Le Livre de Feridoun et de Minoutchehr/Houscheng

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II


HOUSCHENG


Houscheng, le maître du monde, le prudent, le juste, mit la couronne sur sa tête à la place de son grand-père, et le ciel tourna pendant quarante ans sur sa tête. Son esprit était plein de prudence, son cœur plein de justice. Il s’assit sur le siège de la puissance, et parla ainsi du haut de son trône impérial : « Je suis le roi des sept zones, victorieux et dominant sur toute la terre ; je me suis ceint étroitement de justice et de bonté selon l’ordre de Dieu, qui donne la victoire. » Depuis ce moment, il se mit à civiliser le monde et à répandre la justice sur toute la terre. D’abord il découvrit un minéral, et sut par son art séparer le fer de la pierre ; il se procura pour matière le fer brillant, qu’il tira ainsi de la pierre dure ; et lorsqu’il eut connu ce métal, il inventa l’art du forgeron pour fabriquer des haches, des scies et des houes. Ensuite il s’occupa de distribuer les eaux ; il les amena des rivières, et en fertilisa les plaines ; il ouvrit aux eaux des courants et des canaux, et acheva en peu de temps ce travail par sa puissance royale. Lorsque les hommes eurent acquis de nouvelles connaissances, celles de semer, de planter et de moissonner, alors chacun prépara son pain, sema son champ et en marqua les limites. Avant que ces travaux fussent entrepris, on n’avait que les fruits pour se nourrir. Mais la condition des hommes n’était pas encore bien avancée, ils n’avaient que des feuilles pour se couvrir.



INTRODUCTION DE LA FÊTE DU FEU


Nos pères avaient un culte et une religion, et l’adoration de Dieu était en honneur. Comme les Arabes se tournent dans leurs prières vers une pierre, on se tournait alors vers le feu à la belle couleur. Le feu, qui était dans la pierre, en sortit pour répandre son éclat dans le monde. Un jour, le roi de la terre parcourait la montagne avec quelques hommes de son peuple. Ils virent de loin quelque chose de long et d’obscur, un corps noir qui se mouvait avec rapidité. Sur sa tête brillaient deux yeux, comme deux fontaines de sang ; le monde devint noir par la fumée de sa gueule. Houscheng le regarda avec prudence et attention, il prit une pierre et s’avança pour le combattre. Il lança la pierre de sa force de héros, et le serpent qui brûlait le monde s’enfuit devant le roi qui cherchait la possession de la terre. La petite pierre frappa sur une grande, l’une et l’autre furent brisées, mais une étincelle jaillit du choc et son éclat rougit le cœur de la pierre. Le serpent ne fut pas tué, mais le feu était sorti de la pierre où il était caché ; et aussi souvent que quelqu’un frappait une pierre avec du fer, il en jaillissait une étincelle. Le roi du monde fit des prières devant le Créateur et chanta ses louanges, parce que Dieu lui avait ainsi donné l’étincelle, et il ordonna que dans les prières on se dirigerait vers le feu en disant : « C’est l’étincelle donnée de Dieu ; adore-le, « si tu es sage. » Et lorsque la nuit vint, il alluma un feu haut comme la montagne, le roi avec son peuple l’entourèrent, et firent une fête de cette nuit, en buvant du vin. Sedeh est le nom qu’il donna à cette fête brillante, et elle reste encore comme un souvenir de Houscheng. Puisse-t-il y avoir beaucoup de rois tels que lui ! Il se plaisait à civiliser les hommes, et sa mémoire est restée chérie parmi eux. Avec le pouvoir que Dieu lui avait donné, et avec sa puissance royale, il se mit à séparer les bœufs, les ânes et les moutons des onagres et des élans indomptables, et mit à profit tout ce qui pouvait être utile. Le sage Houscheng ordonna de les réunir par paires ; il s’en servit pour cultiver la terre, pour faire des échanges et pour entretenir la splendeur de son trône. Il tua et dépouilla de leurs fourrures les animaux errants dont le poil était bon, comme les hermines, les martres et le renard à la fourrure chaude, enfin la zibeline aux poils soyeux, et il fit ainsi avec les peaux des animaux des vêtements pour le corps des hommes. Il avait donné et répandu, il avait joui et confié ; il mourut et n’emporta avec lui qu’un nom honoré. Il avait achevé beaucoup de travaux dans sa vie à l’aide d’enchantements et de pensées sans nombre. Lorsqu’il passa à une meilleure vie, il laissa vide le trône du pouvoir. Le sort ne lui avait accordé qu’une courte existence, et Houscheng, ce roi plein de prudence et de majesté, mourut. Le monde ne s’enchaînera pas à toi avec amour, et il ne te montrera pas deux fois sa face.