Le Livre des ballades/C’est le verger du roi Louis


Ballade des Pendus

Sur ſes larges bras étendus,
La forêt où s’éveille Flore,
A des chapelets de pendus
Que le matin careſſe & dore.
Ce bois ſombre, où le chêne arbore
Des grappes de fruits inouïs
Même chez le Turc & le More
C’eſt le verger du roi Louis.

Tous ces pauvres gens morfondus,
Roulant des penſers qu’on ignore,
Dans les tourbillons éperdus
Voltigent, palpitants encore.
Le ſoleil levant les dévore.
Regardez-les, cieux éblouis,
Danſer dans les feux de l’aurore.
C’eſt le verger du roi Louis.

Ces pendus, du diable entendus,
Appellent des pendus encore.
Tandis qu’aux cieux, d’azur tendus,
Où ſemble luire un météore,
La roſée en l’air s’évapore.
Un eſſaim d’oiſeaux réjouis
Par deſſus leur tête picore.
C’eſt le verger du roi Louis.


ENVOI.


Prince, il eſt un bois que décore
Un tas de pendus enfouis
Dans le doux feuillage ſonore,
C’eſt le verger du roi Louis.


Théodore de Banville.