Le Marquis de Chapolorys

A.-D. Roazoun
Revue de Bretagne (p. 40-56).


CONTES DE GRAND’MÈRES




LE MARQUIS DE CHAPOLORYS


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Au temps passé vivait au fond des bois, dans un vieux manoir délabré, le marquis de Chapolorys.

Il avait été longtemps un des plus puissants seigneurs du royaume, mais des courtisans, jaloux de la faveur dont il jouissait auprès du roi, avaient trouvé moyen de mêler son nom à un grave complot, et le pauvre marquis, brusquement disgracié, avait été exilé de la cour sans pouvoir se défendre.

Tous ses biens ayant été confisqués, il ne lui restait qu’un petit castel perdu dans une vaste forêt. Il y vivait pauvrement avec sa femme et ses trois filles, conservant malgré tout l’espérance de voir un jour ses calomniateurs démasqués.

Au moment où commence notre histoire, il y avait déjà bien des années que le marquis de Chapolorys attendait la justice du roi. Sa femme était morte, il ne lui restait plus que ses trois filles devenues avec le temps grandes et belles.

Arthémise et Oriane, les deux aînées, se rappelaient la vie opulente d’autrefois et regrettaient amèrement la disgrâce de leur père, disgrâce qui les tenaient éloignées de la cour, sans même l’espoir d’y rentrer par quelque riche mariage.

C’est bien la peine d’être faites comme nous pour mener pareille vie, disaient-elles souvent avec dépit.

Le pauvre marquis, fatigué de leurs incessantes récriminations, disait parfois en soupirant : — Ah ! si j’avais un fils ! Il pourrait présenter ma défense au roi et mon innocence serait peut-être reconnue… À ceci les deux péronnelles ne manquaient pas de répondre qu’elles étaient bien marries en effet de n’être que des filles obligées de garder la maison au lieu de courir le monde à leur guise.

Isabelle, la plus jeune, ne ressemblait en rien à ses sœurs. Elle aimait tendrement son père et mettait tous ses soins à adoucir ses ennuis. Elle l’entraînait à de grandes promenades dans la forêt ou passait avec lui de longues heures dans la vieille bibliothèque, et quand il était avec sa chère Isabelle le vieux marquis oubliait presque ses chagrins. Il s’occupait à l’instruire et lui avait enseigné tout ce qu’une fille de qualité doit savoir, et même un peu plus, car elle aimait l’étude et il lui plaisait d’y employer son temps, tandis que ses sœurs ne rêvaient que coiffures nouvelles et ajustements au dernier goût.

Cependant la jeune fille sentait bien que son père n’était point résigné à son injuste disgrâce. Elle s’en affligeait pour lui et rêvait à son tour aux moyens d’amener le roi à connaître la vérité.

Un jour que le marquis exprimait, pour la centième fois peut-être, le regret de n’avoir pas un fils pour le charger de sa défense :

— Mais pourquoi ne prendrais-je pas sa place ? dit tout à coup Isabelle. Je me rendrais à la cour sous un déguisement, et je trouverais bien là quelqu’un de vos amis d’autrefois pour me donner accès auprès du roi et me procurer le moyen de lui présenter votre défense.

Le marquis ne put se garder de sourire.

— Je ne vois pas très bien mon Isabelle jouant le rôle d’un hardi cavalier, dit-il.

— Et pourquoi donc, mon père ? Grâce à vous je sais monter à cheval et tirer l’épée, ce sont accomplissements de gentilhomme ; mes sœurs me traitent souvent de page en jupons, j’en revêtirai le costume et ainsi équipée j’écarterai tous les soupçons.

— Hélas ! mon enfant, fit le marquis ému, la cour n’est point telle que tu l’imagines, l’intrigue y est puissante et les fidèles amitiés rares. Il ne m’est pas possible d’autoriser une démarche qui serait sans doute inutile pour moi et non sans danger pour toi.

Ce refus ne découragea point Isabelle, elle insista près de son père, le suppliant de lui laisser tenter le sort, et fit tant et si bien que sans dire positivement oui, il ne disait plus absolument non.

Arthémise et Oriane, en apprenant ce projet, se récrièrent hautement et raillèrent à l’envi la présomption et l’audace de leur sœur. Celle-ci, sans s’émouvoir, leur expliqua tout au long son idée et les moyens qu’elle comptait mettre en œuvre. Elles changèrent alors d’avis, mais prétendirent qu’une telle démarche revenait de droit à l’aînée de la famille et non à la plus jeune, et pressèrent tant le marquis que, de guerre lasse, il finit par autoriser Arthémise à se rendre à la cour.

L’orgueilleuse jeune fille, qui voyait surtout dans ce voyage une diversion à la vie monotone dont elle se plaignait, fit préparer un équipage aussi complet que le permettaient leurs modiques ressources et, métamorphosée en un page élégant, partit un beau matin suivie d’un vieux domestique qui avait servi le marquis de Chapolorys au temps de sa faveur et l’avait accompagné dans son exil. Le vieux Bertrand était aussi prudent que fidèle, c’est pourquoi son maître l’avait chargé de veiller sur sa fille.

Ils chevauchaient depuis plusieurs heures et la belle Arthémise, habituée surtout aux longues flâneries devant son miroir, commençait déjà à trouver le chemin long, quand un écart de son cheval faillit la désarçonner. Elle réussit à reprendre son équilibre et aperçut une vieille femme toute déguenillée, dont l’apparition inattendue avait effrayé sa monture.

La mendiante la salua humblement et pria « le beau seigneur » que la Providence avait conduit vers elle de la prendre en pitié et de lui venir en aide. Sa brebis était tombée dans la fontaine d’où elle ne pourrait réussir à la retirer et cette brebis était sa seule ressource.

— Eh ! répondit dédaigneusement la jeune fille, j’ai autre chose à faire que d’aller repêcher un mouton, passez votre chemin, la vieille.

Mais la femme s’était redressée : — Allez, mademoiselle, dit-elle d’une voix sévère, et soyez sûre que vous ne réussirez pas dans votre entreprise.

Ces paroles jetèrent le trouble dans l’esprit d’Arthémise. Si une simple mendiante devinait son déguisement, ce n’était pas la peine de continuer sa route pour s’exposer aux quolibets des seigneurs de la cour. Elle se décida donc à revenir sur ses pas et rentra au logis lasse et confuse.

Oriane, apprenant sa mésaventure, la railla de son peu de persévérance et se déclara décidée à tenter le sort. Les préparatifs ne furent pas longs et, à quelques jours de là, elle partait à son tour revêtue du costume de page et suivie du fidèle Bertrand. Elle se promettait de profiter de l’expérience de sa sœur et de ne point refuser son assistance aux vieilles mendiantes qui la lui demanderaient.

Ce ne fut point une vieille mendiante qu’elle rencontra près de la fontaine, mais une jeune paysanne pauvrement vêtue qui vint la prier timidement de l’aider à relever son âne tombé dans un bourbier d’où, malgré tous ses efforts, il ne parvenait pas à sortir.

— Vous me la bâillez belle avec votre âne embourbé, répondit Oriane, croyez-vous que je m’en soucie ? J’ai bien autre chose en tête. Et elle se disposait à continuer sa route quand la paysanne l’arrêta d’un geste :

— Allez, mademoiselle, dit-elle gravement, et soyez sûre que vous ne réussirez point dans votre entreprise.

À ces mots où se retrouvait l’écho de la malédiction jetée à son aînée, la cadette perdit contenance et s’en retourna la tête basse, disant qu’il était bien inutile d’espérer imiter les allures d’un noble cavalier quand on avait passé sa vie enterrée dans les bois.

L’échec de ses sœurs ne découragea pas Isabelle. Sans rien dire elle s’occupa d’ajuster à sa taille le costume de page qui devait lui permettre de paraître à la cour puis, quand tout fut prêt, elle annonça son intention d’aller trouver le roi.

Arthémise et Oriane ne perdirent pas cette occasion de railler la « pécore » qui avait la prétention de réussir alors que toutes deux avaient échoué au premier pas. La jeune fille les laissa dire. Elle avait le consentement de son père, cela lui suffisait. Elle partit donc de grand matin, comme ses sœurs, suivie du fidèle Bertrand qui l’avait vue toute petite et lui avait souvent servi d’écuyer.

Ils allaient bon train et se trouvèrent bientôt près de la fontaine qui avait été le terme du voyage des deux aînées. Une toute petite fille était assise sur le bord, pleurant à chaudes larmes.

Aussitôt la bonne Isabelle s’arrêta pour lui demander la cause de son chagrin, et l’enfant ayant répondu que son agneau était tombé dans le doué voisin, où bien sûr il allait se noyer, elle appela son domestique et tous deux retirèrent de l’eau la pauvre bête qu’ils réussirent à ranimer. Puis la jeune fille se remit en selle tandis que la petite bergère ne cessait de lui répéter : — Dieu vous bénira, mon beau seigneur, et vous fera réussir dans toutes vos entreprises.

— Que le ciel t’entende, mon enfant, répondit Isabelle heureuse d’un souhait qui lui semblait de bon augure ; et elle s’éloigna rapidement pour rattraper le temps perdu.

Les voyageurs arrivèrent enfin à la ville où résidait le roi. Le marquis de Chapolorys avait remis à sa fille quelques lettres adressées à d’anciens amis auxquels il recommandait son fils « le chevalier Robert », qui venait à la cour pour la première fois et aurait sans doute besoin de leur appui.

Hélas ! plusieurs des amis du marquis étaient morts, d’autres avaient pris parti pour ses ennemis et s’étaient enrichis de ses dépouilles, d’autres enfin avaient quitté la cour. Isabelle commençait à désespérer quand sa bonne étoile lui fit rencontrer un vieux duc, veuf et sans enfants, qui vivait fort retiré avec sa sœur, une respectable chanoinesse encore plus âgée que lui.

Les deux vieillards firent très bon accueil au jeune chevalier. Le duc montra d’abord quelque surprise, il avait toujours cru, disait-il, que le marquis de Chapolorys n’avait que des filles ; mais sa sœur la chanoinesse lui fit observer fort à propos que ses souvenirs n’étaient pas toujours bien fidèles. La bonne dame connaissait par le menu le nobiliaire de France et de Navarre et se piquait d’énumérer tous les décès et toutes les naissances survenues dans sa famille sans se tromper d’un jour. Elle déclara se fort bien rappeler la naissance et le baptême du jeune Robert et donna même à l’appui certains détails qui faisaient le plus grand honneur à la sûreté de sa mémoire, affirma le duc. Avec de pareils répondants, il n’était pas à craindre de voir élever le moindre doute sur la personnalité du chevalier Robert de Chapolorys, dont les manières courtoises et respectueuses eurent vite gagné le cœur du noble duc, aussi bien que celui de sa sœur.

Le vieux seigneur présenta lui-même au roi le fils de son ancien ami. Son attitude modeste et digne produisit la plus favorable impression, sauf peut-être sur les courtisans qui s’étaient partagés les dépouilles de son père ; mais ceux-ci ne s’en montrèrent que plus aimables.

Cependant Isabelle ne se pressait point de remplir la mission dont elle s’était chargée ; elle attendait de s’être assurée des protecteurs puissants avant de tenter la démarche décisive.

Tous les soirs le fidèle Bertrand avait un long entretien avec sa jeune maîtresse et lui rendait un compte exact de ce qu’il avait vu et entendu. Le rusé compère avait retrouvé plus d’une vieille connaissance parmi les serviteurs de ce palais dont il connaissait tous les détours et, pour écouter plus aisément, il se prétendait sourd, ce qui lui permettait à la fois d’éviter les questions indiscrètes et d’apprendre une foule de choses intimes dont on parlait devant lui sans méfiance. Grâce à son stratagème Isabelle connut bientôt tous les ennemis du marquis, ainsi que les rares amis qui lui étaient restés fidèles et pouvaient la seconder.

Elle accompagnait souvent le vieux duc à la cour où elle recevait un très gracieux accueil de la Reine et surtout du prince royal. Celui-ci s’était senti attiré vers le chevalier de Chapolorys qui, murmurait-on déjà, n’était sorti de sa province que pour venir plaider la cause de son père.

L’audace d’une telle démarche chez un si jeune homme lui avait plu et lui avait donné le désir de le connaître. Il s’était intéressé à la conversation de ce simple gentilhomme aussi intelligent qu’instruit, et ne perdait pas une occasion de s’entretenir avec lui.

Le nouveau venu ne cherchait point à dissimuler le plaisir que lui causaient les avances du prince Henry ; mais, sans jamais s’écarter du respect dû à son futur souverain, il gardait dans ses manières une fierté et une indépendance qui charmèrent l’héritier du trône, un peu blasé sur les adulations des courtisans de tout âge.

La Reine, qui veillait sagement sur son fils, remarqua cette sympathie naissante. Le prince ne lui cacha point l’attrait singulier qu’il éprouvait pour ce jeune homme si différent de ceux qu’il avait rencontrés jusque-là. Elle ne s’en montra pas mécontente. Le duc n’avait pas manqué de faire l’éloge de son protégé, et elle en était venue à penser que la société du chevalier serait utile à son fils, un peu trop gâté par les complaisantes flatteries de son entourage.

Isabelle et le duc, son conseiller, pensèrent enfin que le moment était venu de présenter la défense du marquis de Chapolorys. Sa cause avait maintenant un avocat dévoué auprès du roi. Celui-ci, toujours prévenu contre l’ancien favori, répondit simplement qu’il examinerait plus tard cette affaire ; mais il engagea le chevalier à attendre à la cour le résultat de l’enquête.

Le prince Henry fut enchanté de cette combinaison qui le rapprochait de son nouvel ami. Tous les jours, dans les entretiens familiers qu’il avait avec sa mère, il s’étendait longuement sur les talents et les mérites de ce modèle des fils qu’elle, de son côté, étudiait sans en avoir l’air.

Elle avait remarqué chez lui une réserve extrême, rare chez les jeunes gens de cet âge. Cette remarque avait été bientôt confirmée par les confidences du prince. Jamais, disait-il, jamais sous aucun prétexte le fils du marquis de Chapolorys ne s’écartait de cette réserve. Jamais la moindre incorrection dans son langage ni dans sa tenue. Quelques instances qu’on pût faire il ne buvait que de l’eau et, bien qu’il se montrât gai et d’humeur enjouée, jamais un mot hasardé ne s’échappait de ses lèvres.

La Reine d’abord s’amusa de ces allures si différentes de celles en usage à la cour. Peu à peu elle s’en étonna, une foule d’indices qui lui avaient d’abord échappé lui revinrent à l’esprit ; bientôt elle vint à soupçonner la vérité.

Elle ne parla point au roi de ce soupçon, préférant le tenir caché jusqu’au jour où elle serait fixée, mais s’en ouvrit secrètement à son fils qui se récria aussi fort que le respect le lui permettait.

— Vous n’y pensez pas, ma mère ! Une femme, le chevalier Robert ! Le plus infatigable des compagnons, toujours prêt à se livrer aux plus folles chevauchées et qui tire l’épée comme un mousquetaire !

Il est vrai qu’il conserve même alors cette parfaite correction de tenue que vous avez remarquée, et j’ai plus d’une fois insisté pour le faire se mettre à l’aise ; mais son père ne souffrait, paraît-il, aucun laisser-aller et l’a si bien accoutumé à ces manières qu’il ne saurait s’en départir.

— Tout cela est bel et bon, mon fils, et il se peut que le marquis de Chapolorys qui était, si je ne me trompe, un gentilhomme de vieille roche ait habitué son fils à une austère discipline ; néanmoins je garde mon idée. Il ne tient d’ailleurs qu’à vous de connaître la vérité.

— Et comment cela, ma mère, dit le prince interdit, comment pourrai-je laisser paraître un tel soupçon ?

— Ah ! reprit la Reine, que les jeunes gens d’aujourd’hui ont peu d’invention ! Mais vous avez mille et une façons de tout savoir sans rien demander. Voyez ces superbes roses, les aviez-vous jamais regardées ? J’en doute car les hommes font peu de cas des plus jolies fleurs ; mais les femmes ne pensent pas de même, une fleur les ravit, surtout quand elles sont rares et belles. Aussitôt qu’on leur en offre une elles l’admirent, la respirent avec délices, souvent même rattachent à leur corsage pour la conserver plus longtemps près d’elles.

Conduisez donc votre ami dans cette serre, offrez-lui une des plus belles roses et vous verrez quelle est son attitude. Si je me suis trompée votre présent sera sans doute bien accueilli, mais vite oublié et, pour peu que la conversation soit animée, la rose ira bientôt tomber dans la poussière. Demain, sans plus tarder, il faut tenter cette épreuve.

— Il sera fait comme vous le désirez. Madame, répondit le prince. Et tous deux s’éloignèrent sans remarquer le fidèle Bertrand, vêtu en jardinier, qui travaillait près d’eux et n’avait pas perdu un mot de la conversation.

Quand Isabelle apprit les soupçons de la Reine elle se prit à trembler. — Qu’arrivera-t-il, mon Dieu, s’écria-t-elle, si on découvre ma supercherie !

— Baste, dit Bertrand, ce n’est pas cette fois qu’on la découvrira puisque nous savons de la Reine elle-même le moyen d’y parer. Vous profiterez de l’occasion pour presser le prince d’obtenir du roi l’examen de votre mémoire. Que l’innocence de votre père soit d’abord reconnue, ensuite il sera temps d’aviser.

Le lendemain Isabelle se rendit au palais à l’heure accoutumée. Elle avait l’air si préoccupé que le prince faillit oublier la recommandation de sa mère.

Celle-ci ne manqua pas de la lui rappeler et suivit des yeux les deux jeunes gens qui se dirigeaient en causant vers les serres. Ils en sortirent bientôt, parlant avec animation. Robert tenait à la main une superbe rose qu’il tournait machinalement entre ses doigts et qui s’effeuilla sans qu’il y prît garde.

Ils rentrèrent ensuite et le prince alla faire part à sa mère du résultat de l’épreuve.

— Je sais, dit-elle un peu songeuse, j’observais de loin votre ami, mais n’avez-vous rien remarqué dans son attitude quand vous lui avez donné cette fleur ?

— Il m’a remercié courtoisement, selon sa coutume, mais rien de plus. Il avait d’autres pensées en tête ; il s’afflige de voir le temps passer sans rien changer à la situation de son père et je lui ai promis d’obtenir du roi que sa supplique soit examinée. Ne joindrez-vous pas vos instances aux miennes ? Aussi bien il me semble que vous lui devez réparation.

— Soit, dit la Reine. Et le Roi, pressé par ses prières et celles de son fils, consentit enfin à prendre connaissance du mémoire déjà presqu’oublié.

Cependant les soupçons de la reine n’étaient point dissipés.

— Notre épreuve est arrivée mal à propos, dit-elle à son fils, votre ami était trop préoccupé de son père quand vous lui avez offert la fleur, il faut essayer autre chose. Que ne l’emmenez-vous chasser dans nos bois de Verviers ? Il s’y trouve un petit pavillon qui ne contient qu’une chambre habitable. Vous prolongerez la chasse de façon à être contraint d’y coucher et vous inviterez le chevalier à partager avec vous cette unique chambre. S’il est ce qu’il prétend il acceptera après quelques façons, mais, si j’ai deviné juste, vous vous en apercevrez vite à son émotion et à ses refus obstinés.

— Il sera fait comme vous le désirez, Madame, dit le prince, et il se mit à la recherche de Robert pour lui annoncer que les pièces du procès de son père étaient enfin aux mains du roi et pour organiser la partie du lendemain.

Mais comment dire l’effroi de la pauvre Isabelle quand Bertrand qui avait surpris les paroles de la reine lui eût appris l’épreuve qui l’attendait ? La première émotion passée, elle se mit à réfléchir au moyen de sortir d’embarras.

— Si seulement le prince pouvait dormir, dit-elle enfin.

— Rien n’est plus facile, répondit Bertrand, je connais près d’ici un certain apothicaire dont le concours m’est acquis d’avance, en appuyant la demande de bons écus sonnants. C’est un habile homme qui a plus d’une fois failli être pendu et il saura mesurer si exactement la dose que le prince s’endormira à la minute dite.

— Surtout qu’il prenne bien garde, dit Isabelle. Je ne veux pas risquer de rendre le fils du roi malade, ni même de l’incommoder.

— N’ayez crainte, je vous réponds de mon apothicaire comme de moi-même ; il n’est pas homme à faire un mauvais coup sans profit.

Le lendemain matin la jeune fille équipée en chasseur partait avec le prince Henry pour les bois de Verviers. Elle cachait dans son sein une petite fiole dont le contenu devait, après un temps fixé, amener un sommeil assez profond pour lui éviter tout embarras.

Le gibier était abondant, et, quand les deux chasseurs pleins d’entrain arrivèrent au pavillon où le dîner les attendait depuis longtemps, il était trop tard pour songer à regagner la ville.

— Nous allons coucher ici, dit en riant le prince, et vous partagerez avec moi l’unique chambre du logis.

— Il ne convient pas que j’occupe la même chambre que Votre Altesse, je coucherai sur un matelas dans le corridor et j’y dormirai le mieux du monde. À la guerre comme à la guerre.

Le prince insista et le chevalier se laissa persuader d’accepter sans façons un honneur qui, dit-il, lui ferait des envieux ; puis il se mit gaîment à table avec son compagnon et versa habilement dans son verre le soporifique préparé.

Tous deux firent honneur au repas et s’attardèrent ensuite à causer près de la vaste cheminée.

Isabelle prolongeait à dessein la soirée pour laisser au narcotique le temps de produire son effet… Enfin le prince bâilla longuement.

— Si nous allions nous coucher, dit-il, et il se dirigea vers sa chambre suivi de la jeune fille qui avait peine à dissimuler son émotion.

Le prince se sentait gagner par un invincible sommeil. Il eut bientôt fait de se mettre au lit et railla le chevalier qui ne parvenait pas à dénouer les aiguillettes de son habit de chasseur ; mais quelques instants s’étaient à peine écoulés qu’il dormait à poings fermés.

Isabelle poussa un soupir de soulagement et s’étendit dans un fauteuil où elle reposa jusqu’au matin. Secouant alors son engourdissementt elle se leva et feignit d’achever sa toilette, tout en surveillant le sommeil de son ami que ses allées et venues finirent par réveiller.

— Si vous êtes lent à vous mettre au lit, dit celui-ci, vous êtes prompt à en sortir.

— C’est vrai au moins pour aujourd’hui, je dormais si mal que, de guerre lasse, j’ai pris le parti de me lever ; mais je crois que vous avez eu plus de chance que moi et avez passé une bonne nuit.

— En effet ; j’ai dormi si profondément que je ne vous ai entendu ni vous lever ni même vous coucher.

— Je n’en suis pas surpris, reprit le faux Robert, et j’ai envié votre sommeil, Monseigneur ; puis rompant les chiens, que vous semblerait-il d’une petite promenade dans la forêt ? Le temps est superbe.

Le prince ne demandait pas mieux, et la promenade se prolongea, si bien que le chevalier prenant prétexte de l’heure avancée rentra directement à son logis pour s’y reposer des fatigues physiques et morales de la nuit précédente.

La reine attendait son fils avec impatience.

— Eh bien ! dit-elle dès qu’elle l’aperçut.

— Eh bien, ma mère, tout s’est passé le plus simplement du monde. Robert a d’abord voulu refuser l’honneur que je lui faisais, mais il n’a pas été trop difficile à décider et n’a fait de façons que tout juste.

— Alors, insista la reine, vous l’avez vu procéder à sa toilette ?

— Mais oui… c’est-à-dire tant que j’ai pu rester éveillé, ajouta-t-il un peu embarrassé. Nous avions couru toute la journée et j’avais tellement sommeil que je me suis endormi en posant la tête sur l’oreiller, alors qu’il en était encore à détacher son habit. »

— Et ce matin ?

— Ce matin, l’enragé chasseur était déjà presque habillé et prêt à partir, quand j’ai ouvert les yeux, car il est aussi matinal que lent à s’ajuster. Je l’ai même un peu raillé à ce sujet.

— C’est trop fort, laissez-moi vous dire, mon fils, que vous n’êtes qu’un sot, en trois lettres, d’avoir laissé échapper une telle occasion. Vous avez dormi quand vous auriez dû veiller et vous n’en savez pas plus long qu’avant.

— Vraiment, dit le prince interdit, vous me semblez, Madame, en proie à un étrange parti pris. Je vous répète que Robert n’a paru nullement troublé par ma proposition et vous reconnaîtrez qu’il ne pouvait compter sur ce sommeil venu si mal à propos.

— Qui sait, dit la Reine !… Mais, ajouta-t-elle, il est impossible de répéter cette épreuve et il faudra trouver autre chose. En attendant j’observerai moi-même.

Le lendemain, Isabelle déjà reposée se rendit de bonne heure à la cour où le prince l’attendait avec une joyeuse impatience. Il la conduisit auprès du Roi qui avait enfin achevé l’examen du mémoire du marquis de Chapolorys.

— Vous aviez raison, chevalier, dit-il, votre père a été victime d’une odieuse machination et il convient que, sans plus tarder, nous réparions l’injustice commise à notre insu. Sachez donc que dès aujourd’hui le marquis de Chapolorys est remis en possession de tous ses titres et de tous ses droits. De plus j’entends qu’il revienne au plus vite à la cour pour y recevoir les marques éclatantes de la faveur qui lui est rendue.

Isabelle, ivre de joie, tomba aux genoux du roi en balbutiant des remerciements. Il la releva en souriant.

— Vous devez être doublement heureux, dit-il, car c’est bien à vous que votre père doit sa réhabilitation. Nous avions de fortes raisons d’être prévenu contre lui et, sans les instances de la Reine et celle de mon fils que vous aviez su intéresser à votre cause, nous aurions trouvé fort inutile d’examiner à nouveau les pièces de ce procès.

À ce moment la Reine entra et félicita Isabelle qui lui exprima sa reconnaissance en termes émus.

— Il s’agit maintenant, dit la Reine, de faire parvenir au marquis une nouvelle qu’il doit attendre avec impatience.

— Mais si Votre Majesté le permet, j’irai moi-même la porter. Voilà bien longtemps que j’ai quitté mon père et il me tarde de l’embrasser.

— Ah que non pas ! interrompit la Reine, puisque le Roi mande le marquis de Chapolorys à la cour, il vous faut l’y attendre. Assez longtemps vous avez vécu loin de la société qui convient à votre âge. N’est-il pas vrai, mon fils ? ajouta-t-elle en se tournant vers le prince enchanté d’une solution qui lui permettait de garder un ami de jour en jour plus cher.

Isabelle hasarda quelques timides objections. Le Roi l’arrêta d’un geste.

— Telle est la volonté de la Reine, dit-il, et il congédia la jeune fille interdite qui se demandait avec inquiétude comment finirait cette aventure.

Plusieurs jours s’écoulèrent. Le prince Henry ne quittait plus son cher chevalier pour lequel il faisait mille projets. Il le voyait déjà pour le moins capitaine de la garde royale et officiellement attaché à sa personne.

Cependant la pauvre Isabelle avait codifié son embarras au fidèle Bertrand qui la tranquillisa de son mieux et lui conseilla de se préparer à partir au premier signal. Une occasion peut se présenter, dit-il, soyons prêts à la saisir.

La Reine se montrait toujours aussi gracieuse avec l’ami de son fils. Elle se plaisait à le faire parler de son père, de son enfance, de sa vie passée ; mais ces conversations qui augmentaient encore son estime pour lui ne dissipaient point le doute qui l’obsédait.

Un beau jour elle le fit appeler : — Je sais que vous êtes un excellent nageur et qu’on peut compter sur vous en toute circonstance ; aussi vais-je vous charger d’une mission de confiance. Le prince a le projet de se baigner dans la rivière qui coule au pied du coteau. Elle est profonde en cet endroit ; aussi lui ai-je fait promettre de ne pas vous quitter, car il est fort imprudent et parfois sujet aux crampes. Il est donc nécessaire qu’une personne capable de le secourir en cas de besoin se tienne près de lui.

À ces paroles inattendues Isabelle pensa défaillir. Elle se remit pourtant et répondit à la Reine que sa réputation de nageur était très surfaite ; mais elle fut congédiée avec ces paroles ambiguës :

— Allez, chevalier, nous vous connaissons mieux que vous ne le pensez, et sachez qu’il nous appartient de juger comment nos sujets doivent nous servir.

Plus morte que vive la malheureuse s’éloigna sans mot dire. Cette fois, pensait-elle, la Reine a deviné la vérité. Je n’ai plus qu’à implorer sa clémence, car rien ne saurait me sauver.

— Ne désespérez point, dit une voix bien connue, et Isabelle aperçut Bertrand qui, rôdant sous les fenêtres du palais, selon sa coutume, avait tout entendu.

— Il vous faut, dit-il, obéir à la Reine et vous rendre au bord de la rivière. Je serai caché tout auprès, et quand le prince aura commencé à se dévêtir, je vous crierai que votre père se meurt et vous attend. Comme le prince ne sera pas en état de vous suivre, vous aurez le temps de gagner les bois où vous me trouverez avec les chevaux. Une fois auprès de votre père, vous n’aurez plus rien à redouter.

Isabelle, un peu rassurée, put affronter sans trop de trouble les joyeux propos du prince Henry ravi de la partie organisée par sa mère, et tous deux gagnèrent ensemble le bord de l’eau.

Pendant que le prétendu chevalier procédait à ses préparatifs avec une lenteur qui excitait la verve de son ami, celui-ci se déshabillait rapidement et il était prêt à se mettre à l’eau quand un cri retentit :

— Chapolorys ! tu te divertis et ton père est à l’agonie !…

— Vous entendez. Monseigneur, s’écria la jeune fille. Mon père se meurt, il m’appelle, il faut que je parte. Adieu ! Et, ce disant, elle s’enfuit vers le retrait où l’attendait Bertrand avec les chevaux équipés.

Le prince interdit perçut bientôt le bruit des cavaliers qui s’éloignaient à toute bride.

Il se revêtit au plus vite et s’en fut conter à sa mère cette singulière aventure.

— Sans vous flatter, mon fils, dit la Reine avec humeur, vous êtes le roi des maladroits. Qu’aviez-vous à faire de vous presser si fort à vous mettre à l’eau. Votre soi-disant ami court maintenant la poste et Dieu sait si nous retrouverons la péronnelle qui nous a si lestement joués… Vous êtes maintenant, j’aime à le croire, suffisamment fixé sur son sexe en dépit de ses stratagèmes habiles, et il vous faut reconnaître enfin que j’avais raison.

— Il se peut, Madame, répondit le prince assez déconcerté… Mais je vous jure ma foi que si c’est une femme elle sera mienne ou nulle autre ne le sera.

— Tout beau, mon fils, vous allez vite en besogne. Savez-vous seulement si cette… amazone n’est pas quelqu’habile intrigante qui, se voyant devinée, s’est empressée de disparaître ?

— Vous avez raison, ma mère, il importe avant tout de retrouver celui ou celle que j’ai appelé mon ami et de savoir quel est son nom. Avec votre permission c’est un soin que je prendrai moi-même.

Sur ces mots, le prince prit congé de sa mère. Quelques instants après il partait à cheval suivi d’un seul écuyer et s’élançait sur les traces du fugitif.

Il s’était imaginé le rejoindre facilement ; mais il s’aperçut bientôt que la tâche n’était point aisée. Les passants, auxquels il s’adressait, souvent n’avaient rien vu ou rien remarqué, et leurs renseignements étaient si vagues que le prince s’égarait en d’inutiles poursuites. Il commençait à désespérer quand un hasard le mit enfin sur la bonne voie. Il interrogea un vieux paysan qui travaillait au bord du chemin.

— J’ai bien vu passer deux cavaliers, répondit le bonhomme, il y en avait un blond tout jeune, et qui chantait en passant le pont.

— Quelle chanson, demanda le prince ?

— Ma foi, une drôle de chanson… Il disait comme ça :

« Pont, pont, joli pont,
« Tu m’as passée pucelle,
« Tu me repasses encore pucelle. »

Le prince en savait assez. Il récompensa royalement le paysan ébahi et poursuivit rapidement sa route.

Cependant la Reine n’avait pas vu le départ de son fils sans un peu d’inquiétude. Elle redoutait un coup de tête et s’empressa de faire part au Roi de tous ces événements. Celui-ci l’engagea à se rendre en personne chez le marquis de Chapolorys où se trouvait sans nul doute le mot de l’énigme.

Elle partit donc en toute diligence et pressa si bien les postillons qu’elle arriva au but de son voyage plusieurs heures avant son fils.

Isabelle racontait pour la dixième fois ses aventures à son père, quand le vieux Bertrand, tout effaré, vint annoncer l’arrivée de la reine. Le marquis se précipita à sa rencontre. Elle l’accueillit en le félicitant d’avoir regagné la faveur du Roi et, sans révéler le motif de son voyage, lui exprima le désir de connaître sa famille.

Arthémise et Oriane aussitôt appelées se présentèrent avec empressement. La Reine leur dit quelques mots de bienvenue, puis se tournant vers son hôte : — Veuillez faire venir aussi votre fils Robert, il est parti sans prendre congé de nous et se prétendant rappelé par un père mourant ; or je vois avec plaisir qu’un tel malheur n’est pas à craindre, et je veux l’explication de cet étrange procédé.

Le pauvre marquis, tremblant pour sa fille chérie, cherchait en vain quelqu’excuse ; mais tout-à-coup la porte s’ouvrit et on vit entrer Isabelle qui avait repris ses vêtements ordinaires.

Elle se jeta aux pieds de la Reine qui la regardait sévèrement sans mot dire, et lui conta simplement les motifs de sa conduite. Comment les regrets de son père de n’avoir pas un fils pour le défendre lui avaient donné l’idée de ce déguisement, et comment le hasard lui avait permis de sortir victorieuse de toutes les épreuves.

— Maintenant, ajouta-t-elle, le chevalier Robert n’existe plus et Votre Majesté daignera, je l’espère, pardonner à la pauvre Isabelle qui, du fond du couvent où doit s’achever sa vie, ne cessera de la bénir.

— C’est fort bien, dit la Reine touchée au fond du cœur, mais gardant néanmoins son air sévère ; je vois, mademoiselle, que vous avez songé à tout… sauf à mon fils dont vous n’ignorez pas l’affection pour ce chevalier Robert que vous faites si aisément disparaître.

— Ah ! madame, s’écria naïvement la jeune fille. Dieu m’est témoin pourtant que je donnerais ma vie pour lui épargner une peine.

— Voilà une parole que je vous rappellerai peut-être quelque jour, fit Sa Majesté en souriant, et elle congédia les trois sœurs qui s’éloignèrent ensemble. Arthémise et Oriane ne perdirent pas cette occasion d’accabler Isabelle de compliments ironiques sur ses succès à la cour et sur le lendemain qui leur était réservé.

Pendant ce temps, le fils du Roi arrivait à son tour. Ce fut sa mère qui le reçut et lui dit, en riant de sa surprise :

— Je vais vous apprendre un proverbe nouveau : « rien ne sert de courir, il faut savoir où l’on va ». C’est une précaution que vous avez négligée et cela m’a permis de vous devancer. Puis, reprenant son air sérieux.

— Vous avez fait, mon fils, un voyage inutile. J’ai vu votre ancien ami, le chevalier Robert. Je dis bien votre ancien ami, appuya-t-elle, car vous ne le reverrez plus. Entraîné par une vocation subite autant qu’irrésistible, il a renoncé au monde pour s’enfermer dans un monastère dont le nom m’est inconnu. Vous n’avez donc plus rien à faire ici et il ne vous reste qu’à prendre congé du marquis de Chapolorys et de ses filles que nous reverrons bientôt à la cour.

Le prince attéré ne répondit pas. Il regardait avec une douloureuse surprise le visage impassible de sa mère et cherchait à pénétrer le mystère qu’il pressentait à travers ses paroles. Ses réflexions furent interrompues par l’entrée du marquis et de ses filles que la reine avait fait mander… Et le prince Henry, levant les yeux, aperçut Isabelle rouge, confuse et d’autant plus jolie.

— Ah ! ma mère, s’écria-t-il, en se précipitant au devant de la jeune fllle, vous me disiez que je ne reverrais plus mon ami !

— Je disais vrai, mon fils, le chevalier Robert n’existe plus ; mais en revanche la charmante Isabelle nous accompagnera à la cour où nous lui avons réservé une place. On ne saurait trop honorer une piété filiale comme celle dont elle a donné l’exemple, et j’ai idée que cette mesure de justice sera approuvée de tous ses amis.

La reine n’en dit pas davantage, mais il faut croire que son sourire parlait pour elle, car le prince se jeta à son cou, tout comme s’il n’avait pas été fils de Roi.

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Peu de temps après la cour célébrait les plus belles noces du monde, l’amour étant de la fête. Je veux parler des noces du prince Henry et de la douce Isabelle dont tous, pauvres et riches, vantaient la beauté, la bonté et le charme.

Arthémise et Oriane, fières et humiliées à la fois, portaient la queue du manteau de la nouvelle mariée. Elles avaient un air si hautain et si maussade qu’aucun seigneur n’eut envie de les épouser, et qu’elles durent se résigner à coiffer sainte Catherine.

Le prince Henry et la princesse Isabelle vécurent longtemps pour le bonheur de leurs sujets et, ainsi qu’il était d’usage en ce temps-là, ils furent très heureux et eurent beaucoup d’enfants.

A. D. Roazoun.

(À suivre)