Dormez (1912)
Le Miroir des joursMontréal (p. 52-53).
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DORMEZ


 
Dormez. Dans l’ombre vaste où rôde le vent frais
Le feuillage murmure en un bruit de marée ;
L’espace est plein de lune et la nuit est sacrée.
Dormez comme ceux-là qui dorment pour jamais !

Vous appeliez l’oubli : voici l’heure propice ;
La grande paix descend pour habiter en vous.
Dormez suavement, comme les enfants doux
Qui sourient quand la nuit sur leurs fronts pâles glisse.


Dormez, vous que la vie affreuse a tourmentés,
Ou que le sort fatigue infiniment et blesse ;
Ah ! laissez s’assoupir enfin votre faiblesse
Et reposer un peu vos esprits agités !

Dormez ; la nuit est bonne, ô mortels misérables !
Dormez ; l’aube viendra vous éveiller trop tôt !
Trop tôt, vous reprendrez la plume ou le marteau,
Et sous l’aiguillon d’or des rayons implacables

Vous maudirez l’azur ardent du jour si beau !