Rouen gazettenuméro 690 (p. 3).


Pour dire à Noël

LE MOT ET
LA CHOSE


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Madame, quel est votre mot
Et sur le : mot et sur la chose ?
On vous a dit souvent le mot.
On vous a fait souvent la chose.
Ainsi de la chose et du mot
Vous pouvez dire quelque chose
Et je parierais que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose.



Pour moi voilà, quel est mon mot.
Et sur le mot et sur la chose
J’avouerai que j’aime le mot
J’avouerai que j’aime la chose.
Mais c’est la chose avec le mot
Et c’est le mot avec la chose.
Autrement la chose et le mot
À mon gré seraient peu de chose.



Je crois même en faveur du mot
Pouvoir ajouter quelque chose
Une chose qui donne au mot
Tout l’avantage sur la chose.
C’est qu’on peut dire encore le mot
Alors qu’on ne fait plus la chose.
Et pour si peu que vaille le mot
Enfin c’est encore quelque chose.



De là je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose
Que l’on doit ajouter au mot
Autant qu’on peut quelque chose,
Et que, pour le temps où le mot
Viendra, hélas ! sans la chose
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose.



Pour vous, je crois qu’avec le mot
Vous voyez toujours autre chose,
Prés de vous la chose et le mot
Doivent être une même chose ;
Vous dites à peine le mot
Qu’on est déjà prêt à la chose.



Mais quand je dis que le mot
Doit être mis avant la chose
Vous devez me croire à ce mot
Bien peu connaisseur de la chose,
Eh bien, voici mon dernier mot.
Et sur le mot et sur la chose
Madame, passez-moi le mot
Et je vous passerai la chose.