A. DEGORCE-CADOT (p. 89-111).
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CHAPITRE V

DRAMES DES FORÊTS

Dans l’innocente préoccupation de leur amour, les deux fiancés ne s’étaient point aperçus que les heures s’écoulaient rapides et que le soir était venu.

Les premières ombres du crépuscule les ayant avertis de leur mutuelle inadvertance, Dudley partit en grande hâte, après avoir redit à Lucy des futilités affectueuses que tous deux s’étaient répétées cent fois pendant cette bienheureuse journée.

Environ deux heures après son départ, les hôtes de la petite maison solitaire entendirent le pas d’un cheval, et aussitôt Hugh Overton parut sur le seuil de la porte.

— Holà, eh ! cria ce dernier, le vieux bonhomme est-il là ?

— Si par «  vieux bonhomme  » vous prétendez me désigner, je suis là, répondit M. Sedley.

— Je viens vous voir, squire, répliqua Overton avec un gros rire, au sujet de cette pièce de terre que vous voulez nous vendre, sur le bord de la rivière. Vous savez ! nous avions dit que nous en reparlerions.

— Je veux bien ; mais, êtes-vous bien pressé ?

— Assez… pourquoi ?

— C’est que, répartit le vieux gentleman avec un sourire, j’ai en tête une autre affaire importante : et si vous vouliez attendre un jour ou deux cela nie ferait le plus grand plaisir.

— Quelle grande opération entreprenez-vous donc ? peut-on vous le demander sans indiscrétion ?

— Certainement ; je marie ma nièce Lucy, et nous sommes dans tous nos préparatifs.

Le vieillard ne s’aperçut point du nuage qui assombrit les traits d’Overton. Celui-ci, réprimant aussi tôt son émotion, poursuivit :

— Je suppose que c’est le jeune Dudley qui est l’heureux coquin !…

— Ma foi oui ! il est pressé de terminer tout cela, mais pressé ! de telle sorte que vous m’obligeriez en différant l’autre affaire.

— Je serais ravi de vous obliger, squire mais, voyez-vous, je suis chargé par mon frère Ned de conduire un bateau à New-Orléans, et je vais partir ; cela ne me laisse aucun temps.

— Quand partez-vous ?

— Dans six ou huit heures.

— Eh bien, je suis à votre disposition… Caton ! Caton ! appela M. Sedley cherchant autour de lui ; où donc peut être ce moricaud ? il n’est jamais là quand on en a besoin. Caton ! Caton !

Peu à peu, une voix qui paraissait sortir de dessous terre se mit à répondre :

— Il-vient : -il-se-ra-bien-tôt-là, -massa.

— Ce démon noir est une vraie peste pour moi. Ce matin ne s’est-il pas avisé de placer une cible entre les cornes d’un veau et de tirer dessus : il a tué l’animal comme on pouvait s’y attendre.

— Me voilà, massa ! glapit le nègre, débouchant d’un coin du jardin, et accourant à toutes jambes.

— D’où viens-tu comme cela ? Tu sais que l’on a besoin de toi continuellement, et qu’ainsi tu ne dois pas quitter la maison.

— Une affaire importante me retenait, je ne pouvais l’éviter. Bien fâché d’avoir fait attendre massa.

— Pas tant de paroles ! cours à l’écurie aussi vite que tes grosses pattes le pourront, selle le cheval noir et amène le ici.

— Yah ! yah ! c’est bien çà ! mettre la selle ! répéta le nègre en s’éloignant au trot.

— J’espère que nous serons d’accord pour le prix, dit M. Sedley en se retournant vers Hugh Overton qui souriait aux facéties du nègre.

— Évidemment, et sans discussion… pourvu toutefois que vous rabattiez un peu de vos prétentions.

M. Sedley donna une expression rigide à son visage, et répondit gravement :

— J’ai dit mon dernier mot, je vous le certifie.

— Bien, bien ! squire ce n’est pas ça qui empêchera le marché : si la terre me convient, j’en donnerai le prix.

— Si j’ai bonne mémoire, vous m’avez déjà dit que cela faisait votre affaire je regarde donc cette négociation comme accomplie. Vous prenez la conduite du bateau de votre frère, je crois ?

— Oui j’ai si souvent navigué sur l’Ohio et le Mississipi que j’en connais tous les bas-fonds. toutes les chûtes : il en résulte que mon frère n’a confiance qu’en moi.

— Effectivement voue passez pour le meilleur pilote du pays.

— Sans me vanter je pourrais le dire : depuis trente ans que j’y passe mon existence, je dois connaître tout çà.

— Cependant, je parierais qu’il y a encore certaines choses que vous ne connaissez pas parfaitement. — Lesquelles, donc ?

— Les écueils et les roches tranchantes du Mississipi, qui déchirent quelquefois le fonds des bateaux au point de les faire sombrer.

— Pour çà, vous avez raison, squire, aujourd’hui vous avez un bon attérage ; demain vous risquez de scier votre bateau sur ces maudites roches. Plus d’une fois il m’est arrivé des voies d’eau si promptes que j’avais à peine le temps de m’échapper. La roche tranchante est ce qu’il y a de pire, nous appelons ça un «  scieur de long  ».

— Ah ! je ne savais pas.

— Oui, le «  scieur de long  » est ce qu’il y a de pire dans le Mississipi… mais, ne trouvez-vous pas, Squire, que votre nègre met longtemps a seller le cheval.

— J’y pensais, je vais… !

— Que diable signifie ce bruit ? interrompit Overton.

On entendit soudain la voix de Caton montée au diapason le plus aigu :

— Whoa ! ho ! ho ! donc ! qu’est-ce que c’est que çà ? je vais vous corriger, insolent !

— Attrape çà, Noiraud !

Puis les clic-clac d’un fouet résonnèrent.

— C’est à M. Caton que tu as affaire, butor ! poursuivait le nègre ; je te le dis pour ta gouverne : Vlan ! attrappe ! Whoa ! ho ! là ! ho ! là !

— Il se dispute avec votre cheval, dit hugh Overton.

— Mon Dieu oui ! répliqua 8edley avec impatience, je vais voir ce qui en est.

Au même instant le cheval apparut, piaffant, caracolant, avec le nègre sur son dos.

— Qu’est-ce donc que ce bruit ? demanda M. Sedley.

— J’apprends à cette brute comment il faut se conduire avec un supérieur.

— Bon ! encore une sottise !

— Mais il m’a pris non chapeau ! je n’en retrouverai pas le pareil ! répondit Caton lamentablement.

Le vieillard et Overton ne purent s’empêcher de rire.

— Enfin ! comment çà s’est-il passé ? demanda Hugh.

— Je circulais autour de lui, lorsque ennuyé sans doute de me voir si près, il a mordu mon chapeau et l’a enlevé avec deux ou trois chevaux.

— Il fallait le lui ôter.

— Il fallait pouvoir ! j’ai bien essayé, mais il a failli me prendre la main.

— A-t-il donc avalé son chapeau ? demanda Sedley.

— C’est mon opinion. Mais la maudite bête n’y reviendra pas, je ne l’approcherai plus. Yah ! yah ! yah ! Il se passera du temps avant que je harhedoo’.

— Partons ! partons vite dit M. Sedley en se mettant en selle avec l’agilité d’un jeune homme. Caton, souviens-toi de bien garder la maison jusqu’à mon retour. Je reviendrai bientôt.

Comme les deux cavaliers partaient, Lucy apparut sur le seuil de la porte et demanda :

— Quand vous reverrai-je, mon oncle ?

— Dans une heure ou deux, au plus tard.

— Revenez le plus tût possible.

— Pourquoi, mon enfant, as-tu peur de demeurer ici seule ?

— Je voudrais être plus courageuse, répondu la jeune fille d’un air préoccupé.

— Si tu es inquiète, je renverrai cette affaire jusqu’au retour de M. Overton.

— Ah! mais non s’écria ce dernier avec vivacité, si nous ne faisons pas marché aujourd’hui, il n’y faut plus penser. D’ailleurs, quelle crainte peut avoir cette jeune fille…? Caton ne lui tiendra-t-il pas compagnie jusqu’à votre retour?

Lucy feignit de prendre son parti et répliqua d’un air calme :

— Que je ne vous retienne pas. Caton restera fidèlement avec moi, j’en suis sûre.

— Yah! yah ) yah! certainement dit le nègre avec un geste superbe.

Décidé enfin, M. Sedley partit avec Overton, mais sans être complètement rassuré; plusieurs fois il fut sur le point de rétrograder.

Néanmoins, la jeune fille resta seule, et pour chasser une indéfinissable inquiétude, elle chercha à se distraire par toutes aortes d’occupations.

Mais elle eut beau faire, son esprit assiégé de sombres pensées se débattait sous d’étranges pressentiments. Peu à peu elle tomba dans une rêverie profonde au travers de laquelle flottaient mille appréhensions vagues. Ce mariage, qui jusque la avait été le bonheur pour elle, lui apparut comme une loterie fantastique où le gain était chose incertaine. Elle se demanda si Dudley serait toujours tendre, bon, affectueux ; s’il ne se lasserait pas un jour de cette vie rustique et simple. Un découragement profond enveloppa la pauvre enfant comme une ombre funèbre ; peu à peu ses yeux appesantis se fermèrent, un sommeil pénible s’empara d’elle.

…Les heures s’écoulèrent… l’ombre du crépuscule s’étendit sur les bois…

Tout à coup Lucy s’éveilla en sursaut avec d’affreux battements de cœur. En même temps elle entendit un bruit de pu dans les broussailles, et Edouard Overton, le redoutable chasseur, apparut à l’entrée du jardin.

Sous la double impression de ses tristes rêveries et de l’horreur que lui inspirait cet homme, Lucy se leva précipitamment et voulut regagner la maison.

D’un bond, le Kentuckien se plaça sur son chemin, et posa lourdement la main sur son épaule.

— Non, non miss, vous ne m’esquiverez pas ainsi aujourd’hui ; lui dit-il brusquement.

— Que voulez vous, M. Overton ? retirez donc votre main !… lâchez-moi !… il faut que j’aille… mon père ! mon père ! s’écria la jeune fille.

— Votre père ah ! ah ! il pense à autre chose Hugh prend soin de lui.

— Mon Dieu ! je suis perdue, vous aviez tout préparé pour l’accomplissement de quelque projet affreux !

— Pas tant de paroles ma belle ; il faut me suivre, voilà tout. Eh ! il pourra vous arriver pire que d’être ma femme, — la femme d’un hardi Kentuckien ! — Est-ce qu’un gibier comme vous doit-être le butin d’un de ces damnés Yankees ?

— Laissez-moi ! Edouard Overton ! laissez-moi ! criait la malheureuse enfant en se débattant ; vous serez puni de votre méchanceté oui j’aurai des vengeurs ! laissez-moi !

Le bandit la saisit dans ses bras, comme il eût fait d’un enfant, appuya sa large main sur sa bouche pour étouffer ses cris, et l’emporta dans le bois malgré sa résistance désespérée. Arrivé près de son cheval, il s’élança en selle, plaça Lucy en travers devant lui, et s’enfonça au grand galop dans les profondeurs de la forêt.

Le vieux Sedley se hâta de revenir à son cottage, dès que le complice d’Edouard, Hugh Overton, l’eut rendu libre en terminant les négociations de leur prétendue vente.

La distance à franchir était assez longue pour l’obliger à ralentir un peu l’allure de son cheval fatigué. Il marchait donc au pas, en gravissant la dernière côte qui le séparait de la rivière, lorsqu’un piéton passa près de lui, suivant une direction oblique.

— C’est vous Sawger ? lui cria le vieux gentleman en le reconnaissant comment se fait-il qu’Overton m’ait dit que vous partiez avec lui comme pilote, pour New-Orléans ?

— Eh bien ! c’est vrai répondit l’homme, d’une voix rauque et avinée.

— Mais, il était si pressé à cause de l’abaisse ment des hautes eaux !

— Je ne dis pas non.

— Vous ne partez donc pas avec lui ?

— Pourquoi pas ?

— En ce cas, ai vous voulez atteindre le bateau, il vous faut marcher plus vite.

— Laissez moi donc tranquille je sais ce que je sais. Le sentier qui mène au Grand-Banc est droit comme la jambe d’un héron. J’y serai toujours assez tôt. Car, voyez-vous, ajouta l’ivrogne d’un ton confidentiel, je vais vous dire un grand secret ! ce polisson de Ned doit nous y rejoindre… et il nous fait assez attendre, Dieu merci !

— Edouard Overton, dites-vous ? s’écria Sedley ; vous l’attendez… ?

— C’est sûr : qui, diable voulez-vous que j’attende ?

— Mais vous vous trompez : c’est Hugh seul qui part avec le bateau son frère est parti pour le Canada.

— Ah ! satané farceur de Canada ! s’écria l’ivrogne ; je vous le dis, tout ça c’est de la frime ! Il vient à Orléans avec nous. La seule chose qui me tracasse, c’est qu’il rôde dans les environs comme un chat au mois de mars, au lieu de venir nous rejoindre : pourtant le bateau est chargé, la rivière baisse ; tout ça finira mal.

Sedley ne fit aucune autre question : un soupçon affreux venait de germer dans son âme. Il enfonça les éperons dans le flanc de son cheval, et arriva chez lui, bride abattue.

Le premier objet qui frappa ses regards fut le bonnet blanc de Lucy, qui était tombé sur le gazon pendant la lutte ; quelques pas plus loin, vers la lisière du bois, il aperçut son fichu de mousseline.

Aussitôt, le vieillard, saisi par la certitude cruelle d’une catastrophe, promena autour de lui ses yeux inquiets, et recueillit à la hâte divers indices insaisissables pour tout autre qu’un chasseur Indien.

Sur le sol, des feuilles étaient tombées en quantité plus grande que d’habitude des branches étaient froissées à hauteur d’homme ; quelques unes, même, arrachées, gisaient sur le sentier de la forêt ; évidemment, ces désordres avaient été produits par une lutte ; ces débris avaient été arrachés par une main cherchant à se cramponner à tout ce qui l’entourait.

Sedley se précipita vers la maison, fit le tour des chambres vides et solitaires, en appelant la jeune fille. Le bruit de ses pas, le son de sa voix tremblante troublèrent seuls le silence glacial qui régnait autour de lui.

Il ne pût douter de la poignante réalité ; alors s’opéra dans cette organisation chancelante, mais finement trempée, une métamorphose incroyable. Avec la vigueur et l’agilité d’un jeune homme, il sauta à cheval et enlevant sa monture à la pointe de ses éperons, il partit comme la foudre dans la direction du Grand-Banc, lieu où le bateau des frères Overton était à l’ancre.

Un instinct, clairvoyant comme la seconde vue venait d’illuminer devant lui le sentier sombre du crime ; le vieillard vengeur courait sus à Overton que lui désignaient ses pressentiments.

Pendant qu’il dévorait l’espace, son esprit reconstituait avec une lucidité merveilleuse tout le réseau d’embûches que les deux complices avaient tendu autour de lui. Il voyait le «  Mangeur de Poudre  » arrivant comme un loup affamé, bondissant au milieu de la maison paisible et désarmée, enlevant Lucy malgré ses pleurs et sa faible résistance : et en suite… ensuite, un voile de sang lui dérobait l’issue de ce mystère fatal ! À ces pensées, son poing se crispait sur son long couteau, ses éperons ensanglantaient le cheval furieux qui volait au travers du bois.

Sur sa route, il lui sembla voir un chariot traîné par une haridelle trottinante ; la voix de Nathan Dodge le héla gaillardement : mais Sedley n’y prit pas garde ; qu’avait-il besoin de causer en route ? Qu’avait-il besoin de demander des renseignements ? à travers l’ombre et l’espace il voyait Overton rayonnant dans l’auréole du crime.

Ce dernier, avait cherché vainement à fuir avec toute la célérité possible : son cheval, irrité du double fardeau qu’il avait à porter, enrayé parles cris de Lucy, se cabrait, piétinait avec fureur sans avancer. Le passage du chariot conduit par le colporteur augmenta l’espèce de vertige qui s’était emparé de l’animal ombrageux et rétif.

Plusieurs fois, Overton faillit être désarçonné. Cependant il sentait avec rage qu’il perdait l’avance ; et, à diverses reprises, il put distinguer le bruit croissant de la course impétueuse qui rapprochait Sedley à chaque seconde.

Certain d’être poursuivi, encore plus certain d’être atteint dans sa fuite si elle n’était pas plus rapide, Overton piqua droit vers la rivière pour la traversera la nage. Mais son cheval résista furieusement ; au point que, désespérant d’en venir à bout, Overton mit pied à terre, saisit Lucy dans ses bras, l’emporta au bord de l’eau, jusque dans un énorme tronc d’arbre creux où il la garrotta étroitement et, après avoir amoncelé devant elle une barricade de broussailles entrelacées, il remonta à cheval, puis il continua sa route dans la direction du Grand-Banc.

Presque au même instant, Sedley arrivait sur lui, au triple galop, dépassant, sans s’en douter, le lieu où était Lucy. Overton n’en demandait pas davantage, espérant dérouter le vieillard par l’audace et le mensonge.

— Où est mon enfant ? ma Lucy ? Gredin ! rends-moi ma fille ! s’écria Sedley en lui sautant à la gorge.

— Est-ce que je m’occupe de votre enfant ? répliqua le chasseur en cherchant à lui faire lâcher prise, je suis peut-être chargé d’elle ? Allez donc voir du côté de son bel Yankee ; elle est partie avec lui sans doute !

— Monstre ! impudent menteur C’est toi qui l’as enlevée : tu voulais l’emmener à Orléans pour lui faire subir tes infâmes volontés. Tu l’as cachée dans les bois !… Oh ! rends la moi ! par pitié rends la moi !

— Lâchez-moi, Enoch Sedley ; je n’ai rien de commun avec votre nièce. Allez, comme je vous l’ai dit, la demander au Yankee je parierais bien qu’il sait où elle est.

— Ah ! c’est comme ça ! rugit le vieillard enflammé de colère. Eh ! bien ! je vais commencer par la venger.

À ces mots il se rua sur le chasseur, si violemment que ce dernier fût renversé de cheval. Dans sa chute il avait saisi Sedley qui fut entraîné avec lui tous deux, entrelacés comme des serpents luttèrent pendant quelques minutes.

Bientôt, la vigueur passagère qui animait le vieillard succomba sous la force herculéenne d’Overton. Celui-ci reprit le dessus, plongea une main dans la longue chevelure blanche de son adversaire, et lui renversant la tête sur le sol, le saisit de l’autre main, à la gorge, pour l’étrangler.

Au même instant, Overton ae redressa convulsivement, poussa un cri rauque et retomba lourdement sur le flanc. Il était mort.

En se débattant, Sedley s’était cramponné au couteau d’Overton, l’avait sorti du fourreau, et instinctivement en avait porté la lame a la poitrine de son adversaire. Le chasseur s’était enferré lui-même, l’acier lui avait traversé un poumon.

Sedley se releva, épouvanté de cette issue inattendue, et jetant loin de lui l’arme fatale, il resta immobile, contemplant avec des yeux égarés, ce cadavre qui ne lui inspirait plus que de la pitié.

Mais, au bout de quelques instants, il fut rappelé à lui-même par l’approche d’un voyageur dans la forêt. Pressé de se dérober aux regards, il enveloppa le corps du chasseur dans les plis de son manteau et le fit rouler sur la pente escarpée que formait en ce lieu la rive de l’Ohio.

Ensuite il remonta à cheval et s’enfonça rapidement dans le fourré.