Le Livre de volupté/Texte entier

Traduction par Abdul-Haqq Effendi.
Qizmich-Aga (Gay et Doucé) (p. Fig-1.-123).

PLANCHES ÉROTIQUES
(hors texte[1])


Illustration pour le Livre de volupté
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Illustration pour le Livre de volupté
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Illustration pour le Livre de volupté
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Illustration pour le Livre de volupté
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Illustration pour le Livre de volupté
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Illustration pour le Livre de volupté
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Avertissement de l’Éditeur.



Des éditeurs connus de Bruxelles viennent de publier « Le Sottisier de Nasr-Eddin-Hodjà », présentant ce livre comme le plus remarquable de notre littérature turque.

Jaloux de montrer aux yeux étonnés des nations occidentales que nous autres, Musulmans orthodoxes, nous savons savourer, tout comme eux, les délices de l’amour et en décrire les jouissances dans nos livres, nous éditons un ouvrage, modèle du genre, bien digne de figurer côte à côte avec leur « Thérèse philosophe, » leur « Diable au corps, » leur « Confession galante d’une femme » et autres ouvrages analogues.

Nous espérons que les Chrétiens des pays situés au soleil couchant, après la lecture de notre livre, sauront enfin juger honnêtement du caractère de l’esprit des vrais Croyants de l’Orient.




PRÉFACE DU TRADUCTEUR.



Le Livre sacré, a dit (Sourate II verset 23) : Les femmes sont votre champ, allez à votre champ comme vous voudrez. Et le commentaire sacré ajoute : Allez à votre champ comme vous voudrez, c’est-à-dire usez de vos femmes debout, assises, couchées sur le dos ou sur le ventre.

L’ouvrage qui suit n’est que l’amplification de cet enseignement infaillible.

Rien ne plaît davantage au Seigneur que de voir l’homme apprécier ses dons. Les détailler sous toutes leurs formes et chercher à tirer, de chacun, la plus grande somme de satisfaction et de jouissance : c’est là une manière de lui rendre hommage, c’est une prière où l’action remplace la parole.

Puisse donc l’œuvre suivante porter le lecteur à glorifier Dieu, en goûtant, dans un esprit de reconnaissance, toutes les voluptés dont il lui a plu de placer la source chez la femme ! Puisse une partie des mérites ainsi acquis par leur incitation, rejaillir sur l’auteur et sur l’humble traducteur de ce livre ! Puisse enfin chacun de nous savourer, par surcroît et comme récompense, les délices que les houris célestes réservent aux fidèles qui marchent dans la voie droite, dans la voie du salut.


Bandeau pour le Livre de volupté
Bandeau pour le Livre de volupté


LE

LIVRE DE VOLUPTÉ



PREMIÈRE PARTIE.


LES POSITIONS.


Omar-ibn-Hafiz rapporte qu’il y avait autrefois dans l’Inde une femme alors bien connue, une étoile dans le monde de la galanterie, capable de satisfaire mille hommes par autant de différentes voluptés. On la nommait Elfiyé-Hanum. Elle était, en ce qui concerne les diverses façons de faire l’amour, d’une habileté hors ligne. Les amateurs de femmes ne parlaient d’elle qu’avec le plus profond respect, car nul ne s’éloignait d’elle encore agité de passion ou désireux de plaisir. Aussi combien de jeunes beautés, décidées à s’adonner au métier, ont-elles pris de ses leçons !

Un jour, par aventure, nombre de femmes galantes se trouvèrent ainsi assemblées autour d’elle ; il n’y avait là que des amies éprouvées, car on avait eu soin d’éloigner ces femmes qui viennent uniquement pour observer ce qui se passe d’extraordinaire et le répéter ; aussi la conversation était-elle générale.

— Ma chère Elfiyé-Cadine, dit l’une, il est une chose de première importance pour nous toutes qui sommes ici réunies ; nous voudrions avoir de vous quelques détails sur la manière de faire goûter à l’homme la plus grande somme de jouissances pendant la copulation et de nous l’attacher. Dites-nous aussi ce qu’il faut que nous évitions pour ne pas lui déplaire ; expliquez-nous, en un mot, comment nous pouvons lui inspirer amour et affection.

Elfiyé prend alors la parole pour répondre : — Mes chères filles, dit-elle, je vous conseille premièrement de vous montrer couvertes de vêtements parfaitement propres aux hommes qui s’approchent de vous : les sourcils noircis, les yeux animés par le sombre antimoine, les doigts soigneusement teints du rouge henné, toutes parfumées d’une agréable et suave odeur ; peignez-vous artistement, faites faire à vos cheveux plusieurs tours gracieux et arrangez-vous de façon à paraître en posséder plusieurs livres. Avec de l’assiduité vous arriverez graduellement à porter au dernier degré de perfection votre toilette ; alors l’homme sera de plus en plus porté vers vous. Prenez diverses couleurs, étendez-les sur votre visage et, par leur secours, relevez avec art votre teint. Ainsi vous satisferez à des goûts divers et vous exciterez la passion et le désir, car tout cela est fait en vue de faire naître un penchant pour vous.

— Mais comment, interrompt une des assistantes, la femme doit-elle s’y prendre pour donner du plaisir à l’homme, après avoir fait naître chez lui le désir ?

— Pour cela, dit-elle, il faut d’abord mettre en œuvre toutes les ressources de la coquetterie, dès qu’il s’approche et avant même qu’il soit question de faire l’amour. Faites-lui le plus affectueux accueil, employez envers lui la gracieuse minauderie, entourez sa taille d’un voluptueux embrassement, posez sur sa lèvre un brûlant baiser, pressez-vous amoureusement contre lui, c’est là le moyen d’exciter chez lui les idées sensuelles. Déliez alors la coulisse du chalwar (large pantalon à la turque) passez une main furtive entre ses cuisses, saisissez fortement la verge et frottez-la une fois ou deux. Ensuite introduisez-la, mais ayez soin que ce soit avec une facilité qui évite l’éjaculation. Une fois qu’ils ne font plus qu’un, la femme doit témoigner du plus vif plaisir ; qu’elle évite de se placer sur lui. Lorsqu’il jouit, elle ne doit pas se laisser tomber sur le dos et s’étendre ; tout chez elle doit alors témoigner qu’elle subit également l’étreinte du plaisir et qu’elle est en proie aux plus voluptueuses délices. Chacun de ses mouvements doit tendre à s’attacher les cœurs. Si elles en usent ainsi, elles inspireront aux hommes le plus vif amour et la plus tendre affection.

— Ma chère dame, dit une autre, puisque vous avez eu mille amants et avez traité chacun d’une façon différente, faites-nous donc le détail de vos divers procédés, pour que, nous aussi, en usions avec nos cavaliers et les traitions comme il faut entre nos genoux.

— Mes chères filles, reprend la vénérable matrone, je ne laisserai, tant que je le pourrai, aucun de vos souhaits sans être accompli. Ce dont vous parlez là est, du reste, de première importance. Je vais donc vous détailler les diverses manières de faire l’amour, et leurs noms, et leurs particularités. Ainsi vous pourrez les employer successivement envers chacun de ceux auxquels vous aurez affaire, et, de cette façon, vous n’aurez laissé dans l’ombre aucun procédé, aucun plaisir, aucune jouissance. Ainsi vous satisferez tous les désirs des hommes et leur affection, leur amitié, leur amour pour vous s’en trouvera notablement accru. Rien dans leur mémoire n’est jamais aussi présent que les heures de plaisir et d’amusement, de jouissance et de volupté. Je vais tout d’abord diviser en six parties les divers procédés, façons et manières de faire l’amour, savoir : sur le dos, assis, sur le côté, sur la figure, en se baissant et tête haute.




I

Sur le dos.


La belle se couche sur le dos pour faire l’amour (c’est ainsi, en effet, que la tradition indique de nommer l’action du coït et que, le plus souvent, le peuple en exprime l’idée ; il ne comprend même pas quand on parle autrement). Il y a dix sortes de façons de s’en acquitter dans cette posture.

Première. — La femme se couche sur le dos, sur le bord du lit, les jambes levées à la hauteur de sa poitrine. L’homme, qui se place entre elles, reste debout sur ses pieds, et s’appuie sur le ventre de sa belle sans la fatiguer. Son amante l’entoure de ses bras et l’étreint en se montrant pleine de désirs et de bonheur ; elle tire sa langue, presse ses lèvres sur les siennes et fait sortir un souffle haletant de ses lèvres et de sa poitrine. Alors, après en avoir découvert la tête, il introduit sa verge dans son ouverture et s’avance et se recule alternativement pour arriver à jouir. Tout en se remuant, il la tient embrassée. Ce n’est le moment de sortir que quand le désir et la concupiscence sensuels étant à leur comble, l’éjaculation s’est produite. Beaucoup de gens ont coutume de faire l’amour de cette façon, aussi la nomme-t-on l’Habituelle.

Deuxième. — Là encore, l’amante se couche sur le dos et met ses jambes comme tout à l’heure, mais sur le lit. L’homme s’étend sur elle, la verge dans son devant ou ailleurs, car dans l’Inde on a soif de l’un et l’autre plaisir. Si le membre viril est en érection, qu’il en profite aussitôt, fasse preuve de vigueur et de force, et en tire le fruit désiré. Quant à la pauvre femme, il ne lui faut pas supporter ce violent assaut avec indifférence ; bien que navrée de douleur, elle doit feindre l’amour et se comporter comme si le feu d’une brûlante passion la dévorait. Elle s’agite et pousse des soupirs, comme transportée par la fureur du plaisir ; telles doivent être sa docilité et sa conduite en cette occurrence. La jouissance est proche, bientôt elle se produit chez tous deux à la fois ; il ne faut pas, en effet, qu’il semble avoir joui seul de la suprême volupté. Cette façon de faire l’amour est appelée la Résurrectrice, comme si l’on eût voulu désigner la meilleure de toutes.

Troisième. — De nouveau la femme se couche sur le dos ; elle place ses deux mains sous sa tête, replie ses jambes sur sa poitrine et reste dans cette posture. Alors l’homme la saisit dans ses bras ; ils se trouvent poitrine contre poitrine et le poignard en face de la gaîne. Tout doucement il pénètre, puis la femme soulève ses hanches pendant que son amant l’attire vers lui ; ainsi, la verge s’introduit jusqu’au fond. Puis, tous deux se meuvent d’un lent va-et-vient jusqu’au moment où ils goûtent d’un mutuel plaisir. On appelle cette manière la Suceuse pliée.

Quatrième. — Elle se couche encore sur le dos, mais elle s’appuie sur une de ses jambes en prenant une gracieuse pose ; l’homme alors prend place entre ses cuisses, puis, quand l’idée du plaisir l’excite, il introduit, dans la fente, la tête de sa verge. Après un instant passé ainsi et quand s’approche le moment de la plus douce jouissance, la belle tourne vers lui des yeux pleins d’une aimable langueur ; un tremblement saccadé l’agite tout entière. — Pas si vite, dit-elle, je ne me sens plus, fais-moi jouir ; doucement, doucement, répète-t-elle jusqu’à ce que tout soit fini. Il ne faut pas que la pauvre le traite en rien comme un étranger, mais qu’elle l’embrasse et introduise le poignard. Enfin, ils jouissent tous deux ; cette manière s’appelle l’Heureux Contraste.

Cinquième. — La belle se place sur le dos, mais les hanches soutenues dans une position élevée, au moyen de coussins, de façon à ce que sa tête apparaisse entre ses deux jambes. L’homme vient alors se placer dans l’intervalle ; il mouille de salive l’extrémité de sa verge, l’appuie entre les cuisses pendant que, sur ses épaules, sont posées les jambes de sa belle. Il l’attire à lui et parvient enfin à s’introduire où il faut. Dans l’ardeur du plaisir, un souffle haletant s’échappe de ses narines et, sous lui, la femme gémit et se tourmente, — Cruel ! dit-elle par façon de minauder. Elle se plaint tout en se soulevant tant qu’elle peut, car il ne lui faut pas rester inactive. Sur elle s’agitent les hanches de l’homme par un continuel mouvement de va-et-vient. Au moment où il va jouir, il s’éloigne et s’essuie ; mais bientôt il s’introduit de nouveau. Ainsi la femme s’empare du cœur de l’homme en lui faisant goûter le plus doux plaisir. On nomme cette manière l’Intervalle.

Sixième. — Encore une fois la belle s’étend sur le dos, les hanches soulevées ; elle replie ses jambes sur elle-même, de manière à présenter l’aspect d’une poule prête à mettre en broche. Si l’homme est alors doué de vigueur et de force, il sort sa verge et l’introduit dans le vagin ; la femme commence aussitôt à s’agiter et tous deux goûtent la jouissance. On appelle ce procédé le Rapetissé.

Septième. — La belle s’étend sur le dos, puis l’homme se met à genoux ; alors elle pose ses jambes sur ses épaules de façon à ce que ses pieds pendent sur son dos. Puis, il frotte son gland entre les grandes lèvres ; lorsque la verge est en érection, il l’introduit sans tarder, mais, quand il est sur le point de jouir, il la retire et l’essuie, puis il la remet de nouveau jusqu’à ce qu’enfin l’éjaculation se produise. On nomme cela l’Échauffante.

Huitième. — La belle se place sur le dos, les jambes étendues. L’homme vient se mettre entre elles et il introduit sa verge dans le vagin ; la jeune amante, pleine de grâces et de coquetterie, est haletante sous lui. C’est agir à la Persane.

Neuvième. — Elle se couche sur le dos, les jambes levées, l’homme vient se placer entre elles et les met sur ses épaules. S’il est suffisamment animé, il introduit violemment sa verge ; alors la belle met toute sa science et toute sa coquetterie à se donner une bruyante respiration. On appelle cette façon la Fessue.

Dixième. — La belle s’étend sur le dos, les jambes en l’air, puis l’homme, cette fois encore, prend place dans l’intervalle ; alors elle les croise sur son dos pendant qu’elle l’étreint de ses bras et que celui-ci place ses mains sous ses épaules. Il introduit son poignard dans la gaîne et, après quelques va-et-vient, la jouissance arrive. C’est l’Associée.


II

Assis.


La femme se place sur l’homme de manière à élargir son entrée ; il y pénètre rapidement. Tous deux ont alors les genoux pliés sur un divan ou, les jambes pendantes vers la terre, sont assis sur une chaise. Le pubis de l’un et celui de l’autre se touchent, car tout a pénétré et rien ne reste au dehors ; dans cette situation, la jouissance arrive. C’est la Soulevée. Il faut, pour employer cette manière, avoir verge longue et volumineuse ; elle n’est donc pas à la portée de tout le monde.



III

Sur le côté.


Première. — L’amante se couche sur le côté gauche, les jambes étendues ; le jeune homme vient se placer sur elle, puis il l’étreint en passant un de ses bras sous elle pendant que, de l’autre, il caresse son ventre et ses seins. Alors, il passe une de ses jambes par-dessus la hanche de sa belle, introduit sa verge où il convient et s’agite ; bientôt l’éjaculation se produit. Cela s’appelle la Dératée.

Deuxième. — Cette fois encore la femme se met sur sa gauche, les jambes étendues ; l’amant se place entre les deux cuisses et introduit sa verge dans la fente de telle sorte que son pubis touche celui de sa belle ; enfin l’éjaculation a lieu. C’est là un des meilleurs procédés : on l’appelle le Bonheur du sage.

Troisième. — La belle se couche sur le côté, la figure tournée vers l’oreiller ; l’homme s’appuie sur le dos de la femme, une jambe étendue et l’autre passée entre les cuisses. Il enfonce son dard à l’endroit voulu, puis le retire à demi pour l’appuyer encore ; grâce à ces mouvements alternatifs la jouissance se produit chez lui. C’est encore là une manière fort appréciée : on la nomme la Polissoire.

Quatrième. — La femme se couche sur le côté droit, les jambes étendues ; l’homme se met derrière elle, une jambe sur elle et l’autre entre ses cuisses. Après l’avoir mouillée de salive, il frotte sa verge dans la fente postérieure ; quand l’éjaculation est proche il quitte la place, mais il ne se remet pas n’importe où. Pendant qu’il est bien raide et excité, il va accomplir l’éjaculation dans le vagin. C’est la Double Jouissance.

Cinquième. — De nouveau la femme se place sur le côté droit, les jambes étendues ; encore une fois l’homme se met derrière elle et s’étend de son long. Alors il s’introduit en lieu convenable et embrasse étroitement sa belle ; encore une fois il se repose un moment, sort et s’essuye. De nouveau il fait pénétrer son dard par-devant ; ainsi unis, ils restent tranquilles. Après plusieurs semblables introductions et retraits, la jouissance se produit. C’est la Joyeuse.

Sixième. — La femme se couche sur le côté droit et l’homme sur le gauche, l’un devant l’autre. Il met sa jambe droite sur la hanche de sa belle, elle met sa gauche sur celle de son amant, chacune appuyée sur les fesses de l’autre. Le pubis de l’amant et celui de la femme se touchent, il sert de couche à la verge qui remue la tête ; le jeune homme s’agite et l’introduit avec vigueur. Enfin ils goûtent un violent plaisir et une douce jouissance. C’est l’Adieu.

Septième. — Elle se place sur le côté droit, les jambes étendues, Il s’appuie sur elle par derrière, tout de son long. Alors il embrasse d’une de ses jambes la hanche de la femme, puis il l’étreint en passant un de ses bras sous elle et l’autre par-dessus. De cette façon, il peut lui caresser les seins, et dans cette posture, il accomplit son œuvre. C’est la Terrestre.

Huitième. — Elle se place sur le côté droit et lui sur le côté gauche ; il se met alors entre les deux jambes, devant elle, puis il soulève la jambe gauche de sa belle, la replie, la pose sur son bras comme un bouclier, s’introduit où il faut et goûte le plaisir. C’est la Facile.

Neuvième. — L’homme se met sur la gauche et la belle sur la gauche, devant lui et lui tournant le dos. Après avoir mouillé sa verge de salive, il la fait pénétrer et il jouit. C’est l’Accoutumée.

Dixième. — La femme est sur sa gauche et l’homme sur sa droite ; il l’embrasse d’une jambe par-dessous, elle l’embrasse d’une jambe par-dessus ; ainsi ils se sentent jouir avec grand plaisir. C’est le Harpon.


IV

Sur la figure.


Première. — La femme se couche à plat ventre les jambes étendues ; l’homme s’étend sur son dos et, dès que l’érection s’est produite, il s’introduit où il lui plaît. C’est le Plaisir du patient.

Deuxième. — Encore une fois elle se place de même et l’homme s’introduit ; mais alors ils s’agitent simultanément et ils jouissent tous deux de plaisirs impossibles à décrire. C’est le Chat.

Troisième. — La femme se met à genoux, puis elle se penche de façon à ce que sa poitrine touche ses cuisses. Elle a alors les hanches élevées et l’homme s’introduit par derrière. C’est à la Geindre.

Quatrième. — Elle se place encore une fois sur ses genoux, la tête penchée en avant ; l’homme s’appuie également sur elle par derrière, mais il met ses genoux entre les siens. D’un bras il entoure sa poitrine et de l’autre son ventre ; il s’introduit et tout en travaillant entre les grandes lèvres, l’éjaculation se produit. C’est l’Intelligente.

Cinquième. — Elle se met encore à genoux, les jambes écartées. Le garçon arrive par derrière et s’assied dans l’intervalle. Ainsi placé il pénètre, selon son désir, où il lui plaît. C’est le Tenté.

Sixième. — Ils se placent de même, toutefois l’amante a soin de relever ses talons et de les appuyer contre les cuisses de l’homme qui, aisément, introduit sa verge dans le vagin. Alors elle s’agite : — Cruel ! fait-elle en minaudant, pendant qu’un souffle haletant s’échappe de ses narines. Quand la jouissance est proche, elle s’éloigne en s’avançant sur l’oreiller, puis le dard la pénètre de nouveau, soit dans l’ouverture antérieure soit dans l’autre ; puis elle s’éloigne encore jusqu’à ce qu’enfin, dans un moment d’union intime, ils savourent des plaisirs impossibles à décrire. Cela s’appelle la Double Faveur.

Septième. — À genoux, elle appuie de nouveau la tête sur les coussins, de façon à tendre le derrière. Son amant, à genoux entre ses jambes, pénètre dans l’ouverture postérieure. Elle se soulève sur ses mains ; ardente et animée, une bruyante respiration s’échappe de ses narines et de sa gorge, elle gémit sous l’étreinte : ainsi ils s’adonnent tous deux à la volupté ! Quand, chez l’homme, le moment de la jouissance approche, il se retire, s’essuie avec quelque linge propre et s’introduit ensuite dans le vagin : ainsi ils goûtent enfin l’ivresse du plaisir. Ce sont les Joyeuses Faveurs.

Huitième. — La belle s’étend sur le ventre, puis l’homme se met sur elle ; alors elle appuie ses talons contre les fesses de son amant, pendant qu’il passe bras autour de sa taille et que sa tête repose sur son échine ; ainsi placé, il use d’elle à son plaisir. C’est la Conquise.

Neuvième. — La situation est la même, mais alors, pendant qu’il l’entoure de ses bras, tous deux s’agitent simultanément jusqu’à l’éjaculation. C’est la Suspendue.

Dixième. — La femme se couche à plat ventre, il s’étend sur elle, alors elle relève ses talons contre ses fesses et le presse ainsi contre elle. Après avoir humecté sa verge de salive, il l’introduit où il lui plaît ; l’éjaculation arrive enfin et ils jouissent. C’est à la Vieux.


V

En se baissant.


Première. — La femme s’appuie par-devant contre un meuble ; elle penche en avant le haut du corps, l’homme s’approche par derrière, l’entoure de ses bras et se met en lieu propice. Pour faciliter l’introduction, elle s’agite lentement ; enfin tout réussit. On rapporte que ce procédé, emprunté aux béliers, est le plus souvent mis en pratique dans le mabéïn (chambre qui sépare le harem de l’appartement des hommes.) Pour le galant vigoureux, c’est là une source d’ineffables jouissances. C’est la Repousseuse.

Deuxième. — Elle se met à quatre pattes, il s’étend sur elle et l’étreint de ses bras ; quand, par l’effet du désir sensuel, la verge est en érection, il s’éloigne quelque peu de sa belle et s’introduit dans le vagin ; bientôt, cependant, il en sort pour pénétrer dans le réduit postérieur ; puis, quand il sent le plaisir arriver, il se remet en meilleure place et il jouit. C’est l’Écartée.

Troisième. — L’homme se place sur un matelas, pose le pied droit à terre et s’assied sur sa jambe gauche repliée sous lui. La femme vient se placer sur lui, le genou gauche en l’air et la jambe droite étendue. Il la prend entre ses bras et l’attire vers lui. Bientôt le désir agit sur sa verge et, pleine d’une amoureuse vigueur, il l’introduit où il lui plaît. Alors, la belle, haletante, pousse de petits cris étouffés : — Ah ! Ah ! cruel ! Par pitié ! Miséricorde ! Enfin il jouit. C’est la Boîteuse.

Quatrième. — Elle se met à quatre pattes, les coudes appuyés sur le coussin d’une chaise. Dans ses mains est un tambour de basque et, par son chant, elle excite l’ennemi au combat, tout en imprimant à ses reins un voluptueux balancement. L’amant, à genoux, joue des castagnettes : tout en fredonnant, il s’approche d’elle par derrière et ils s’accouplent en musique. À force de suivre la mesure, de s’éloigner et de se rapprocher, ils finissent par jouir du suprême plaisir. C’est la Force de l’ouïe.

Cinquième. — La belle se met à genoux, l’homme arrive par derrière et l’étreint de ses bras ; alors elle tourne la tête et ils commencent à échanger des baisers. Puis elle passe un de ses bras par derrière elle, tient la verge en main et la frotte dans l’entre-jambes : quand elle se dresse et après qu’elle a été humectée de salive, elle l’introduit dans le vagin. Au moment où ils commencent à sentir le plaisir et où l’éjaculation va se produire, elle fait mouvoir sa langue dans la bouche de son amant et appuie tant qu’elle peut sur sa verge. Ainsi ils jouissent des délices de l’amour beaucoup mieux qu’aucun quadrupède. C’est à la Paysanne.

Sixième. — Elle se place à califourchon sur son amant, étendu sur le dos : il s’agite sous elle jusqu’à ce qu’enfin il ait réussi à s’introduire où il voulait ; alors, au milieu des caresses, l’éjaculation se produit. C’est la Prospère.

Septième. — Elle se penche en avant, le haut du corps appuyé sur un lit ; elle met un de ses genoux sur le bord du lit, comme si elle allait y monter. L’homme se place, par derrière, entre les cuisses et pénètre chez elle de façon à ce que leurs deux toisons se confondent ; ainsi ils jouissent des délices d’une douce ivresse. C’est à la Jardinière.

Huitième. — Elle se place de même, mais les pieds appuyés à terre ; l’homme, enflammé de désirs, s’introduit là où il lui plaît. C’est la Jacinthe.

Neuvième. — Elle se met à quatre pattes, les genoux pliés. Dessous elle, il est couché sur le dos, lui faisant face, une jambe entre celles de sa belle et l’autre appuyée sur ses fesses : il pousse sa pointe et pénètre dans le vagin. C’est le Musc.

Dixième. — Elle se place sur un matelas, penchée en avant, les mains croisées sur sa ceinture, une jambe étendue et un genou plié. L’homme arrive par derrière, introduit sa verge où il lui plaît et jouit. C’est l’Eau de rose.

VI

Tête haute.


Première. — La belle se tient debout, appuyée contre le mur, comme si elle priait ; il tire son poignard et l’appuie sur elle. — Qu’allez-vous faire, mon chéri, dit-elle, où vous placez-vous donc ? Pendant qu’ils échangent ainsi de douces paroles, il s’excite graduellement ; alors elle soulève une de ses jambes et se fend ; l’amant se place à l’endroit voulu et s’y frotte ; petit à petit il force la porte et pénètre. Émus d’indicibles plaisirs et la respiration haute ils s’agitent ; enfin l’éjaculation se produit. Cela s’appelle les Adieux.

Deuxième. — Une dame s’avance couverte de son feradjé (manteau) et enveloppée de son voile ; elle monte sur le petit banc qui règne autour d’un vestibule et attend. Un homme qui passait s’approche, car il a compris ce que cela voulait dire ; il la saisit entre ses bras, porte la main à la coulisse du chalwar (pantalon) de la belle et fait glisser ce vêtement le long des jambes. Ainsi elle se trouve découverte par-devant, de la poitrine aux pieds. Quand il la voit dans cet état, le désir exerce son action sur lui et la verge vient toucher le nombril. Alors il met un de ses pieds sur le petit banc et se frotte contre le nombril ; bientôt, à l’aide de la main, il s’approche des grandes lèvres et, excité comme il l’est, arrive à s’introduire. À ce moment, la belle commence à s’agiter ; enfin, quand le plaisir et les délices de la volupté sont à leur comble, il jouit. C’est au Vestibule.

Troisième. — La belle se tient debout, les coudes et la tête appuyés contre la muraille et, le buste penché en avant, les jambes écartées et le manteau relevé. L’amant arrive doucement par derrière, retrousse les jupes et délie la coulisse du chalwar ; alors les reins de la femme paraissent à nu ; on dirait une bête de somme chargée de son bât. Il l’étreint de ses bras et loge sa verge où il lui plaît ; ainsi ils goûtent le plaisir. C’est à l’Improviste.

Quatrième. — Elle est debout, l’homme s’assied les jambes étendues, sa verge se dresse tant les pensées voluptueuses l’animent. La belle qui lui fait face, s’assied, met cette bougie dans sa lanterne, et étend, en arrière, ses jambes à ses côtés : ainsi leurs lèvres se rencontrent, ils échangent de mutuels baisers et goûtent ainsi des voluptés délicieuses, des sensations impossibles à décrire ; enfin ils jouissent. C’est la Couvrante.

Cinquième. — Elle est debout, les mains le long de ses flancs, découverte jusqu’aux hanches et tous ses charmes mis en vue. L’homme se place sous elle, dans une position inclinée ; assise sur lui elle s’agite. Quand, à la suite de ce manège, il s’excite, il s’approche d’elle et le met en lieu propice. Accroupie, elle s’appuie doucement sur lui et finit par l’introduire dans la place. Quand elle le sent pénétrer, elle se met à prononcer des mots entrecoupés : — Hélas ! Cruel ! et cela en le serrant de ses bras. Il ne s’en inquiète pas et, aussi ardent qu’un étalon du Guilan, il ne s’arrête à nul obstacle et s’avance tant qu’il peut ; ainsi placés ils savourent les plus doux plaisirs jusqu’à ce qu’enfin ils jouissent. C’est l’Active.

Sixième. — La femme appuie son visage sur le bord d’un lit et présente son derrière. L’amant s’avance vers elle et pénètre doucement, tout debout ; bientôt l’éjaculation se produit. C’est l’Arrosoir.

Septième. — Ils sont à genoux, l’un devant l’autre et se touchent de si près qu’il se sentent les cuisses. Il met son dard où il faut pendant que la belle l’encourage des yeux ; quand l’érection s’est produite, il s’introduit et bientôt il goûte le suprême plaisir. Cela s’appelle l’Opposition.

Huitième. — Elle est debout, il se place devant elle entre ses jambes, l’entoure de ses bras et introduit son poignard dans la gaîne : alors une respiration saccadée s’échappe de leurs narines et le moment de la jouissance arrive. C’est la Satiété.

Neuvième. — La belle se place la figure contre la muraille, les mains posées contre elle, elle présente le derrière. Ainsi découverte et les jambes écartées, l’homme vient se placer entre elles ; sa verge se dresse, il la met où il lui plaît, remue et s’agite ; ainsi ils jouissent tous deux. C’est à l’Étourdie.

Dixième. — Debout, elle s’appuie contre la muraille ; il vient se placer, par-devant, entre ses jambes ; quand il est en érection, il enfonce chez elle son poignard, puis tous deux goûtent la jouissance. C’est la Réussie.


VII

De divers autres procédés.


Entre beaucoup d’autres, nous en mentionnerons quelques-uns, fort agréables et très usités parmi les Grecs.

L’amant se couche sur le dos, les jambes étendues ; la belle se présente et se place entre elles. De la main gauche elle saisit la verge et la caresse doucement à plusieurs reprises ; quand elle est tout à fait excitée et qu’elle se dresse par bonds comme si l’éjaculation allait se produire, elle l’introduit chez elle. Bientôt elle sent approcher le moment où son amant va jouir. — Grand bien te fasse, mon chéri, dit-elle alors ; quelles délicieuses voluptés tu me procures, mon petit cœur ! Au milieu de ces caresses la liqueur d’amour s’échappe.

Dans une autre, la belle se couche sur le dos et l’amant vient se placer sur elle ; elle le saisit à deux mains par la nuque et enserre son dos de ses jambes. Alors il place sa verge à l’entrée du vagin et, après un ou deux frottements, elle se dresse. Il entoure à ce moment de ses bras les hanches de son amante et se met à genoux. Dans cette situation, il pénètre où il lui plaît ; au milieu des caresses, l’éjaculation se produit et ils goûtent le suprême plaisir. On nomme cette manière l’Amoureuse. Il n’y a pas longtemps que cette façon d’opérer est inventée, bien qu’elle soit des plus commodes et ne cause aucune fatigue.

Nous voulons cependant indiquer encore, aux amateurs de plaisir, une autre manière de mettre en œuvre le bâton viril. La belle, couchée sur le dos, met sous elle un gros coussin ; ainsi sa tête est placée dans une position basse et elle présente ses charmes secrets. L’homme arrive et s’étend sur elle ; elle l’étreint de ses jambes et entoure son cou de ses bras, pendant qu’il la saisit à bras le corps. L’ouverture de devant et celle de derrière se présentent à lui aussi clairement que l’œuf d’une oie en train de pondre : il s’introduit entre les grandes lèvres et pénètre jusqu’au plus profond du réduit. C’est la Balayeuse.

Voilà ce que nous avions à dire dans ce supplément, nous allons passer maintenant à un autre sujet.


VIII

Des menues gracieusetés.


On sait que la première chose pour une femme qui veut exciter la passion est la caresse et la cajolerie ; l’amour et l’inclination naissent des minauderies et des façons coquettes. Prononcer une gracieuse parole a plus d’effet que de se jeter au cou d’un amant.

„ — J’ai vu dans un jardin, dit un poète, une parfaite beauté aux seins de la forme aimable de l’orange, mais j’ignore son nom. Je l’ai aperçue comme elle se perdait au fond d’une sombre allée de jasmins. Hélas ! qu’il serait doux de caresser cette cruelle, de lui pincer les mollets, d’embrasser sa lèvre de cerise, de respirer le parfum de ses joues de rose, de placer un humide baiser sur le bord de cette coupe, de pousser droit vers cette charmante fissure que surmonte le nombril, de découvrir cette forêt floconneuse qu’emprisonnent les liens du chalwar (pantalon), ce morose ennemi de la douce union, ce dragon jaloux des trésors confiés à sa garde ; de jouir enfin avec elle des plaisirs de l’amour. ”


IX

Des endroits à baiser.


On sait que les endroits à baiser avec le plus de plaisir sont les joues, les lèvres, les yeux, le front, le cou et le nombril. Il y a aussi un réel plaisir à déposer un baiser sur les grandes lèvres, si elles sont aussi nettes que cristal ; toutes ne sont pas ainsi, il est vrai. Il est bon de pousser un soupir en embrassant chacun de ces charmes et de se rassasier successivement de baisers sur tous.

X

Des endroits à flairer.


On sait que les endroits à flairer et sentir sont : le cou, les joues, le front, les lèvres, la chevelure, l’intervalle des seins semblables à des oranges, le nombril pareil à un coing, et le pénis semblable à la croupe dodue d’une oie grasse ; telles sont les meilleures parties à flairer. Si vous avez affaire à une personne soigneuse d’elle-même, vous respirerez des odeurs préférables aux parfums du musc et de l’ambre gris : votre plaisir, votre jouissance, votre satisfaction seront bien autres, car, chez vous, naîtront les virils désirs.


XI

De quelques ruses utiles.


On sait que, chez certains, l’éjaculation est rapide et chez d’autres trop tardive au gré de leurs désirs. Ainsi ils s’attirent les reproches de la femme qu’ils privent d’une partie de ses plaisirs : que leur esprit comme leur cœur s’attachent à nos discours.

S’il s’agit d’un amant trop lent qui possède une maîtresse prompte, il ne lui faut, pendant l’action, penser à rien autre chose. S’il veut arriver rapidement, et son amante fût-elle dépourvue de toute grâce, il doit se la figurer comme charmante, comme douée d’une beauté sans seconde. Par ce moyen, il arrivera au résultat qu’il désire.

Les gens d’expérience affirment que, si l’on a affaire à une femme trop lente, indocile au signal, apathique et peu sensible, il faut, pour la rendre plus impressionnable, prendre une dent molaire d’homme et l’os de l’aile gauche de la huppe (oiseau fabuleux, envoyé à Salomon par la reine de Saba). — Place ces objets, enfermés dans une petite bourse, sous l’oreiller de ta belle en lui faisant connaître ton intention ; il n’y a pas de meilleur moyen à employer. Si tu en uses ainsi, tu accompliras l’acte charnel comme tu le voudras. Si cela ne te réussissais pas, prends le grand rabbin, mets-le sur tes épaules et fais un saut sans plus tarder ; je ne puis t’indiquer rien de plus pour ce cas.

Pendant la jeunesse, il n’y a pas moyen, pour l’homme, de retarder. Tout le secret pour la femme est, dans ce but, de faire infuser, dans l’eau, du bois d’aloès et de s’en laver les parties avant l’attouchement. Par la force de cette lotion, ses dispositions se trouvent changées ; elle devient capable de sensation. Il faut cependant qu’il s’agisse de personnes dans l’âge des désirs : nous voulons dire que les deux amants soient jeunes et que l’un et l’autre s’appliquent de tout cœur à l’action. On dit communément que le patient ne s’accorde pas avec l’agissant ; cela veut dire qu’il faut s’adonner à l’œuvre d’amour entre jeunes gens altérés de plaisir, également agiles et fringants.

S’il en est ainsi plusieurs moyens peuvent encore être employés :

1o Munis-toi de deux morceaux de la pierre nommée fekè ou fekih, lances-en un au plafond de la chambre ; après un moment fais-en de même du second, mais que ce soit dans le plus grand silence ; chacun sait qu’il n’y a rien de meilleur. Lève-toi ensuite aussitôt et applique toute ton attention à l’amoureuse entreprise.

2o Prends un oreiller, place-le à côté de ta belle et couche-toi sur ce coussin. Ainsi placés, ils se tiennent l’un auprès de l’autre comme s’ils dormaient.

3o Procure-toi un peu de sable. Si ta belle est couchée sur le côté ou sur le dos, jette lui en sur les yeux jusqu’à ce qu’elle les ferme, comme vaincue par la force du sommeil. Retourne-la alors et goûte du plaisir de l’accouplement.

4o Prends une paire de ciseaux et quelques pièces d’or ou d’argent. Les ciseaux signifient que si la plupart des amants et des maîtresses ont une tendance au refus, ce n’est que dans une mesure extrêmement minime ; ainsi se trouve disparaître du cœur cette fâcheuse influence. L’or et l’argent indiquent que les compliments sont impuissants à vaincre : mettre la main à la poche et en sortir de l’or, est le meilleur sortilège à employer. Ainsi la belle se rend aux voluptueux désirs. Nul n’ignore, en effet, qu’aucune femme ne résiste à l’amour qui lui parle un langage sonore. Plus le rouleau métallique est allongé, plus il impressionne le cœur et l’esprit de l’amante et plus vite le soupirant arrive à son but. Qui, par ce moyen, est resté sans réussir ?


Vignette pour le Livre de volupté
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Bandeau pour le Livre de volupté
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SECONDE PARTIE.


LES NEUF RÉCITS FÉMININS.


Méhémet-ben-Ismaïl-abou-Békir-ben-Eyoub raconte qu’un vizir nommé Ali-ibn-Qaïs comptait parmi ses amis un certain El-Fitekir ; il avait fait de lui son ami le plus intime en raison de sa conversation enjouée et de ses connaissances nombreuses et variées en matière de plaisir. Nul ne pouvait lui être comparé sous ce rapport. Notre auteur ajoute qu’il était également au mieux avec le fils de ce vizir, grand amateur de femmes et de bruyantes parties.

Certaine nuit, ce jeune homme avait convié à une réunion intime une vingtaine de personnes, jeunes beautés pétulantes et de bonne volonté ou joyeux compagnons. Tous furent ponctuels ; on n’aurait pu trouver, dans tout Bagdad, une société qui réunit plus de grâces d’un côté, plus d’amabilité de l’autre. Ils s’étaient assemblés au palais de Koutb-Eddin, le fils du vizir, lieu de plaisance éminemment propre à de pareilles parties, car il avait fait construire ce château avec une magnificence digne d’Hatim-Thâï.

Pendant qu’ils jouissaient de la vue de ce bel endroit, des mets choisis circulaient, ils se livraient à la joie et aux plaisirs, aux ris et à une douce gaieté. Comme de coutume la guitare et les castagnettes se faisaient entendre et des danseurs s’appliquaient à récréer l’œil des convives qui, pendant ce temps, buvaient où se livraient à une conversation croustillante, émaillée de récits grivois. Ils s’entretenaient ainsi quand quelques uns d’entre eux émirent la pensée que le commerce charnel affaiblit successivement l’homme que, graduellement, il y trouve moins de jouissance et qu’enfin il n’y a aucun avantage à se livrer à ce genre de plaisir.

En les entendant parler ainsi Koutb-Eddin, le fils du vizir, ne put s’empêcher de les interrompre : — Vous parlez là, leur dit-il, d’une chose que j’ai le bonheur d’ignorer ; ce dont je voudrais être instruit, ajoute-t-il pour changer de sujet, c’est des secrets de ces dames.

À ces mots toutes se lèvent et s’avancent vers lui.

— Ce que je désirerais savoir de vous toutes, ajoute-t-il, c’est le détail de l’aventure d’amour où chacune de vous a pris le plus de plaisir ; entrez, à ce propos, dans les plus infimes détails, évitez surtout le mensonge : vous serez comblées de mes bienfaits si, en toute vérité, vous dévoilez vos plus intimes pensées.

Elles se sentent alors quelque peu confuses et rougissent, mais elles ne s’en préparent pas moins à parler.


I

Le Voisin de terrasse.


Une des jeunes beautés présentes s’avance vers le fils du vizir et lui adresse un salut respectueux :

— Effendi, lui dit-elle, votre servante, de son premier métier, était polisseuse ; alors j’entrai en relations avec des femmes galantes. Un jour l’une d’elles m’annonça la visite d’un amant ; je fis mes préparatifs en conséquence, c’est-à-dire que je me vêtis avec soin et cherchai à mettre en relief tous mes avantages. Ensuite je montai sur le toit en terrasse de la maison, m’accroupis et plaçai devant moi un miroir ; puis, en conformité des recommandations saintes, je commençai à m’épiler où il est prescrit. Pendant cette opération, la soif du plaisir me gagnait par degrés, à mesure que je me regardais dans la glace. — Hélas, soupirai-je, aucun homme n’entendra-t-il donc mes vœux ! Ce disant, je commençai à me tourmenter de la main.

Un voisin qui se trouvait également sur une terrasse, me regardait faire. À cette vue, le désir de la jouissance s’empare de lui ; il franchit le parapet qui nous séparait, arrive auprès de moi, puis, sans me laisser le temps de me reconnaître, il me prend, m’entoure de ses bras, se place entre mes cuisses et sort une verge semblable à celle d’un âne, qui me saisit de frayeur. Sans pouvoir m’en empêcher je me détournai ; je ne savais plus vraiment où j’en étais. Lui, cependant, riait aux éclats de ma surprise. — Ne crains rien, ma belle, me dit-il ; tu ne saurais concevoir quelles jouissances il procure ! As-tu jamais vu un gaillard aussi bien monté que moi ! Regarde-moi un peu cela !

Tout en cherchant ainsi à me rassurer, il ne me laissait point de repos : il fit si bien qu’il plaça son membre à l’endroit voulu et pénétra entre les grandes lèvres : je souffrais, mais je jouissais. Tantôt je me sentais partir comme si le sommeil se fût emparé de mes sens et tantôt je me réveillais comme en sursaut ; à mes premières craintes avait fait place un vif sentiment de plaisir ; enfin je goûtai, comme conclusion, des délices qui dépassent toute description.

À partir de ce moment j’abandonnai mon métier et vécus maritalement avec cet homme. Il ne devait me quitter de ma vie, disait-il… Hélas ce bonheur et ces doux moments n’eurent qu’une bien courte durée.

Ainsi parla-t-elle.


II

La Voisine.


Alors une autre jeune fille s’avance vers le fils du vizir, lui adresse le salut et prend la parole.

— Votre servante, Effendi, n’a point été comblée des dons de la fortune, mais, grâce à d’aimables jeunes gens, je recevais habits, parures et argent. Certain jour une dame voisine vint me visiter. J’étais en ce moment en froid avec mon amant pour une cause futile, et j’en éprouvais quelque tristesse. Informée du fait, elle m’en blâmait.

— Pleurez, me disait-elle ; comment trouverez-vous encore pour amant un pareil jeune homme ? Vous semblez ignorer quelle faute vous avez commise ; qui pourrait jamais vous en témoigner indulgence et miséricorde ? Nul ne peut lui être comparé pour le fait d’amour, aucun ne peut s’y livrer si longtemps et avec une telle ardeur, personne n’aime plus que lui procéder à la confection d’enfants ! Qui ne connaît de quelle façon il est armé et quelles jouissances il procure ! Il est de ceux qui ont toujours à tirer un chat noir de leur sac, un de ces hommes vraiment insatiables !

Ainsi elle ne cessait de parler et de mêler des conseils à ses discours ; elle ne s’arrêta que quand les forces lui manquèrent. Émue de ce qu’elle m’avait dit, je sentis le chagrin s’emparer de mon cœur et le désir sensuel m’agiter tout entière.

— Ma chère voisine, lui dis-je, savez-vous que la passion du plaisir me fait perdre patience et repos ! Comment pensez-vous que je doive me conduire pour me satisfaire ?

— Consolez-vous, ma belle, ajoute-t-elle toute joyeuse, venez me voir demain, je vous instruirai à ce propos et vous ferai atteindre au but de vos désirs.

À ces mots je me sentis toute ragaillardie. Le lendemain je me couvre de mes plus beaux vêtements, me parfume des plus suaves odeurs et me rends chez ma voisine. Elle avait pour frère un aimable garçon, grand amateur de femmes et fort distingué : il s’offrit à ma vue dès mon arrivée. À son aspect inattendu, je me sentis si fort troublée que ma langue, comme un oiseau sauvage, me refusa tout service. Il s’avance à ma rencontre et me comble de politesses, de compliments et de marques de considération, tout en témoignant de la joie qu’il éprouvait.

— Soyez la bienvenue, Madame ; de grâce ne vous fatiguez pas davantage et asseyez-vous.

Ainsi il se répand en discours caressants et s’empare de mon cœur. Bientôt je me sens rougir et commence à regretter ma démarche ; cependant je me rassurai par degrés, tant ses procédés avenants avaient le don de me plaire. Je ne laissai pas, toutefois, de garder le silence.

À la vue de mon embarras, ma voisine, qui avait déjà tout préparé en conséquence, me dit : — Puisque vous êtes venue ici pour vous amuser, ne faites-donc pas tant de façons, chère madame ; si vous le voulez-bien nous allons essayer de goûter, dans leur réalité, plaisir et gaieté en nous livrant à une petite débauche.

À ces mots, elle joint l’acte à la parole, se verse à boire, nous sert d’échanson et, par ses instances, m’oblige à lui faire raison à plusieurs reprises. Comme il arrive à tout le monde, nous nous animions à mesure que nous vidions plus de coupes, si bien qu’enfin je n’avais plus la tête à moi. Je commençai alors à badiner avec le frère dont j’ai parlé et à sentir mes sens me maîtriser. À chaque coupe nous nous embrassions, je cédais de plus en plus à l’entraînement de la passion.

Bientôt sa main se glisse sous mes vêtements, il dénoue la coulisse de mon chalwar et se met à caresser mes plus secrets appats. À cette vue, notre hôtesse, mue par un sentiment de délicatesse, se lève : — Je vois, dit-elle, que votre affaire est en bon train, et, à ces mots, elle nous quitte, ferme la porte et s’éloigne.

Alors mon amant se débarrasse de ses vêtements, s’approche de moi, me renverse, prend place entre mes cuisses et me retrousse. Je m’aperçois alors qu’il était doué d’un membre de si respectable aspect que je n’en avais jamais vu de semblable de ma vie : je pensai en perdre connaissance. — N’aurez-vous donc point pitié de moi, m’écriai-je ? Sans avoir égard à mes doléances il me saisit par la taille, mouille ses doigts de salive, en humecte son dard et se met à le frotter, de bas en haut, entre mes grandes lèvres.

Alors mes sens s’éveillent et, sous son étreinte, je tremblais, tant le désir de le sentir pénétrer m’agitait. Je le sens enfin réussir et, après une lente introduction, nos deux personnes se confondent. Dans l’ardeur du plaisir et de la jouissance, je jetais sur lui des regards pleins de langueur. En proie au paroxysme du plaisir, il m’assaillait avec une telle violence que les larmes m’en vinrent aux yeux et finirent par se répandre. Cependant, il s’enfonçait de plus en plus tout en continuant de se frotter ; en se comportant ainsi, il goûta plusieurs fois, dans l’espace d’une heure, la suprême volupté.

— Mon cher ami, lui dis-je alors, je n’ai encore rencontré personne, parmi les jeunes gens, qui puisse t’être comparé en ce qui concerne l’amour, et c’étaient cependant ce qu’on peut appeler des hommes.

— Tu parles avec franchise, me dit-il ; n’est-ce pas que je t’ai fait plus de plaisir que tu n’en as éprouvé de ta vie ?

Alors nous nous lavons les mains, puis je lui offre une coupe de vin, — puis il m’en offre une à son tour.

— À vos amours, lui dis-je en la vidant !

Bref, nous passâmes ensemble le reste de la journée. À plusieurs reprises encore nous nous livrâmes au plaisir de l’union intime ; il m’abreuva de voluptés.

Après avoir continué à nous voir pendant quelque temps, il partit pour la guerre et depuis j’attends vainement de ses nouvelles. Plût à Dieu que je fusse morte à sa place ; qu’il daigne au moins l’admettre à sa droite !

Cela dit, elle se tut.


III

Le Batelier.


Cette fois encore une jeune femme s’avance et commence un récit.

— Effendi, dit-elle, votre servante possédait autrefois plus de mérites qu’un anachorète n’en pourrait dénombrer dans l’année : je m’attachais assiduement à la prière, à l’étude des traditions orales et à la lecture. Pendant les nuits prescrites, je visitais les tombeaux des savants et des hommes renommés pour leurs vertus. Si l’on en croit les galants, nulle femme de Bagdad ne pouvait m’être comparée pour la beauté et la grâce. Jamais un homme, quel qu’il fût, ne m’avait connue.

Un jour, dans le dessein d’aller visiter le mausolée d’Ahmed, je suivais à pied les bords du Tigre. Bientôt l’air s’obscurcit d’un tel brouillard qu’on n’aurait pu compter ses doigts ; de plus une forte pluie se mit à tomber. Je me décidai alors à prendre un caïque. — Où allez-vous me demanda le caïqdji (batelier) ? — Je me rends, lui dis-je, au mausolée d’Ahmed. — À merveille, reprit-il et, sans plus tarder, il pousse au large et marche à la voile et à la rame.

Comme je passais les nuits en dévotions, je sentis bientôt le sommeil s’appesantir sur moi ; je m’appuyai alors au bateau et ne tardai pas à m’endormir. Pendant que je m’abandonnais ainsi au besoin de repos, le caïqdji se mit à me regarder, il se rassasie à loisir du plaisir d’admirer ma beauté et mes charmes, les désirs charnels s’éveillent chez lui, Satan le maudit exerce sur son âme les séductions tentatrices ; il pense aux moyens de faire de moi sa proie.

Le voilà qui aborde une plage peu fréquentée et s’amarre à la rive déserte ; si, à ce moment, il m’avait assassinée, personne n’eut jamais connu son crime.

— Lève-toi ! me crie-t-il alors. Je me réveille et me vois près de la terre, dans un lieu inconnu. — Au nom de Dieu, lui dis-je, réponds-moi : où m’as-tu donc menée ?

— Tu vas le voir, me répond-il.

À son ton et à l’expression de son visage, je compris quelle était sa trahison ; je me mets à pleurer, à gémir, à me tourmenter, à pousser les hauts cris.

— Tais-toi, me dit-il en tirant son poignard, sinon je te coupe la gorge.

À cette menace, je sens un grand trouble s’emparer de mon cœur.

— De grâce, lui dis-je, prends ce que j’ai sur moi, mais ne me maltraite pas.

— Je méprise ce que tu m’offres, mon dessein est de jouir de toi.

À ces mots, je me mets à déployer toutes les ressources de ma parole, à évoquer devant lui l’effrayant spectacle des peines éternelles. — Quelle honte, lui ajoutais-je en citant un poète, que de renoncer au paradis pour une femme !

— Malgré ce beau distique, réplique-t-il, comme il n’est pas probable qu’un visage d’ange comme toi me tombe de nouveau sous la main, tu ne me feras pas abandonner mon entreprise avec des paroles.

Cesse de t’entêter, abandonne la voie de la résistance et soumets-toi de bonne grâce ; nous goûterons ensemble les plus grands plaisirs du monde ; de ta vie tu ne trouveras meilleure occasion.

Ces paroles me jetèrent dans une si étrange confusion que je ne pus lui faire aucune réponse. Sans hésiter, il se jette sur moi, me saisit par les cheveux et me fait sortir du caïque. Puis il pèse sur mes épaules, me force à me baisser en s’appuyant sur mon dos, relève mes jupes, fait glisser mon chalwar et se découvre lui-même, me laissant voir sa verge.

Il l’introduit par degrés, d’une façon que je ne saurais décrire et la fait aller violemment depuis l’orifice du vagin jusqu’à la hauteur de mon nombril ; cependant il appuyait sa tête sur mon dos. Ainsi continua-t-il de m’assaillir jusqu’à ce qu’il ait assouvi sa brutale passion.

Alors je pus me dégager quelque peu de son étreinte et, sans pouvoir distinguer derrière moi, je le sentis se lever de dessus mon échine. Sans perdre un instant, il tire une corde de son caïque et me lie les bras et les jambes, puis il arrive par derrière, pénètre violemment dans mon ouverture postérieure et me cause une douleur si insupportable, qu’elle m’arrache un cri.

— Hélas ! lui dis-je, si tu veux user de moi, au moins n’enfonce ton énorme outil que devant, car tu me fais souffrir actuellement un atroce supplice ; je ne puis vraiment supporter pareille torture.

À ces mots il se retire, mais la violence de l’assaut m’avait mise en sang.

— Puisque tu as bien voulu, ajoutais-je, exaucer ma prière, je cesse de te résister et m’abandonne à ta discrétion.

Il se lève alors de dessus moi, me délie et je remets la corde à l’eau. Couchée tout de mon long je me livrais aux affligeantes réflexions que me suggérait la singulière situation d’être ainsi prise.

Pendant que j’étais absorbée dans mes réflexions, étendue sur le dos, je le vis se placer entre mes cuisses, prendre sa verge en main et l’introduire selon son désir dans le fourreau ; il commence là un vif mouvement de va-et-vient ; naturellement les désirs voluptueux s’éveillent chez moi et je lui en donne des preuves. Il m’étreint de ses bras, nous nous baisons, nous nous cajolons et, par ce moyen, tout en continuant à nous frotter mutuellement, je ressentis la suprême volupté : je ne sus vraiment si je dormais ou si j’étais véritablement éveillée.

Je l’examinai alors pour la première fois et m’aperçus que j’avais affaire à un garçon de bonne mine et d’agréable apparence.

Nos assauts terminés, je me promis bien de recommencer encore, car je m’étais éprise de lui à l’improviste et j’éprouvais la plus douce satisfaction à l’admirer. Ses grâces m’avaient si fort enchantée que je compris que, de ma vie je ne goûterais autant de plaisir qu’avec lui. Comme, de son côté, il éprouvait pour moi un vif penchant, je quittai la vie ascétique et nous nous abandonnâmes aux joies d’une passion mutuelle. Peu après sa femme, rusée commère, s’aperçut de nos relations. Nous dûmes cesser de nous voir ; malgré cela son souvenir ne s’est jamais effacé de ma mémoire dit-elle en finissant.


IV

Le Jeune Marchand.


Une autre jeune femme, désireuse d’être agréable au fils du vizir, s’avance d’un air gracieux et commence ainsi son récit.

— Effendi, votre servante était encore une enfant que, sur le bruit de ma beauté et de mes agréments, un homme conçut la pensée et le projet de m’épouser. Bien qu’il fût déjà d’un certain âge je m’abandonnai à mon sort et me donnai à lui. Il eut l’idée de me faire apprendre le métier de coiffeuse ce qui me donna l’accès des plus grandes maisons, car j’avais fait marché à cet égard.

Quand je me rendais d’un quartier à l’autre les jeunes gens, à la vue de mes charmes et de mes appâts, ne manquaient point de s’étendre sur mon compte :

— Quel dommage, disaient-ils, que tant d’attraits et de fraîcheur se trouvent échoir à un vieux ! N’aurait-elle donc pas plus de plaisir avec un de nous autres jeunes gens ?

De tels discours ne laissaient pas de m’impressionner et de faire naître chez moi une certaine curiosité mélancolique. Ils ne cessaient de solliciter de moi un rendez-vous d’amour, mais aucun ne m’inspirait de tendre sentiment, je leur refusai toute faveur.

Parmi eux se trouvait le fils d’un marchand qui, charmé de me voir, ne manquait aucune occasion de se trouver sur mon chemin et de m’adresser quelques mots à la dérobée ; c’est ainsi qu’il me récita ce galant distique :

— Le Créateur a établi sur nous ta royale domination. Expose-toi aux traits de ses yeux et tu seras forcé de t’écrier : Dieu qu’elle est belle !

Je n’y fis aucune attention, car je compris que ce n’était pas le moyen de le calmer que de me faire voir, de l’écouter et de lui parler.

Il se mit alors à user de ruse et à employer envers moi toutes les finesses. Une intrigante d’apparence honnête vint me trouver, elle se présente décemment.

— Telle dame de haut rang, me dit-elle, est sur le point de se marier ; elle voulait vous écrire à cet égard ; voulez-vous me suivre chez elle pour l’accommoder ? Elle vous comblera de bienfaits.

Dans la simplicité de mon cœur, j’ajoutai foi à ses paroles et je partis. Après avoir marché un certain temps nous arrivons à un quartier éloigné. Là, celle qui me conduisait ouvre une porte ; après avoir monté un étage, je regarde de côté et d’autre et n’aperçois âme qui vive. Je compris alors que j’étais tombée dans un piège ; l’angoisse de la peur me saisit.

Je songeais à m’enfuir quand, tout à coup, paraît un gracieux jeune homme, aussi agréable à voir que la lune à son dixième jour. Il ferme une porte solide, me prend entre ses bras, m’embrasse, me caresse, puis il sort une élégante cassette remplie d’ornements et de parures qui semblait avoir été préparée à mon intention. Il me l’offre d’une façon dégagée et comme s’il n’y attachait aucune importance ; je pousse un cri de surprise et tout mon sang reflue vers mon cerveau. Ce n’était toutefois là qu’une feinte car, aussitôt, il met le poignard à la main et menace de me tuer si je ne me tais : terrifiée, je gardai le silence et m’assis.

— Ma fille, me dit alors celle qui m’avait amenée, je t’ai conduite ici pour te mettre à même de goûter, avec ce jeune homme à la figure d’ange, les plus doux plaisirs. Pourquoi te montrerais-tu indocile et passerais-tu les jours et les nuits à te lamenter ? Ne t’abandonne point à pareille opiniâtreté.

Puis elle s’étend jusqu’à m’ennuyer sur les avantages de l’amour. Cependant mon visage, mon regard et mon attitude témoignaient d’un sentiment de crainte.

— Mets de côté, me dit-elle, toute fâcheuse idée ; si tu veux m’en croire, livre-toi docilement à lui il faut profiter du moment où l’on est jeune pour se livrer aux plaisirs de la coupe et de l’amour.

Ainsi parle-t-elle, puis elle nous quitte.

À ce moment on apporte mets et boissons tout préparés ; je persévérai, toutefois, dans ma réserve et ne voulus rien accepter. À la vue de ma timidité le jeune homme se met en colère, il s’agite et se lève.

— Apprends, s’écrie-t-il, que je ne reculerai devant aucun moyen pour te posséder ; n’espère donc pas t’échapper de mes mains avant d’avoir satisfait mes vœux !

À ces mots il porte la main à la coulisse de mon chalwar, le fait glisser en bas et se place sur moi. Dans mon trouble la force de prononcer une parole me manque. Ainsi découverte il m’admire un instant, puis il m’embrasse et me comble de caresses.

Cependant je me réconciliai peu à peu avec lui et commençai à m’appuyer sur son cou. Il n’avait pas cependant été jusqu’où il voulait : à ce moment il relève mes jambes, les place sur ses épaules, prend de sa bouche un peu de salive, en met d’abord à sa verge puis à l’entrée de ma porte et s’introduit chez moi. Après avoir éprouvé tout d’abord une légère douleur je me sentis bientôt plus à mon aise ; dans l’ardeur de la passion je l’étreignis entre mes jambes et le pressai contre mon sein. Sans cesser de m’agiter je le sentis jouir et goûtai moi-même, en cet instant, le suprême plaisir. Nous restâmes jusqu’au soir à nous abreuver de voluptés. Dans cet espace de temps nous nous unîmes dix fois l’un à l’autre et, chaque fois, nous eûmes la satisfaction de savourer l’un et l’autre, la suprême volupté !

Alors je me lève, me couvre de mon féradjé (manteau) et, sans m’arrêter, je rentre chez moi où, sous un prétexte, je cherche dispute à mon mari. — Je ne veux plus de toi, me dit-il à la fin, je te répudie et tu ne resteras pas un jour de plus ici.

À ces mots je rassemble mes effets, retire de lui mon douaire et me dirige vers la maison du jeune marchand. Après avoir passé un certain temps à nous livrer ensemble aux délices de l’amour, il mourut. Plût à Dieu que je sois morte à sa place, ainsi il m’aurait évité bien des regrets et l’amertume de bien doux souvenirs !


V

L’Aveugle endormi.


Une cinquième jeune femme s’avance vers le fils du vizir et prend la parole d’un air grave et digne.

— Effendi, votre servante est fille d’un marchand, qui, après avoir pris soin de ma première enfance, mourut en me laissant encore fort jeune. Quand j’eus atteint l’âge de puberté, je me mariai avec le fils de mon oncle paternel. Selon la coutume on le conduisit auprès de moi à l’issue des fêtes nuptiales et, cette nuit là même, il me ravit la fleur virginale. Nous nous aimions tous deux.

Après avoir passé quelque temps dans un parfait accord. Dieu permit qu’il tombât malade ; je ne saurais vous dire combien de médecins lui prodiguèrent leurs soins et leurs conseils, mais en vain. Je ressentis de sa perte un si profond chagrin que je pensai succomber ; la mort ne vint pas toutefois et je me rétablis par degrés.

Bientôt je fus visiter le cimetière, et lui fis construire un mausolée et choisis cinq gardiens pour en avoir soin. Un jour je me levai à l’aube et, avant le lever du soleil, je me dirigeai vers son tombeau. J’aperçus, sous la coupole, un gardien aveugle plongé dans un profond sommeil ; graduellement je vis sa verge se dresser. À cet aspect je me recommandai à Dieu et m’avançai vers le dormeur, livrée aux tentations de Satan le maudit, car je n’avais jamais vu un homme pourvu d’un tel membre. Je me sentais bien résolue à ne pas laisser échapper pareille occasion et à m’abandonner aux séductions du plaisir.

Je m’avançai avec précaution vers l’aveugle, écartai ses vêtements, et mis à découvert son instrument. Aussitôt je dénouai la coulisse de mon chalwar et plaçai dans ma fente la tête de son dard ; je m’appuyai sur lui, l’introduisis tout entier et ressentis ainsi les délices de la volupté : ainsi cet aveugle combla, sans le savoir, mes vœux et mes désirs.

À partir de ce moment mes sens me dominèrent tellement que je m’abandonnai à la prostitution.

Cela dit, elle se tut.

VI

Le Concierge.


Une sixième femme, s’avançant vers le fils du vizir, s’exprima ainsi :

— Fille de marchand, votre servante épousa un bey. Bien que fort orgueilleux, il ne laissait pas de s’approcher de moi, de porter la main à mes grandes lèvres et de placer sa verge dans l’intervalle quand parfois des pensées sensuelles l’agitaient.

Mais ses sensations étaient si rapides qu’il n’avait pas le temps de l’introduire : il laissait l’éjaculation se produire à la porte. De cette façon je restais toujours sans satisfaire mes désirs, ma passion de jouissances sexuelles restait inassouvie ; vivre de cette manière me semblait pire que la mort.

Un jour il avait invité quelques amis. Profitant de ce moment, notre servante noire avait disparu. — Où est-elle donc passée, me disais-je ? Je me mets à la chercher de côté et d’autre et l’aperçois à quatre pattes ; je me place près de la porte et vois notre concierge qui, comme un diable, l’assaillait et se fourbissait chez elle. Ainsi j’observai toute l’affaire, mais ne savais à quoi me résoudre.

— Misérable jeune homme, m’écriai-je tout à coup, que fais-tu là ? À ces mots, il s’interrompt et reste tout penaud. Je me tourne alors vers la négresse : — Que ferai-je maintenant ? lui dis-je alors : si j’en parle à mon mari, il va renvoyer cet homme.

Alors la servante se jette à mes pieds : — De grâce, madame, me dit-elle, n’en dites rien à notre maître et nous serons tout dévoués à vos ordres.

— Alors faites-moi un plaisir ; j’ai pitié de vous, mais veille au bas de cet escalier et avertis-moi si quelqu’un vient.

Ainsi je l’envoie faire le guet, puis je m’adresse au jeune garçon : — Rassure-toi, lui dis-je, et uses-en avec moi comme tu as fait avec l’esclave.

À ces mots il perd toute crainte, s’avance, m’attire vers lui, me retrousse et s’aperçoit que je n’étais ni moins bien faite ni moins agréable que la négresse. Il respire à longs traits la suave odeur du musc dont j’étais parfumée, puis il se met à besogner entre mes jambes. — Pas si vite, lui disais-je, entraînée par le désir de la jouissance, pendant qu’il s’agitait avec rapidité. Docile à mes ordres, ce vaillant cavalier ne se laisse aller qu’au moment même où j’atteignais le but de mes désirs.

Ainsi mon cœur lui dut le remède à ses maux ; jamais aucun autre ne me procura pareille jouissance et semblable volupté ; c’est depuis ce jour-là que je me suis adonnée à la galanterie.

Ayant ainsi parlé elle se tut.

VII

Le Muletier.


À son tour une septième femme prit la parole.

— Effendi, votre servante était l’une des femmes du sultan de Bagdad. Mon époux, aussi beau que distingué, était fort amateur du beau sexe. Grâce à l’emploi de ruses subtiles, je m’adonnai, avec un de ses esclaves, à un commerce galant ; mais il avait chargé de nombreux espions de veiller sur son harem. Il est bientôt instruit de notre intrigue, fait saisir le coupable et ordonne de le mettre à mort. Cependant, à force d’instances, on parvint à lui sauver la vie ; le sultan se contenta de lui faire enlever les testicules et de le réduire à l’état d’eunuque : alors il lui fut permis de ne plus s’éloigner de moi.

Aussitôt sa guérison, il quitta le service du sultan et se résolut à s’éloigner du pays. Bientôt nos effets sont chargés sur des bêtes de somme, nous montons à cheval, nous nous mettons en marche et sortons de la ville. Ainsi nous parcourons plusieurs étapes et atteignons un pays où nous résolûmes de nous reposer une journée, car c’était vraiment un joli endroit. Alors les charges sont mises à bas et nous campons, entourés de nos bêtes.

Une fois couchés, mon mari m’embrasse de la façon la plus tendre ; pour mieux me caresser, il se place sur moi et commence à me frotter, comme aurait fait une femme. Notre muletier, qui ne dormait pas, ne se douta cependant de rien.

Peu après, mon mari s’endort, mais il avait tellement surexcité mes appétits sensuels que je ne pouvais goûter le sommeil. Toute éveillée, je regardais de côté et d’autre. Bientôt je vis le muletier se lever, s’approcher d’une ânesse, tirer son dard, en frotter la tête de salive, s’étendre sur le dos de l’animal et pénétrer dans son réduit secret.

Cette femelle s’agitait sous lui pour activer l’éjaculation ; une fois qu’elle s’est produite, il s’éloigne et regagne sa couche.

Comme on le pense bien ce spectacle n’avait pas contribué à me calmer ; je me sentais au contraire brûler de toutes les ardeurs ; mais je ne savais que faire. Troublée que j’étais de ce que je venais de voir je ne pouvais fermer les yeux et ne savais comment m’y prendre pour recouvrer ma tranquillité d’esprit. Hélas ! disais-je en moi-même, si mon mari s’est satisfait il ne m’a pas contentée ! C’est maintenant comme un mort, à quoi vais-je me résoudre en cette occurrence ?

Alors je me lève avec précaution et m’éloigne sans bruit. — Qu’as-tu fait ? dis-je au muletier en lui parlant à voix basse ; il n’est pas permis, mon ami, tu le sais, de séjourner en un endroit où il n’y a pas d’eau !

— Ne s’en trouve-t-il donc pas ici ? Et d’ailleurs, quel besoin y en a-t-il ? ajoute-t-il en riant. Ce n’est pas votre serviteur qui commettra la faute de vous en laisser manquer.

— L’occasion est belle, ajoutai-je ; puisque mon mari laisse, en dormant, échapper sa proie, profitons-en : c’est maintenant le moment de nous livrer au plaisir.

Alors il me fait signe, s’approche de moi, m’étreint dans ses bras et me couvre de baisers.

— Laisse-moi voir, lui dis-je, comment tu es armé et si tu es capable de me donner du plaisir.

J’écarte ses vêtements et découvre son plus bel ornement ; par degrés il dresse la tête : il était tel que je ne saurais vous le décrire. À cette vue, je ne pus me retenir et me mis à le cajoler et à le baiser avec un plaisir indicible.

Quand il est prêt à pleurer, il se place entre mes cuisses, je l’enserre de mes jambes et il s’introduit doucement dans mon réduit secret. Alors je ressentis des délices aussi variées que voluptueuses.

Comme l’ânesse, je m’agitais sous lui et, au moment de l’éjaculation, je ressentis d’immenses jouissances : encore aujourd’hui, je suis toute ragaillardie rien que d’y penser.

Ayant ainsi satisfait ma passion, je m’éloignai de lui en lui témoignant toute ma reconnaissance.

Tel fut le récit de cette joyeuse commère.


VIII

Le Prisonnier.


La huitième de ces femmes entama ainsi sa narration :

Votre servante, Effendi, est fille de geôlier ; on vantait chez moi une beauté et une amabilité rares ; c’était par charité pour les détenus que mon père et ma mère s’étaient résolus à se faire gardiens de prison.

J’avais à peine atteint ma dixième année qu’un jeune garçon de la suite du padischah fut incarcéré dans notre prison : il était plus agréable à voir que la lune dans son plein.

Un redoublement de surveillance et de vigilance fut prescrit à son égard et, d’après les ordres du grand-vizir, il fut chargé de chaînes pesantes, rivées à ses chevilles. En vue de veiller sur lui avec plus de soin, mon père me prescrivit de ne pas le quitter des yeux ; lui, de son côté, exerçait une attentive garde.

J’observai le trouble de son âme et de sa parole, sa beauté et ses grâces et m’appliquai à deviner tout ce que décelait de chagrins secrets l’expression de son aimable figure.

Un jour mon père, obligé de se rendre dans le voisinage, me recommanda un strict guet.

— Ce jeune homme, conclut-il, est comme un lion en cage ; ne le perds pas un instant de vue, ajoute-t-il en s’éloignant.

À peine fut-il parti que, désireuse de profiter de l’occasion, je me rends auprès du prisonnier et me mets à préparer son repas. À sa vue je me sentis toute joyeuse, car sa beauté m’avait inspiré les plus tendres sentiments. Une fois les mets apprêtés, je m’approchai de lui pour accomplir mon service.

Bientôt nous nous engageons dans un entretien qui mit au grand jour l’affection et l’amour qui nous unissaient l’un à l’autre. Je l’entoure de mes bras, il couvre de baisers mes yeux et mes lèvres, je m’enivre du plaisir de respirer le parfum de ses joues de rose.

Il me demande alors si j’étais vierge, et se montre tout joyeux de ma réponse négative. Alors il me couche sur le dos et fait pénétrer dans ma gaîne le plus désirable des poignards ; je l’entoure aussitôt de mes bras et me mets à fourbir son arme. Je sens bientôt l’éjaculation se produire et ainsi nous savourons les plus doux plaisirs. Avant que la nuit ne fût venue nous nous livrâmes trois fois à cet exercice, puis je m’éloignai de lui.

Dès le lendemain je débarrassai ses pieds des fers qui les entravaient ; l’ayant ainsi tiré de peine, il sortit de la prison et s’enfuit. Il ne me reste d’autre souvenir de nos amours qu’une boucle de cheveux cueillie sur sa tempe.

Ainsi parla-t-elle.


IX

Le Garçon de Magasin.


Une neuvième femme s’avance alors.

Votre servante, Effendi, devra bannir toute honte pour lui parler de ses amours. Mon père travaillait en cornes ; il avait chez lui un garçon des plus rusés. À l’âge de onze ans votre servante était encore tellement innocente qu’on la laissait librement circuler hors du harem. J’évitais, toutefois, de me mêler aux ouvriers.

Cependant ce garçon malin dont j’ai parlé me comblait d’attentions, de dragées et de gâteaux ; pour cette raison je me rendais souvent auprès de lui. Alors il me prenait sur ses genoux et se mettait à me faire sauter. Parfois son dard se plaçait entre mes cuisses, se frottait contre moi et me mouillait. Je commençai bientôt à comprendre de quoi il s’agissait ; je sentis alors mes sens s’éveiller et la soif des plaisirs de la copulation naître chez moi.

Une fois que, comme de coutume, je m’étais rendue auprès de lui, il se mit à en user à sa façon ordinaire, je voulus lui faire comprendre que je n’étais pas si niaise qu’il le pensait :

— Quel est ton dessein, lui dis-je ? Comporte-toi en homme ou bien laisse-moi tranquille !

— Ma chère, réplique-t-il, puisque tu es disposée à te montrer complaisante, tu vas voir comment je sais me comporter à l’occasion.

— As-tu jamais eu affaire, poursuivis-je, à une fille vierge ?

À ces mots je le vis trembler de tous ses membres. Sans tarder il m’étend cependant à terre, prend place entre mes cuisses, humecte ma fente de salive et en use de même à l’égard de son arme virile, dont il se met à travailler entre mes grandes lèvres : à force de frotter et de pousser, son membre pénètre graduellement. Je me sens alors en proie à toutes les ardeurs de la passion ; des larmes brûlantes coulaient de mes yeux au moment où il achevait son opération. — Enfin, m’écriai-je, je suis arrivée à mon but ! Quand il s’est introduit jusqu’au fond, il se met à genoux ; je soulève mes hanches pendant qu’appuyé sur ses mains, il m’assaillait. Sans doute la douleur se peignait sur mon visage et dans mes yeux, mais le plaisir l’emportait encore sur elle. Dans notre ivresse un souffle bruyant s’échappait de nos narines. À force de nous caresser ainsi, un doux sentiment de volupté, un bien-être délicieux fut le prix de nos fatigues. Après avoir ainsi goûté par trois fois les délices amoureuses il s’éloigna de moi. Je m’aperçus alors que je saignais, mais je le quittai sans que personne se fût aperçu de rien. Pour lui donner une dernière et nouvelle preuve de mon affection, et puisqu’il était devenu mon amant, je lui laissai voir mon visage.

Ayant ainsi parlé, elle se tut.

Alors le fils du vizir, satisfait de la complaisance de ces dames, leur fit à toutes des cadeaux. Comme, à cet instant, le jour commençait à poindre, la compagnie se sépara et chacun s’en fut chez soi en songeant à ce qu’il avait entendu.


Vignette pour le Livre de volupté
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Bandeau pour le Livre de volupté
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TROISIÈME PARTIE.


SUPPLÉMENT TIRÉ DE KORAN-BEY


I

De quelques positions.


Il est encore, avec les femmes, d’autres façons de procéder que celles déjà décrites ; nous allons en dire un mot.

Voici comment s’exprime, à cet égard, Koran-Bey, un des plus versés et des plus instruits dans les finesses de l’art.

Dire que la position sur le dos n’est aucunement favorable à la jouissance, c’est là une fausse opinion, une erreur d’esprit de gens qui ne connaissent rien en fait de voluptés, une pensée digne de mépris. En effet, c’est de cette façon que l’introduction de la verge procure la plus grande somme de plaisirs et qu’elle s’opère avec le plus de facilité, soit qu’il s’agisse d’une femme étroite, d’une femme rendue telle par la violence de ses désirs ou encore peu humide. Il en est surtout ainsi quand on a en vue l’ouverture postérieure, car alors le pénis s’introduit avec la même facilité que le petit doigt.

Le même Koran-Bey raconte ce qui suit : Un jour une femme prise de la soif du plaisir et désireuse de l’apaiser se découvre devant moi. Mais, comme on dit, le prêtre, même le plus digne n’est pas admis à entrer dans toute église ; malgré un violent effort, je ne pus pénétrer où je désirais et en restai tout surpris. Combien de nos frères, amateurs de garçons ont éprouvé cette déception ! Après plus de quarante essais infructueux j’abandonnai l’entreprise. — Il me faut, pensai-je alors, étudier tous les secrets de l’art de l’athlète, je veux dire toutes les ruses à mettre en œuvre au jeu d’amour !

Je mis ce dessein en pratique et, chaque fois qu’elle venait me voir, j’employais un nouveau procédé. Enfin, quand je devins directeur du télégraphe, nous avions employé mais en vain, tous les moyens que j’avais pu imaginer.

Comme nous étions encore une fois ensemble je lui dis : — Découvre-moi ces fesses dont tu m’as fait maître, ces fesses aussi potelées que la grasse poitrine d’une oie, d’une blancheur aussi éclatante que celle du cristal. Je les saisis de mes mains, fort occupé de savoir comment j’allais m’y prendre. — Comment vais-je faire, disais-je ? Pareille chose est-elle jamais arrivée à personne, fut-ce dans le palais du Pape ? Vais-je donc avoir à me glorifier de ressembler à un âne ? Je me mis à sourire car, de ma vie, je n’avais éprouvé semblable déception. — Je ne puis cependant, ajoutai-je en moi-même, me servir d’un autre outil que de la verge !

À ces mots j’entoure ma maîtresse de mes bras ; par degrés et lentement je pénètre chez elle et bientôt nous ne faisons plus qu’un. En douceur l’introduction complète se produit en me faisant goûter une jouissance telle que je n’en avais jamais éprouvée. Alors, je me soulève, je me remue et enfin l’éjaculation se produit. Ainsi votre serviteur atteignit son but avec une femme faite comme je l’ai dit ; il n’y a pas d’autre moyen à employer en pareille occurrence.

Pendant qu’elle avait les reins découverts me tournant le dos, je m’avançai vers elle et, agité de convoitise, je saisis ses fesses aussi nettes que cristal et commençai à les embrasser et à les couvrir de baisers.

Alors elle se met à sourire, me regarde et prend la parole : — Sais-tu comment faire, me dit-elle, pour t’accoupler avec n’importe quelle femme ?

— Il doit, lui dis-je, y avoir plus de cent façons de s’y prendre.

Alors elle me découvre plusieurs manières que vous connaissez déjà ; je lui indiquai celles que j’ignorais et désirais pratiquer.

— Je vais te quitter maintenant, me dit-elle après avoir fini, mais dans quelques jours je te donnerai la satisfaction de les mettre en œuvre avec moi.

En effet elle vint me trouver, en vue de nous adonner au plaisir ; ainsi elle me rendit maître du secret de divers procédés que je vais vous décrire.

Premier. — Mon amante, pleine de grâce et de gentillesse, s’approche de moi et commence à me caresser. Quand elle voit qu’elle avait ainsi porté mes désirs sensuels au plus haut degré, elle se retrousse, se couche sur la figure les hanches élevées, humecte de salive ses parties et son ouverture postérieure.

— Prends mes fesses, me dit-elle, entr’ouvre-les, place la pointe de ton poignard à l’entrée de ma gaîne et appuie.

Je me conformai à ses conseils, me remuai, m’agitai et, de cette façon, je parvins à m’introduire. Dans l’excès du plaisir je pensai m’évanouir. Nous nous balancions de droite et de gauche et, à force de tirer à moi et de pousser, tantôt d’une façon, tantôt d’une autre, nous atteignîmes au maximum de la jouissance et goûtâmes des voluptés indicibles. Jamais jusqu’alors je n’avais joui de pareilles délices.

— Comment appelle-t-on cela, lui demandai-je après avoir repris pied ? — La Cage en l’air, me répondit-elle.

Deuxième. — Sur-le-champ elle se lave, revient me trouver, écarte ses vêtements et met à découvert ses reins aussi nets que cristal, s’appuie sur sa tête, se met à genoux et étend de la salive sur ses parties. Alors je saisis ma verge et, après plusieurs essais et frottements, je parviens à pénétrer dans la place. Sous moi je la sentais s’agiter et j’entendais un souffle haletant bruire de ses narines. Graduellement le désir sensuel grandit chez moi : bientôt une liqueur brûlante monte et s’échappe. C’est à la Turque.

Troisième. — De nouveau l’amante vient retrouver l’amant après s’être rafraîchie. Elle arrive jusqu’à moi, excite mes appétits par d’énergiques frottements et se met encore une fois à genoux devant moi. Alors je pénètre entre ses cuisses couleur de rose, mais plus désirables encore.

— Entre lentement, me dit-elle, le gland et la verge, puis retire-les de même à toi et recommence ainsi successivement.

Je me conformai à ses instructions ; bientôt je sentis ma verge s’introduire aussi facilement qu’un doigt, et ressentis une jouissance impossible à décrire. C’est la Bouchée sans pareille.

Quatrième. — Après avoir, comme de coutume, consacré quelques instants aux ablutions, ma belle s’avance vers moi. Grâce à ses caresses et à ses amabilités me voici bientôt en état d’agir. Elle me présente encore une fois le derrière, l’humecte de salive et me recommande de ne point mouiller ma verge. Aussitôt je la sors, assaille mon amie et j’essaie de pénétrer ; mais je ne pus y parvenir que petit à petit et avec difficulté. Ainsi je me sentis jouir du même plaisir que si je déflorais une vierge, ainsi nous fîmes l’amour et j’obtins l’éjaculation. Je ne sais pas de meilleure façon, aussi l’appelle-t-on en Connaisseur.

Cinquième. — Après un moment de repos et la purification accoutumée elle s’approche de nouveau, se penche et s’appuie sur ses genoux et sur ses mains. — Mouille d’abord ton gland de salive, me dit-elle, puis frotte-le tout doucement entre mes grandes lèvres ; ensuite force vivement la porte. Ainsi j’en usai et, quand je sentis l’éjaculation prête à se produire, je pénétrai tout à coup à l’intérieur et mis ainsi fin à mon entreprise. C’est le sans Vergogne.

Sixième. — De nouveau elle se passe à l’eau et prend un instant de repos, puis elle retourne auprès de moi. Elle se pose sur les mains et les genoux et se mouille. Alors je saisis ma verge, l’appuie contre sa fente et l’y fais pénétrer tout entière.

— Quand tu sentiras approcher le moment de jouir, me dit-elle, sors puis rentre ensuite.

Je me conformai à sa recommandation ; après plusieurs sorties et rentrées successives nous nous laissâmes aller à nos sensations et l’éjaculation se produisit. C’est la Prolongée.

Septième. — Cette fois, pour être mise en œuvre, elle reste debout, les épaules appuyées contre la muraille et le ventre en avant.

Elle se découvre et me dit : — Tiens-toi debout, place ton instrument de bas en haut, pose-le dans la fente de mon réduit secret aux nuances de rose ; par ce moyen fais-le aller et venir et picote-moi sans interruption.

Ainsi en usai-je ; je m’introduisis dans la fente, me soulevai et me baissai alternativement comme fait un cordier et, me comportant ainsi, je me sentis enfin jouir. C’est à la Pinceuse.

Huitième. — Cette fois, quand je sentis l’éjaculation approcher, je retirai ma verge alors de la couleur de la rose, puis, quand elle eut repris de la force, je me satisfis. C’est la Mystérieuse.

Neuvième. — Elle s’approche de moi, je me couche sur le dos, les jambes étendues ; elle s’assied sur moi et me fait pénétrer chez elle. Puis, tout doucement, elle tourne sur elle-même, me montre le dos et se penche en avant. Au bout d’un moment passé de la sorte je me sentis jouir. Cela se nomme la Perle.

Dixième. — Le savant homme dont nous avons déjà parlé, Koran-bey, raconte ce qui suit :

Après avoir acheté une esclave, je me renfermai avec elle pour satisfaire mon désir.

— Connais-tu, me dit-elle, le procédé dont j’use pour faire l’amour ?

— Je l’ignore ma belle, mais fais-moi la grâce de me l’indiquer.

— Quand tu te trouves en état d’érection et prêt à la copulation, couche ta belle sur le dos, relève ses cuisses, assieds-toi sous elles et place ton dard à l’endroit voulu. Ensuite, alternativement, fais-le pénétrer et retire-le jusques vers la pointe ; après quelques moments employés de cette façon tu sentiras l’éjaculation se produire. Selon tes préférences tu peux employer ce procédé, soit à l’égard de l’ouverture de devant, soit à l’égard de l’autre, c’est-à-dire pousser ton pénis de bas en haut vers le nombril, dans le vagin, soit l’introduire, en sens inverse vers la porte de derrière. C’est à l’Arrière-Garde.


II.

Contre la Sodomie.


La plupart de celles qui désirent l’action contre nature sont des femmes de la dernière dépravation ; chez elles le plaisir de la copulation exercée par-devant ne suffit plus à la satisfaction de leurs appétits. De même certains hommes, qu’on nomme à double face, sont également altérés et des délices de la fente et de celles de la rosette. Il est, de plus, des galants dont les dispositions changent et en viennent à chercher une autre façon de besoigner que par-devant ; certains, parmi eux, s’en tiennent ensuite à la porte de derrière et se dégoûtent du gracieux réduit propre à la femme ; telle est la fâcheuse fin où conduit pareil penchant. De fil en aiguille il mène à la sodomie et au dégoût de la femme ; leur inclination les subjugue de plus en plus, ils en viennent à s’attacher uniquement à se rendre maîtres de toutes les finesses et de tous les secrets de cette façon d’agir et à mettre leur gloire à décrire et détailler en connaisseurs les diverses manières de s’y prendre.

Nous dirons cela que si l’on parle de source des plaisirs et des plaisirs souverains, que si l’on donne ainsi, au réduit secret de la femme, plus de noms divers qu’il n’y a de lettres dans l’alphabet, c’est pour indiquer que, là, les plaisirs à prendre dépassent tout dénombrement. Si on le nomme plus communément la fente, il y a cependant plus de quatre-vingts façons différentes de le désigner. Cette abondance indique clairement de quels nombreux bienfaits la providence nous a gratifiés par cette voie, elle fait également ressortir combien leur dégustation et leur recherche est chose légitime et naturelle. Il y a, de plus, vingt-huit manières d’en parler sous la forme d’une chose altérée et brûlante et chacune d’elles est en rapport avec un genre de bien-être, goûté par son moyen, avec un plaisir particulier indiqué de cette façon. Enfin si on ajoute à ces divers noms, les périphrases comme : La Porte du vainqueur et autres, on arrive à un total de deux cent quatre-vingt-trois expressions dont chacune le désigne à un point de vue spécial. Il suffit de citer de pareils chiffres pour mettre en lumière combien de jouissances et de plaisirs il procure.

Puissent ceux qui s’éloignent de cette fontaine de l’âme altérée et s’attachent à la recherche d’autres sensations être convaincus par ces raisons et rentrer dans le droit chemin.


III

La Rencontre.


Pir-Ali, si renommé parmi les Arabes, raconte ce qui suit :

Certain jour, je sors de ma maison et, de propos délibéré, je m’arrête debout à la porte, pour observer. Tout à coup je vois s’avancer une femme ; elle était galamment troussée et se balançait gracieusement.

— Ma chère petite dame, lui dis-je d’un air badin au moment où elle passait devant moi, veux-tu bien que je te propose une énigme !

Volontiers, fit-elle.

Sans plus tarder je commençai ma description : — Il a pour mesure, lui dis-je, une main étendue et par la forme il ressemble à la bosse du chameau. D’ordinaire, il reste la tête en bas ; si, par moments, comme le bras d’un amputé, il se relève, c’est pour retomber bientôt. S’il suit parfois un large chemin, il est cependant aveugle et quoiqu’il ait une bouche mignonne, il est muet. S’il s’avance, c’est sans jambes : malgré tout cela, il réussit d’ordinaire à atteindre son but ; alors il porte la joie d’une âme dans l’autre, bien que parfois il fasse couler le sang ; dans sa colère, il prend la couleur de la prune sauvage. Le tronc appuyé sur un os, il a le corps du serpent ou semblable à un tuyau ; d’ordinaire on peut entourer sa taille en la saisissant entre le pouce et l’index. On le prendrait au toucher pour une solide corde. Ainsi il ne manque rien à sa description ; tu peux maintenant apprécier sa valeur, bien connue de l’homme, car j’ai terminé son portrait.

— Mon cher monsieur, me demande-t-elle alors, ce dont tu parles, est-ce chose malhonnête, animée ou inanimée, mangeable ou non ?

— Elle est désirée de tous et chacun de ceux qui la possèdent s’en fait gloire, enfin elle est plus douce à sucer que canne à sucre, plus agréable à mettre entre les lèvres qu’un bonbon du meilleur faiseur.

Elle sourit sous son voile et s’avance vers moi : — Si tu veux connaître le mot de l’énigme, lui dis-je, je te le découvrirai en particulier ; alors il apparaîtra à tes yeux aussi clairement que la lumière.

Doucement elle écarte alors son féradje (manteau) et s’offre tout entière en proie à mon regard. Je vis son corps d’ange, blanc comme le camphre ou la cire vierge, puis, continuant mon examen plus bas, j’admirai son réduit secret aux lèvres de lièvre gracieusement rebondies, et, pour plus de plaisir encore, absolument exemptes de tout duvet. On ne pouvait mieux le comparer, pour la netteté, qu’au cristal ou à l’œuf du phénix ; au milieu, une fente, due au canif infaillible et sûr du Créateur, le divisait en deux parties. À détailler tant de charmes, un trouble délicieux s’empare de tout mon être, la sensation d’une volupté sans pareille me saisit.

À la vue de mon trouble et de mon bonheur elle se met à minauder et à se balancer d’une façon si gracieuse que les vers d’un poète seraient insuffisants à la décrire.

— Vois, me dit-elle, combien ce nombril l’emporte en perfection sur le bouton près d’éclore et sur la rose épanouie ! Ainsi elle me lance d’excitantes paroles et me fait goûter toutes les jouissances du tête-à-tête.

— Nous ne sommes de bois ni l’un ni l’autre, lui dis-je alors. Comment nous verrons-nous et où mettrons-nous en œuvre les délicats procédés des voluptés amoureuses ?

— Laissez, seigneur, lever le prochain soleil, puis quand il se sera montré à son balcon, dirigez vos pas vers ma modeste demeure. Elle s’ouvrira devant vous et vous m’y trouverez préparée à savourer, avec vous, tous les plaisirs : c’est là que je vous veux attendre.

Le lendemain je me couvre de mes plus beaux vêtements puis, quand je me suis paré avec le soin de l’aigle pour ses plumes, je me mets en chemin. Je découvre sa maison ; une fois entré, je me trouve dans un jardin où un kiosque élevé était entouré d’eaux vives ; on se serait cru dans un coin du paradis, tant ce lieu faisait plaisir à voir. Dans ces ruisseaux se baignaient de jolies esclaves au corps de neige, qui semblaient autant de poissons d’argent.

Je m’avançai ainsi en admirant mille choses charmantes et me trouvai enfin en présence de ma dame, dans toute la plénitude de la jeunesse et de la beauté et cueillis, sur ses lèvres de rose, de doux baisers. Elle me demande si je désirais quelque chose et je l’assurai que tous mes vœux étaient comblés à sa vue.

Sur un signe d’elle qui équivalait à un ordre, on servit un souper préparé à l’avance, puis s’avancent de jeunes échansons aux joues de rose qui nous présentent des coupes pleines ; nous nous livrons au plaisir de boire la liqueur purpurine. Bientôt ma belle Dijhan prend un tambourin et nous nous livrons ensemble aux plaisirs de la musique et à ceux de la table. Nous n’étions point encore enivrés mais, pleins de cette douce gaieté que donne la coupe, nous chantions de joyeux refrains. Je sentais mon âme bouillonner de passion, aussi ne pus-je m’empêcher de joindre un soupir aux gémissements du tambourin de ma compagne.

Elle s’aperçoit de l’état de mon âme, met de côté son instrument, m’entoure de ses bras et me dit : — Pourquoi soupirer, mon ami, tu n’es pas venu ici pour cela, mais bien pour te livrer avec moi au plaisir et à la joie.

À ces mots, elle dénoue prestement la coulisse de mon chalwar et se met à passer une main douce comme coton sur mon plus précieux ornement. Puis elle relève ses vêtements et me met ainsi à même de caresser ses plus secrets appâts. Sans plus tarder, j’étends la main et la porte entre les grandes lèvres, à la porte d’amour.

— Ta passion est-elle déjà passée, me dit-elle alors par manière de railler ? À ces mots, elle m’entoure de ses bras ; la patience m’échappe, elle m’attire vers elle et je commence à frotter entre les grandes lèvres. Elle s’y prête de bonne grâce et bientôt nos désirs atteignent au paroxysme. Alors je me place entre ses cuisses, je m’agite comme un fou dans sa fente aussi rose que pastèque et frotte, d’une épissure à l’autre, à la recherche de la porte des délices ; enfin ma verge se place au bon endroit et pénètre comme un doigt frotté de beurre frais. Par degrés, nous sentons croître chez nous les délices voluptueuses ; combien de temps nous nous agitâmes ainsi, je l’ignore, toujours est-il que, dans un dernier et violent transport, l’éjaculation se produisit.

Tel est ce récit.


IV

Les Désirs sont-ils plus violents chez l’homme
que chez la femme ?


Un sultan s’était choisi deux médecins.

— Le désir est-il plus violent chez l’homme que chez la femme ? leur demanda-t-il un jour.

— Bien que plus faible, répondirent-ils, c’est elle qui l’emporte sous ce rapport.

— Quelles preuves en avez-vous ?

— Mon padichah une femme peut faire l’amour indéfiniment dans une même journée, mais nul homme ne pourrait se livrer plus de quinze fois à cet exercice.

— Mais pourquoi la passion de la femme est-elle insatiable et pourquoi le sperme de l’homme s’épuise-t-il plus vite !

Celui de la femme descend de son ventre, tandis que, chez l’homme, il vient du dos. Ainsi il a une plus longue distance à parcourir et arrive plus difficilement. La femme, ajoutent quelques auteurs, l’emporte en vivacité de désirs sur l’homme ; si elle les cache davantage, il faut l’attribuer à la pudeur. De plus, dans la jeunesse, l’homme s’abandonne souvent aux pollutions nocturnes, aussi avec l’âge, sa virilité s’atténue-t-elle rapidement. La femme, à laquelle pareille chose n’arrive point, le trouve prématurément atteint d’apathie.

Voici, à ce propos, quelques exemples.


V

Un mari réveillé.


Un médecin, qui passait son chemin, assista un jour aux réclamations violentes, faites à ce propos par une femme âgée. Elle se présente devant l’iman et le muezzin : il n’y a là, firent ceux-ci, aucun motif légal de plainte. Cependant ils se rendirent chez elle, en vue de tenter un arrangement amiable.

Le médecin qui avait du temps de libre, les suivit. Le mari, piqué d’honneur, satisfait aussitôt sa femme de la bonne façon.

Alors la haine de celle-ci se change aussitôt en une tendre amitié.

— Hélas ! s’écrie-t-elle, que n’avais-je eu recours jusqu’ici à ce moyen ! Maintenant que je le connais je n’ai plus rien à désirer, dit-elle à son mari ; considère-moi comme une esclave soumise.

VI

Le Galant insuffisant.


Qanouni-Ahmed était connu comme un légiste des plus distingués ; homme d’un esprit enjoué, il se plaisait à la conversation et à réunir, dans cette vue, quelques amis. Un jour nous nous rendîmes à l’une de ses réception ; nous y trouvâmes, outre le maître de la maison, deux invités. Auprès de chacun d’eux, se tenait une femme charmante, d’une beauté aussi parfaite que rare.

— De quels jardins, dis-je en matière de compliment, ont donc été tirées ces roses ?

— L’une est d’Égypte, l’autre de Syrie et la troisième du Maroc, me répondit-on.

La Marocaine était une belle florissante de santé, de taille, de lignes et de stature bien proportionnées. Je savourais avec délices le plaisir d’admirer ses grâces et ses attraits. Son cœur ne resta pas insensible à mon attention, car elle commença à raconter de joyeuses histoires et à entreprendre le récit d’anecdotes gaillardes. Je prenais un plaisir extrême à l’entendre, j’en fus bientôt tout transporté. Je ne perdais pas une de ses paroles enchanteresses, chacun de ses éclats de rire me semblait un roucoulement de rossignol : bref, je ne me possédais plus, mais personne ne remarqua mon agitation et mes soupirs.

Cette situation se prolongea jusqu’à ce qu’enfin, sur un signe d’elle, chacun s’en fut gagner son lit avec sa belle.

Ainsi je vis la Marocaine s’éloigner. Je fus me coucher machinalement, comme en proie à l’ivresse, mais, dans le silence de la nuit, mes yeux ne pouvaient goûter le sommeil : je l’avais vue et c’est tout dire. Mon lit était dressé au pied d’un mur et, en face de moi, de l’autre côté de la chambre, était celui où elle reposait avec son amant. Tout effort pour la rejoindre me semblait inutile ; dans mon trouble je ne faisais que me tourner d’un côté et de l’autre.

Tout à coup ma belle, qui ne dormait pas plus que moi, commence à s’agiter ; on sent combien je brûlais de la satisfaire.

— Seigneur ! fis-je alors, laisse-moi profiter de cette occasion, accorde-moi cette grâce ! En priant ainsi mes yeux étaient mouillés de larmes.

À ce moment, elle se lève sans bruit et m’appelle.

— Ah ! Madame ! lui dis-je, que mon sort est malheureux !

— Que t’est-il donc arrivé, mon cher ? Où en es-tu donc ?

— Hélas, il m’est survenu une colique et j’en souffre rocement, aussi, malgré tous mes efforts et toute ma patience, je n’ai pu garder le silence ; mes douleurs n’ont fait que croître, j’en suis accablé !

— Cela me fait peine ; voyons si je ne pourrais te soulager.

— Ne te donne pas cette fatigue, mais si tu as quelque vase, peut-être me sentirai-je plus à mon aise, après avoir satisfait à un léger besoin.

Alors elle se lève sans bruit et m’apporte un pot de nuit. Je le prends, mets pied à terre et m’accroupis comme si j’allais lâcher de l’eau. Ainsi posé comme un oiseau sur ses deux pattes ou comme une sentinelle en embuscade, j’aperçus ses jambes aussi douces que coton, aussi nettes que cristal ; enfin je pris ce qu’elle me présentait et commençai à uriner.

— Vous me l’avez apporté pendant que je souffrais, lui dis-je, et pour cela vous vous êtes privée de sommeil, grâces vous soient rendues, puissé-je vous en témoigner ma reconnaissance à l’occasion ! Toute action a sa récompense, plaise à Dieu qu’il en soit ainsi pour vous, puisse votre vie être longue et heureuse !

De tout cela, je ne pensais pas un mot, car je n’en usais ainsi que par ruse.

— Je me sens soulagé, dis-je après un instant ; puissent vos désirs s’accomplir, ajoutai-je par façon de remerciement.

À ce moment, elle reprend le vase pour le vider et je la suis sans bruit.

— Ahmed, me dit-elle à voix basse, de quel instrument es-tu donc armé ? Je n’en ai jamais vu de pareil jusqu’ici.

— Tout ce que possède votre serviteur, ajoutai-je poliment, est à votre disposition.

À ces mots la soif des voluptés sensuelles lui fait venir l’eau à la bouche : — Mon cher Ahmed, balbutie-t-elle en tremblant, avance que je l’admire.

— Ce n’est point ici un lieu favorable, ma belle ; prends tes habits et allons dans la cour.

À peine y étions-nous que, dans l’ardeur de la passion, elle se retrousse, me présente ses fesses et offre à ma vue ses hanches plus nettes que cristal. Sans plus tarder je la saisis par la taille, l’embrasse, la serre, tourne toute mon attention vers son réduit secret, et là, j’accomplis mon destin. Ainsi je goûtai les délices d’une volupté telle que je n’en avais ressentie de ma vie.

Cependant elle ne se trouvait pas complètement satisfaite. — Tu n’as travaillé que pour toi ! fait-elle.

Dans sa colère elle me saisit par la bourse, m’applique un soufflet et se met à m’injurier : — A-t-on jamais vu pareil polisson parmi le peuple de Dieu ! Est-ce donc pour cela que tu m’as attirée dans cette cour ? Tu verras comment je te traiterai et comment je divulguerai quel homme tu es !

Alors elle regagne son lit. Resté seul je réfléchis aux conséquences possibles de cette aventure et me résolus à quitter la place avant que l’affaire ait transpiré. Je me recouchai cependant mais, le jour venu, et avant que chacun se fut levé dans la maison, je m’éloignai prestement.

C’est donc avec raison que les sages, le Koran et Hippocrate, après avoir compris quelle est la violence des passions de la femme, conseillent de ne point la toucher de la main, de la couvrir d’un voile, de ne point chanter devant elle et d’éloigner de sa vue les images sensuelles.


VII

Comment un jeune garçon échappa
à deux amateurs.


Un homme riche, nommé Koran, grand amateur de garçons, et un certain cheickh Nedji résolurent de satisfaire leur passion sur un enfant.

Le Cheickh conduit un aimable gamin dans un jardin planté d’orangers, c’était un nouveau venu et le fils d’un baboutchi, (faiseur de babouches.) — Viens, lui dit ce jeune débauché, que je t’apprenne à t’égayer à la façon des baboutchis.

Alors il se découvre. — Il me faut user de lui ! s’écrie le cheickh. Alors il tire sa verge, mais ce bon vieux qui, du reste, aurait donné sa vie pour jouir de lui, ne put réussir dans son entreprise. Il n’était plus d’âge à se mettre en œuvre à l’improviste : malgré tous ses efforts et son chagrin, il ne put pénétrer chez lui.

Il imagine alors d’user de ruse à l’égard de Koran. — Mon cher Koran, fait-il, ce jeune garçon est à ma discrétion et je ne devrais consentir à l’échanger contre quoi que ce soit cependant je te le donnerai à une condition : c’est que tu n’useras point de lui avant qu’il soit majeur. Si tu contreviens à la convention, ma science dans l’alchimie me le fera connaître.

Cela dit, ils pénètrent dans le jardin et le cheickh se sépare d’eux, se cache et les observe. Quant à moi, Koran, je sors ma verge et m’apprête à jouir du garçon ; celui-ci se penche en avant et se découvre, il s’approche de moi et se prête à la circonstance. Pendant qu’il était ainsi disposé, je me baisse et m’appuie sur lui, mais je m’aperçois alors qu’il était placé un peu de biais. — Mets-toi droit, lui dis-je, nous allons essayer de nouveau de mener notre affaire à bonne fin.

À ce moment, il jette un regard derrière lui, aperçoit le cheickh et je compris pourquoi ce dernier m’avait offert l’échange ; l’enfant, tout honteux de l’incident, s’échappe.

Voilà comment moi, Koran, dont le dard touchait au but, je restai les armes à la main ; voilà ce qui m’est arrivé et comment un jeune garçon échappa à la poursuite de deux amateurs.


VIII

Aventure de voleurs.


Une nuit des voleurs, en vue de faire du butin, pénètrent sans bruit dans une maison ; ils la fouillent en tous sens et n’y trouvent qu’une femme, son mari et un mouton. Elle ne contenait absolument rien de plus et toutes les chambres en étaient vides. Frustrés dans leur espoir, ils se sentent fort mécontents de leur expédition et tiennent conseil.

— Si vous voulez m’en croire, dit l’un d’eux, il nous sera facile de ne point rendre vaine notre visite en ce lieu. Commençons par tuer l’homme, ensuite égorgeons le mouton, faisons-le rôtir et, de sa peau, nous ferons une outre qui servira à contenir notre boisson. Nous resterons jusqu’au matin à manger, à boire et à nous amuser tour à tour avec la femme. Ainsi nous jouirons, à la fois, de tous les plaisirs.

Tous applaudissent à cette proposition. Les deux époux qui, sans se douter de rien, dormaient paisiblement, s’étaient éveillés pendant la conversation. — N’as-tu pas entendu, demande le mari à sa femme ? — Si fait, réplique-t-elle. Nous n’avons d’autre ressource que de subir patiemment les événements. — Tu en prends à ton aise, répond le mari, mais la patience est plus difficile pour moi et pour le mouton.

Les voleurs, qui entendaient tout, se mettent à rire, abandonnent l’entreprise et s’en vont.

La conduite de la femme en cette circonstance montre clairement que, quelque nombreuses que soient les années de mariage, vienne la nuit du danger elle consentira, pour se sauver, à la mort de son mari. Aussi ne doit-on point placer sa confiance dans ce sexe. De là ce proverbe : Ne compte point sur la femme, ne t’appuie point sur l’eau.


IX

Des dispositions des femmes et de
leur âges.


Il est bien connu des gens experts en la matière, à quels fâcheux inconvénients les femmes sont exposées par leur constitution. C’est cependant lors de ces époques qu’elles sont plus disposées au contact sexuel, car il les aide à revenir à leur état ordinaire, c’est ce qu’il y a de meilleur pour elles ; se livrer alors à la copulation leur procure un surcroît de vitalité. C’est aussi alors que l’homme y trouve plus de plaisir.

S’il leur survient un accès de fièvre, elles sont plus travaillées et plus brûlantes encore du désir voluptueux ; c’est aussi dans cette circonstance que l’on jouit plus agréablement d’elles. Tout le long du jour elles éprouvent, entre les grandes lèvres, une démangeaison qui les porte à un incessant frottement. L’urine qui se produit dans ce cas est des plus saines et sa sortie équivaut à une purification, car elle est alors formée de la crème des substances laiteuses. De plus, quand vient la nuit, les grandes lèvres se collent l’une contre l’autre et, toutes fermées qu’elles sont alors, elles exhalent une odeur plus suave que la bouche d’un galantin.

Koran-bey, le bien-aimé, s’exprime ainsi : — Subtil, ingénieux et expérimenté comme je le suis, je conseillerai de s’abstenir de l’action d’amour pendant le sommeil de la belle, quelque violents que soient les désirs et la passion dont vous soyez agités, car alors la purifiante et agréable humidité dont nous avons précédemment parlé ne se produit point. Pour la même raison, ajoutent les auteurs, abstenez-vous de toute fille qui n’a point dépassé sa douzième année.

Pir-Ali-Hafiz donne la limite de treize à dix-huit ans comme la plus convenable pour user des filles.

Hanem-Abla conseille de se tenir entre quinze et vingt ans.

Mahmoud le Gaznevide prétend que tout âge est bon du moment où la fille inspire des désirs, du moment où elle fait naître chez l’homme une passion sensuelle.

Rétis exprime l’opinion que, pour l’action charnelle, la fille de seize ans est préférable, mais qu’on peut user de la femme tant que l’esprit se porte vers elle. Je prétends que c’est pousser les choses trop loin et qu’il ne faut pas dépasser l’âge où les règles ont cessé.

Kasgani-Muchir-Pacha s’exprime ainsi : En pareille matière, mes amis, rien ne peut remplacer l’expérience. En cela, l’opinion d’un simple nègre peut l’emporter sur toutes les autres. Nous voulons dire par là que chacun a, sur ce sujet, des vues particulières, conformes à sa nature et à son tempérament ; ses appétits en tiennent directement et ils subsistent chez lui jusqu’à la mort.


X

Sous quels rapports les femmes l’emportent
sur l’homme et ont l’avantage sur lui.


Nul ne conteste que si la femme ne peut être comparée à l’homme pour la générosité, le courage et la véracité, sa parole l’emporte de beaucoup sous le rapport de la douceur et que la critique plaisante comme la louange revêtent, dans sa bouche, un charme tout particulier.

Si elle est parfois fidèle elle est insupportable par sa coquetterie, ses incessantes demandes et ses persécutions.

Elle se vêt mieux que l’homme ; par ses habits, sa grâce à les porter et son élégance, elle laisse loin derrière elle les jeunes galants.

Nul n’a, comme elle, lignes pures, corps gracieux et cheveux tombant sur le sein. Que sont, auprès de cela, la barbe et la moustache ? Chaque belle, dit un poète, s’enlève le duvet des joues ; que ne le laisse-t-elle pousser ? Toute sa vie il croîtra, que ne s’attaque-t-elle plutôt à ses cheveux ?

Beaucoup de femmes galantes se distinguent par une minutieuse propreté ; il serait à désirer que ceux qui les fréquentent leur ressemblassent. Sous nombre de rapports elles appellent notre attention et font naître notre émulation. Citons seulement leur haleine si pure, leur habitude de se couper les ongles une fois la semaine et de s’épiler sous les aisselles, leur soin à éviter de se couvrir la tête d’un fez graisseux et à ne point se chausser de savates. Très attentives aux odeurs, elles n’emploient que les meilleurs et les plus agréables parfums et sont d’une bienfaisance sans égale. À ces derniers points de vue elles doivent être estimées par-dessus tous.


XI

Singulier motif d’amour.


Pour quelle raison, demandait un jour une dame à sa fille, es-tu si attachée à ton mari ?

— Une fois, répondit la jeune dame, il revenait de voyage. Encore couvert de ses vêtements de route, il ouvre la porte, entre et commence à se livrer à l’acte d’amour. J’étais alors prise d’une forte fièvre, toute brûlante et les cheveux en désordre ; je n’avais pu me parfumer avant de m’abandonner à ses caresses. Malgré cela, je le vis s’avancer, le dard aussi dur qu’un pieu dans l’ardeur de sa passion, l’introduire avec violence dans ma fente et ainsi goûter le plaisir. C’est sur cette preuve d’amour que je me suis attachée à lui.

— Comment donc, ma fille, s’écrie la mère, c’est ainsi que tu t’es éprise de lui. Tu me fais peur, car je sens, à t’entendre, mes désirs s’éveiller au point que j’en pense mourir.

Telle fut leur conversation.


XII

Il faut au mari ou la patience
ou le voyage.


Pir-Ali raconta un jour ce qui suit : Le fils d’un homme intelligent prenait une femme ; pendant que le cortège de la mariée se dirigeait vers la maison de l’époux, il lui dit :

— Mon fils voici quel est mon conseil : ne te montre point trop affectionné envers ta femme ; sinon elle prendra le dessus dans le ménage et ce sera, pour toi, une source d’ennuis.

— Mon cher père, reprit le fils, comment dois-je me comporter au sujet de certaine chose que tu devines bien : lui donnerai-je cent ou mille ?

Sur ce, le père garde le silence et se renferme, en homme de sens, dans un mutisme absolu. Force fut donc au jeune époux de s’en tenir au premier conseil, qu’il observa religieusement.

Quand quelques mois se furent passés, il commença à devenir jaloux. — Choisis une duègne, lui dit son père, qu’elle devienne son ange gardien, et allons nous promener à Kiaghé-Khanit[2], ensuite, prenons une voiture et allons à Geuk-Sou[3]. Pendant qu’il essayait ainsi de le distraire, le jeune mari était rongé d’ennui, car la passion de la jalousie le tourmentait.

Alors, il comprit la vérité de ce proverbe : Il faut au mari ou la patience ou le voyage.


XIII

De l’emploi des messagers d’amour.


Nul n’ignore la puissance de ce moyen.

Au commencement Satan, sur lui soit la malédiction, et du temps des patriarches Noé et Enoch, divisa les enfants d’Adam en deux troupes ; il établit l’une d’elles dans les montagnes et l’autre, dans le plat pays. Dieu fit que les hommes montagnards fussent laids et leurs femmes parées de grâces ; dans la plaine, au contraire, les hommes étaient magnifiques et les femmes affreuses. Ceux et celles des deux troupes qui avaient la beauté en partage s’admiraient mutuellement ; comme il est dans la nature humaine ils s’éprirent les uns des autres. — Plaise au Seigneur, disaient-ils dans leurs prières, que nous ne fassions plus qu’un seul peuple !

Satan, qui voyait la passion les agiter, imagine une ruse pour les empêcher de se réunir. Il revêt la figure d’un jeune homme et s’en va visiter ceux de la plaine. Il prend une condition servile et se met à jouer de la flûte. Tous les gens des environs quittent leurs occupations et s’assemblent autour de lui. Par ce moyen, hommes et femmes se trouvent confondus ; bientôt, par une musique sensuelle, il fait naître dans leurs cœurs et les voluptueux désirs et les passions violentes ; il rompt dans leurs âmes les liens de la pudeur. Alors ils commencent à se provoquer en paroles, puis ils passent à l’action ; nous voulons dire par là que ce fut la première fois qu’on vit se produire des faits de prostitution.

Depuis lors, par cette voie, jamais la maîtresse n’a manqué à l’amant ; ils emploient sans cesse mille ruses diaboliques pour arriver à l’union sexuelle.

À propos de ces galantes menées, les Hindous disent que, dans ce but, l’amant doit choisir, comme confidente une sage-femme pour porter parole ; c’est là une ménagère instruite dans toutes les ruses.

Pour l’envoyer il faut que ce soit une femme d’éducation, capable de prendre adroitement des informations si on l’envoie quelque part, une personne d’une entière discrétion envers le mari, dût-il employer la violence contre elle.

Il faut encore qu’elle ne soit pas de condition relevée. Elle doit prendre des objets comme pour les offrir et se donner l’apparence d’une revendeuse ou d’une diseuse d’histoires. Elle peut ainsi prendre la figure d’une sage-femme ce qui lui donne le moyen de faire rouler la conversation sur des choses intimes. Tout d’abord elle raconte des aventures d’amour, puis elle émaille son récit de citations poétiques : — Il me faut composer, dit-elle en citant un vers ; toujours on aime la lumière et on la préfère aux amours de Khosrew et de Ferhad[4].

Et elle se met alors à réciter un poème semblable à une pièce de brocart. Ainsi elle étale son savoir et sa marchandise ; ainsi elle poursuit son but.

Il n’est point de beauté compatissante, ô Baki ! Abandonne cette erreur et adresse tes prières à Dieu et au nom de Dieu. Nous voulons dire par là qu’elle met en œuvre sollicitations et flatteries, puis elle emploie la séduction des promesses. — Regardez-moi comme votre mère, dit-elle, si elle trouve la belle insensible, quel motif avez-vous de me refuser ? Si la dame s’irrite et lui adresse quelques mots fâcheux alors elle prend une apparence honnête. — Bravo ma fille, s’écrie-t-elle, je t’ai parlé seulement pour t’éprouver ! Elle ne se rebute pas pour cela et n’en continue pas moins son jeu, car elle sait employer, en ces matières, mille moyens divers que Satan lui inspire pour arriver à ses fins ; elle est sûre de réussir.

Rien ne peut empêcher ces femmes de s’introduire où elles désirent, tant est grande leur expérience à cet égard.


XIV

Du tête-à-tête et des conversations.


Selon les Hindous, l’opinion des sages est qu’éviter les compliments et la conversation galante pendant l’acte d’amour est une injure pour la femme. Les hommes se distinguent de l’animal par la faculté de parler, disent-ils, aussi la conversation et l’entretien augmentent-ils chez eux la familiarité et l’amour. Il convient donc à l’amant de ne point rester silencieux pendant qu’il se trouve uni à sa belle, il doit, au contraire, la distraire par des gracieusetés et d’aimables plaisanteries. Ainsi leur intimité devient plus étroite et ils ajoutent, à leurs autres plaisirs, celui d’une aimable gaieté. C’est une meilleure façon de se rendre agréable, après la jouissance sexuelle, que d’user de simples caresses. Le silence, gardé à ce moment, réveille la pudeur de l’amante et lui retire toute joie, car peut-être s’abandonne-t-elle alors au regret de s’être livrée.

Nul homme d’expérience n’ignore que le pigeon, après s’être accouplé avec sa compagne, met son bec contre le sien comme s’il la baisait ; bientôt elle étend ses ailes et découvre sa poitrine comme transportée de plaisir. Puisque l’homme est doué au plus éminent degré de toutes les facultés, il lui convient d’imiter cet exemple et de ne rester silencieux ni avant, ni après l’union intime.

Les anciens philosophes donnent les conseils suivants à la fille qui va se marier :

— Ma fille, quand l’époux vient te trouver pour consommer votre hymen, tout animé de passion, il réclame tes faveurs. Ne dénoue point la coulisse de son chalwar, mais si, couché sur le dos ou appuyé sur les mains, il t’attire vers lui, ne résiste point, mais témoigne du plus vif plaisir et de l’amour le plus tendre. Quand sa verge a pris toute sa raideur et toute sa vigueur ramène sur ton ventre tes jambes pliées, puis porte la main à son chalwar et fais-le descendre. Alors il approche de ta fente un pénis semblable à une canne à sucre et tente l’introduction.

Adresse-lui, à ce moment, quelques paroles aimables, serre-le de tes bras, presse-le contre ton ventre, attire sa tête sur ton cou pour qu’il puisse flairer ta chevelure, enserre fortement ses reins de tes jambes passées autour de lui, de façon à ce que son grand doigt rencontre tes grandes lèvres ; une fois qu’il est entré, agitez-vous tous deux : ainsi vous atteindrez à la suprême volupté. Quand il va pour retirer sa verge de la porte sanglante, retiens-le de ta main gauche et fais-le rentrer. — Effendi, mon cher seigneur, lui dis-tu alors, si je me suis donnée à vous, c’est dans l’espoir du plaisir ! À ce discours, ses désirs se réveillent, une nouvelle et vigoureuse érection se produit et vous conduisez, encore une fois, votre affaire à bonne fin. Une fois sorti, tu le saisis, tu le caresses, tu frottes doucement son gland ; de nouveau il reprend force, se dresse et se lève. — Effendi, lui dis-tu, que de plaisir tu me fais en te voyant si animé. Puisque le désir te presse, pénètre de nouveau chez moi.

Excite ainsi ton mari par des paroles appropriées habilement à son caractère : — Que ne t’abandonnes-tu à ton inclination, reprends-tu, je suis ton esclave et ne vis que pour toi ! Ainsi tu lui parles, ainsi tu t’empares de son cœur.

Pendant que tu le flattes de cette sorte, regarde-le avec des yeux languissants, glisse ta main dans son chalwar et caresse-le jusqu’à érection. N’oppose ensuite aucune résistance à ses entreprises, laisse-le s’introduire dans ta fente et s’en couvrir la petite tête comme d’un bonnet velu.

Au sujet des aberrations de la passion voluptueuse Koran-bey s’exprime ainsi :

Un homme, alors âgé de vingt-cinq ans, se livrait à la fréquentation des prostituées ; certaine de ces femmes consentit un jour à se livrer à lui pour vingt paras (dix centimes). Il se rend alors avec elle dans un champ de maïs. Encore bien qu’il s’agît d’une vieille beaucoup trop élargie, il se couche sous elle, met au jour un objet long d’un pied et s’apprête à faire l’amour avec le même entrain que s’il avait eu affaire à un tendron de douze printemps. Il s’introduit entre les grandes lèvres et sous elle il s’agite et gémit ; un bruyant mouvement de va-et-vient se faisait entendre : il jouit ainsi d’un tel plaisir, malgré l’âge de la belle, que, pendant longtemps, il préféra les vieilles aux jeunes tant cette façon d’opérer lui avait plu.

Béchir-Effendi rapporte l’anecdote suivante au sujet du même Koran-bey.

Une femme plus qu’octogénaire rôdait souvent autour de la cellule de Koran-bey. — Il nous faut, se dit-il, exaucer ses vœux et mériter ses prières. Dans l’opinion qu’elle sollicitait quelque galante aumône, il se disposa à la satisfaire. Après s’être préparé en conséquence, il l’assaille subitement avec la force d’un vaisseau de cinq mille tonneaux lancé à l’abordage ; on eût dit une bombe qui éclatait. L’opération achevée, la vieille se lève, lui baise les mains et adresse pour lui de ferventes et abondantes prières. Peut-être cette action a-t-elle été pour lui une source de bénédictions et de prospérité.

Citons encore un autre exemple : Hafiz-Abdul-Hamid avait donné une esclave à Koran-bey : — Je t’ai donné, lui dit Hafiz, une vierge intacte. — Je vais, réplique Koran, m’en assurer. À ces mots, il met en main son dard et l’enfonce si bien que sa toison et celle de l’esclave se confondaient. L’instrument plongé dans le sang et dans la persuasion qu’il avait affaire à une vierge, (elle ne l’était point, mais avait seulement ses règles) il jouit, par trois fois, du suprême plaisir sans se retirer.

Il n’y a pas, dit-on, de volupté plus grande que celle goûtée dans l’union sexuelle ; les délices que procure le commerce charnel dépassent, en effet, toute description.


XV

Du tempérament de l’homme
et de la femme.


Il faut d’abord savoir que, chez l’homme, les passions ont leur siége dans le cerveau et que toutes les parties du corps concourent à la formation du sperme.

Chez la femme, c’est dans le cœur que naissent les désirs sensuels, d’où ils agissent sur les parties creuses situées vers le bas ventre ; ainsi la matrice arrive à descendre. Là se trouve un réseau de dix à douze veines qui tapissent ses parois et la divisent en autant de sections distinctes. C’est là ce qui constitue l’utérus.

Ces veines courent à droite et à gauche au-dessus des parties sexuelles féminines ; c’est par elles que s’introduit le sperme, c’est aussi par elles que s’écoule le sang des règles. Quand une femme devient enceinte, ces canaux se trouvent obstrués par le sperme et le sang des règles cesse de couler. Voilà pourquoi elles ne les voient point paraître pendant la grossesse.

Si, chez quelques-unes, elles se produisent après la conception, le cas est très rare. C’est alors l’effet de quelque maladie ou d’un défaut de constitution consistant en une largeur inusitée des canaux matriciels. Si, dans ce cas, l’écoulement est plus considérable que de coutume, il faut y voir l’effet d’une action exercée par des génies malfaisants ou des esprits surhumains sur la nature, dont ils troublent le cours normal. On reconnaît le fait de cette influence à la circonstance que le sang s’écoule coagulé. Cet accroissement de pertes chez la femme enceinte porte le plus grand, préjudice à sa santé.

Il est, en outre, reconnu que si, chez certaines femmes, les appétits sexuels ne sont pas en rapport avec la complexion, on doit admettre, cependant, qu’en général, une femme de complexion moyenne aura des appétits modérés.

Toutefois, il est de petites personnes chez lesquelles la soif du plaisir est inextinguible, c’est-à-dire en raison inverse de leur taille ; telle est la violence de leur tempérament qu’elles sont constamment disposées et incitées à faire l’amour : l’ardeur dont elles brûlent est si extraordinaire qu’elle prête à rire, bien qu’il faille plutôt en pleurer.

Les anciens recommandent de combattre ces dispositions par l’eau, dont l’humidité pénétrante a pour effet, de calmer l’excitation sensuelle.

Un sultan des Indes, nommé Roubil, posa un jour cette question à un médecin : — Comment peut-on calmer l’ardeur des femmes ? Avec quoi et de quelle façon faut-il les frictionner pour les rendre tranquilles ? Instruis-moi sur ce point.

— À vos ordres, seigneur, réplique le docteur.

Aussitôt il allume du feu et place dessus un vase de terre. Quand l’ébullition se fut produite, il y jeta de petits brins de bois ; elle n’en continua pas moins à bouillir.

— Les appétits de la femme, dit alors le médecin, ressemblent à cette eau. Quand ils se mettent une fois en ébullition et à entrer en action, ils ne se calment point avant que le sperme ne soit apparu, tant qu’elle n’a pas atteint au maximum des voluptés. Toute autre friction serait vaine ; il n’y a d’autre moyen pour calmer ses esprits que les relations avec l’homme.

Le Sultan goûta fort l’explication du médecin et le récompensa généreusement.


XVI

Des moments et des âges.


Il nous faut d’abord dire que tous les médecins, c’est-à-dire ceux véritablement instruits dans leur art, prescrivent à l’homme de s’abstenir de toute copulation et de toute éjaculation au lever du jour. Ils prétendent que c’est chose des plus contraire à la santé ; elle fait naître des maladies et engendre une vieillesse anticipée.

Selon certains auteurs à qui fait l’amour chaque soir faiblesse est inconnue.

Il est également mauvais et de s’abandonner sans mesure à l’entraînement des passions juvéniles et d’y résister presque absolument.

Le père de la vérité (Mahomet) dit à ceux dont la barbe commence à blanchir : — Le commerce charnel est cause de maladie pour le vieillard et pour celui que les infirmités accablent. D’après cela, il est nécessaire d’assigner un délai de continence aux gens blessés, jusqu’à ce qu’ils aient recouvré leurs forces.

Jusqu’à la puberté il faut s’abstenir.

La copulation fréquente est nuisible même jusqu’à la vingtième année : à cet âge, il est suffisant de s’y livrer une fois en deux jours. Il est bien entendu qu’il faut toujours que les deux parties soient d’accord : la femme qui se livre malgré elle ne trouve aucun plaisir à l’acte d’amour.

La lassitude arrive à chaque individu selon les particularités de sa complexion.

De trente à quarante ans, le tempérament s’affaiblit et les forces diminuent ; il faut se contenter de trois fois par mois.

En s’avançant vers soixante-dix ans, la vigueur, la gaieté et les galants désirs s’atténuent par degrés : il est alors bon de ne pas dépasser la limite de deux fois par mois.

Au delà, en allant vers quatre-vingts ans, on ne peut guère s’adonner au plaisir plus de deux ou trois fois l’an ; quelque vigueur et quelque jeunesse de cœur qu’on ait conservé, on ne saurait dépasser quatre.

Après quatre-vingts ans, nul n’est apte à l’acte amoureux.

XVII

Moyens à employer pour apprivoiser
une femme de défense.


Galien, le médecin, dit que pour engourdir la volonté d’une personne, il faut user du mélange suivant : Zeste de citron, gomme arabique, pavot. Réduisez le tout en menues fractions, puis ajoutez noix muscade et aloès en petite quantité. Égrugez en larges et minces galettes et faites-en des pastilles.

Il est également possible de donner à la préparation la forme de bâton ou de tablette de parfum ; on peut ainsi la faire dissoudre dans l’eau et la donner à boire ; on peut également l’employer en fumigation ou l’introduire, enveloppée de coton, dans une narine.

Celui qui a mis ce livre d’arabe en turc se permettra de faire observer qu’il ne faut user de semblables drogues qu’avec la plus extrême réserve ; on en a vu causer la folie ou provoquer de graves maladies. De plus, la préparation n’en est pas toujours sans péril.

Ainsi est achevée la traduction de l’ouvrage intitulé : „ Réveil du vieillard tombé en enfance ou Science de la Volupté. ”


Bandeau pour le Livre de volupté
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QUATRIÈME PARTIE.

ANECDOTES TRADITIONNELLES
RAPPORTÉES PAR
ABDUL-HAQQ-EFFENDI


I

La Marchande embarrassée.


Certain jour, c’était au Caire, un Arabe rencontre, dans une rue écartée, une femme fellah (paysanne). Elle se tenait debout entre deux grosses outres d’huile et attendait pratique. Il s’approche, s’enquiert de sa marchandise et demande à la goûter ; la femme dénoue l’une des outres, le chaland goûte l’huile et la trouve bonne. — Voyons, dit-il, si la seconde outre est de même qualité. — À ces mots, la femme serre d’une main le col de l’outre déjà ouverte et l’Arabe délie l’autre. — Tiens le col de celle-ci, dit-il à la marchande, pendant que je vais comparer. Ce disant, il verse un peu d’huile de l’une et de l’autre outre dans chacune de ses mains, examine attentivement les deux échantillons, puis il les confond dans sa main gauche, tire subitement sa verge, la frotte d’huile et retrousse la femme qui, les deux mains occupées à serrer le col des outres, ne pouvait se défendre. Il l’appuie contre le mur, s’introduit chez elle, accomplit son désir et s’éloigne sans crainte de la voir le poursuivre, embarrassée qu’elle était. — Je vois, dit-il en la quittant, la vérité de ce proverbe : La femme abandonne, pour ce qu’on lui met dans les mains, ce qu’elle a entre les jambes.


II

Le Cheickh-ul-Islam.


Sur ses vieux jours, un mollah fut nommé Cheickh-ul-Islam, c’est-à-dire chef suprême de la religion. Après la cérémonie de l’installation, il rentre chez lui vers le soir. Sa Kiahia-Cadine ou femme de charge, l’introduit dans le harem étaient couchées en rond, l’une à côté de l’autre, nombre de jeunes filles envoyées en présent, selon l’usage, et comme cadeau d’avénement, au nouveau pontife. — Celle-ci vient du Sultan, celle-ci du Grand-Vizir, celle-ci du Reis-Effendi (ministre des affaires étrangères), celle-ci du Haham-Bachi (grand rabbin) et ainsi de suite. Notre homme les admire successivement, pousse un grand soupir, tire sa verge, et, tournant sur lui-même tout en lâchant son jet, s’écrie : — Sur le bonheur qui arrive après soixante ans, on ne peut que pisser.

Le proverbe en est resté.


III

L’Arc tendu.


Le Sultan venait de faire choix d’un nouveau grand-vizir. Animés du désir d’attirer sur eux les rayons de la bienveillance de ce soleil levant, tous les dignitaires de l’État s’ingéniaient à se concilier les bonnes grâces du tout-puissant dépositaire du sceau de l’empire.

À peine le pacha d’Égypte est-il informé de la nouvelle nomination, qu’il s’empresse de choisir, parmi toutes les beautés du bazar du Caire, le morceau le plus appétissant : une jeune esclave au teint de rose, aux hanches rebondies, à la taille de cyprès, à la démarche douée d’un voluptueux balancement et dont l’œil noir reflétait les plus aimables ardeurs. Il la pare magnifiquement, la fait monter sur un chameau et la confie aux soins d’un aga de fidélité éprouvée, auquel il remet une lettre de félicitations et d’envoi pour le grand-vizir.

Notre aga se met en marche avec le trésor d’amour destiné à attirer, sur la tête de son maître, les bienfaits du dispensateur des faveurs et des châtiments. De peur d’accident, il ne perd jamais de vue la belle esclave : le jour, il se tient à côté du chameau qui porte le palanquin où d’épais rideaux, étroitement serrés, la dérobaient aux indiscrets regards ; la nuit, à chaque gîte d’étape, il s’enferme avec elle dans une chambre dont il met la clef en poche ; pour plus de sûreté encore, il se couche en travers de la porte, lui prépare un lit auprès du sien et noue sa chemise à la sienne.

Mais, comme dit un proverbe, l’ennemi enfermé dans la maison est mille fois plus à craindre que celui qui erre dans la campagne. Notre pauvre aga ne put impunément assister, chaque matin, à la toilette de cette jeune beauté, admirer à découvert et son visage charmant et sa gorge de neige, et ses seins semblables à deux citrons de crème, et ses formes florissantes et sa peau plus nette que cristal. De jour en jour, les tentations de la chair l’agitent davantage, il oublie le pacha d’Égypte à mesure qu’il s’en éloigne sans que naisse chez lui la crainte du grand-vizir dont une si vaste étendue de pays le séparait encore, car il avait seulement atteint Damas.

Cette nuit même, enfermé avec l’esclave, celle-ci vint à se plaindre d’un frisson de fièvre froide. — Prends un morceau d’étoffe de laine, lui dit-elle, et frotte-moi vigoureusement que je me réchauffe.

Notre aga, de peur de la refroidir davantage, prend place à côté d’elle dans le lit et la frictionne consciencieusement partout le corps. Pour se mieux réchauffer l’innocente enfant l’étreignait de ses jambes pendant qu’il lui frottait le dos et les bras. C’en est trop pour lui et la gaîne se trouvant précisément en face du poignard, il perce la perle intacte placée devant l’aiguille avant qu’il ait eu le temps de se rendre compte de son action.

Une fois ce pas franchi, il ne s’arrête plus, À chaque coucher, de Damas à Constantinople, et il y a loin, la belle esclave n’eut garde d’avoir à se plaindre du froid. Cependant l’aga atteint la capitale, arrive au palais du grand-vizir, dit de quelle part il vient et le présent dont il est chargé. Bientôt il est introduit en présence de Son Altesse : — Grâces soient rendues à notre frère le pacha d’Égypte, dit alors ce dignitaire, après avoir lu la missive de félicitations et su quel cadeau l’accompagnait.

Sur ce, l’esclave est conduite dans le harem et notre aga, pour récompense de ses bons services, reçoit comme bakchich, une bourse pleine d’or.

Le soir venu, le grand-vizir n’eut garde d’oublier le pacha d’Égypte et son envoi. Parée de grâces, de jeunesse et de ses plus beaux ornements, la belle esclave lui est amenée : il l’admire et ordonne de la conduire à son lit. Bientôt il vient la rejoindre, mais quelle ne fut pas sa surprise et sa fureur quand il se fut assuré de l’état des choses ! — Qu’est ceci, s’écrie-t-il, le pacha d’Égypte me prend-t-il pour son valet pour m’envoyer pareil torchon de cuisine ! Pour me jeter à la tête un abricot où mille doigts chancreux ont cherché remède ! Pour m’offrir, en cérémonie, un tapis où toute une caravane a passé !

Il appelle sa garde, ordonne de fouiller tous les khans (auberges), de se saisir de l’aga et de le lui amener séance tenante. Dociles à son commandement, les soldats obéissent et après une courte recherche — chaque étranger, dit un proverbe, gagne le khan de sa nation — on découvre l’aga et on le conduit devant sa Hautesse.

— Misérable, tonne le ministre courroucé, est-ce à toi ou à ton maître que je dois m’en prendre de ce que tu devines bien ? Parle ouvertement sinon tu es mort !

Dans son trouble, le pauvre diable ne savait que dire, la force lui manquait pour proférer une seule parole.

— Découvre-moi toute la vérité, ajoute le grand-vizir que la figure contrite du malheureux portait à rire, ou bien ton dernier jour est arrivé !

— De grâce, Seigneur, fait alors le misérable, habile à profiter du bon moment, dites-moi si, quand un gibier sans pareil s’offre constamment à portée, un arc peut rester bandé, la flèche en arrêt, de Damas à Constantinople ?

IV

Le Mémorial inutile.


Après une jeunesse passée dans la débauche, un marchand s’avisa de prendre femme ; bientôt sa jalousie devint proverbiale. Le souvenir de ses précédentes intrigues n’était pas fait pour le rassurer sur le sort des maris ; de plus, ce souvenir était incessamment ranimé chez lui par la lecture d’un mémorial où il avait noté, à mesure, chacune des ruses mises en œuvre par les femmes qui, à son profit, avaient trompé pères, frères et époux. Il faut, répondait-il quand, pour un motif quelconque, sa femme lui demandait à sortir, que je consulte les écritures. Alors il feuilletait le fameux manuel et, invariablement, il concluait de ses lectures que, si elle voulait sortir pour ce qu’elle lui disait, il l’accompagnerait. Ainsi il avait fini par la suivre partout et ne jamais la perdre de vue au dehors.

Pareilles façons d’agir ne pouvaient être du goût de la femme ; elle avait, du reste, eu l’occasion de mettre une fois la main sur le recueil des fredaines passées de son vieil époux ; comme on le pense bien elle avait dévoré avec délices ces pages voluptueuses et cette lecture avait fait naître chez elle des idées bien peu faites pour calmer son naissant désir d’aventures.

Après y avoir bien réfléchi, elle se résolut à mettre en œuvre un plan conçu par elle dans le but de se livrer, au moins une fois, aux caresses d’un jeune galant dont la recherche n’avait point été agréée par ses parents, alors qu’il s’agissait de la marier. Ce plan devait réussir grâce au seul secours d’un avis opportun, transmis par sa servante, toute dévouée à ses intérêts.

Un jour donc, et le jeune homme bien averti, notre commère se rend au bain suivie de son mari chargé du paquet de linge nécessaire en pareille occurrence. Tout à coup, précisément dans la rue où demeurait l’amant et tout près de chez lui, elle se heurte le pied, comme par mégarde, contre une pierre, et s’étale, de son long, dans la boue. Elle se relève les vêtements tout souillés, aperçoit ouverte la porte de la maison du galant, et comme on ne voyait personne sous le vestibule : — Laisse-moi entrer un moment ici, dit-elle à son mari, que je m’essuie. — Fort bien, réplique-t-il, prends ce linge pour enlever le plus gros, mais, pendant que tu pousseras la porte, je tiendrai ton manteau.

Ainsi fut fait ; la dame entre, pousse la porte sans la fermer et laisse au dehors un pan de son vêtement, dont son mari se saisit sans pouvoir s’apercevoir que l’amant, fluet, s’était tenu caché derrière la porte. Aussitôt cet amateur appuie sa belle contre la muraille, la retrousse, met à découvert le seigneur Pharaon, lui couvre la tête du diadème velu qui lui convient et, pour la lui rendre plus nette et de meilleure couleur, la lui frictionne comme il faut. L’agitation du manteau parut au mari l’effet naturel des mouvements que sa chaste épouse se donnait pour se nettoyer. Une fois l’affaire faite, la dame se hâte d’enlever ce qu’elle peut des taches de son vêtement, puis elle rouvre la porte, dissimule ainsi l’amant au mari et suit ce dernier à ce bain dont elle pouvait moins que jamais se passer et qui avait été pour elle l’occasion d’une si bonne rencontre.

Le soir, une fois rentrée à la maison, elle profite du moment où son époux, selon sa coutume, était plongé dans la lecture du recueil, fruit de son expérience :

— Mon cher ami, lui dit-elle, je n’ignore point ce que contient ce volume, car j’en ai pris connaissance sans que tu t’en sois douté, mais il est incomplet. Pour achever un ouvrage qui doit un jour te faire honneur tu devrais y ajouter ceci :

— „ En allant au bain et pendant que son mari tenait son manteau, une femme s’est livrée à son amant caché derrière la porte. Le trait doit d’autant moins être oublié qu’il est historique. ”


V

Le Mari confiant.


Dans un café, c’était vers le soir, un mari vantait, entre amis, la vertu de sa femme. — En voilà une à laquelle on peut se fier, disait-il, elle se détournerait d’une puce mâle et, quand elle va donner le grain à nos volailles, elle se couvre la figure et les seins de peur d’être vue de notre coq ! — Celle-là est trop forte, fit un des auditeurs, gaillard de bonne mine, grand coureur, et ferré sur l’article des femmes ; parions que tu veux nous en faire accroire sur ce dernier point ! — Parions que je dis vrai ! — Et parions que, si tu dis vrai, je te ferai cocu à tes propres yeux !

La gageure est acceptée de part et d’autre et les enjeux, une fois déterminés, déposés en mains tierces, comme cela se fait entre honnêtes gens.

— C’est justement le moment de donner à manger aux poules, fait alors le mari, allons à mon jardin et, à travers la haie, je vous ferai voir si je vous en ai imposé.

À pas de loup toute la société, vieux et jeunes, barbes blanches et barbes noires, suit le mari confiant. Ils ne tardent pas à voir paraître la dame : elle était, en effet, voilée de la tête aux pieds, ne montrait qu’un œil et détournait le regard quand le coq s’avançait de son côté pour picoter le grain tombé à ses pieds. Ainsi le mari confiant gagna la première gageure.

Le lendemain, pendant la journée et à l’heure où chacun faisait la sieste, le galant qui avait parié avec lui se rend au jardin avec deux amis. Ils avaient apporté avec eux pioches et pelles, quatre piquets, des coussins et une planche large et longue comme le couvercle d’un cercueil, mais percée d’un trou vers le milieu. Nos gaillards enlèvent soigneusement à la pelle un carré de persil placé précisément en face de l’endroit où la dame venait distribuer le grain à sa volaille. Puis ils creusent un trou de la grandeur de la planche, plantent à chaque coin l’un des piquets, étendent les coussins au fond ; le parieur se couche, on place par-dessus lui la planche, il fait sortir, par le trou pratiqué exprès, son plus précieux membre ; ses amis replacent soigneusement le persil de façon à ce qu’il n’y paraisse rien, jettent au loin la terre de surplus et s’en vont au café retrouver le mari, auquel ils avaient donné rendez-vous pour l’heure du réveil de l’après-midi.

Après quelques instants passés en conversation, ils lui rappellent son pari de la veille et quand vient l’heure de donner à manger aux poules, ils l’invitent à les suivre derrière la haie.

Bientôt ils voient arriver la chaste matrone, orgueil de son époux ; elle jette le grain à droite et à gauche mais, bien qu’elle ne regardât que d’un œil, elle ne laissa pas cependant d’apercevoir le gigantesque instrument qui tranchait par un beau rose clair sur la verdure du plant de persil.

À cette vue, elle s’avance au travers du carré, se retrousse et s’assied sur le bâton à planter les enfants en disant : — C’est un présent que Dieu m’envoie en récompense de ma longue continence, il l’a fait sortir de terre tout exprès à mon intention ; gardons-nous de mépriser les dons du Très-Haut !

Ainsi le mari confiant perdit la seconde gageure.


VI

La Chaude Veuve.


Certain paysan d’Anatolie s’en fut un jour à Constantinople. La nature l’avait amplement pourvu de ces dons qui plaisent tant aux dames et un secret pressentiment lui disait qu’il y avait peut-être là, pour lui, cause de fortune. Combien de gens de son pays n’avaient-ils pas réussi, pour le même motif ; pourquoi, puisqu’il était l’un des mieux doués de cette contrée célèbre à cet égard, le sort ne lui sourierait-il pas aussi ?

Tout plein de ces idées, il entre dans la ville. Bientôt il aperçoit un de ses compatriotes : assis dans une boutique, il était entouré de légumes et de fruits ; il revendait aux citadins les produits de jardins cultivés dans les environs par des gens du même pays que lui.

La conversation s’engage entre les deux Anatoliens et le dernier venu fait part à l’autre de ses intentions : — Tu ne pouvais mieux tomber, s’écrie ce dernier ; précisément en face d’ici demeure une dame veuve, pourvue de biens, encore jeune et qui n’a pas encore trouvé pied pour sa pantoufle, tant elle est large. Voilà ton affaire.

Le gaillard auquel s’adressait ce discours n’en perd pas une parole, il réfléchit un instant, son plan est fait. — Donne-moi, dit-il à son nouvel ami, une de tes courges. — Choisis, réplique l’autre. Il en choisit une, droite et de très raisonnable dimension. En longueur elle mesurait la distance qui sépare le coude du poignet et le poignet était la mesure de sa grosseur. Notre homme la pèle, le blanc du légume paraît, il la coupe d’un bout, la creuse, et perce un petit trou à l’autre extrémité.

Cela fait, il entr’ouvre son chalwar, fait servir la courge de gaîne au noble poignard que fourbissent les dames et s’en va pisser sous la fenêtre de la veuve.

Une négresse esclave qui, au travers des grilles de la fenêtre, l’avait vu causer avec le fruitier, aperçoit de quel gigantesque instrument il était armé. Sans tarder elle court informer sa maîtresse de l’événement ; celle-ci s’approche de la fenêtre, constate le fait et ne se sent plus de joie : — Descends, dit-elle à sa servante, et amène-le moi.

Prompte à obéir, celle-ci sort et s’adresse au fruitier qui appelle son compatriote, — La hanum (dame) te demande, fit-il à ce dernier en lui lançant un coup d’œil significatif.

L’autre suit la négresse et se trouve bientôt en présence de la veuve qui, toute enveloppée de voiles, l’invite à s’asseoir auprès d’elle sur un divan. Après les premiers compliments, elle lui demande qui il est, d’où il vient et ce qu’il est venu faire à Constantinople. Il lui dit son nom, celui de son village et ajoute qu’il est venu dans la capitale pour se marier, encouragé par la facilité avec laquelle nombre de ses camarades avaient trouvé à s’y établir.

La dame fait là-dessus ses réflexions, elle l’engage à lui prouver ses avantages et à lui donner un échantillon de son savoir-faire avant d’aller plus loin. — Point, réplique l’autre, je suis bon musulman et ne veux point commettre d’action réprouvée par notre religion sainte. La dame le presse et, pour le tenter davantage, se saisit, au travers des plis du chalwar, du bon morceau qui lui faisait venir l’eau à la bouche ; ce fut en vain, il se montra inflexible. Alors la dame se décide à passer du plaisant au sérieux et lui offre sa main ; il l’accepte et, dès le lendemain, les noces sont célébrées chez elle.

Le soir venu, le nouveau marié se rend près de son épouse, lui retire le voile, la fait coucher et prend place à côté d’elle. Alors la chaude commère l’engage à la satisfaire : il prend ce dont la nature l’avait si largement doué et commence à travailler au bon endroit.

— Comment, lui dit la dame en portant la main sur lui, il me semblait que tu étais mieux pourvu.

— C’est que j’en ai deux.

— Tu en as deux, fait-elle transportée de plaisir, eh bien, voyons ce que tu peux faire avec celui-là !

À ces mots, il continue son œuvre, mais bientôt la soif de la jouissance transporte son ardente épouse.

Mets-y les deux, s’écrie-t-elle dans l’entraînement de la passion ; en bonne terre on ensemence avec double plantoir !


FIN
  1. note de wikisource : les planches sont en rapport avec le texte, mais il est difficile de les replacer à l’endroit concerné.
  2. Les Eaux douces d’Europe à Constantinople.
  3. Promenade sur la côte d’Asie.
  4. Khosrew et Ferhad sont les deux héros d’un célèbre roman où ils se disputent la possession de Chirine.