Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 1/Chap56

Traduction par Ballin, L..
Paris E. Leroux (1p. 368-373).
CHAPITRE LVI


COMBAT À LA MASSUE


Argument : L'arrivée de Balarâma remplit de joie les Pândouides et Douryodhana, qui lui rendent les honneurs qu'ils lui doivent. Discours de Râma. On va à Samantapañcaka. Commencement du combat. Éloge des deux combattants. Douryodhana invite les assistants à s'asseoir pour être témoins du combat.


3077. Vaiçampâyana dit : Ainsi, ô Janamejaya, avait lieu ce combat à la massue, à l'occasion duquel le roi Dhritarâshtra, rempli de chagrin, dit :

3078. Dhritarâshtra dit : « Ô Sañjaya, comment mon fils combattit-il Bhîma, après avoir vu Râma s'approcher (du lieu) où le combat à la massue allait avoir lieu » ?

3079. Sañjaya dit : Ton héroïque fils, Douryodhana aux grands bras, désireux de combattre, fut joyeux de la présence de Râma (en qualité de témoin),

3080. Et en voyant le Lângoulin, le roi (Youdhishthira), rempli d'une extrême satisfaction, ô Bharatide, se leva et le salua selon les règles.

3081. Il lui offrit un siège et s'enquit (de l'état) de sa santé. Alors Râma adressa à Youdhishthira, ces paroles,

3082. Douces, conformes au devoir, convenables pour un héros : « Ô le plus grand des rois, j'ai entendu raconter par des rishis,

3083. Que le Kouroukshetra est (le lieu) salutaire, entre tous, qu'il purifie, et favorise l'entrée dans le Svarga, Qu'il est aimé des dieux, des rishis et des brahmanes magnanimes.

3084. Les hommes qui, perdent la vie en combattant, ont, ô vénérable, leur demeure assurée dans le Svarga, avec Çakra.

3085. C'est pourquoi je cours d'ici à Samantapañcaka. Dans le monde des dieux, cette (place) est réputée l'autel septentrional de Prajâpati.

3086. Assurément le Svarga sera (le lot) de celui qui aura reçu la mort en combattant, dans ce (lieu) éternellement grand et très salutaire pour les trois mondes. »

3087. Et, ayant dit : « Qu'il en soit ainsi », le roi Youdhishthîra, le héros fils de Kountî, ô grand roi, se dirigea vers Samantapañcaka.

3088. Alors le roi Douryodhana, étincelant de colère, ayant saisi sa grande massue, accompagna à pied les fils de Pândou.

3089. Pendant qu'il s'avançait, la massue à la main, et armé de son bouclier, les dieux qui parcouraient l'atmosphère, l'applaudirent en disant : « Bien ! Bien ! »

3090. Les Gâranas (chantres célestes) aériens, furent joyeux. Le roi de Kourou, ton fils, entouré par les fils de Pândou,

3091, 3092. S'avançait à la manière d'un éléphant en rut. Alors, toutes les directions de Pespace furent remplies(de bruit), par le son des conques, le retentissement des timballes et le rugissement des héros. Ces (guerriers). les plus grands parmi les meilleurs des hommes, ayant atteint le Kouroukshetra,

3093, 3094. S’étant rendus à un endroit tourné à l'Occident, selon l’indication de ton fils, (qui était) entouré de toutes parts et dans toutes les directions, (ayant atteint) un tîrtha excellent, à l’ouest, sur la rive droite de la Sarasvatî, ces (héros) décidèrent que le combat (aurait lieu) en cet endroit30.

3095. Revêtu de sa cuirasse et ayant saisi sa massue garnie de grandes pointes, Bhîma avait, ô grand roi, l’aspect semblable à (celui de) Garouda (le roi des oiseaux).

3096. Ton fils, ô roi, porteur d’une cuirasse d’or, ayant assujetti son casque, brilla, ô prince, comme le roi doré des montagnes.

3097. Les deux héros Bhîma et Douryodhana, tous les deux couverts de leurs armures, étaient, dans le combat, comme deux éléphants irrités.

3098. Ces deux frères, les plus excellents des hommes, tout aux circonvolutions (qu'ils décrivaient) en combattant, brillaient comme le soleil et la lune (quand ces astres sont) levés.

3099. Ils se regardaient l’un l’autre, les yeux brûlants (de courroux), semblables à deux éléphants furieux, ô roi, désirant se tuer réciproquement.

3100, 3101. Ô roi, le Kourouide, l’héroïque Douryodhana, le cœur joyeux, léchant les coins de sa bouche, l'œil rouge de colère, haletant, regarda Bhîmasena en le provoquant, comme un éléphant (défie du regard) un autre éléphant.

3102. De même, l’héroïque Bhîma, ayant pris (son arme) de fer, Ô maitre des hommes, provoqua (ton fils) comme, dans la forêt, un lion (provoque un autre) lion.

3103. Douryodhana et Vrikodara, ayant à la main leurs massues levées, ressemblent à deux montagnes surmontées de leurs sommets.

3104. Ces deux (guerriers) ont une force terrible et étaient excessivement irrités. Tous les deux sont les disciples du sage fils de Rohinî, dans le combat à la massue.

3105. Tous les deux ont accompli des œuvres semblables (à celles) de Yama et de Vâsava. Tous les deux ont accompli des exploits pareils à ceux de Varouna,

3106. Du Vasoudevide, de Rama et du fils de Viçravana; ils sont, dans les combats, (aussi terribles) que Madhou et Kaitabha.

3107. Leurs prouesses sont semblables (à celles) des deux frères daityas), Sounda et Oupasounda, de Râma, de Râvana, de Bali et de Sougrîva.

3108. Ces deux tourmenteurs des ennemis (sont) redoutables à l’égal de la mort et du destin. Ils courent l’un contre l’autre comme deux éléphants affolés.

3109. Les deux excellents Bharatides, arrogants, ressemblent à deux (éléphants) en rut, jaloux d’assouvir leur passion amoureuse, dans la société de leurs femelles.

3110. Ces deux dompteurs des ennemis, vomissent le poison brûlant de leur colère, comme deux serpents furieux se regardent l’un l’autre .

3111. (Ce sont) les deux tigres (de la race) de Bharata. Habiles au combat à la massue, ce sont comme deux lions difficiles à affronter.

3112. Les deux héros, (à qui il est) difficile de résister, pareils à deux tigres armés de leurs dents et de leurs griffes, sont semblables à deux océans, (dont les eaux sont) agitées pour détruire les créatures,

3113. À deux grands guerriers irrités, les membres rouges (de sang), à deux nuages (orageux) allant à la rencontre l’un de l’autre, poussés parle vent,

3114. Lançant la foudre, traversant rapidement un défilé dans la saison des pluies. Ces deux magnanimes, très forts et très éclatante (héros),

3115. Les meilleurs des descendants de Kourou, parurent semblables à deux soleils élevés (dans le ciel) à la fin du monde, a deux tigres furieux, à deux nuages portant le tonnerre.

3116. Les deux guerriers aux grands bras se hérissèrent, comme deux lions (hérissent) leurs crinières, semblables à deux éléphants très irrités, à deux flammes de feu.

3117. Les lèvres tremblantes de colère, se regardant fixement l’un l’autre, les deux magnanimes étaient semblables à deux montagnes avec leurs crêtes.

3118. Ces deux magnanimes, les plus grands des hommes, tous les deux très joyeux (de cette lutte) et excessivement résolus (à se combattre), se rencontrèrent la massue à la main.

3119. Pareils à deux excellents coursiers hennissant, à deux éléphants barrissant, à deux taureaux mugissant, Douryodhana et Vrikodara,

3120-3123. Ces deux hommes, les plus grands (du monde), brillèrent comme deux daityas orgueilleux de leur force. Alors, ô roi. Douryodhana adressa ces paroles, qui indiquaient (le cas qu’il faisait de) sa valeur à Youdhishthira que (la présence) de Kekayas, des Sriñjayas et des magnanimes Pâñcâlas, (rendait) arrogant et qui était accompagné de ses frères, du magnanime Krishna et de Râma à l'héroïsme démesuré : « Assieds-toi près d'ici, avec ces grands rois qui (se sont) réunis (à toi), et contemplez ce combat, que Bhîmasena et moi nous avons entrepris. » Après avoir entendu cette parole de Douryodhana, ils firent ce qu'il leur avait dit.

3124. Alors on vit, brillant comme le disque du soleil dans le ciel, ce grand cercle de rois assis.

3125. Siégeant au milieu d'eux, honoré de toutes parts (se tenait) le glorieux guerrier aux grands bras, frère aîné de Keçava, ô grand roi.

3126. Le blanc (Râma), vêtu de bleu, brillait au milieu des rois, comme la pleine lune, entourée des maisons lunaires (brille) dans le ciel.

3127, 3128. Les deux très grands Kourouides, (dont la valeur était) très difficile à soutenir, ô grand roi, se tenant fermes, la massue à la main, s'offensant réciproquement par des paroles cruelles, après s'être dit l'un à l'autre des choses désagréables, se défiant du regard, se placèrent là, (en face l'un de l'autre), comme Vritra et Çakra dans (leur) combat.