Le Marquis de Santillane


LE MARQUIS
DE SANTILLANE.



Le règne de Jean ii, roi de Léon et de Castille, dans la première moitié du xve siècle, présente une des phases remarquables de la littérature espagnole. À travers les difficultés de sa carrière royale, ce prince conduisit le char de l’état d’une main mal assurée, et l’histoire a pu être sévère envers lui, sans cesser d’être juste ; mais il aima, il cultiva même les lettres et les arts, et sa cour réunit l’élite des poètes castillans de cette époque. Au nombre de ces plus beaux fleurons de sa couronne brillèrent plusieurs grands du royaume ; car le preux chevalier de la terre du Cid en fut souvent aussi le troubadour, et la poésie y est une plante si vivace, qu’on l’y voit croître au milieu même des champs de la discorde civile et de la guerre étrangère. Il en est de l’Espagne comme du Portugal, dont un historien a dit que chaque fontaine est une Hippocrène, chaque montagne un Parnasse. Depuis ses premiers bégaiemens jusqu’à la fin du xive siècle, la poésie castillane resta vierge de toute influence exotique ; elle vécut des seuls alimens que lui fournissait le sol de la patrie, qui allait s’agrandissant à mesure que le cimeterre de l’islamisme reculait à son tour devant l’épée chrétienne. Mais en même temps le génie espagnol, en dépit de ses fières susceptibilités, respirait l’enivrante odeur des parfums de l’Arabie. Humanisé par la victoire, il cesse enfin de fuir tout autre rapprochement qu’à la longueur de la lance avec les missionnaires des lumières de l’Orient. Alphonse le savant[1] confère l’ordre de chevalerie à Muhammad ii, roi de Grenade, et le salue du nom de fils, en lui donnant l’accolade. Il institue à Séville, vers le milieu du xiiie siècle, des écoles publiques pour l’enseignement des lettres arabes. Au moyen de ce frottement, le choc guerrier entre les deux peuples perdit peu à peu de sa rudesse, et le contact social s’établit. Telle fut l’aurore de la culture intellectuelle de l’Espagne ; et c’est ainsi que long-temps avant la diffusion des lumières grecques, bannies de Constantinople par la conquête musulmane des Turcs, la civilisation introduite en Occident par des armes musulmanes plus dignes de triompher s’infiltrait déjà en Europe, où, suivant l’observation de Condé[2], les évêques et les abbés seuls savaient lire, lorsque les Arabes propageaient les sciences par tout leur vaste empire, depuis la Perse jusqu’à la France. À cette primitive expression de la nationalité castillane, commençant à revêtir le coloris oriental, succéda la poésie moins originale de la docte cour de Jean ii. Une tendance morale et philosophique, quelque velléité de s’inspirer de l’étude des Latins, et l’imitation des chants des Provençaux, de Dante et de Pétrarque, caractérisent cette époque littéraire, à laquelle on reproche à bon droit l’abus d’une pédantesque érudition, et l’affectation de la subtilité de l’esprit. Le savant marquis de Villena fut comme le chef de cette école poétique, dont la plus grande gloire, après Jean de Mena, fut le marquis de Santillane.

Don Iñigo Lopez de Mendoza, premier marquis de Santillane, naquit le 19 août 1398, à Carrion de los Condes, dans le royaume de Léon. Son père était grand du royaume, Ricohombre ; et, avant d’épouser la mère de Santillane, il avait été marié en premières noces à Marie de Castille, fille du roi Henri ii, et sœur de Jean Ier. Le jeune Santillane n’avait pas encore accompli son second lustre qu’il resta orphelin de père et de mère ; il fut élevé sous la tutelle de sa tante, Jeanne de Mendoza. À l’âge de seize ans, il avait terminé son cours d’éducation, et il avait appris la langue latine, la rhétorique, les belles-lettres, la philosophie et l’art de la poésie. C’est alors qu’on commence à le voir figurer sur la scène du monde, dans la chronique de Jean ii. Il assiste en 1414 au couronnement du roi d’Aragon à Saragosse. Dans la lutte entre les infans d’Aragon, Jean et Henri, pour s’emparer de l’esprit du jeune roi de Castille, Jean ii, et des rênes du gouvernement, Santillane prend le parti de don Henri. En 1433, il figure comme tenant d’une joûte fameuse qui eut lieu à Madrid. En 1457, il est désigné pour jurer et signer un traité solennel entre le roi de Castille et Alphonse, roi d’Aragon. Il fut ainsi chargé, en différentes circonstances, de remplir des missions importantes et honorables, et il s’en acquitta toujours avec autant de discrétion que d’habileté. Il aida le prince don Henri, fils de Jean ii, à rendre à son père la liberté dont l’avait privé le roi de Navarre. Il s’unit à la plupart des grands du royaume pour mettre un terme à l’altière ambition du connétable don Alvaro de Luna, favori de Jean ii. À la mort de ce roi, lorsque Henri iv succéda à son père, Santillane, obéissant volontiers à l’usage, se présenta, accompagné de quatre de ses fils, pour baiser la main de ce prince, auquel il était attaché par les liens d’une franche amitié. Dans une assemblée des cortès, où Henri iv proposa de presser la chute du royaume chancelant des Maures de Grenade, le suffrage universel désigna le marquis de Santillane pour porter la parole, et l’éloquence de son discours valut au roi les offres de service de tous les députés. Un constant dévouement au bien public honore la vie politique de cet homme de tête et de cœur. Si sur les champs de bataille, où son sang coula pour sa patrie, sa prudence ne fut pas toujours irréprochable, sa valeur n’en fut que plus brillante. Il en jeta le poids dans la balance de ce combat de huit siècles que la victoire allait bientôt terminer en couronnant la persévérance du courage dans Grenade reconquise. C’est en reconnaissance de ses exploits militaires que Jean ii le fit marquis de Santillane, après la bataille d’Olmédo, où il avait contribué au succès des armes de Castille contre le roi de Navarre. Constamment employé par Jean ii au service de l’état, et ami de Henri iv, Santillane n’hésita ni à résister au premier, ni à déplaire au second, dans l’intérêt du bien public, qu’il considérait avant tout, et il ne fut jamais le courtisan ni de l’un ni de l’autre de ces rois. Il se reposait des fatigues des armes et des affaires, en écrivant à don Alphonse de Carthagène, évêque de Burgos, une lettre curieuse sous le titre de Question sur l’origine de la guerre. On peut vraiment dire de son caractère que c’était celui du chevalier chrétien, tel que l’idéalisa la poésie du moyen-âge. La renommée dont il jouissait était si étendue, que des étrangers firent le voyage d’Espagne exprès pour le voir. Il avait épousé à l’âge de vingt ans une femme digne de lui par ses vertus, et il en avait eu sept fils et trois filles. Son fils aîné fut le premier duc de l’Infantado. Santillane mourut en 1458, âgé de soixante ans. Sa mort inspira une longue élégie à don Gomez Manrique, son neveu. Jean de Mena, le poète castillan le plus célèbre du quinzième siècle, composa aussi, à la louange de Santillane, un poème intitulé le Couronnement (la Coronacion). Mena suppose qu’il monte au Parnasse, et qu’il y voit Santillane couronné de lauriers par les neuf Muses, et de branches de chêne par les quatre vertus cardinales.

Mais que, dans une vie battue par les tempêtes des temps orageux qu’il traversa, Santillane eût trouvé des heures de calme pour acquérir une étendue de connaissances égale à celle des esprits les plus riches de son siècle, que l’histoire eut pu, à titre légitime, le surnommer le savant, el sabio[3], c’est là ce qui nous surprendrait bien plus encore, n’étaient les exemples de ce phénomène fournis par les annales de la plupart des peuples à certaines époques. On ne s’en étonne pas moins, à voir le catalogue de tous les ouvrages que Santillane a laissés, et le fonds de savoir qu’ils révèlent, que les loisirs, même les plus laborieux, d’un homme d’état et de guerre aient suffi à produire tant de fruits. Jean de Lucena, dans un dialogue fictif entre Alphonse de Carthagène, évêque de Burgos, Jean de Mena et le marquis de Santillane, fait dire par celui-ci à l’évêque de Burgos : Si tu causais avec Jean de Mena seulement, tu parlerais latin, je le sais bien ; oh ! que je suis malheureux de me voir en défaut sur la langue latine[4] ! Mais les œuvres de Santillane attestent, en maint et maint lieu, qu’il connaissait trop bien les auteurs latins, qu’il cite même assez souvent, pour ignorer leur langue. Il n’est donc permis d’inférer du passage de Jean de Lucena que l’inaptitude de Santillane à parler le latin. L’érudition dont il fait preuve, et même étalage, à tout propos, ne laisse pas douter qu’il ne l’entendît à la lecture. C’est d’ailleurs ce qu’affirment expressément le père Fernand Pecha[5], Alphonse de Castro[6], l’auteur de l’ouvrage de Laudibus hispanis, et plusieurs autres dont nous pourrions nous autoriser, si c’était une opinion soutenable en histoire littéraire que Santillane ne se fût abreuvé qu’à la coupe des traductions de l’esprit des auteurs latins, dont ses Proverbes, par exemple, nous le montrent si profondément imbu. Que les langues italienne et française ne lui aient pas été étrangères non plus, c’est ce dont témoigne incontestablement, comme on le verra bientôt, son plus précieux legs à la postérité, la Lettre au connétable de Portugal ; et Ferrer de Blanes, auteur catalan, qui écrivit, au temps de Ferdinand et d’Isabelle, un livre intitulé, Sentences catholiques du divin poète Dante, fait l’éloge du savoir varié de Santillane, et ajoute qu’il fut grand dantiste, dantista. C’est aussi son fonds de connaissances littéraires et philosophiques, bien plus que sa valeur poétique, qui fait maintenant le prix de l’ensemble de ses ouvrages, thermomètre qui marque la température des lumières au quinzième siècle en Espagne. Il avait laissé une nombreuse bibliothèque, qui serait aujourd’hui une des plus curieuses en fait de manuscrits, si elle n’avait pas été dévorée par les flammes, dans l’incendie de son palais patrimonial de Guadalajara, au commencement du dernier siècle. Cette bibliothèque contenait beaucoup de traductions espagnoles, fruits d’un travail dont Santillane avait commis la tâche à son fils le grand cardinal.

Santillane a colligé lui-même toutes ses œuvres dans un Cancionero, c’est-à-dire recueil, pour les adresser au connétable de Portugal qui les lui avait demandées. Mais ce recueil est enseveli dans le sommeil des richesses manuscrites qui dorment au fond des bibliothèques de l’Espagne, et l’impression n’a encore rendu public qu’un tiers environ des ouvrages dont il se compose. Observons qu’il contient quarante-deux sonnets, chacun de quatorze vers, distribués en deux quatrains et deux tercets, conforme enfin au sonetto des Italiens, que nous avons aussi imité en France, où Boileau en a versifié les rigoureuses lois dans la charte qu’il a octroyée à notre parnasse, mais dont le génie prend la liberté de se soucier fort peu. Une opinion que la vérité commande de décréditer fait vulgairement honneur à Boscan et à son ami Garcilaso de la Vega de l’introduction en Espagne des formes métriques italiennes, et particulièrement de l’importation du sonnet. L’origine de cette erreur remonte à Boscan lui-même qui s’est proclamé l’inventeur des sonnets espagnols. Le Cancionero de Santillane est donc un fait littéraire qui recule d’environ un siècle la date de ce produit de l’influence d’une péninsule sur l’autre. Fernand de Herrera, dans ses notes sur Garcilaso, rend à qui elle appartient la gloire, quelle qu’elle soit, de la première imitation castillane des sonnets italiens ; et à ce sujet, il cite un sonnet de Santillane, qu’on trouve aussi dans la poétique d’Ignace de Luzan. Mais la question littéraire dont il s’agit ici mérite qu’on contribue à accroître la publicité de la preuve qui la résout en faveur de Santillane et du quinzième siècle. Les traducteurs, en langue castillane, de l’histoire de la littérature espagnole, écrite en allemand par Bouterwek, donnent ce sonnet dans leurs notes, et c’est d’après eux que je le transcris. En dépit d’une profusion d’antithèses qui répugne à notre goût, et malgré son antériorité séculaire, il ne perdrait pas à être comparé avec les meilleurs de Boscan et de Garcilaso. Le style de cette petite pièce me semble, sauf avis plus compétent, d’une pureté encore inconnue aux contemporains de Santillane, et atteste incontestablement les progrès que ce poète a fait faire à sa langue. Mais qu’on ne le juge pas ici sur la traduction que j’ai jointe à l’original pour les lecteurs qui n’entendent pas l’espagnol. Dans chaque idiome, la poésie parle un langage qui lui est propre et qui est toujours intraduisible.

Lejos de vos, é cerca de ciudado,
Pobre de gozo, é rico de tristeza,
Fallido de reposo, é abastado
De mortal pena, congoja é graveza.

Desnudo de esperanza, é abrigado
De inmensa cuita, é visto d’aspereza,
La mi vida me huye mal mi grado,
La muerte me persigue sin pereza.

Ni son bastantes á satisfacer
La sed ardiente de mi gran deseo
Tajo al presente, ni á me socorrer

La enferma Guadiana, ni lo creo :
Solo Guadalquivir tiene poder
De me sanar, é solo aquel deseo.

«  Loin de vous et près des soucis, pauvre de joie et riche de tristesse, privé de repos et chargé d’un poids mortel de peine et d’affliction, dépouillé d’espérance et revêtu de chagrin et de douleur, je sens la vie qui me fuit malgré moi, et la mort me poursuit sans relâche. Le Tage ne satisfait plus la soif ardente de mes désirs, et je ne crois pas que la Guadiana suffise à me soulager ; le Guadalquivir seul a le pouvoir de me guérir, et c’est lui seul que je désire. »

La lettre intitulée Question sur l’origine de la guerre, adressée à l’évêque de Burgos, ne fait pas partie du Cancionero de Santillane ; mais elle se trouve dans le manuscrit que l’on conserve à la bibliothèque royale de Madrid de la traduction d’Homère en castillan par Jean de Mena. Santillane est aussi auteur d’un poème sur la création du monde ; et, comme ce poème n’est pas compris non plus dans son Cancionero, on soupçonne que ce serait une composition des deux ou trois dernières années de sa vie, postérieure ainsi à l’envoi du recueil de ses œuvres au connétable de Portugal. Thomas Sanchez nous apprend, dans le premier volume de sa précieuse Collection de poésies castillanes antérieures au quinzième siècle, que la bibliothèque de l’église d’Oviédo possède un manuscrit de ce poème.

Les ouvrages imprimés sont au nombre de onze. À l’exception de la Lettre au connétable de Portugal et des Proverbes des vieilles femmes, ils sont tous en vers. En voici les titres : Mort de don Henri de Villena, seigneur docte et d’un excellent esprit. — Couplets sur la fièvre que le roi Jean ii eut à Valladolid. — Diverses demandes et réponses curieuses entre le marquis de Santillane et Jean de Mena. — Les Joies de Notre-Dame. — Le marquis de Santillane à Notre-Dame de Guadalupe quand il y alla en pélerinage. — Le Manuel des favoris. — Bias et la Fortune. — Supplique de don Gomez Manrique au magnifique seigneur marquis de Santillane, son oncle. — Proverbes que disent les vieilles femmes au coin du feu, mis dans l’ordre de l’A. B. C. à la demande du roi Jean ii. — Les Proverbes du marquis de Santillane. — Préface au connétable de Portugal. — La Mort de don Henri de Villena est un petit poème de vingt-deux octaves en vers de arte mayor, ou grands vers, dans lequel l’auteur pleure la mort du savant et célèbre marquis de Villena, dont il était en quelque sorte le disciple, et qui lui avait adressé sa poétique intitulée Gaya Sciencia (gaie science). Cet ouvrage de Santillane se trouve dans le Cancionero general. On y lit que Villena découvrit les profondeurs de la poésie[7]. Ce précurseur éclairé des poètes érudits du siècle de Jean ii brilla de tant de lumières aux yeux de ses contemporains éblouis, qu’ils l’accusèrent de magie. Il traduisit en castillan l’Énéide de Virgile, et ce fut, si je ne me trompe, la première traduction que les langues néo-latines essayèrent de l’épopée romaine. La bibliothèque de l’église primatiale de Tolède possède un précieux manuscrit de la préface et des gloses de cette traduction. Le Manuel des favoris consiste en cinquante-trois octaves sur la fin tragique du connétable don Alvaro de Luna, favori de Jean ii. Bias et la Fortune est un long dialogue en vers entre Bias et la Fortune, composé à l’occasion de la captivité d’un parent de Santillane, le comte de Alva, emprisonné par ordre du roi. Des sentimens délicats, beaucoup de philosophie morale, et des préceptes très propres à élever le cœur au-dessus de tous les revers de la fortune, voilà, dit Thomas Sanchez, ce qu’offre ce poème. Il est précédé d’une lettre d’envoi de l’auteur à son parent, et de la vie de Bias en prose. La Supplique de don Gomez Manrique est une réponse en huit octaves composées sur le même mètre que huit autres octaves adressées par G. Manrique à Santillane pour lui demander un Cancionero de ses poésies. Les Proverbes des vieilles femmes sont au nombre de six cent vingt-cinq. Ils se trouvent dans le tome premier des Origines de la langue castillane, par Grégoire Mayans. Thomas Sanchez dit qu’ils furent imprimés pour la première fois à Séville en 1508, et qu’ils forment peut-être la plus ancienne collection de proverbes qu’on connaisse, non seulement en langue espagnole, mais même dans toutes les autres langues modernes de l’Europe.

Mais un ouvrage plus important que ceux-là, excepté Bias et la Fortune, ce sont les Proverbes de Santillane, appelés aussi centiloque, parce qu’ils sont renfermés en cent strophes. Après plus de dix éditions ils sont devenus, Thomas Sanchez en fait l’observation, un des livres rares de la langue espagnole[8]. Les proverbes sont précédés d’un prologue par Santillane, et d’une introduction du docteur Pedro Diaz de Tolède, où il dit au prince don Henri de Castille, qui régna sous le nom de Henri iv, que c’est par ordre du roi Jean ii, son père, qu’il a glosé, c’est-à-dire commenté les proverbes « composés en vers rimés avec assez de brièveté, de pénétration et de savoir, par le généreux chevalier marquis de Santillane ; » de même, ajoute le docteur, qu’il a traduit, également par ordre du roi, en langue castillane, les proverbes de Sénèque, les accompagnant d’une glose. On lit encore dans cette introduction « qu’il est d’autant plus surprenant que Santillane sache si bien penser et écrire, que ce docte chevalier est, de tous ceux de son temps, un des plus habiles à tous les exercices de la guerre et de la chevalerie. » Comme l’introduction de son glossateur, le prologue de Santillane est adressé à don Henri. L’auteur nous y apprend que c’est par ordre du roi Jean ii qu’il composa ses proverbes pour le prince de Castille, « à l’exemple des proverbes que le sage Caton fit pour laisser à son fils[9]. » Le désir d’imiter Salomon se décèle aussi dans ce prologue. Santillane y appelle ses proverbes une toute petite œuvre, pequeñuela obra, dont il déclare qu’il a emprunté la plus grande partie de Socrate, de Platon, d’Aristote, de Virgile, d’Ovide et de Térence. « La théorie doit toujours s’unir à la pratique, dit-il à don Henri, et comment celui qui ne saurait pas se conduire lui-même pourrait-il conduire et gouverner les autres ? C’est sur le patron des grands hommes de l’antiquité païenne et de la chrétienté que vous devez tâcher de vous former. Imitez les Catons, les Scipions, les Goths et les douze pairs ; souvenez-vous du Cid, Ruy Diaz ; souvenez-vous de vos illustres aïeux ; et, à quiconque voudrait vous persuader qu’il suffit qu’un prince sache gouverner et défendre ses états, et que toute autre connaissance lui est inutile, répondez avec Salomon qu’il n’y a que les insensés qui méprisent la science. La science n’émousse pas le fer de la lance ; elle ne fait pas trembler l’épée dans la main du chevalier[10]. » Cette généreuse pensée est un trait de caractère du génie espagnol, qui, comme la vierge du Parthénon, semble être sorti du cerveau divin, armé de pied en cap, pour présider et aux combats et aux chants. Le grand Cervantes, qui scella, lui aussi, de son sang répandu l’autorité de ses paroles, fut, comme le poète-chevalier du siècle de Jean ii, l’écho de l’inspiration nationale, lorsqu’il répéta, dans son immortel chef-d’œuvre : Jamais la lance n’émoussa la plume[11]. Santillane ne nous laisse pas ignorer que, s’il prend quelques licences poétiques dans ses proverbes, il n’en a pas moins lu « les règles de l’art des troubadours, écrites et mises en ordre par Rémond Vidal de Bésalu, homme assez entendu dans les arts libéraux et grand troubadour[12]. Je connais aussi, dit Santillane, les lois du consistoire de la gaie science, qui se tint long-temps au collége de Toulouse, avec la permission et sous la protection du roi de France. » Vidal de Bésalu fut le fondateur de ce consistoire, le marquis de Villena en fait foi dans sa Gaie Science, et son autorité semble ici irrécusable. L’ouvrage de Vidal de Bésalu, cité par Santillane, était une sorte de poétique, écrite en limousin ou provençal, dont le manuscrit existerait encore.

Les cent strophes qui forment le Centiloque des proverbes de Santillane sont chacune de huit vers. C’est une suite d’aphorismes moraux confirmés par des exemples historiques, un compendium de morale socratique et chrétienne. L’expression en est de la plus naïve simplicité, et revêt constamment la forme sentencieuse. Santillane était au moins aussi philosophe que poète, et ses proverbes sont un monument de la direction morale et philosophique qu’il voulait imprimer à la poésie. Ce sont d’excellens préceptes d’un père à son fils, car l’auteur y parle au prince Henri au nom du roi son père ; mais le style en est rude et sec, et quelquefois aussi un peu obscur. Voici une strophe qui servira de paradigme pour faire juger des autres, sous le rapport métrique au moins :

El comienço de salud
Es el saber
Distinguir y conocer
Qual es virtud,
Quien comiença en junentud
A bien obrar
Señal es de no errar
En senetud.

« Le commencement du salut est de savoir distinguer et connaître la vertu : qui commence dans la jeunesse à bien agir montre qu’il n’errera pas dans la vieillesse. »

Santillane a éclairci lui-même le sens de quelques-uns de ses proverbes dans de courts commentaires. Mais presque chaque strophe est suivie d’une glose du docteur Pedro Diaz de Tolède, où la pensée de Santillane est longuement commentée, et où surabondent un pédantesque étalage d’érudition et un luxe immodéré de citations de tous les auteurs anciens et modernes dont le bon docteur avait connaissance. Aristote est principalement invoqué à tout propos. Au reste, Pedro Diaz fut ce qu’étaient tous les glossateurs de son temps, et je ne lui en intenterai pas une accusation particulière, car il y aurait injustice. Dans une de ses gloses, il explique comment on alliait alors la croyance à l’astrologie avec la doctrine chrétienne sur la libre volonté de l’homme. «  Suivant l’opinion des astrologues et des théologiens catholiques, dit-il, l’influence des corps célestes sur nos actions n’est pas telle qu’elle nous prive de notre libre arbitre, en nous obligeant à faire nécessairement ce dont chaque astre est le signe ; mais elle incline notre volonté vers les actions que ce signe indique, en mettant en mouvement dans cette direction toutes nos facultés corporelles ; ce qui n’empêche pas l’homme vertueux et sage d’être maître des étoiles. »

Mais j’avouerai que l’intention de cet article est surtout de rendre accessible aux lecteurs étrangers à la langue castillane le monument le plus précieux qui subsiste de l’enfance de la critique littéraire en Espagne. Ce témoignage si curieux aujourd’hui de ce qu’elle y était au milieu du xve siècle, n’existe encore que dans son expression originale, c’est-à-dire en langue espagnole de cette époque, et la nation dont il est un des titres de noblesse intellectuelle ne l’a même vu publier qu’en 1779, par l’érudit Thomas Sanchez, dans le tome premier de sa Collection de poésies castillanes antérieures au quinzième siècle, qui est d’ailleurs très peu répandue. Antécédemment à cette date, Sarmiento, bénédictin de Madrid, avait bien donné une analyse de ce rare morceau dans un volume que l’impression rendit public après sa mort, en 1775[13] ; mais ce n’étaient encore que quelques fragmens de la Lettre de Santillane, que le savant bénédictin faisait connaître, et le texte moins incorrect où nous la lisons intégralement aujourd’hui prouve qu’il n’avait eu à sa disposition que des manuscrits défectueux. Elle parut à l’éditeur de ce texte, dont le jugement est ici d’un grand poids, offrir le meilleur document sur lequel on puisse fonder l’histoire de la littérature espagnole, et je pense, comme lui, qu’elle serait très bien intitulée Discours sur la poésie castillane. Si Santillane est coupable de quelques graves omissions, il y fait équilibre en fournissant des renseignemens sur plusieurs anciens poètes qui, n’était ce qu’il en dit, nous seraient à peu près inconnus. Dans une traduction où je tâcherai d’être plus fidèle à l’esprit qu’à la lettre même de l’original, mais d’où je n’éliminerai cependant rien d’essentiel ni de caractéristique, je vais essayer de reproduire en français du xixe siècle des pensées formulées en castillan du xve. Je me suis imaginé que cette tentative trouverait grace auprès des esprits de notre temps, dont l’ardeur studieuse se prend à interroger le moyen-âge lui-même sur ce qu’il fut, en lui demandant l’exhibition de ses vieux parchemins. Je ferai suivre ma traduction de quelques remarques indispensables.

Le jeune don Pedro, connétable de Portugal, fils du fameux infant don Pédro qui avait tant voyagé, qu’on disait qu’il avait fait le tour du monde, averti par la renommée du mérite poétique de Santillane, le fit prier de lui envoyer le Cancionero de ses œuvres. Cet envoi partit accompagné d’une lettre intitulée Préface au connétable de Portugal, proemio. Elle ne porte point de date ; mais Thomas Sanchez fait voir qu’elle dut être écrite dans les deux ou trois dernières années de la vie de l’auteur, de 1455 à 1458. Elle peut être considérée comme la préface des œuvres de Santillane, où il jette un coup d’œil sur la poésie, depuis son origine, au berceau du monde, jusqu’au commencement du xve siècle.

« Ces jours passés, Alvar Gonzalez de Alcantara, familier de la maison de l’infant don Pedro, duc de Coimbre, votre père, me pria de votre part, seigneur, de vous envoyer mes œuvres diverses. Je voudrais pouvoir vous être agréable autrement, dût-il m’en coûter davantage, parce que ces œuvres, ou du moins la plupart d’entre elles, ni par leur sujet, ni par l’art avec lequel elles sont traitées, ne me paraissent dignes de mémoire. Car, seigneur, ainsi que dit l’apôtre, cùm essem parvulus, loquebar ut parvulus, sapiebam ut parvulus, cogitabam, ut parvulus. Les charrues de la poésie nous séduisent en même temps que la première ardeur de la jeunesse nous fait aimer les armes, les joutes et les autres exercices de courtoisie chevaleresque : c’est ainsi que bien des choses vous plaisent aujourd’hui à vous, seigneur, qui ne me plaisent déjà plus à moi. Mais, pour vous prouver ma bonne volonté et mon empressement à obéir à vos ordres, j’ai fait recueillir mes œuvres de toutes parts, dans les livres et parmi celles des autres poètes, je les ai fait copier suivant l’ordre où je les ai composées, et je vous les envoie dans ce petit volume.

« Mais quelle que soit l’insuffisance de ces opuscules que vous m’avez demandés, seigneur, je puis vous assurer que j’ai un grand plaisir à voir que tout ce qui est du domaine de la poésie vous plaise, et j’en trouve la certitude aussi bien dans votre gracieuse demande que dans quelques jolies choses que j’ai vues de votre composition, parce que ce goût est un zèle céleste, une affection divine, un appétit insatiable de l’esprit, comme la tendance de la matière vers la forme et de l’imparfait vers la perfection, et jamais cet amour de la poésie et de la gaie science ne s’est rencontré que dans les esprits élevés et supérieurs.

« Et qu’est-ce que la poésie, qu’en langue vulgaire nous appelons la gaie science, si ce n’est une utile fiction, couverte d’un beau voile, et dont l’expression se distingue par un certain nombre, par un certain rhythme et par une certaine mesure ? Ceux-là se trompent certainement qui prétendent qu’elle ne consiste qu’en vaines futilités. Car, ainsi que les jardins abondans donnent des fruits convenables dans toutes les saisons de l’année, de même les hommes heureusement nés, qui ont reçu d’en haut cette science infuse, s’en servent conformément aux différens âges de la vie. Et si les sciences sont désirables, comme dit Cicéron, quelle est celle qui est supérieure à la poésie, qui est plus noble, ou plus digne de l’homme, qui répond mieux à tous les besoins de l’humanité ? Les difficultés dans lesquelles elles s’enferment, qui nous en ouvre l’entrée, si ce n’est la douce et belle éloquence, soit en vers soit en prose ?

« L’excellence et les prérogatives de la poésie et des vers sur la simple prose sont manifestes, excepté seulement pour ceux qui prétendent aux honneurs du paradoxe au préjudice de la vérité. Suivant donc la voie des stoïciens qui cherchèrent avec une grande ardeur l’origine et la cause des choses, je dis que la poésie est antérieure et supérieure à la prose, et qu’elle a aussi plus d’autorité. Saint Isidore, archevêque de Séville, le prouve[14] ; et Moïse fut, selon lui, le premier qui fit des vers et qui s’exprima en langage métrique ; il chanta et prophétisa en vers la venue du Messie ; et, après lui, Josué chanta la victoire de Gabaon. Tous les psaumes de David sont des chants en vers. Mais les Hébreux assurent que nous ne pouvons pas sentir ni goûter aussi bien qu’eux la douceur de leur poésie. Salomon composa ses proverbes en vers, et certaines choses de Job sont écrites en vers, spécialement les paroles d’exhortation par lesquelles ses amis répondent à ses plaintes.

« Parmi les Grecs, on veut que les premiers aient été Hécatée de Milet, et ensuite Phérécyde de Syros et Homère, que Dante appelle un poète souverain[15]. Ennius fut le premier des Latins, bien qu’on prétende que Virgile porte le sceptre de la monarchie de la langue latine ; et Dante est de cet avis lorsqu’il dit, au nom de Sordello de Mantoue :

O gloria de’ latin, disse, per cui
Mostrò ciò che potea la lingua nostra !
O pregio eterno de luogo ond’ i fui
[16] !

« Je conclus donc que cette science, agréable à Dieu, plut ensuite à tout le genre humain. C’est ce qu’atteste Cassiodore, lorsqu’il dit : Toute la splendeur de l’éloquence, tous les genres et toutes les espèces de poésie ou de langage poétique, toutes les variétés de la parole tirent leur origine des divines Écritures. La poésie se chante dans les temples de la Divinité ; les cours et les palais des empereurs et des rois lui font un gracieux accueil. Sans elle les places et les lieux publics, les fêtes, les banquets de l’opulence sont silencieux et comme muets. Et, j’ose le dire, où cet art n’intervient-il pas, où ne sert-il pas, où n’est-il pas nécessaire ? En vers sont composés les épithalames, qui sont des chants dont les noces retentissent à la louange des nouveaux époux. Les bergers même ont leur genre de poésie ; c’est celle que les poètes appellent bucolique. En d’autres temps, pour faire honneur aux cendres des morts, on chantait des vers élégiaques ; et aujourd’hui même ces vers sont encore en usage en quelques endroits, sous le nom de chants funèbres[17]. C’est ainsi que Jérémie chanta la destruction de Jérusalem. César, Auguste, Tibère et Titus versifiaient à merveille, et ils aimaient tout ce qui était poésie.

« Mais laissons l’histoire ancienne pour nous rapprocher davantage de nos jours. Le roi Robert de Naples, illustre et vertueux prince, eut beaucoup de goût pour cette science, et il garda longtemps auprès de lui à Naples François Pétrarque, poète lauréat, qui florissait alors. La poésie était l’objet continuel de leurs conversations, et ils s’y exerçaient ensemble, tellement que le poète fut très bien-venu et très en faveur auprès du roi. C’est là, dit-on, que Pétrarque composa un grand nombre de ses ouvrages aussi bien en latin qu’en langue vulgaire, entre autres les quatre livres Rerum memorandarum, ses églogues, beaucoup de sonnets et particulièrement celui qu’il fit à la mort de ce roi, et qui commence par ce vers :

Rota è l’alta Colonna e’l verde Lauro[18]

« Jean Boccace, poète excellent et orateur distingué, assure que le roi Jean de Chypre s’est plus adonné à l’étude de cette gracieuse science qu’à aucune autre.

« Mais comment et d’où cette science est-elle primitivement arrivée jusqu’aux romanciers ou écrivains en langue vulgaire, c’est, je crois, ce dont il serait difficile de s’enquérir. Laissant donc de côté les nations qu’une trop grande distance sépare de nous, il n’est pas douteux que ce n’ait été toujours et que ce ne soit encore un usage universel de distinguer dans cette science trois degrés qui sont le genre sublime, le genre tempéré et le genre simple. On peut rapporter au genre sublime les ouvrages écrits en langue grecque ou latine, j’entends en vers. Le genre tempéré est celui des écrivains en langue vulgaire, comme Guide Guinicegli de Bologne, et Arnaud Daniel, poète provençal. Je n’ai rien vu d’eux, mais on prétend qu’ils seraient les premiers qui auraient écrit des tercets en rimes croisées et des sonnets en langue romance. Et, comme dit le philosophe, les premiers ont le premier mérite de l’invention. Le genre simple est celui dans lequel on compose, sans suivre ni règle ni mesure, ces romances et ces chansons qui font les délices des gens de condition basse et servile. Après Guide Guinicegli et Arnaud Daniel, Dante écrivit avec élégance, en tercets à rimes croisées, ses trois comédies, l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis, François Pétrarque ses Triomphes, François d’Ascoli le livre De proprietatibus rerum, et Jean Boccace l’ouvrage intitulé Ninfale d’Ameto, poème où il mêla des morceaux de prose d’une grande éloquence, à la manière de la Consolation de Boèce. Ces écrivains et beaucoup d’autres encore composèrent en langue italienne des ouvrages en vers d’une autre forme, qu’on appelle sonnets et stances morales[19].

« Cet art de la poésie s’étendit, je crois, des Limousins aux Français de l’Aquitaine, et à cette dernière partie occidentale de l’Europe qui est notre Espagne, où il a produit d’assez belles choses. Les Français, aussi bien ceux de l’Aquitaine que les autres, ont écrit diversement en vers de différentes mesures. Il y a eu parmi eux des hommes très savans et très distingués dans cet art. Guillaume de Lorris a fait le Roman de la Rose, où, comme on dit, l’Art de l’amour est renfermé tout entier[20]. Il a été achevé par Jean Clopinel. Michault écrivit aussi un grand livre de ballades, stances, rondeaux, lais et virelais, dont il mit beaucoup en musique. Othon de Granson, brave et vertueux chevalier, figura dans cet art avec élévation et avec agrément. Alain Chartier, illustre poète moderne, secrétaire du roi Louis de France[21], mit une grande élégance dans ses poésies ; il a écrit le livre des quatre dames, la belle dame sans merci, le débat du réveil-matin, la grande pastourelle, le bréviaire des nobles et l’hôpital d’amours, choses assez belles certainement et plaisantes à ouïr.

« Je préfère, sauf avis plus éclairé, les Italiens aux Français, en ce que ceux-là montrent dans leurs ouvrages un génie plus sublime, et qu’ils ornent leurs compositions d’épisodes d’une beauté surprenante ; mais je préfère les Français aux Italiens sous le rapport de l’observation des règles de l’art, dont les Italiens ne tiennent aucun compte, si ce n’est dans la mesure des vers et dans la rime. Ils mettent aussi leurs œuvres en musique, et ils les chantent avec une douceur pleine de variété : la musique leur est si familière, ils la manient si bien, qu’il semble que leur patrie ait donné naissance à Orphée, à Pythagore et à Empédocle, ces grands philosophes qui, par l’agréable mélodie et les douces modulations de leurs chants, apaisaient, dit-on, non-seulement la colère des hommes, mais même celle des furies infernales. Et qui doute que, comme les feuilles garnissent au printemps et couvrent de leur verdure la nudité des arbres, la douceur de la voix et la beauté des sons n’accompagnent pas bien toute espèce de poésie, quelle qu’elle soit ?

« Les Catalans, les Valenciens et quelques Aragonais ont cultivé et cultivent encore cet art avec succès. Ils composèrent d’abord des poésies en grands vers, où la consonnance de la rime n’était pas toujours observée[22]. Après cela, ils firent usage de vers de dix syllabes à la manière des Limousins. Il y eut parmi eux des hommes distingués aussi bien pour l’invention que pour la composition. Guillen de Berguedan, généreux et noble chevalier, et Pao de Bembibre acquirent chez eux une grande réputation. Moïse March-le-vieux, vaillant et noble chevalier, fit d’assez jolies choses ; il écrivit des proverbes d’une grande moralité. De notre temps fleurit Moïse Jordi, sage chevalier, auteur de choses certainement assez belles, qu’il mettait lui-même en musique, car il était excellent musicien. Il composa la Passion de l’Amour, où il compila beaucoup de bons fragmens anciens de différens poètes. Moïse Febrer a fait des ouvrages remarquables, et on dit qu’il a traduit Dante du florentin en catalan, en suivant exactement le même mètre et les mêmes rimes. Moïse Ausias March, qui vit encore, est un grand troubadour et un homme d’un esprit assez élevé.

« Les diverses formes de vers primitivement employées chez nous se présentent dans le poème d’Alexandre, les Vœux du Paon, les œuvres de l’archiprêtre de Hita, et dans le livre que Lopez de Ayala le vieux a écrit sur les manières de palais. On découvrit ensuite, en Galice et en Portugal, je crois, la mesure du grand vers de douze syllabes[23] et celle du vers commun de huit syllabes[24]. Il n’y a pas de doute que la poésie ne se soit mieux acclimatée dans ces deux royaumes qu’en aucune autre partie de l’Espagne, à tel point qu’il n’y a pas long-temps encore que les troubadours de cette péninsule, fussent-ils castillans, andalous ou de l’Estramadure, composaient tous leurs ouvrages en langue galicienne ou portugaise. Il est même certain que c’est de cette langue que nous avons reçu les termes de l’art.

« Je me souviens, magnifique seigneur, d’avoir vu, étant encore tout petit garçon, chez ma grand’mère Doña Mencia de Cisneros, parmi plusieurs livres un grand volume de poésies portugaises et galiciennes, dont la majeure partie était du roi Denis, de Portugal, votre trisaïeul, je crois. Ceux qui les lisaient en louaient la spirituelle invention et l’expression douce et gracieuse. Il y en avait d’autres de Jean Soarez de Payva, qu’on dit être mort d’amour en Galice pour une infante de Portugal, et de Fernand Gonzalez de Sanabria. Après ces poètes vinrent Vasco Perez de Camoës, Fernand Casquicio et Macias, ce célèbre amoureux, dont on ne retrouve plus que quatre pièces, mais pleines d’amour et de belles pensées.

« Dans notre royaume de Castille, Alphonse-le-Savant réussit dans la poésie vulgaire, et j’ai vu des personnes qui avaient lu ses œuvres ; on dit aussi qu’il versifiait supérieurement en langue latine. Vinrent ensuite Jean de la Cerda et Gonzalez de Mendoza, mon aïeul, auteur de bonnes poésies, entre autres de stances aux religieuses de la Zaydia, lorsque le roi don Pedro assiégeait Valence, commençant par ces mots : Sur les bords d’une rivière[25]. Il fit usage d’une sorte de chants scéniques, comme imités de Plaute et de Térence. En même temps vécut un Juif, nommé Rabi Santo, qui écrivit, entre autres très bonnes choses, des Proverbes moraux vraiment assez recommandables. Le titre de grand troubadour m’excuse de l’avoir compté parmi tant de nobles personnages ; car, comme il dit lui-même, « l’autour, pour naître dans un nid obscur, n’en vaut pas moins ; et les bons exemples ne perdent pas à être cités par un Juif[26]. » Alphonse Gonzalès de Castro, né ici à Guadalajara[27], réussit assez bien dans la poésie castillane. Après eux parurent, au temps du roi Jean Ier, l’archidiacre de Toro et Garci-Fernandez de Gerena. Depuis le règne de Henri iii, de glorieuse mémoire, père du roi notre maître, jusqu’à nos jours, cette science commença à s’élever davantage et à se parer avec plus d’élégance ; il y eut des hommes très savans dans cet art, particulièrement Alphonse Alvarez de Illescas, célèbre troubadour, dont on pourrait répéter ce qu’un grand historien a dit à la louange d’Ovide, que toutes les paroles qui lui venaient à la bouche étaient des vers. Il a tant fait de poésies, que ma tâche serait longue et difficile si j’en devais seulement rapporter les titres tout au long. Ses œuvres sont d’ailleurs si connues et si répandues que je passerai à François Imperial, que je n’appellerai pas un troubadour, mais un poète ; car il est certain que si quelqu’un dans notre occident a mérité la couronne triomphale de laurier, sans faire tort à personne, c’est bien lui. Il a chanté la naissance du roi notre maître, et il a fait beaucoup d’autres choses gracieuses et dignes d’éloges.

« Fernand Sanchez Calvera, commandeur de l’ordre de Calatrava, composa d’assez bonnes poésies. Don Pedro Velez de Guevara, mon oncle, gracieux et noble chevalier, écrivit aussi de jolies choses. Fernand Perz de Guzman, également mon oncle, chevalier savant en tout genre de science, a composé beaucoup d’ouvrages en vers, et, entre autres, l’épitaphe du tombeau de mon père, l’amiral don Diego Hurtado. Il a fait aussi beaucoup de chansons d’amour, et il vient d’écrire dernièrement encore des Proverbes où se trouvent de grandes pensées, et un ouvrage assez utile et bien traité, des quatre vertus cardinales. »

« La poésie plut beaucoup au duc de Castro, mon frère, et il y réussit assez agréablement ; il accueillait chez lui de grands troubadours, particulièrement Fernand Rodriguez Puerto-Carrero, Jean de Gayoso, et Alphonse Gayoso de Morana. Fernand Manuel de Lando, honorable chevalier, est auteur de beaucoup de bonnes poésies ; il imita plus qu’aucun autre François Imperial ; il fit des cantiques à la gloire de la sainte Vierge et quelques invectives sur différens sujets fort bien traités contre Alphonse Alvarez.

« Les poètes qui, de notre temps, ont écrit depuis ceux que je viens de citer, ou qui écrivent maintenant, je m’abstiens de les nommer, parce que je suppose, noble seigneur, que vous les connaissez tous. Ne vous étonnez pas si je me suis si longuement étendu dans cette préface sur les auteurs anciens, ensuite sur les nôtres, et sur quelques-unes de leurs œuvres, qu’il semblerait que je vous offrisse, en quelque sorte, les fruits d’une oisiveté qui ne répugne pas moins à mon âge qu’aux troubles de l’état ; car ce sont les souvenirs de ce qui a fait le charme de ma jeunesse, que j’ai retrouvés lorsque j’ai cru en avoir besoin ; et, comme dit Horace :

Quem nova concepit olla servabit odorem[28]

« Mais de tous les poètes en langue romance, aussi bien Italiens que Provençaux, Limousins, Catalans, Castillans, Portugais, Galiciens, ou de quelque nation que ce soit, ce sont les Français de la province d’Aquitaine qui marchent les premiers, et qui ont fait le plus de gloire et d’honneur à leur art. Dire de quelle manière, c’est ce que je n’essaierai pas à présent, d’autant que j’en ai parlé dans le prologue de mes proverbes. Cet aperçu, auquel mieux que moi encore pourraient beaucoup ajouter ceux qui en savent davantage, servira à vous faire sentir quelle estime mérite cette science recommandable, et combien vous devez vous féliciter que les vierges qui entourent l’Hélicon de leurs danses perpétuelles vous aient admis, non sans justice, dans leur compagnie, à un âge si tendre. C’est pourquoi, seigneur, autant que je puis, je vous engage à ne point cesser d’employer votre esprit élevé et votre plume à l’étude des beautés de la poésie et des règles de l’art, tant que Clothon conduira la trame de vos jours, afin que, quand Atropos en coupera le fil, les honneurs de Delphes ne vous manquent pas plus que la gloire de Mars. »

L’examen critique de toutes les questions littéraires effleurées dans cette préface m’entraînerait bien au-delà des bornes qui me sont ici imposées. Je me restreins donc à quelques courtes observations, pour ainsi dire, obligées.

Le consistoire de la gaie science, fondé à Toulouse au commencement du xive siècle, fut comme une restauration de la poésie provençale, tombée en décadence après l’éclat dont elle avait brillé durant les deux siècles précédens. C’est de Toulouse que, sous le nom de gaie science ou de gai savoir, l’art des troubadours passa en Catalogne à la fin de ce même XIVe siècle, de là en Aragon, et puis en Castille, où l’introduisit le marquis de Villena, auteur de la Gaya sciencia. Santillane, à qui j’ai déjà dit que cette poétique fut adressée, succéda à Villena dans l’œuvre de propagation de la gaie science, dont l’apparition en Castille, qui date du commencement du XVe siècle, ouvre une nouvelle période de la poésie en Espagne. Les poètes de cette époque, qui est celle de Jean ii, sont marqués au coin de l’imitation des formes étrangères. Santillane a défini la poésie ce qu’elle était dans la conception de son temps, et pour ce fait je ne le citerai pas au tribunal de la critique moderne où Bouterwek l’a gratuitement condamné[29]. Je ne lui reprocherai pas non plus, avec le même écrivain, d’avoir ignoré la distinction que nous reconnaissons entre une science et un art, et d’avoir proclamé la poésie, la science par excellence. Mais que la poésie soit antérieure et supérieure à la prose, c’est ce dont la critique de notre siècle, marchant au flambeau des lumières traditionnelles, convient avec celle du XIVe — Image terrestre de la poésie éternelle, la parole de l’homme, toute poétique à son origine, refléta l’harmonie céleste ; organe des dieux dans la croyance des temps antiques, elle chanta les préludes de la civilisation au berceau de l’humanité. Strabon ne voyait dans la prose, œuvre artificielle, qu’une imitation de la poésie, fille de la nature. Telle est aussi la conviction éclairée de M. Ch. Nodier dans ses Élémens de linguistique publiés par le Temps. La poésie hébraïque est vieille comme le monde ; on en tombe d’accord avec Santillane. Mais que les chants bibliques soient exprimés en langage métrique, c’est ce qu’on ne peut pas affirmer aujourd’hui, en laissant aux mots leur signification admise. Un nuage que la critique ne percera vraisemblablement jamais nous cache les mystères de la prosodie des Hébreux. Le trait le plus saillant que nous puissions distinguer dans l’expression de leur poésie est une symétrie constante dans les deux hémistiches qui composent le vers. C’est en vain qu’on a prétendu découvrir, dans ce que, pour être court, j’appelle leurs vers et leurs hémistiches, des formes métriques invisibles à nos yeux. À la fin de son excellent ouvrage de Sacra poesi Hebroeorum, Lowth, après avoir réfuté victorieusement le système métrique de Hare, propose de détruire toute autre hypothèse tendant à fonder un système quelconque de métrique hébraïque, en lui opposant une hypothèse diamétralement contraire, appuyée sur des argumens non moins spécieux. Mais l’essence de la poésie est indépendante de la forme métrique qu’elle revêt, et le rhythme poétique des psaumes, qui consiste pour nous en une sorte de parallélisme, en une certaine symétrie entre l’un et l’autre hémistiche de chaque vers, se retrouve, bien qu’altéré, jusque dans le texte de la Vulgate. Le premier psaume dont la mémoire fournit le souvenir en peut servir d’exemple :

In exitu Israel de Ægypto, — domus Jacob de populo barbaro.
Facta est Judaea sanctificatio ejus, — Israel potestas ejus.
Mare vidit et fugit : — Jordanis conversus est retrorsum
.

Santillane glisse très légèrement sur les Grecs et les Romains pour arriver à la poésie moderne, dont l’origine lui paraît inextricable. Je n’ai pas besoin de faire remarquer combien est incomplète et confuse sa revue des poètes italiens, provençaux, français, limousins, catalans, valenciens et aragonais. Mais lorsqu’il motive pourquoi il préfère les Italiens aux Français sous tel rapport, et pourquoi les Français aux Italiens sous tel autre, son tact n’est-il pas sûr, son appréciation n’est-elle pas judicieuse, et l’autorité du goût général ne confirme-t-elle pas aujourd’hui encore l’opinion qui, tout en admirant un génie plus ardent, une imagination plus féconde dans les chants des troubadours italiens que dans ceux de nos trouvères, n’en accorde pas moins à ceux-ci le mérite de n’avoir pas brillé aux dépens de l’art, c’est-à-dire au détriment de la vérité ? Soit ignorance, soit oubli, quoique cette seconde supposition ne semble guère admissible, arrivé à l’examen historique de la poésie castillane, l’auteur de la préface ne prend pas pour point de départ le poème du Cid, et il est vraisemblable qu’il n’a pas connu le plus ancien monument, selon toutes les apparences, de la littérature de son pays. S’il ne prononce pas non plus le nom de Gonzalo de Berceo, poète castillan remarquable, qui florissait au commencement du treizième siècle, c’est que pour lui ce nom avait aussi retenti en vain.

Des hauteurs de son érudition académique, empruntée au consistoire de la gaie science de Toulouse, Santillane n’a laissé tomber qu’un regard de dédain sur ces romances irrégulières, qui cependant, de son propre aveu, faisaient les délices du peuple[30]. Quoique la forme sous laquelle les romances espagnoles s’offrent à nous aujourd’hui soit postérieure au siècle de Santillane, la voix populaire de son temps méritait d’être écoutée lorsqu’elle préludait, bien qu’avec une naïveté encore inculte, aux chants qui devaient perpétuer le souvenir des âges héroïques et chevaleresques de la patrie, et en former la vaste et noble épopée. C’est cette poésie essentiellement nationale que les préoccupations d’un art dédaigneux lui ont fait méconnaître ; et ce sont ces mêmes préoccupations qui l’aveuglaient lorsqu’il a décerné la palme de la supériorité poétique aux Français de l’Aquitaine, c’est-à-dire ici aux académiciens de Toulouse. Un étrange aveu aussi de Santillane, même dans l’indigence de la publicité manuscrite, c’est celui qu’il fait de ne connaître les œuvres d’Alphonse-le-Savant que par ouï-dire. Elles sont cependant nombreuses et capitales les œuvres de ce puissant génie, et grande a été leur influence, à n’en considérer même que la partie poétique, sur les progrès de la langue castillane au xiiie siècle. Esprit universel, poète, mathématicien, philosophe, historien, législateur, astronome, physicien, Alphonse x, roi sur la terre, l’a été bien plus encore dans l’empire supérieur des intelligences ; il est une des plus grandes gloires de la littérature espagnole. Entiché de l’art des troubadours d’académie, Santillane s’enivra avec ses contemporains à la source de l’imitation étrangère, sans regarder derrière lui la poésie essentiellement indigène que la muse castillane n’emprunta ni des Italiens, ni des Provençaux, ni des Mainteneurs[31] de la gaie science. L’arrivée de ces derniers en Espagne, à la fin du xive siècle, y apporta la contagion d’une épidémie poétique qui ne tarda pas à se développer dans toutes les têtes, où il faut avouer que ses ravages même contribuèrent à aiguillonner le génie national. Mais lorsque Santillane dit que l’art de la poésie s’étendit des Limousins aux Français de l’Aquitaine, et de ceux-ci aux Espagnols, il faut entendre l’art exotique, et le bien distinguer de la poésie antérieure, expression primitive d’une civilisation originale.

Ces observations tendent à signaler les écueils à éviter dans la lecture de cette préface, dont un savant bénédictin espagnol a pris certains passages pour base d’une hypothèse erronée dont l’amour du pays est le premier complice. Le galicien Sarmiento, dans le volume posthume que nous avons déjà eu occasion de citer[32], a forcé le sens de Santillane pour lui faire dire que la poésie espagnole, par toute la péninsule ibérienne, parla originairement le dialecte galicien. Mais c’est au contraire après avoir mentionné le poème d’Alexandre et les œuvres de l’archiprêtre de Hita, que l’auteur de la préface continue ainsi : « On découvrit ensuite, en Galice et en Portugal, je crois, la mesure du grand vers de douze syllabes …et il n’y a pas long-temps encore que les troubadours de cette péninsule, fussent-ils castillans, andalous ou de l’Estramadure, composaient tous leurs ouvrages en langue galicienne ou portugaise. » On ne saurait expliquer plus clairement qu’à l’emploi des anciens mètres castillans succédèrent de nouvelles formes de vers, inventées peut-être en Galice ou en Portugal, et que l’usage de la langue galicienne venait d’avoir une vogue passagère dans la poésie espagnole. La question d’antériorité entre l’une et l’autre poésie se présente ici naturellement ; mais le lecteur cette fois en sera quitte pour la peur.


E. D’Ault-Dumesnil.
  1. Alonso el sabio. C’est à cause de son savoir que ce grand homme fut surnommé el sabio (le savant), et non le sage, comme l’ont appelé les traducteurs français.
  2. Historia de la dominacion de los Arabes en España, prologo.
  3. Sandov. descend. de la casa de Mendoza.
  4. Si con Juan de Mena fablases á solas, latino sermon razonarias, yo lo sé : O mi misero, quando me veo defetuoso de letras latinas !
  5. Historia M. S. de Guadalajara.
  6. Historia de Guadalajara.
  7. Y profundamente viò la poesia.
  8. Je les ai lus dans l’édition d’Anvers, 1594, édition très fautive, que j’ai trouvée à la bibliothèque de la ville d’Abbeville. Cette même édition existe à la bibliothèque du roi, qui possède aussi une édition de Madrid, 1799, la dernière de toutes, à ce que je crois. Les Proverbes sont le seul des ouvrages de Santillane qui soit inscrit aux catalogues de la bibliothèque du roi.
  9. Segun la doctrina de semejantes proverbios que el sabio Caton hizo y dexó a su hijo.
  10. La sciencia no embota el hierro de la lança, ni hace floxa la espada en la mano del caballero.
  11. Nunca la lanza embotó la pluma. Don Quix.
  12. Las reglas del trobar escritas y ordenadas por Remon Vidal de Besalu hombre asaz entendido en las artes liberales, y gran trobador.
  13. Memorias para la historia de la poesia y poetas Españoles.
  14. Etymolog. lib. i, cap. 39.
  15. Inferno, cant. iv.
  16. Purgator, cant. vii.
  17. Endechas.
  18. Ce n’est pas à la mort du roi Robert, mais à l’occasion de celle de la belle Laure que Pétrarque composa ce sonnet, où il fait aussi allusion à la perte de son protecteur, le cardinal Colonna.
  19. Canciones morales. Cancion est, dans la langue espagnole, un terme générique qui peut s’appliquer à tout ouvrage de poésie divisé en strophes. Ce mot a une signification plus étendue que celui de canzone en italien, et il n’est pas traduisible en français par chanson. Il répond plutôt à ᾠδὴ chez les Grecs, et à lied chez les Allemands.
  20. Ce sont les propres paroles du livre :

    Ce est le romans de la rose,
    Où l’art d’amours est toute enclose.

  21. Louis xi ne monta sur le trône qu’après la mort de Santillane. Il y a donc ici erreur.
  22. La poésie espagnole admet des rimes consonnantes, et des rimes assonnantes, c’est-à-dire des rimes à voyelles semblables, mais à consonnes différentes.
  23. De arte mayor.
  24. De arte comun.
  25. Santillane cite le premier vers des stances de son aïeul :

    A las riberas de un rio.
  26. Nin vale et Azor menos
    Porque en vil nido siga,
    Nin los ejemplos buenos
    Porque Judio los diga
    .

  27. Où l’auteur écrivait cette préface.
  28. Quo semel est imbuta recens, servabit odorem.

    Testa diù. Epist. lib. 1, 2.

    Jusqu’ici j’avais restitué les citations inexactes de Santillane ; mais j’ai voulu donner un exemple de la manière dont il altère les textes. Il ne traite guère mieux les noms propres, dont j’ai rectifié l’ortographe autant que j’ai pu le faire.
  29. Geschichte der Spanischen Litteratur.
  30. Estos romances é çantares, de que la gente baja é de servil condicion se alégra.
  31. Mantenedores.
  32. Memorias para la historia de la poesia y poetas españoles.