Chambres législatives, des magistrats, etc. Si donc les Ritualistes avaient contre eux des préjugés vieux déjà de trois siècles, ils ne faisaient cependant que réintroduire, dans l’ordre religieux, un cérémonial maintenu et goûté partout ailleurs, renouer d’antiques traditions, auxquelles, en dehors du temple, on s’était fait un point d’honneur de demeurer imperturbablement fidèle. Sans supprimer complètement la difficulté de leur lâche, il y avait là quelque chose qui l’atténuait.

Notons encore qu’on commençait, dans quelques parties du monde religieux, à se rendre mieux compte des mobiles qui déterminaient les Ritualistes. On comprenait que, si certains d’entre eux obéissaient à une préoccupation un peu frivole d’esthétisme liturgique et d’archéologie médiévale, d’autres ne s’attachaient au cérémonial que parce qu’ils y voyaient une expression naturelle et nécessaire de la doctrine, une façon de professer leur foi et de l’imprimer dans l’esprit et l’imagination d’un public toujours sensible aux formes extérieures. Comme le disait l’un d’eux, c’était une manière de rendre « les vérités visibles et le catholicisme intelligible aux masses[50]. » « Je suis assuré, disait le vicar de S. Georges in the East, que, sans l’aide de tous les accessoires extérieurs du rituel, nous ne réussirons jamais à enseigner à notre troupeau, spécialement à la partie la plus pauvre de ce troupeau, ce qu’est au fond la doctrine de la Sainte Eucharistie, et la place que tient ce sacrement dans l’économie de la grâce chrétienne, comme le seul acte de culte et de sacrifice offert par l’Église au Dieu tout-puissant[51]. » Ces Ritualistes rappelaient avec insistance la raison d’être et le sens du cérémonial. Ils recommandaient aux fidèles de ne jamais perdre de vue la réalité que ces formes recouvraient ; ils les mettaient en garde contre « l’erreur qui consisterait à prendre l’ombre pour la substance, le signe pour la chose signifiée, et à s’en tenir aux symboles extérieurs[52]. » Mackonochie lui-même déclarait que « la pure question de rituel tenait très peu de place dans ses pensées. » « Nous attachons, ajoutait-il, de l’importance à ces cérémonies, non pour elles-mêmes, mais à cause du service spécial où elles sont en usage ; cela doit signifier quelque chose ; cela signifie quelque chose[53]. »

Un fait surtout frappait les observateurs de bonne foi et les inclinait à un jugement favorable : c’est que l’introduction, dans une église, du nouveau cérémonial, coïncidait presque toujours avec une intensité plus grande de vie religieuse. Ils remarquaient en outre que les promoteurs du Ritualisme, au lieu de rechercher les paroisses riches et mondaines, comme ils l’eussent fait s’ils n’avaient été que des dilettantes en quête de jouissances artistiques, leur préféraient ces quartiers du centre et de l’est de Londres dont la détresse morale et matérielle dépassait alors tout ce que nous connaissons aujourd’hui. Là, dans des ruelles sordides, dans une atmosphère de vice, de crime, de saleté et de maladie, grouillait une population misérable et sauvage avec laquelle les ministres anglicans de l’ancien type avaient été généralement trop gentlemen pour se commettre et qui, par suite, vivait en dehors de toute influence chrétienne. Les Ritualistes s’instituaient apôtres de cette population ; ils s’établissaient au cœur de leurs repaires, à S. Georges in the East, à S. Peter, London Docks, à S. Alban, Holborn, pauvres eux-mêmes parmi les pauvres, mortifiés parmi les souffrans, ne se laissant effrayer par aucune violence, dégoûter par aucune laideur, rebuter par aucun déboire, inlassablement charitables et dévoués : tels tes Lowder, les Chambers, les Mackonochie, les Stanton, et beaucoup d’autres. Ils appelaient, pour les aider, quelques-unes de ces communautés de religieuses, récemment fondées par leurs amis, qui s’installaient à côté d’eux dans ces quartiers, se vouaient au service des enfans, des pauvres et des malades, le plus souvent dénuées elles-mêmes de tout, se heurtant à mille obstacles du dedans ou du dehors, mais oubliant leurs épreuves dans l’enthousiasme de leur vie de bienfaisance, de prière et d’austérité[54]. L’épidémie de choléra qui ravagea, en 1866, les quartiers pauvres de Londres, leur fut une occasion de mettre en œuvre leur charité. Elles s’inquiétaient des misères spirituelles non moins que des matérielles ; la sœur, suivant l’expression de Pusey, était « le pionnier du prêtre, » lui préparant et lui ouvrant la voie. Tout cela, qui n’eût pas surpris en terre catholique, était chose nouvelle dans l’Anglicanisme ; ceux que leurs préjuges n’aveuglaient pas absolument, devaient reconnaître un idéal de vie apostolique supérieur à ce qu’ils étaient habitués à voir autour d’eux, et, quoi qu’ils pensassent de la doctrine et des procédés, ils ne pouvaient refuser à un tel zèle leur estime et leur respect. Force était d’ailleurs de constater que ce zèle n’était pas sans efficacité. S’il n’opérait pas, dans ces quartiers, une transformation complète qu’un miracle seul eût pu obtenir, il parvenait, ce qui était déjà beaucoup, à y allumer, de place en place, une petite flamme de vie chrétienne. Clergymen et religieuses se faisaient aimer et considérer par ces misérables qui s’accoutumaient à les appeler father et sister. Et, fait remarquable, il apparaissait que les nouveautés rituelles contribuaient à ce succès, que ce qui avait prise sur le populaire londonien, ce n’était pas une religion amoindrie, terne, humanisée, naturalisée, mais au contraire la religion présentée dans la plénitude de son dogmatisme surnaturel et aussi dans la pompe de son symbolisme liturgique. Le culte attirait d’autant plus ces pauvres gens qu’il contrastait davantage, par sa beauté et sa poésie, avec la hideuse vulgarité de leur vie coutumière[55].

Du progrès du Ritualisme, du crédit plus grand qu’il avait fini par obtenir dans une partie du monde religieux, il n’est pas alors de signe plus caractéristique que l’adhésion publique et solennelle qui, en juin 1866, y est donnée par Pusey. J’ai dit comment, à l’origine, Pusey, ainsi que Newman, avait envisagé plutôt avec ennui et méfiance les innovations liturgiques. Le temps n’avait pas paru d’abord atténuer ce sentiment ; bien au contraire. Dans des lettres de 1849 et de 1851, Pusey se montrait disposé à croire que l’avantage de ces changemens ne valait pas. les difficultés qui en étaient la conséquence[56]. Il protestait quand on paraissait le confondre avec les Ritualistes. Ainsi avait-il fait, notamment, lorsqu’il avait vu les manifestans de S. Georges in the East, partir en guerre aux cris de : « A bas les Puseyistes ! » et il avait alors écrit à l’évêque de Londres :


Je suis dans cette étrange position que mon nom est appliqué en sobriquet à ce pour quoi je n’ai jamais eu de sympathie, à ce que les rédacteurs des Tracts, avec lesquels j’ai été autrefois associé, ont toujours blâmé, je veux dire toutes les innovations dans la façon de conduire le service, toutes les affaires du Ritualisme, et particulièrement la reprise des vêtemens qui n’étaient plus en usage. Je n’avais aucune fonction dans l’Église qui m’autorisât à parler publiquement… Dans ces dernières années, quand le Ritualisme est devenu plus en vue, j’ai cherché une occasion naturelle de m’en séparer, je ne l’ai pas trouvée. J’ai été obligé, pour cette raison, de m’en tenir à des protestations privées qui ont pu ne pas être entendues, ou à des avertissemens donnés au jeune clergé, du haut de la chaire de l’Université, pour le mettre en garde contre le danger de changer le rituel par caprice personnel[57].


Mais, en 1866, l’attitude de Pusey est toute différente. Il se décide à s’affilier à l’English Church Union, dont il était demeuré jusque-là éloigné, probablement parce qu’il la trouvait trop engagée dans la campagne ritualiste, et, le 14 juin, dans la séance solennelle où est célébré le septième anniversaire de cette association, il prend la parole et explique ainsi les raisons de son changement :


Il est bien connu que je n’ai jamais été un ritualiste… A nos débuts, nous étions très inquiets au sujet du rituel… Nous le découragions, en privé, par crainte que tout : le Mouvement ne devînt superficiel… Nous sentions qu’il était beaucoup plus facile de changer un vêtement que de changer le cœur, et que les choses extérieures pouvaient être obtenues aux dépens des doctrines elles-mêmes. Introduire le rituel avant que les doctrines n’eussent pris largement possession des cœurs, aurait été entraver leur marche. C’aurait été comme des enfans enfonçant des fleurs dans le sol, pour les y voir périr aussitôt. Notre rôle était plutôt, pour ainsi dire, de planter le bulbe là où, par la bénédiction de Dieu, il pouvait prendre racine, croître et fleurir magnifiquement et naturellement… Nous pensions encore que rien ne devait être fait par le clergé, avant que ce ne fût demandé par une grande partie du peuple… Autrement on suscitait, non seulement des désordres, mais une idée de tyrannie cléricale… Maintenant, beaucoup des difficultés contre lesquelles nous avions eu d’abord à lutter, ont été écartées. Tout d’abord, je suppose que nous sommes en présence d’un véritable mouvement laïque. Le clergé a enseigné cela au peuple, et le peuple l’a demandé au clergé. Nous le leur avons enseigné, ils ont senti que c’était vrai, et ils nous ont dit : « Mettez-nous cela devant les yeux. » Il n’y a maintenant aucun danger que ce soit superficiel. Après trente années de souffrance, trente années de mépris, trente années d’épreuves, rien ne peut ‘plus être superficiel[58].

Vers la même époque, Pusey écrivait à Mackonochie : « Il est très vrai que de moi-même je n’aurais pas suivi la ligne des Ritualistes ; mais il est complètement faux que je ne sympathise pas avec eux, de grand cœur, pour notre foi commune et pour leur œuvre[59]. » Un an plus tard, en 1867, dans une autre séance de l’E. C. U., il protestait contre la distinction que lord Shaftesbury avait prétendu établir entre les anciens Tractariens et les Ritualistes ; il affirmait qu’ils n’avaient été divisés que sur une question de conduite et de prudence. « En matière de foi, ajoutait-il, il n’y a pas eu la plus légère différence. La seule question pratique, entre nous et les Ritualistes, était que nous enseignions par l’oreille et qu’ils enseignaient aussi par les yeux… La persécution a eu pour effet de réunir ceux qui auparavant suivaient leur ligne séparée[60]. »

Est-ce à dire qu’une fusion complète se fût accomplie entre les anciens Tractariens et les jeunes Ritualistes ? Non : il y avait là des origines, des formations, des vues et, comme on dit aujourd’hui, des mentalités trop dissemblables. D’un côté, des hommes d’Université, théologiens et scholars, lettrés et savans, graves, mesurés, corrects, un peu solennels, de pensée et de foi profondes, préoccupés surtout de doctrines, s’adressant à une élite intellectuelle ; de l’autre, des hommes d’action, de culture moins affinée, d’allure plus démocratique, d’un tempérament de missionnaires, plus soucieux de pratique que de science, pieux, intrépides, ardens, même aventureux, pressés d’aller au peuple qu’ils veulent gagner à Dieu, et n’en redoutant pas le contact et les violences. De ce contraste résultait un certain manque de sympathie réciproque et un peu de gêne qui se manifestait jusque dans les rapprochemens. La chose fut visible en cette année 1866, à l’enterrement de Keble, où se rencontrèrent, dans un même pieux hommage, les représentans des deux écoles. L’un des Tractariens présens, Church, notait, dans une lettre écrite sur le moment, l’impression que lui avait causée « cet étrange assemblage » et « cette rencontre de deux courans, le vieux et le nouveau. » Il s’était rendu compte que les anciens amis de Keble faisaient, aux hommes plus jeunes qui s’étaient joints à eux en cette circonstance, aux Mackonochie, aux Lowder et à leurs compagnons, l’effet d’hommes d’un autre âge et d’une autre physionomie[61]. Au cours des années suivantes, les Tractariens devaient plus d’une fois, dans leurs épanchemens intimes, laisser entrevoir ces mêmes sentimens d’étonnement un peu inquiet et méfiant[62]mais sans, pour cela, dénoncer l’alliance solennellement proclamée, en juin 1866, par Pusey.

Cette alliance était un fait considérable pour les Ritualistes, surtout venant à l’heure même où se formait contre eux une attaque si générale et si redoutable. Ils y gagnaient de ne plus être une avant-garde d’irréguliers plus ou moins isolés ; ils se voyaient rejoints par le gros de l’armée du High Church ; en réalité même, ils entraînaient cette armée, l’absorbaient, lui imposaient leur drapeau et leur façon de combattre. Plus n’était question de Tractarianisme, sinon comme d’un souvenir historique. Désormais, c’est le Ritualisme qui va occuper la scène ; c’est pour lui ou contre lui qu’on se battra.


PAUL THUREAU-DANGIN.

  1. Discours à la Chambre des communes, du 9 juillet 1874. Article publié dans le Contemporary Review d’octobre 1874. — Cf. aussi A Chapter of an Autobiography (1868).
  2. Pour l’histoire du Mouvement d’Oxford, je me permets de renvoyer aux deux volumes que j’ai publiés sur la Renaissance catholique en Angleterre au XIXe siècle.
  3. On en peut juger par ce qui se passait encore au milieu du dernier siècle, dans certaines paroisses où des desservans âgés avaient gardé les vieilles habitudes. M. Kegan Paul, appelé, en 1852, à prendre la charge d’une paroisse du diocèse d’Oxford, décrit ainsi la façon dont le vieux Vicar y administrait la communion : « Le vin pour la communion était placé sur la table, dans une bouteille noire. Une fois, le bouchon n’avait pas été retiré. Le vicaire se tourna alors vers ceux qui s’agenouillaient à la balustrade pour communier, et demanda si un gentleman ou une lady avait un tire-bouchon. Cet instrument ayant été obtenu (je suppose du cabaret d’en face où, par occasion, on se procurait des stimulans pour le vieux curate pendant le sermon), on procéda au service. On ne célébrait ce rite qu’à Noël, le vendredi saint et le jour de Pâques. Une très digne vieille femme se présenta un jour de Pâques ; quand le recteur s’approcha d’elle, à la balustrade, il lui dit : « Hallo ! Mrs Boffln, vous ici encore ! Pourquoi ? je vous l’ai donné vendredi ; je ne vais pas vous le donner encore. Allez-vous-en ! » Ce que fit la pauvre femme tout en pleurs. » (Memories, by Kegan Paul, p. 182.)
  4. Apologia, p. 167.
  5. Remains of Richard Hurrell Fronde, Part the second, vol. I, p. IX.
  6. Liddon, Life of Pusey, t. II, p. 140.
  7. Letters of lord Blachford, p. 38.
  8. Life of Pusey, t. II, p. 475 et sq.
  9. Ibid., t. II, p. 142 à 145.
  10. Cette méfiance de Newman à l’égard d’un Ritualisme qu’il soupçonnait d’être un peu superficiel et frivole, devait persister dans les premières années après sa conversion. Dans ce roman de Loss and Gain où il dépeindra, en 1848, la Société d’Oxford à l’époque du Mouvement, il présentera, sous un jour peu flatteur, le type du ritualiste esthète.
  11. Oakeley, Historical notes of the tractarian movement, p. 61.
  12. Church, The Oxford movement, p. 371 et W. Ward, W. G. Ward and the Oxford movement. p. 200, 201.
  13. Vie de Lady Georgiana Fullerton, par Mme Craven, p. 202.
  14. Oakeley, loc. cit., p. 63 et sq. — Mémorials of Sergeant Bellasis, p. 41 et 42.
  15. Un journal ritualiste, le Church Times, a ouvert, parmi ses lecteurs, en 1897, une sorte d’enquête pour savoir quand ces vêtemens avaient été employés pour la première fois. On remonta ainsi, à la vérité, pour des cas très isolés, jusqu’en 1840.
  16. . Reminiscences chiefty of Oriel College and of the Oxford movement. t. II, p. 318.
  17. Le Rev. Bail, parlant d’une chapelle où s’établissait, en 1859, une mission ritualiste. décrit cette chapelle qui datait de la un du XVIIe siècle, avec ses retables pseudo-classiques que flanquaient des colonnes corinthiennes et que surmontait un fronton. « Dans ces jours, ajoute-t-il, des High churchmen ne pouvaient être que gothiques ; aussi, devant le retable pseudo-classique, le clergé de la mission avait-il placé un autel avec un bandeau d’un dessin moyen âge ; sur le gradin, étaient des flambeaux gothiques ; une croix gothique était fixée au retable qui était derrière, et une croix gothique ornait ou défigurait le fronton du dessus. » (A. H. Mackonochie, a memoir, by E. A. T., p. 48.)
  18. Nature exaltée, Pugin finit par avoir le cerveau un peu troublé ; il dut être enfermé dans une maison de santé et mourut, en 1852, à l’âge de quarante ans.
  19. Cité par Walsh : The History of the Romeward movement in the Church of England, p. 254.
  20. Sorte de marguilliers.
  21. Memoir of bishop Blomfield, t. II, p. 25 et sq.
  22. On sait que, dans l’église anglicane, on appelle vicar le curé, et curates ceux que nous appelons en France vicaires.
  23. History of the Romeward movement, p. 290 à 292.
  24. Life and Letters of H. P. Liddon, par Johnston, p. 43, 44.
  25. History of the Romeward Movement, p. 388 à 404, et Life of Samuel Wilberforce, par Reg. Wilberforce, t. II, p. 359 à 373, Life and Letters of Liddon, p. 30 à 48.
  26. Memoir of Blomfield, t. II, p. 136 à 159, History of the Romeward movement, p. 317 à 320.
  27. Life of Tait par Davidson, t. I, p. 217, 218. The Romeward movement, p. 357 à 361.
  28. Les cours consistoriales prétendent encore aujourd’hui appliquer cette jurisprudence, non parfois sans des tempéramens assez bizarres. Le Dr Tristram, juge de la cour consistoriale de Londres, avait, par application de cette règle, refusé d’autoriser l’érection d’un autel de marbre dans la paroisse S. Luke, Chelsea. Les paroissiens ne se sont pas découragés ; ils ont présenté un autel composé d’un cadre en bois recouvert de plaques de marbre. Par décision récente, rendue en août 1904, le Dr Tristram a bien voulu admettre que c’était la table en bois, seule légale aux yeux du Conseil privé. Une telle décision montre bien le terrain gagné par les Ritualistes, même devant les autorités les plus hostiles.
  29. The Romeward movement, p. 340.
  30. Life of Tait, t. I, p. 219 à 222.
  31. Ibid., p. 416 à 422.
  32. Union, 14 août 1857.
  33. De cette influence, on ne veut pour preuve que la véhémence avec laquelle ces associations sont dénoncées par les adversaires protestans du Ritualisme. Cf. Walsh, The Secret History of the Oxford movement, p. 46 à 79 et 202 à 226.
  34. The History of the English Church Union, par Bayfield Roberts, p. 12.
  35. Ces événemens ont été racontés, sur le moment même, par le vicar, le rev. Bryan Ring : Sacrilege and Its Encouragement (1800). Cf. aussi, Life of Tait, t. I, p. 228, The Romeward movement, p. 405 à 408, Life and Correspondence of Stanley, par Prothero, t. II, p. 25 à 30.
  36. A. H. Mackonochie. A memoir, p. 63.
  37. Voyez dans la livraison du 1er mai 1903, l’article sur les Débuts du Broad Church.
  38. Aussi l’une des accusations habituelles contre les Ritualistes était-elle qu’ils transformaient les temples en Mass-houses.
  39. Cité, en 1867, par Manning (Englancl and Christendom. Introduction, p. LV, LVI).
  40. Life and Letters of B. Jowell, t. I, p. 381.
  41. Voir la surprise indignée avec laquelle les adversaires du Ritualisme constatent le développement de ces couvens et la façon dont les pratiques romanistes s’y sont introduites. (Secret History of the Oxford Movement, par Walsh, p. 162 et sq.)
  42. Secret History, p. 39 à 41 et p. 185.
  43. Sur ce point, voir le témoignage formel d’un converti (Ibid., p. 193).
  44. Voyez par exemple la vie édifiante de l’une de ces religieuses, Harriet Monsell, a Memoir, par le Rev. Carter.
  45. The Life and Work of the seventh. Earl of Shaftesbury, par Edwin Hodder, p. 618.
  46. Cf. The catholic religion, a manual of instruction for members of the Anglican Church, par Staley, p. 356 et 357.
  47. Life of Tait, t. I, p. 418. — Parmi les légistes, le plus grand nombre, même quelques-uns de ceux qui avaient des sympathies High Church comme Roundell Palmer, contestaient, au point de vue juridique, la thèse des Ritualistes, et, si formelle que fût la rubrique du Prayer Book, ils croyaient pouvoir y opposer d’autres textes et des considérations historiques qui leur paraissaient en détruire la portée. Ceux qui seraient curieux de connaître cette argumentation la trouveront dans Memorials personal and political, de lord Selburne, t. I, p. 379 à 397.
  48. Life of Tait, t. I, p. 414 et 415.
  49. Life of Wilberforce, t. III, p. 189.
  50. Life of Pusey, t. IV, p. 272.
  51. History of the Romeward Movement, p. 406.
  52. Lettre du Rev. Chambers (Memories of a Sister of S. Saviour’s Priory, p. 166-167).
  53. A. H. Mackonochie, — A Memoir, p. 101.
  54. Cf. Memories of a Sister of S. Saviour’s Priory.
  55. Un écrivain qui vient de publier une enquête justement remarquée, sur l’état matériel et moral du peuple de Londres, a fait une constatation analogue. Il insiste sans doute sur l’indifférence religieuse qui domine dans ce peuple ; mais il reconnaît que ce sont les pasteurs High Churh, qui, avec les prêtres catholiques, ont le plus d’action sur lui, et que le cérémonial est pour quelque chose dans cette action. (Charles Booth, Life and Labour of the people in London, third series, Religious Influences, vol. VII, Summary.)
  56. Life of Pusey, t. III, t. 369 et 370, t. IV, p. 210 et 211.
  57. Life of Pusey, t. IV, p. 211 et 212.
  58. Life of Pusey, t. IV, p. 212-213. History of the English Church Union, p. 78-69.
  59. A. H. Mackonochie. A Memoir, p. 193-194.
  60. History of the English Church Union, p. 89-90.
  61. Lettre de Church à Copeland, en date du 7 avril 1866 (Life and letters of dean Church, p. 172).
  62. , Life of Pusey, t. IV, p. 216, 271, Letters of lord Blackford, p. 375.