Le Livre d’un père/Prière du soir







XLI

PRIÈRE DU SOIR



Nous avons travaillé tous, chacun de son mieux ;
Nous avons fait notre journée,
Et nous avons joué tous, vaillants et joyeux,
Après la tâche terminée.

Mais sommes-nous bien sûrs tous, durant nos leçons,
Nos jeux, nos ébats côte à côte,
D’avoir toujours été doux, sages, bons garçons,
De n’avoir pas fait une faute ?

Le soir, c’est le moment de regarder en soi,
De faire un examen suprême,
Et de dire au bon Dieu : « Père, pardonnez-moi,
Si j’ai bien pardonné moi-même. »


Ouvrez vos petits cœurs à ce maître clément ;
Courbez, amis, vos jeunes têtes.
Pour devenir meilleurs, parlez-lui franchement
Et montrez-vous tels que vous êtes.

Puis, avant de dormir, dans votre lit bien chaud,
De ce doux sommeil que j’ignore,
Pensez aux grands parents, à ceux qui sont là-haut,
À ces deux que je pleure encore.

Si vous saviez comment ils faisaient leur devoir,
Combien ces âmes étaient belles !…
Dieu, qui nous les reprit, nous les fera revoir ;
Priez-les et priez pour elles ;

Afin qu’à chaque aurore elles montent en Dieu,
Dans ce bonheur qui croît sans cesse,
Et que sur leurs enfants elles versent un peu
De leur force et de leur sagesse.

Priez pour moi… j’ai tant besoin de leur secours !
J’ai connu des peines amères !
J’ai lutté, j’ai souffert, j’ai travaillé toujours…
Priez aussi pour vos deux mères !

Embrassez-moi… le soir, je suis trop sérieux,
Mais il ne faut pas que je pleure ;
Vos chers petits baisers rafraîchiront mes yeux,
Et me feront la nuit meilleure.


Allez dormir, ayant sur les lèvres encor
Un mot d’amour et de prière ;
Et qu’à mes yeux, demain, après vos rêves d’or,
Dieu vous rende avec sa lumière !


Juillet 1876.