Le Livre des ballades/Qu’il n’est rien tel que d’enlever


Ballade d’enlever en amour
sur l’enlevement de Mademoiselle de Bouteville
par Monsieur de Coligny

Certes ce gentil jeu d’amours,
Chacun le pratique à ſa guiſe,
Qui par Rondeaux & beaux diſcours,
Chapeau de fleurs, gente cointiſe,
Tournoy, bal, feſtin, ou deuiſe,
Penſe les belles captiuer ;
Mais ie penſe, quoi qu’on en diſe,
Qu’il n’eft rien tel que d’enleuer.

C’eſt bien des plus merueilleux tours
La paſſeroute & la maiſtriſe :
Au mal d’aimer, c’eſt bien touſiours
Vne prompte & ſouëſue criſe,

C’eſt au gaſteau de friandiſe
De Venus la fèue trouuer.
L’Amant eſt fol qui ne s’auiſe
Qu’il n’eſt rien tel que d’enleuer.

Ie ſay bien que les premiers jours
Que Becaſſe eſt bridée & priſe,
Elle invoque Dieu au ſecours
Et ſes parens à barbe griſe :
Mais ſi l’amant qui l’a conquiſe
Sait bien la Roſe cultiuer,
Elle chante en face d’Egliſe
Qu’il n’eſt rien tel que d’enleuer.


ENVOY.


Prince vſe touſiours de main miſe,
Et te ſouviens pouuant trouver
Quelque jeune fille en chemiſe,
Qu’il n’eſt rien tel que d’enleuer.


Sarrasin.