Le Livre des sonnets/Quand la fleur du soleil, la rose de Lahor
Le Parfum impériſſable
Quand la fleur du ſoleil, la roſe de Lahor,
De ſon âme odorante a rempli goutte à goutte
La fiole d’argile ou de criſlal ou d’or.
Sur le ſable qui brûle on peut l’épandre toute.
Les fleuves & la mer inonderaient en vain
Ce ſanctuaire étroit qui la tint enfermée :
Il garde en ſe brifant ſon arôme divin,
Et ſa pouſſiere heureuſe en reſte parfumée.
Puiſque par la bleffure ouverte de mon cœur
Tu t’écoules de même, ô céleſte liqueur,
Inexprimable amour, qui m’enflammais pour elle !
Qu’il lui ſoit pardonné, que mon mal ſoit béni !
Par delà l’heure humaine & le temps infini
Mon cœur eſt embaumé d’une odeur immortelle.
Leconte de Liſle.