Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Regret

Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 296).

REGRET. — Faire regret, Exciter souverainement la répugnance. Quand j’étais aux Minimes, le petit G…, qui était en face de moi à table me faisait regret parce qu’il avait toujours des chandelles des six au bout du nez. Ça m’ôtait mon dîner. — Ce mot a tellement cours chez nous que le pauvre Victor Corandin en a fait usage dans le Roi des Oncles, certainement sans s’apercevoir du lyonnaisisme : « Il a commencé par lui dire, je crois, qu’elle lui faisait regret, oui positivement regret !… » — La dérivation du sens de chose que l’on regrette au sens de chose qui répugne est fort singulière. Scarron dit bien : « Il avoit regret à tout ce qu’il mengeoit, » mais cela doit s’entendre d’un avare qui regrettait le prix de ce qu’il mangeait. À Nyons, on dit aussi faire regret, mais au sens de faire pitié. Ça fait regret de l’entendre tousser. Cette dérivation s’explique : « Cela m’inspire du regret. » Mais je ne saurais rendre compte de la filiation de notre pittoresque expression.

On lit, dans le verbal de sa séance du 24 février 1496, que le consulat commet, ce jour-là, François de Genas et plusieurs autres échevins pour aller visiter l’hôpital de Saint-Laurent-des-Vignes, hors la porte Saint-Georges et « adviser si le lieu sera propre à recueillir les gens infects de la peste, en suyvant ce qu’il a plu au roy (Charles VIT) luy faire dire par maistre Jacques Ponceau, son médecin, pour ce que le dit seigneur roy prend plaisir à son esbattre de là le Rosne, et ne peut passer devant le dit hospital, où il fait regret des dits infects qui y sont. » (A. Pericaud, cité par Em. Vingtrinier.)