Le Livre d’un père/Petit Docteur







XXXVIII

PETIT DOCTEUR



Cher petit, tu m’as dit souvent
Que tu voudrais, pour me complaire,
Devenir un docteur savant
Et bon, comme le bon grand-père.

Tu voudrais, fidèle aux aïeux,
Marcher droit sur leur humble route…
Et j’ai des larmes dans les yeux,
Mon bien-aimé, quand je t’écoute.

Je tressaille, à ce doux espoir,
De joie et d’orgueil tout ensemble,
En songeant que je puis avoir,
Mon père ! un fils qui vous ressemble.


Tu passeras donc tes beaux jours
À te préparer en silence,
Libre des vulgaires amours,
Par l’étude à la bienfaisance.

La science nous tient rigueur,
Il faudra percer ses mystères ;
Mais tu sais déjà, dans ton cœur,
Que les malheureux sont tes frères.

Prêt à les servir, en tout lieu
Tu partageras leurs alarmes,
Et chez les pauvres du bon Dieu
Tu sécheras beaucoup de larmes.

Le bon grand-père a fait ainsi.
Toi, tu l’imiteras sans cesse,
N’ayant pas le moindre souci
Des honneurs et de la richesse.

Peut-être il te faudra souffrir,
Brisant ou ta lyre ou ta plume ;
Mais il est plus beau de guérir
Que d’imprimer un gros volume.

Cher enfant, ne regrette rien !
Le renom, l’éloge illusoire…
Tu vivras en faisant du bien :
Va ! c’est la plus solide gloire.


Juillet 1876.