Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Lettre R

Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 286-312).
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RABATER, v. n. — Remuer, faire du bruit, La forme tarabâter est plus usitée. — De Rabes, nom du démon dans la mythologie scandinave. — Vieux franç. rabaster, faire du bruit comme les esprits dans les maisons.

RABAT-JOIE, s. m. — Se dit d’une personne qui, ayant autorité, en use avec sévérité pour empêcher les amusements, surtout les amusements bruyants ou peu convenables. La Nastasie voulait aller à la vogue de la Guillotière. Elle avait compté sans la mère Rabat-joie, sa m’man, qui l’a fermée à clef.

RABATTRE, v. a. — Rebattre, dans des phrases de ce genre : Auras-tu bientôt fini de me rabattre les oreilles de tes plaignarderies ? On comprend très bien la substitution de rabattre à rebattre. Rabattre les oreilles, c’est les rendre basses, les aplatir par la répétition comme par des coups. Ainsi entendu, c’est une métaphore comme une autre.

RABEAUSIR (SE), v. r. — Le temps se rabeausit, Se remet au beau.

RABI. — Au rabi-soleil, loc. adv. À la rage du soleil. — Fait sur rabiem, en ajoutant le mot soleil. L’expression nous est venue du Dauphiné.

RABIBOCHAGE, s. m. — Action de remettre en état une chose abîmée. — De rabibocher. Comp. raccommodage, de raccommoder.

RABIBOCHER, v. a. — Remettre en état une chose abîmée. I manque trois baleines à mon parepluie, le taffetas est use, et le manche est cassé. Je vas tâcher de le rabibocher. — Paraît être le même mot que rabobillonner, avec métathèse des voyelles i et o et substitution d’un suffixe comique.

RABISTOQUER, v. a. — Raccommoder tant bien que mal, remettre en état un objet cassé, disloqué. — Du vieux franç, toquer, toucher ; avec deux préfixes : ra, qui est réitératif, et bis, qui est péjoratif.

RABLÉ, ÉE, adj. — Qui a le râble épais, solide. Molard veut qu’on dise rablu, qui, en effet, est meilleur ; mais le « lyonnaisisme » a eu le dessus, et, dans sa dernière édition, l’Académie a dû inscrire : « On dit aujourd’hui plus généralement Râblé. »

RABOBILLONNER, v. a. — Même sens que rabistoquer. — Vieux franç. bobelin, savetier, puis, par extension, chaussure à l’usage du peuple, d’où rabobeliner, raccommoder tant bien que mal, qu’on trouve dans Cotgrave, et rabobillonner, par substitution d’un suffixe en analogie avec carillonner, etc.

RABOUIN (LE). — Le Diable. Mot recueilli par M. Aniel. J’ai un vague souvenir de l’avoir ouï dans mon enfance. Vieux ital. Rabuino (Oudin). Le mot doit avoir été importé par l’immigration italienne au xve-xvie siècle.

RABOULAUD, s. m. — Homme gros et court. Maman, je ne veux pas d’un raboulaud, disait Mlle de X…, à qui l’on voulait faire épouser M. de Z…, le sportsman bien connu, j’aime encore mieux un picarlat.De boule, avec le préfixe ra et le suffixe aud, tous deux péjoratifs. Raboulaud, homme ramassé en boule.

On dit plutôt raboulet.

RACATER (SE), v. pr. — Se blottir, se rapetisser. — Mot fait sur cata, dans le Velay recouvrir, de captare.

RACLÉE, s. f. — Volée de coups.

RACCROC. — « C’est un raccroc ; dites : c’est un hasard » (Molard). Les « savants » me stupéfient toujours par leurs exigences. L’Académie, édit. de 1798, disait déjà : « C’est un coup de raccroc. » D’où la conclusion, C’est un raccroc, exemple que donne précisément l’Académie dans l’édit. de 1835.

RACE, s. f. — Expression collective et péjorative. Quelle race de monde ! Quels gens méprisables ! — C’est ainsi qu’un terme, indifférent par lui-même, peut prendre une signification très péjorative. Comp. une fille.

RÂCHE, s. f. — 1. Croûtes qui viennent à la tête des jeunes enfants. On dit aussi humeur de râche. Molard veut qu’on dise la teigne, mais la râche n’a rien de commun avec la teigne, et n’a aucune gravité. — Subst. verbal du vieux provençal rascar, gratter, de rasicare, formé sur rasum, quoique la râche n’entraine aucun prurit, mais toutes les maladies de peau ont été comparées à celles d’entre elles dont la conséquence est le prurigo.

2. Coste (voy. ce mot).

RACHET, s. m. — Chétif, malingre. — De ράχις, moelle épinière, qui a fait rachitique. Mais ce mot savant n’a certainement pas donné notre mot lyonnais, et il n’est pas impossible que, comme arton, celui-ci ait été tiré du grec.

RACINES JAUNES, s. f. pl. — Carotte, daucus carota. Employé par les délicats qui ne veulent pas se servir du mot pastonades, sentant trop son patois. On trouve racine jaune dans Cotgrave. La carotte, chez nous, c’est la betterave. — De la couleur jaune de la carotte.

RACLE, s. m. — Outil emmanché au bout d’un long manche, et qui sert à racler les mauvaises herbes des jardins. — Subst. verbal de racler.

RACLE-FOURNEAU, RACLE-FORNIAU, s. m. — Ramoneur. Le père Crottard à son fils ainé : Crottard, va don te décochonner, t’as le groin pis qu’un racle-forniau ! Le fourneau étant inconnu chez nous (on dit potager), le mot fourneau à la place de cheminée ne s’expliquerait pas si l’on ne savait qu’en vieux franç. forniau de chambre signifiait cheminée.

RACLER, v. a. — Humbert n’entend pas qu’on dise racler des navets, mais ratisser des navets. C’est proprement, que nous disons, chercher les poux parmi la paille. Pourquoi, je vous prie, ne raclerait-on pas des navets ?

RÂCLONS, s. m. pl. — Raclures. Des râclons de truffes.

RADÉE, s. f. — Averse, pluie abondante et de courte durée. — Du vieux franç. rade, rapide, de rapidum.

RADISSE, s. f. — Brioche. Le mot est fort ancien, et on le trouve dans des textes du xvie siècle. Dans mon enfance la radisse était une grosse brioche, de forme allongée, en brioche dite de Lyon. Les radisses les plus renommées avaient pour auteurs deux boulangers : Foujasse, en rue Ferrandière, et Goubillon, en rue de la Barre, au droit de la rue des Marronniers ; boutique basse d’où l’on voyait flamber le four et enfourner les radisses, ce qui réjouissait le cœur. Puis, on les mangeait chaudes, et cela faisait sur le pati l’effet d’un velours épais et tiède. — Je crois que le mot vient de radiata, de ce qu’à l’origine la radisse était un gâleau rayé comme nos tourtes. La radiche du Morvan est en effet une galette frottée de beurre et sur laquelle on trace des raies (Chambure). Le mot de radisse, tombé en désuétude à Lyon, est encore très usité dans nos campagnes.

M. Vachez me communique ce texte de 1557 : « Conformément aux statuts de l’Aumône générale et aux ordonnances, a esté ordonné achepter une radisse à l’hospital de Sainte-Catherine, de 10 solz, et une aultre pour l’hospital de la Chanal, de 7 sols et 6 deniers pour faire les Rois. » (Invent. de la Charité. E. 8.)

RAFATAILLE, s. f., terme péjoratif. — Objets de peu de valeur, guenilles. Au fig. Tous ces députés socialistes, c’est de la rafataille. L’idée primitive est celle de guenilles. — Du vieux provençal fato, chiffons ; vieux haut allemand faz, paquet.

RAFFINÉ. Voy. sous fromage.

RAFISTOLER, v. a. — Humbert le fait figurer dans son glossaire à titre d’incorrection, mais depuis lors Littré l’a inscrit dans son dictionnaire, et l’Académie à son tour l’a accepté, en donnant l’exemple Rafistoler un vieil habit, et en ajoutant : « Il est très familier. »

RAFLE, s. m. — Jouer au rafle, Jouer aux osselets. — De la rafle des osselets que doit faire rapidement la main tandis que l’un d’eux est en l’air.

Rafle de bidet. Se dit d’une rafle générale, soit au propre, soit au fig. La police alle est venue ; alle a fait rafle de bidet. J’ignore l’origine de l’expression. Il est probable que c’est un terme de jeu.

RAFOULER, v. n. — Grommeler, gronder en dedans, grogner. — Peut-être de refouler : Refouler sa colère en grommelant. Ce pourrait être aussi une onomatopée. Comp. en Rouergue rofoleja, grogner doucement, en parlant des porcs.

RAFOULEUR, EUSE, s. — Grommeleur, euse. Par extension grondeur. De même en français, grondeur, primitivement celui qui grommelle, a pris le sens de celui qui réprimande.

RAFOYAU, s. m. — Très grand feu, au sens péjoratif. Quel rafoyau que t’as fait. Quel feu énorme as-tu fait ! (sur un ton de reproche). — De focarium, avec changement de suffixe et le préfixe re qui a un caractère intensif.

RAFRAÎCHIR (SE), v. pr. — Faire un petit repas. Nous nous sons rafraîchis avè du vieux à l’ail et du trois-six. — Extension de l’idée de rafraîchissement à celle de prendre quelque chose.

RAGÂCHE. — Un coup de ragâche, Un coup de raccroc. — Vieux français ou plus probablement vieux picard racacher, ramener, rattraper le volant. De là, par dérivation de sens, coup raccroché, rattrapé, sans l’avoir cherché. Racacher vient lui-même de recapticare, de captare.

RAGRÉAGE, RAGRÉMENT, s. m. — Action de ragréer.

RAGRÉER, v. a., terme de taille de pierre. — Ravaler une pierre en la raclant, raccorder les moulures, polir le parement. — Se rattache au franç. gréer, vieux haut allem. reitjan, préparer ; mais il se peut que l’idée de grès (polir en passant une pierre de grès) ait chassé l’idée primitive.

RAIDE. — Raide comme la Justice, C’est bien peu exact. La Justice est aujourd’hui si aimable envers les criminels, surtout lorsqu’elle est exercée par le jury, que c’est plaisir d’être traduit devant elle.

Raide comme un coup de trique. Cette comparaison est plus juste.

Raide comme la barre d’une porte. Ceci nous reporte au temps où les portes se fermaient à l’aide d’une forte barre placée horizontalement par derrière, et dont les extrémités entraient dans des trous pratiqués dans les jambages de la baie.

RAILLE, s. f. — Jouer à la raille. C’est un jeu de gobilles où celles-ci sont placées sur une ranche. — De rigacula, diminutif de riga, qui a donné raie. Dans le bas Dauphiné, une montagne de forme allongée s’appelle la Raille.

RAISIMOLLER, v. n. — Grappiller après la récolte. — De racemare, de racemum.

RAISIMOLLES, s. f. pl. — Raisins oubliés en vendangeant. On plaisantait le père Cotillard, déjà un peu ancien, de ses bonnes fortunes. Euh ! fit-il avec modestie, quelques raisimolles ! Subs. verbal de raisimoller.

RAISIN. — Suivant les grammairiens, ne pas dire Cueillir, manger un raisin, mais une grappe de raisin. Toutefois Littré fait remarquer que raisins se disant au pluriel pour des grappes de raisin (« ces raisins sont trop verts et bons pour des goujats »), il n’y a aucune raison logique de le proscrire au singulier. Il a cent fois raison. Ces minuties des grammairiens sont de véritables puérilités.

RAISINS DE DAME. — Raisins dont les grains ne sont pas développés et qui tout en mûrissant, sont restés de la grosseur du gros plomb de chasse. — Sans doute de ce qu’on a supposé ces raisins appropriés à la petite bouche des dames.

RAISON. — Se faire une raison, Se résigner. Il faut se faire une raison, dit-on à ceux qui ont éprouvé quelque grand malheur, pour dire que les plaintes et la révolte ne peuvent rien contre le mal advenu.

Rendre raison à quelqu’un. — 1. Lui faire une réponse. Je ne sais s’il pourra venir, je vous rendrai raison demain. — 2. Rendre comple. Je vous rendrai raison de l’argent que j’ai reçu.

Dire sa raison, en parlant d’un mami qui ne parle pas encore et qui émet des sons confus en s’adressant aux personnes qui le cajolent. (M. D.)

RAISONNABLE, adj. des 2 g. — Se dit d’une chose de moyenne grosseur, d’une grosseur raisonnable. Nous aimions beaucoup à Sainte-Foy notre boucher Maugé parce qu’il ne tuait jamais que des veaux raisonnables, et non pas de ces veaux si tendres, autant de mourve. — « Naidiu, je ne moque pas… dit un boucher de la Boucherie de l’Hôpital dans Lyon en vers burlesques, — J’ai demeura tot lo matin, — Den lo marchi, per lo certain, — Sen trouva un cayon raisonnablo. »

Feu mon maître d’apprentissage, le philosophe, avait pour maxime qu’il est plus facile de trouver un veau raisonnable qu’une femme raisonnable.

RAISONNER, v. n. — Répliquer, contredire, faire des observations, en parlant à un supérieur. Ne t’avise pas rien de raisonner ! — Une dérivation analogue s’est produite en allemand. Raisonniren, qui signifiait primitivement raisonner au sens de porter des jugements, s’entend aujourd’hui au sens de quereller, de parler à tort et à travers.

Raisonner, v. a. — Raisonner quelqu’un, Le faire raisonner, tâcher de l’amener à une sage détermination. Il vaut souvent mieux raisonner un enfant que de le fecer. Voyez arraisonner, qui est une forme préférable, soit parce qu’elle est archaïque, soit parce qu’elle différencie le mot.

RAISONS. — Avoir des raisons avec quelqu’un, Avoir une querelle, échanger des injures. Mme Grossang et Mlle Lachauffe ont eu des raisons par rapport à M. Grossang, qu’elles ont fini par s’empoigner par la chavasse.

Mauvaises raisons, La même chose que Raisons. C’est une erreur cependant de croire que les injures soient toujours de mauvaises raisons. Nous voyons tous les jours par la presse et par les élections que les mauvaises raisons sont de très bonnes raisons.

Chercher des raisons à quelqu’un, Lui chercher querelle.

RAJOUTER, v. a. — Ajouter. M. Raisinard, le confiseur, qui avait fait des Pensées pour faire suite aux Caractères de la Bruyère, me disait : J’en rajoute tous les soirs, quand nous ons fermé.

RAMAGE, s. f. — Bruit, lapage. Je sons t’allé à la Chambre, donc que mon député m’avait porté une carte chez moi par politesse. Je ne sais pas quel ramage i font là-dedans ! — Dérivation de sens très originale du ramage des oiseaux.

RAMAGER, v. n. — Faire du bruit, surtout en criant. C’te merdaille d’enfants ne font que ramager du matin au soir !

RAMAILLE, s. f. — Ramassis, canaille. — Fait sur ramas, avec le suffixe péjoratif aille. Tous les noms en aille : canaille, merdaille, rafataille, quincaille, etc., n’ont rien de bien laudatif.

RAMAMIAUX, s. m. pl. — Criailleries, gronderies. — Semble formé, par analogie avec ramage, de ram et d’une seconde partie miaux, exprimant le miaulement du chat.

RAMASSE, s. f. — Espèce de tout petit traineau grossier sur lequel on s’accroupit, et que quelqu’un pousse pour glisser sur la glace ; plus usité encore par les enfants pour descendre nos anciennes routes à pente roide. — Subst. verbal de se ramasser, soit parce qu’on s’y tient accroupi, soit parce qu’on y culbute souvent.

RAMASSER, v. a. et n. — 1. Se faire ramasser, Glisser sur les montagnes russes ou françaises, divertissement qui fit fureur de 1820 à 1830. L’expression a persisté longtemps après la disparition des montagnes. — De ramasse, lraincau.

2. Se faire attraper, recevoir un abattage.

Mon doigt ramasse. Se dit lorsque, dans un tournis ou tout autre mal de ce genre, le pus s’amasse dans la partic malade. On dirait de même : Mon doigt ramasse de borme. L’expression s’applique également à un abcès, un furoncle, etc. Quand la suppuration est établie, on dit alors que le doigt, l’abcès jette (voy. jeter).

Ramasser froid. Voy. froid.

RAMELLE, s. f. — Mauvais couteau rouillé, ébréché. Lorsque dans une société quelqu’un bâille ou paraît s’ennuyer, on lui dit avec politesse : Puis-je vous offrir une ramelle, à seule fin de vous racler le râteau des jambes pour vous distraire ? — Du vieux franç. alemelle (de lama) qui signifiait d’abord épée, puis tout instrument tranchant.

RAMILLER, v. a. — Ramasser ce qui reste. Passe-moi voir le plat, que je le ramille. — De ramilles, petits branchages. L’idée est ramasser, après les grosses branches, les petits branchages.

RAMER, v. à — Ramer des pois, Placer des branchages secs pour faire monter les pois. Ce jour-là j’aurais mieux fait d’aller ramer des pois. Se dit quand on s’est lancé dans quelque mauvaise affaire, comme par exemple quand on s’est marié. — Du patois ram, rama, rameau ; de ramum.

RAMONER, v. n. — Ronchonner, rafouler, marronner. — Métathèse de Marronner (voy. ce mot).

RAMOULU, UE, adj. — Émoulu, ue. Qui ne connait ces beaux vers de la célèbre chanson du Roi de Sardaigne, passant par Namur :

Il tira son sabre,
Tout frais ramoulu…

Tous mes lecteurs savent l’usage qu’il en fit, et de quelle dextérité il témoigna.

RAMPONNEAU, s. m. — Modeste jouet fait d’un tout petit morceau de moelle de sureau et qui est censé représenter un homme. On lui à mis un peu de plomb à la tête, ce que n’a pas tout le monde, et dès qu’on le met sur ses pieds, pouf, il fait le trébuchet, et le voilà sur sa tête. — De Ramponneau, nom supposé d’un équilibriste, mais qui était, je crois, en réalité, celui d’un cabaretier.

RAMPOT, s. m. — Jeu d’enfants qui se joue avec des gobilles et à l’aide de trous en forme de potets, au nombre de neuf, que l’on creuse dans la terre. Jouer au rempot. — La seconde partie du mot est pot, trou en terre, mais la première est obscure. Est-ce rang (rang de pots) ou simplement le préfixe ra nasalisé ?

RANCHE, s. f. — Rangée d’objets. Une ranche de vignes, Un rang de ceps. De ranche, en rang. Metten-nous tui de ranchi, — Maigna, « Mettons-nous nous en rang, — Mes enfants, » dit un vieux noël. — Forme féminine du vieux franç. reng.

RANCUNE. — Rancune de prêtre, Étofte très résistante. Chez nous, l’étoffe n’est connue que par ouï-dire, mais dans l’ouest de la France, elle se vend sous ce nom.

RANCURER (SE), v. pr. — Concevoir de la rancune, se chagriner. Mon bourgeois disait un jour à Mami Camuset : I faut pas te rancurer parce que ta belle-mère se remarie. Quand les belles-mères se remarient pas, c’est qu’elles sont pas veuves. — De rancorare (de rancor).

RAPAMAN, s. m. — Gratteron, gallium apparine. C’est un mot patois introduit à Lyon. De rapâ, râper, et man, main.

RAPETASSER, v. a. — Raccommoder, mettre des pièces, des petas, aussi bien à un chaudron qu’à une culotte (voir ραπθειν, grec moderne ?)

RAPIAMUS, s. m. — Avare, grippe-sou, usurier. Connais-tu Grappard ? Qu’est-ce que c’est ? — C’est pas précisément un croc, mais il est un peu rapiamus. On dit aussi Faire rapiamus, Enlever tout. — Barbarisme plaisant forgé par les clercs, qui ont transformé rapere en rapire.

RAPIAT, s. im. — Même sens que rapiamus. — D’une racine indo-européenne rap, qui existe dans le latin et dans le germanique.

RAPIDE, adj. des 2 g. — Escarpé. Cette montée est très rapide. Grangier condamne non sans raison cette phrase comme incorrecte et je la jugeais comme lui, encore bien que je l’employasse souvent. Mais depuis Grangier, Littré a recueilli l’expression, et, dans sa dernière édition, l’Académie a suivi Littré.

RAPIN, s. m. — Avare, ladre. — Sur l’étymologie, voy. rapiat.

RAPOIRE, s. f. — Râpe de ménage. C’est un demi-cylindre en ferblanc, cloué sur une planchette, et percé de trous très voisins, non au moyen d’une emporte-pièce, mais d’un poinçon, de telle façon que le bord du trou soit relevé en dehors. On râpe avec cela du fromage, des racines jaunes, du sucre, etc. — Note à benêt : Bien prendre garde à ne pas se râper les doigts.

RAPOSTICHAGE, s. m. — Raccommodage grossier et maladroit. — De raposticher.

RAPOSTICHER, v. a. — Raccommoder grossièrement un objet très avarié, J’ai ma garde-robe qu’est toute démangognée ; je vas tâcher moyen de la raposticher. — De postiche. Raposticher, mettre quelque chose de postiche. C’est ainsi que les dames se rapostichent lorsqu’elles sont avariées.

RAPPEAU, RAPPIAU, s. m. — Appeau. — C’est rappel, comme appeau est appel. Une cloche du clocher de Saint-Jean, fondue en 1803, porte le nom de la Rappiau, parce qu’en effet, c’est celle dont la voix, en terminant les sonneries, rappelle les chanoines à l’église. Dans sa Belle leçon aux Enfans perduz, Villon raconte que le pauvre Colin de Cayeulx perdit sa peau, « Cuydant que vaulsist le rappeau, » c’est-à-dire se fiant à l’appeau (d’une femme perdue sans doute).

RAPPELER, v. a. — Rappeler d’un procès, En appeler. Je l’ai lu un jour dans un bel article de fond d’un grand journal de Lyon. Au fig. Rappeler d’une maladie, En guérir, malgré sa gravité.

RAPPORT. — Par rapport à, À cause de. L’hiver, elle portait des pantalons de velours par rapport au froid. On dit aussi quelquefois simplement : Rapport à. — Et l’été, elle portait des pantalons de velours, rapport à la décence. Cette dernière tournure est parisienne.

Par rapport que, Parce que. Nous nous sons arrêtés à Pollionay par rapport que nous avions faim, ou simplement rapport que nous avions faim.

Un bon pas-failli de Molard : « Ne dites pas par rapport que, mais par rapport à ce que. » L’un n’est pas plus français que l’autre. Mais quoi, on n’échappe pas à l’air natal ! Et celui des lecteurs de Molard qui, suivant ses conseils, aurait dit : Nous nous sommes arrêtés à Pollionay par rapport à ce que nous avions faim, aurait parlé le plus pur français du Gourguillon.

RAPSODAGE, s. m. —— Réparation, raccommodage, avec sens péjoratif. S’emploie beaucoup dans l’industrie du bâtiment. Ce ne sont que des rapsodages, Ce no sont que des réparations sans valeur. — De rapsoder.

RAPSODER, v. a. — Réparer, raccommoder, avec sens péjoratif, quel que soit d’ailleurs l’objet dont il est question. — Je crois que c’est rapiéçauder, passé à rap’çauder, rapsoder sous l’influence du mot savant rhapsodie.

RAQUETTE, s. f. — 1. Crécelle. Jadis, le jeudi saint, tous les gones, armés d’une raquette, faisaient rac, rac. C’était par rapport à l’office de Ténèbres. Mais les gones s’inquiétaient peu du symbole, et continuaient à faire rac, rac, ce qui était très amusant, surtout lorsque le musicien faisait des entr’actes à l’aide de cènes bénites.

2. Abusivement, on a donné le nom de raquette à un instrument que les marchandes de cènes bénites, le jeudi saint, emploient pour appeler les chalands. L’instrument est en bois (on sait que le jeudi saint l’airain est proscrit) et se compose d’un bloc de bois plat et carré, long, terminé dans sa partie supérieure par une manette en fer et fixe, tandis qu’une autre manette, mobile sur un pivot, est adaptée au flanc du bloc de bois. En imprimant au poignet qui a saisi la manette fixe un vif mouvement de va-et-vient, la manette mobile vient frapper avec force contre le bois : cla, cla, cla. Le même instrument est employé par les marchandes de plaisirs (qu’on appelle aujourd’hui oublies). C’est la bartavelle, vieux franç. vertevelle. Mais bartavelle a disparu de chez nous. On l’emploie encore à Genève. — De l’onomatopée rac.

3. Terme de canuserie, Petite mécanique servant à faire les cordons dans certains articles taffetas et dans certains articles d’armures.

RAQUIN, s. m. — Dans l’expression Peau de raquin, peau de chagrin. Raquin est pour requin.

RARE, adj. neutre. — Extraordinaire, exceptionnel. M. Flanochon y est-i ? – Il est sortu, mais donnes un coup de pied jusqu’au café Crasseux, c’est bien rare si vous ne l’y rencontrez pas.

RAS, prép. — Juste, contre, touchant. La maison est ras la rivière. — De raser, au sens de frôler.

RASE, s. f. — 1. Rigole, fossé pour l’écoulement de l’eau.

2. Ruisseau dans le milieu de la rue. De mon temps, les enfants des deux sexes qui avaient été élevés à des habitudes de propreté allaient toujours, parlant par respect, faire pipi dans la rase. — Origine germanique : nordique râs, cours, canal ; râsa, courir impétueusement.

RASEUR. — Raseur de velours. Le veloutier, en fabriquant sa pièce, ne peut donner au poil une absolue régularité de longueur. Le raseur est un industriel qui pare à ce défaut au moyen d’un engin rasant les poils à la même longueur.

RASIBUS, prép. — La même chose que ras. Comme exemple, on peut citer le célèbre chanson :

Le roi de Sardaigne
Passant par Namur,
Vi un’ pauvre fenne, etc.

Mon lecteur sait assurément le reste, et combien le mot rasibus y trouve une élégante application. — Mot forgé sur ras avec une queue latine, comme dans debitoribus, rapiamus, etc.

Rasibus nettoyau. Latinisme cicéronien exprimant que l’on est complètement ratissé. J’ons joué chez Boyau avè de gones que je connaissais pas. Je sons sortu rasibus nettoyau.

RASSIE, adj. f. — Je ne veux pas de cette brioche, elle est trop rassie, pour rassise. Nous parlons ainsi par analogie avec épaissi, épaissie ; moisi, moisie ; mûri, mûrie, etc. Cette faute nous est si naturelle que je l’avais faite dans un beau manuscrit à imprimer. Le correcteur eut la bonté d’âme de corriger en rassise, et ce mot m’étonna d’abord beaucoup, car je n’avais jamais entendu dire que rassie. Puis une brioche « assise de nouveau » me semblait étrange. Je ne faisais pas attention que la même métaphore se présentait dans « pain rassis », parce que mon oreille était familiarisée avec le mot. — N’empêche, le correcteur avait raison.

À côté de la conjugaison asseoir, il y a eu une conjugaison assir, qui a persisté à la fois dans le picard et le provençal. Rassi et rassie s’expliquent. À remarquer que les dictionnaires donnent bien l’exemple : pain rassis, mais aucun : brioche rassise.

RAT, s. m. — 1. Caprice, lubie. Avoir un rat. Se dit d’une femme qui a un caprice et d’une serrure qui tantôt fonctionne, tantôt ne fonctionne pas. — De rat, quadrupède, mais la dérivation est bizarre. L’idée est-elle d’avoir un rat dans le cerveau ?

2. Terme de canuserie, Petit taquet de bois, portant en saillie un bout de buffle, qui chasse la navetle hors de la boîte du battant à bouton.

3. Avare, lésinier. Il est si rat que ça ne donnera pas deux liards à un affligé !

4. Mouillé comme un rat, Très mouillé.

Je ne comprends pas très bien le symbolisme de rat dans ces deux expressions. Les rats ne sont pas réputés pour porter à la caisse d’épargne, et ils semblent préférer aux bèches la huche au pain.

5. Courir comme un rat empoisonné. Voy. courir.

6. Le remède du rat. Beaucoup de maladies ont des remèdes populaires. Pour les enfants qui ont l’infirmité de faire pipi au lit, le tradition est, si la patte mouillée ne suffit pas, de leur faire manger un rat rôti Mais M. Chrétien n’était pas de cet avi parce qu’il disait que les rats ont des fois dans le corps des saletés qui peuvent donner d’autres maladies. Il faisait envelopper l’enfant, pendant la nuit, dans une chemise sale du père, parce que, comme cela, l’enfant pompe la force des reins du père. Ce remède était général. Je ne sais si l’on en use encore.

RATABOU, s. m. — Arrête-bœuf, ononis procurrens. Forme lyonnaise d’arrête-bœuf. Déjà Nicot, au xvie siècle, disait à Arreste-bœuf : « Le vulgaire des arboristes la nomment Resta-bouis. » Le ratabou fait de bonnes infusions qui amènent la sueur quand on a pris froid, et excitent à l’évacuation des superfluités de la boisson.

RATACONNER, v. n. — Faire de très grossières reprises à un bas. — Du vieux franç. taconner, mettre des pièces à un soulier, avec un préfixe péjoratif ra. Taconner vient d’une racine tac, qu’on retrouve dans le celtique et dont le sens est « chose proéminente et servant à fixer ». De là notre patois tachi, clou de soulier. Le vertueux Béroalde emploie rataconner au fig. pour arranger : « Tout y étoit, avec grâce, fort bien rataconné, et avec symétrie parfaite. »

RAT-DE-CAVE, s. m. — 1. Terme péjoratif, Agent des contributions indirectes. — De ce que ces agents visitent les caves des débitants.

2. Petite bougie jaune, enroulée en spirale, que les maçons portent dans leur poche, afin de pouvoir s’éclairer dans les endroits obscurs. — La pensée de la composition du mot est apparente, mais l’idée de comparer une lumière pour visiter une cave à un rat habitant cette cave a une apparence bizarre.

RATE, s. f. — 1. Femelle du rat. C’est du vieux français, qu’on trouve encore dans la Fontaine.

2. Petite dent d’enfant. S’emploie ordinairement avec l’adjectif petite. Fais don voir tes petites rates ! En Limousin on dit aux enfants que s’ils mettent leurs dents de lait dans un trou de mur, les rats viendront les prendre, et que celles qui leur repousseront seront petites et blanches comme des dents de souris. Est-ce de là que vient le mot ?

3. Espèce de pommes de terre longues, de couleur jaune. — Je ne sais pas m’expliquer par quelle analogie on leur a donné ce nom.

RATÉ, ÉE, adj, et partic. — Qui est tondu, rasé, en parlant des choses pelues. T’as la tignasse ratée, faut te mettre de coton dans les oreilles… J’ai z’oublié de bagueter mon minon, il est tout raté des artes. — « Un panache raté Lui battait sur la face, » dit Roquille.

RÂTEAU, s. m. — 1. Le râteau des jambes, Le tibia. Se racler, pour se distraire, le râteau des jambes avec une ramelle. Voy. ramelle. — Le nom de râteau a été donné au tibia, soit à cause de sa forme prismatique, qui a quelque analogie avec le morceau de bois allongé où sont fixées les dents du râteau ; soit parce qu’en passant le doigt sur le tibia on sent comme une série de légères aspérités qu’on peut qualifier de dents.

2. Terme de pliage (de mon temps on disait rasteau). Peigne à dents espacées, qui est employé dans le pliage afin de donner à la chaîne la même largeur que devra avoir le issu. Les dents sont beaucoup plus espacées que les dents du peigne à tisser, parce qu’une musette de 40 fils se place entre deux dents, tandis que, dans le peigne à tisser, on place de 2 à 10 fils au plus entre deux dents consécutives.

RÂTELIER. — 1. Le râtelier de l’échine, L’épine du dos. Râtelier, à cause des vertèbres qui font saillie. Scier le râtelier de l’échine avec un confessionnal. Se dit à propos de quelqu’un dont la conversation manque de délectation.

2. Terme de canuserie. De mon temps le canut prenait tout bonnement ses canettes à cha-une dans le caissetin. Aujourd’hui qu’on a toute espèce d’inventions, on suspend au pied de droite, au devant du métier, une petite planche rectangulaire garnie de clous, dans chacun desquels on enfile le quiau d’une canette. C’est le râtelier. Par ainsi le canut n’a qu’à lever le bras pour aveindre sa canette.

RATELLE, s. f. — Rate. Je peux plus courir, ça me fait gonfler la ratelle. D’une chose qui fait rire, on dit qu’Elle chatouille la ratelle. — Vieux franç. ratelle, rate.

RATER, v. a. — Tondre ras. Se faire rater, Se faire couper les cheveux. — Vieux franç. rater, racler, ratisser, d’origine obscure, mais dont l’idée s’est confondue pour nous avec celle de rat (comp. vieux franç. raté, rongé des rats), aujourd’hui seule en vue. Rater, tondre ras comme le poil du rat.

RATE-VOLAGE, s. f. — Chauvre-souris. — De rate, souris, et volage, qui vole : Souris qui vole. Le nom est très bien trouvé.

RATICHON, s. m. — Donner un ratichon à quelqu’un, Lui donner une chasse, un poil, une graisse, un suif, un savon. — Du vieux franç. rater, racler (voy. rater). Un ratichon gratte la peau.

RATIER, ÈRE, s. — Se dit de quelqu’un de capricieux, de boudeur, mais de façon passagère. — De rat, pris au sens de caprice (voy. ce mot).

RATIONNER, v. a. — Mettre à la ration. Ce terme si naturel et d’un usage si général est signalé par Humbert comme n’étant pas français ; et en effet, ce n’est que dans sa dernière édition que l’Académie l’a fait figurer. Mais d’ailleurs il ne faudrait pas croire qu’il n’y eût de français que les termes qui sont au dictionnaire de l’Académie.

RAVE. — Rave cuite. Qualificatif péjoratif pour des gens qui ne méritent pas d’être pris au sérieux. X… et Z… sont des entrepreneurs de rave cuite… M. Bousard est une rave cuite ! — De ce que la rave cuite n’est pas d’une belle résistance. Comp. Mme de Sévigné qui disait de son fils qu’il avait « un cœur de citrouille fricassée dans de la neige ».

Petites raves. Voy. Petites.

RAVICOLER, v. a. — Raviver, rendre de la vigueur. J’avions l’hiver dans le corps. Ce bon feu et ce verre de tormentine m’ont ravicolé. — Du vieux prov. raviscolar, fait sur vescus, vivant ; de viscum.

RAYER, v. a. — Régler. Le petit écrit déjà sans se rayer, Sans régler son papier. Ce petit qui se raye soi-même est très joli.

RAYONS. — Les rayons, i n’en pètent. Se dit lorsque, en sortant de table, la peau tire comme un tambour. — Je crois que c’est une allusion à la célèbre histoire d’un merlan des Terreaux, qui avait écrit à son fournisseur à Paris une commande de quatre pages, pendant que sa femme était dehors. Celle-ci rentre, lit la lettre, et lui dit : Gros bétard, te vas commander de la marchandise quand les rayons i n’en pètent ! Le mari se rend aux raisons de sa femme, et ajoute en post-scriptum : Ma femme dit que nous avons de la marchandise, que les rayons ils n’en pètent. Ne m’envoyez donc rien de ce que je viens de vous commander. Il cachette la lettre et va la porter à la poste de la rue Luizerne. En ce temps-là on n’affranchissait guère, mais le port de la lettre pour Paris était de quatorze sous. Il est vrai que la lettre avait son importance.

RÉBARBARATIF, IVE, adj. — Rébarbatif, ive. — Le mot rébarbaratif, qui a évidemment subi l’influence de barbare, a quelque chose de bien plus énergique que le mot français.

REBIFFARDE, s. f. Rebuffade. C’est rebuffade, mais influencé par l’idée de se rebiffer, qui est très claire tandis que l’origine de rebuffade (de bouffer) est obscure pour nous.

REBOURS. — C’est un bois de rebours. Se dit d’une personne rèche, épineuse. On sait que le bois ne se laisse pas raboter au rebours du sens de la croissance des fibres.

REBLANCHIR (SE), v. pr. — Faire toilette, le linge blanc étant le commencement de toute toilette et souvent la seule du pauvre monde. (M. D.)

REBRAYÉ (rebrê-yé), adj. m. — Du beurre rebrayé, Du beurre pojaud, du vieux beurre que l’on a broyé et repétri pour lui donner un aspect plus présentable.

REBRIQUE, s. f. — Réplique. Une personne de rebrique, Une personne qui a la riposte prompte et facile. En partie toutes les femmes sont de rebrique. — Subst. verbal de rebriquer.

REBRIQUER, v. n. et a. — Répliquer, répliquer avec vivacité, un peu insolemment. Il a voulu raisonner, mais sa femme te vous l’a rebriqué ! — Vieux franç. rebriquer, fait sur rebrique, pièces d’écriture que les plaideurs produisaient les uns contre les autres ; de rubrica, parce que les titres de ces mémoires étaient imprimés en rouge.

RECHAGNER, v. a. — Refuser, mépriser, dédaigner. On voulait lui faire marier Mlle Escafignon, mais i n’a rechagné. Forme de rechigner, qui, au sens primitif, signifiait montrer les dents.

RECHANGER (SE), v. pr. — Se relayer à un travail, à une occupation. La pièce presse tant que le bourgeois et le fils se rechangeont pour aller plus vite… Moi ma femme nous avions bu si tellement du vin doux que nous n’abondions pas à nous rechanger aux zécommuns.

RECHUTER, v. n. — Faire une rechute dans une maladie. — Dérivé si naturel de rechute que l’on ne comprend pas que l’Académie ne l’ait pas enregistré.

RECONNAÎTRE. — Reconnaître son linge, Le compter quand la buyandière le rend, vérifier s’il n’est pas abimé, etc. Expression si claire et si naturelle qu’on ne voit pas comment y suppléer.

Se reconnaître, Manifester par un cadeau sa reconnaissance d’un service reçu. Mon ami, le docteur X…, m’a soigné six mois gratis. Je lui ai envoyé deux pots de vin cuit pour me reconnaître. — Dérivation de sens sous l’idée de reconnaissance, gratitude pour un bienfait.

RECRÉNILLÉ, ÉE, adj. — Ratatiné, ée. Une vieille toute recrénillée.Recrénillé est pour recornillé, de corne. Ralatiné comme des écoupeaux de corne.

RECTUM. — C’est z’un homme qui paie rectum, c’est-à-dire à l’heure sonnante. Très usité. Rectum est pour recta. Quelques-uns disent payer recto, d’autres recta mea. Cela dépend des goûts. En général il vaut mieux ne pas se lancer dans les latinismes, et parler le bon lyonnais de notre meman.

J’ai connu une dame qui me disait : Dans mes lettres, je n’écris jamais qu’au rectum, c’est plus distingué.

RECUEILLIE, s. f. — Parlant par respect, Pierre de taille, communément recreusée et qui se pose inclinée sous l’orifice du cornet de descente, pour diriger dans le fosse ce qui y est destiné.

RECUITE, s. f. — Soucoupe de lait caillé et cuit, parfumé de laurier-cerise. On s’en lèche les cinq doigts et le pouce. Les pays de fabrication sont Sainte-Foy et Sainte-Colombe. En 1814, les bonapartistes appelaient par dérision la cocarde blanche, la recuite. — De recuit, encore bien que la recuite ne soit pas cuite deux fois.

RECULEMENT, s. m. — Bosse, gibbosité. Une gibbosité par derrière est en effet en reculement sur l’alignement.

RECULONS. — Parlant par respect, Ch… à reculons. Voy. ch…

RÉDIMER, v. a. — 1. Diminuer, réduire. Rédimer ses dépenses.Se rédimer, Se restreindre, diminuer ses dépenses.

2. S’affaiblir. La fièvre se rédime un peu. — De dîmer, lever la dîme. Se rédimer, lever de nouveau la dîme sur ses dépenses.

REDONDER, v. n. — Retentir, résonner, faire écho, répondre. Le nom de M. Pasteur redonde partout. Ces bottes me redondent dans la tête. — Du franç. redonder, qui a dévié de son sens primitif, parce qu’il s’est trouvé faire onomatopée.

REDOS, s. m., terme de charpenterie. — Partie du tronc d’arbre refendu, la plus voisine de l’écorce, et qui, par conséquent, est plane du côté du trait de scie, et convexe du côté opposé. On l’emploie en palissades. Un texte de 1400 dit : « Le suppliant eust aussi une aisselle (ais, madrier), nommé dosse. » — De dos.

REDOUBLE, s. f. — Redoublement. Avoir la fièvre avec des redoubles. — Subst. verbal de redoubler, comme purge, de purger.

REDOUX, s. m. — Dégel. Je crois que cette fois nous tenons le bon redoux, Je crois que c’est le dégel définitif. — Redoux : de nouveau le (temps) doux.

REDRESSU, s. m. — Dressoir pour la vaisselle. — De dresser, avec le suffixe u, représentant orem.

RÉDUCTION, s. f., terme de fabrique. — Se dit tant du nombre des coups de trame d’une étoffe que du nombre des fils de chaîne qui sont réunis dans une dent du peigne. Une forte réduction, Une étoffe dans une forte réduction, Une étoffe dont le tissu est très serré.

RÉDUIT, ITE, adj. — Se dit d’une étoffe qui a une forte réduction.

RÉFLEXION. — Manger à sa réflexion, Manger à toute sa faim. — Réflexion, naturablement, est pour réfection. Mais aussi pourquoi réfection est-il incompréhensible ? Tandis que manger à sa réflexion se saisit très bien : on mange selon ce que la réflexion vous conseille, et quand on a très faim, la réflexion vous conseille de manger beaucoup.

REFOIN, s. m. — Regain. Mon oncle d’Yvours a-t-ayu beaucoup de refoin.

REFUS. — Voulez-vous casser une graine ? — Ce n’est pas de refus. — Tournure très heureuse pour Ce n’est pas à refuser.

RÉGALISSE, s. f. — Réglisse. — C’est aigalisse (voy. ce mot), avec un r initial sous l’influence de réglisse. On trouve déjà régalisse à Lyon au xviie siècle.

REGARD. — Un regard à couper un clou. Voy. clou.

REGARDANT, adj. — Chiche, très économe. Le père Crépin était un homme regardant.

REGARDER (SE), v. pr. — Économiser, se plaindre la dépense. Au jour d’aujourd’hui tout le monde se regardent les enfants. — Le passage de regarder à se regarder est un bel exemple de dérivation de sens.

REGLANEUR. — Reglaneur de pelosses. Se dit d’un vagabond qui vit de mendicité et de maraudage. Littéralement : celui qui glane pour la seconde fois les prunelles (que d’ailleurs on ne récolte pas).

RÉGLÉ, adj. — Réglé comme un papier de musique, Se dit d’un jeune homme rangé comme un plot d’aune.

Papier réglé. Voy. sous carte.

RÈGLE-FAÇURE, s. m. — Terme de canuserie. C’est un ustensile adapté au régulateur et mû par le battant. Il a pour but de « régler le régulateur ». Quand celui-ci va trop vite, la façure devient plus étroite, et par suite, la medée trop large. Le battant frappe alors la tringle du règle-façure et celui-ci modère le régulateur.

Cet ustensile, qui n’est guère usité que dans les unis, date d’une vingtaine d’années seulement.

REGONFLE (A), adv. — En grande abondance, en surabondance. Lorsque M***, architecte en chef d’un grand service, fut décoré, il donna un grand dîner de « rendement de croix ». On plaça à côté de Mme *** un autre architecte, à qui son grade dans le service donnait droit à cette place. Au dessert, la maîtresse de maison offrit gracieusement une pêche à son voisin. Merci bien, Madame ***, fit celui-ci, à Venissieux nous en avons à regonfle. (Historique.) — Subst. verbal de regonfler.

REGRET. — Faire regret, Exciter souverainement la répugnance. Quand j’étais aux Minimes, le petit G…, qui était en face de moi à table me faisait regret parce qu’il avait toujours des chandelles des six au bout du nez. Ça m’ôtait mon dîner. — Ce mot a tellement cours chez nous que le pauvre Victor Corandin en a fait usage dans le Roi des Oncles, certainement sans s’apercevoir du lyonnaisisme : « Il a commencé par lui dire, je crois, qu’elle lui faisait regret, oui positivement regret !… » — La dérivation du sens de chose que l’on regrette au sens de chose qui répugne est fort singulière. Scarron dit bien : « Il avoit regret à tout ce qu’il mengeoit, » mais cela doit s’entendre d’un avare qui regrettait le prix de ce qu’il mangeait. À Nyons, on dit aussi faire regret, mais au sens de faire pitié. Ça fait regret de l’entendre tousser. Cette dérivation s’explique : « Cela m’inspire du regret. » Mais je ne saurais rendre compte de la filiation de notre pittoresque expression.

On lit, dans le verbal de sa séance du 24 février 1496, que le consulat commet, ce jour-là, François de Genas et plusieurs autres échevins pour aller visiter l’hôpital de Saint-Laurent-des-Vignes, hors la porte Saint-Georges et « adviser si le lieu sera propre à recueillir les gens infects de la peste, en suyvant ce qu’il a plu au roy (Charles VIT) luy faire dire par maistre Jacques Ponceau, son médecin, pour ce que le dit seigneur roy prend plaisir à son esbattre de là le Rosne, et ne peut passer devant le dit hospital, où il fait regret des dits infects qui y sont. » (A. Pericaud, cité par Em. Vingtrinier.)

REGRETTEUX, EUSE, adj. — Se dit de quelqu’un de délicat, à qui tout fait facilement regret.

REGRETTIER, s. m. — Régisseur d’immeubles. Le sens est péjoratif. — C’est le franç. regrattier, légèrement dérivé de sens. On a confondu le régisseur, qui perçoit les loyers pour le compte d’autrui, avec le locataire général, qui, sous-louant en détail, regratte ainsi les profits. Cela tient à ce que la profession de régisseur était inconnue encore au commencement du siècle. Chacun gérait soi-même sa maison ; tandis qu’il y a eu de tout temps des locataires généraux.

REGROLLER, v. a. — Saveter, raccommoder les souliers. — Fait sur grolle (voy. ce mot).

REGROLLEUR, s. m. — Savetier. — De regroller.

RÉGULATEUR, s. m. — Organe du métier de canut. C’est un mécanisme composé d’un système de roues dentées, qui se place contre le pied de métier à la droite du canut, et qui sert à faire enrouler imperceptiblement l’étoffe fabriquée au fur et à mesure que l’ouvrier passe un coup de navette. Le mouvement de rotation est imprimé au régulateur à l’aide des marches. De mon temps ce harnais était inconnu.

REJUINDRE, v. a. — Ranger, ordonner, serrer. Rejuins don ces chaises que sont en garenne… Rejuins don ce thomas, que c’est pas joli de le laisser dans le salon, s’i venait des visites.

REJUINT (DE) pour de rejoint, loc. adv. — Tenir de rejuint signifiait tenir de près, serré, surveillé. Faut tenir les filles de rejuint.

RELÂCHER, v. n. et a. — Dans un grand dîner, la maîtresse de maison avec bonté : Mecieu Oscar, mangez don pas tant de pruneaux. C’est pas pour vous les reprocher, mais vous savez que ça relâche.

RELAIT, s. m. — Petit-lait. Sur l’emploi du préfixe réduplicatif re, comp. refoin.

RELAVAILLES, s. f. pl. — Lavures de vaisselle.

RELAVER, v. a. — Relaver la vaisselle, Laver la vaisselle après le repas. Cette expression est si générale chez nous qu’une aimable étrangère morte prématurément, hélas ! et qui parlait et écrivait le français mieux que les Français, mais habitait Lyon, a employé ce « lyonnaisisme » dans un intéressant récit de voyage en Tunisie et dans la Kabylie, publié en 1882 par le Lyon scientifique : « Les servantes…, accroupies à terre, dépècent l’agneau de Pâques, préparent les légumes et le couscous, font la cuisine sur des réchauds, et relavent la vaisselle. »

RELÊME. s. m. — Dégel. « Y avait fait le relême ce jour-là, les escayés de bois étiont mouillés et pleins de bassouille : elle glisse et baroule jusqu’au quatrième, » dit le bon Jirôme Roquet dans ses Calamitances. — Peut-être du vieux haut allem. liim, limon. Le relême serait la fondrière substituée au sol gelé.

RELEVEUSE, s. f. — Sage-femme. Fait sur relever, dans relever de couches.

REMAILLAGE, s. m. — Faire des remaillages, Remailler des parcelles de muraille, de plafond, etc.

REMAILLER, v. a. — Remailler un mur, un plafond, c’est non pas faire l’enduit à neuf, mais réparer le vieil enduit en refaisant les parties mauvaises et en laissant subsister les parties convenables. — D’un fictif remailler, reprendre des mailles, pris au figuré.

REMBOURSER. — Rembourser son chemin, Rebrousser chemin. D’un usage courant. — C’est le vieux franç. rebourser chemin, dont rebrousser est une corruption, ainsi que le montre l’étymologie rebours. Rebourser est devenu rembourser, par l’influence de rembourser, rendre l’argent prêté, mot d’un usage plus fréquent que rebourser.

REMÈDE. — Le remède que nous portons tous avec nous. Euphémisme délicat pour de l’Urine. Dans mon jeune temps, je ne crois pas qu’il y eût un seul canut qui, dès qu’il se sentait le moindre mal, ne prit le matin, à jeûn, un verre du remède que nous portons tous avec nous. Il était bon pour toute espèce de maux : maux d’estomac, de rein, de ventre, de tête ; excellent en particulier pour la toux. On partait de ce principe métaphysique, tiré des causes finales, et contre lequel il n’y avait pas d’objection possible, à savoir que la Providence, en faisant les maux, leur avait fait un remède, et que, dans sa bonté, elle avait voulu mettre le remède à la portée de tous les hommes. M. Chrétien le conseillait. D’ailleurs, il ne l’aurait pas conseillé qu’on l’aurait pris tout de même. Le pauvre compagnon de chez nous, qui était phtisique, en prit longtemps, mais, hélas ! cela ne le sauva pas.

REMÉMORIER (SE), v. pr. — Se remémorer. D’évidence, nous avons dit d’abord se remémoirer, sous l’influence de mémoire. Le mot était excellent. Remémoirer à passé à remémorier par métathèse de l’i consonne.

REMETTAGE, s. m., terme de canuserie. — Action de faire passer un à un, soit avec les doigts, soit à l’aide d’un crochet appelé passette, les fils de la chaine dans les mailles du remisse, suivant un tracé arrêté par le fabricant. Les fils de la chaine y sont subdivisés par courses (pour cours), c’est-à-dire dans l’ordre déterminé par le nombre des lisses et la disposition du dessin à exécuter avec ces lisses.

Le remettage se commence par la gauche du canut, et l’on considère comme la première lisse à remettre celle de derrière, c’est-à-dire la plus éloignée de l’ouvrier. On distingue, dans les différents modes de remettage, le remettage suivi, le remettage à retour, le remettage interrompu, le remettage sur deux ou plusieurs remisses, le remettage amalgamé.

Dans le métier à la Jacquard, les fils sont passés au travers des maillons, suivant l’ordre des arcades à l’empoutage.

REMETTEUSE, s. f. — Ouvrière qui remet (voy. remettre). Quelquefois la canuse sait remettre. Ceiles-là sont recherchées pour le mariage.

REMETTRE, v. a. — 1. Reconnaitre. Je vous remets bien, Je vous reconnais bien. L’idée est : « Je vous replace bien (dans ma mémoire). »

2. Remettez-vous… Veuillez vous remettre, Se dit à quelqu’un qui vient en visite, et à qui l’on offre un chaise. L’idée est : « Remettez-vous de votre fatigue (pour venir). »

3. Terme de canuserie. Faire l’opération du remettage.

4. Remettre en marches. Voy. marches.

REMISE, s. f. — Je cite ici la curieuse observation de Molard : « Faire la remise. Terme de jeu introduit per une fausse politesse ; dites, bête. Faire la bête, c’est perdre le coup ; tirer la bête, c’est gagner le coup. » — Il a sans doute en vue le jeu dit de la Bête. Ce jeu est aujourd’hui hors d’usage (on n’y jouait déjà plus dans mon enfance), et on ne fait plus la bête qu’au naturel.

REMISSE, s. m. — Ensemble des lisses. Le minimum des lisses composant un remisse est deux. Le maximum est limité par l’emplacement dont on peut disposer sur le métier. On ne dépasse guère le nombre de trente-deux lisses. — On dit aussi un corps de remisse ou simplement un corps (voy. ce mot).

REMONDER, v. a. — Enlever à l’aide de forces les bouchons des fils de la chaine qui empêcheraient ceux-ci de passer dans les mailles du remisse ou qui feraient des défauts à la façure. — De l’ital. rimundare, nettoyer, curer ; de mundare.

REMONTANT, s. m. — Stimulant, chose qui ranime le corps ou l’esprit. Un verre de morlavie est un remontant. Une bonne fessée est parfois un bon remontant. Faut de temps en temps remonter le coucou, disait l’excellent M. Martinet quand il avait remonté de la sorte son fils Barnabé.

REMONTÉE. — Une remontée de sang. Se dit de toute congestion à la tête.

REMORDS. — Remords d’estomac, Renvois, rapports. On dit aussi remords tout court. Ces gonfle-b… me donnent des remords. Cette phrase appartient plus au langage des hautes classes qu’au langage du peuple, pour qui remords est trop savant.

REMOUCHER, v. a. — Remoucher quelqu’un, Lui river ses clous. La Barnadette a voulu raisonner. C’est moi que je te l’ai remouchée !

REMPAILLER, v. a. — Remettre de la paille à des chaises. « Ce mot ne se trouve pas dans l’Académie, observe Molard, dites empailler une chaise. » Il n’avait pas bien essuyé ses lunettes. Son livre est de 1810, et dès 1798 l’Académie mettait rempailler sous la définition que nous venons de donner.

REMPLIR. — J’aimerais mieu te charger que de te remplir. Se dit à quelqu’un d’un gros appétit. La préposition de est indispensable.

REMPLOI, s. m. — Rempli à une robe. — Subst. verbal de remployer.

REMPLOYER, v. a. — Remployer un lit, Remployer les couvertes. C’est ce qu’à Paris ils appellent border un lit, expression dont je ne pouvais parvenir à comprendre le sens. — C’est reployer, avec nasalisation de e, comme dans rempli.

REMUAGE, s. m. — 1. Pélerinage. Aller en remuage, aller en pélerinage. — Du vieux franç. romieu, pélerin qui allait à Rome. D’où romieuyage, converti en remuage, sous l’influence de remuer.

2. Déménagement. Nous sommes en remuage ; c’est un capharnaüm.

REMUÉ. — « Il est remué de germain ; dites issu de germain. » (Molard.) — Cependant l’Académie (1798) le donne, avec la mention de « populaire ». — Expression ancienne : « Mon cousin remué d’une bûche, » dit Bouchet, à moins que ce ne soit Béroalde, à moins pourtant que ce ne soit un autre.

REMUER, v. n. — 1. Déménager. — Dérivation du sens français.

2. Se dit, suivant Gras, du lait qui a brûlé. Je n’ai pas eu occasion de l’entendre mais je ne doute pas que Gras ne soit exact. — C’est rimer (voy. ce mot), transformé en remuer sous l’influence de ce dernier mot.

RENARD, s. m., terme de maçonnerie. — C’est le nom donné à un moellon appendu à l’extrémité d’un cordeau horizontal et passant par-dessus un appui quelconque. Le renard en tirant fait tenir le cordeau tendu. — On a vu dans le moellon l’image d’un renard guettant.

On me signale l’existence dans le Lyonnais d’une acception de ce mot que je ne connaissais que dans le parler dauphinois. C’est le palonnier qui sert à tirer la charrue, la herse ou quelque chariot rustique. De rain, branche, en ancien français, plus le suffixe ard, on a eu rainard, transformé en renard, encore bien que le palonnier n’ait aucun rapport avec un renard. Sur la formation, comparez palonnier, de pal, pieu, barre.

1. Faire le renard, Faire peter l’école, suivant Molard. Métaphore très bien imaginée. Est-elle tombée en désuétude dans le vocabulaire muable des petits gones, je ne sais, mais je ne l’ai point entendue. Il est vrai que j’ai si peu fréquenté l’école !

Faire un renard, Vomir. L’expression ancienne était Écorcher le renard, dont je ne saisis pas très bien l’idée.

RENCOGNER (SE), v. pr. — Se faire petit, s’accroupir. — C’est cogner, avec le préfixe réduplicatif re, dont l’e s’est nasalisé comme dans rempli, remployer (voy. ces mots).

RENCONTRE. — Acheter un objet de rencontre, c’est-à-dire qui n’est pas neuf, et qu’on a par conséquent obtenu à meilleur marché. On a fait rencontre de l’objet. Acheter une garde-robe de rencontre.

Épouser une femme de rencontre, Épouser une femme qui n’est pas absolument neuve.

RENDEMENT, s. f. — 1. Produit, revenu d’une chose. Le rendement d’une terre.Une maison de rendement, Une maison de rapport. Littré a recueilli ce barbarisme, et l’Académie l’a imité dans sa dernière édition. Elle n’a pas été très bien inspirée.

2. Un rendement de noces. À la bonne heure ! Ici l’idée de rendre est plus concrète que dans l’exemple précédent ; et l’expression est plus claire que Un retour de noces. Puis ça n’a pas la prétention d’être académique.

Par extension, tout repas payé à l’occasion d’un évènement heureux. Un rendement de croix, Repas donné à l’occasion d’une décoration.

Rendement tout court. Te sais, y a Petouzard qu’a gagné un lot à la loterie. I paie demain son rendement chez la mère Brigousse.

RENDRE. — Rendre son royaume, parlant par respect, Vomir.

Rendre, absolument. Même sens. J’ai des envies de rendre.

Rendre raison. Voy. raison.

Rendre sa pièce, terme de canut. Porter chez le marchand sa pièce terminée.

Rendre, absolument. Même sens. La Mélanie rendra mardi.

Au fig. Rendre sa pièce, Mourir.

Rendre ses comptes, se dit d’une femme sur le retour. Ménopause.

RENONCE, s, f. — Action de renoncer. On buvait à renonce. — Substantif verbal de renoncer.

RENOUVELER. — Humbert n’entend pas qu’on dise : La lune renouvellera demain, mais se renouvellera. Grosse erreur de puriste trop subtil ! Renouveler s’emploie avec ellipse du pronom personnel. « Ils étaient bien aises de voir renouveler la sédition, » dit Ablancourt (dans Littré).

RENQUILLER, v. n. — Remettre dans sa poche. J’ai renquillé mes liards. — Vraisemblablement du vieux franç. requiller, ramasser, redresser, qu’on trouve dans Roquefort, et qui est un terme du jeu de quilles. La dérivation serait : « ramasser les quilles, ramasser en général, ramasser en mettant dans sa poche. »

Ce mot, qui existait déjà dans ma jeunesse parmi les gones, ne me paraît pas être le dérivé d’enquiller qui s’est introduit récemment à Lyon et qui a la signification d’enfiler. J’enquille la rue du Mail, j’y suis tout de suite. S’enquiller, Se cacher, se blottir pour ne pas être vu. Les Parisiens, selon leur aimable usage, ont emprunté enquiller à l’argot des voleurs, et nous l’ont repassé. Il vient de quille, comme enfiler de fil, et a vraisemblablement une origine obscène. Depuis les chemins de fer bien des mots d’argot s’introduisent chez nous. Voyez frangin, cavel. On y peut ajouter turne, mauvaise petite chambre.

RENTE. — Rente vogagère. C’est notre seule manière de dire Rente viagère.

RENTONNET. — C’était un honnète caberetier qui demeurait, au commencement du siècle, à l’issue de la voûte Saint-Bonaventure, récemment rue de Pavie. (Je l’ai dit à poussière.) En plaçant ses volets, un soir à dix heures, il aperçut le père Manivesse, qui était sorti il y avait deux heures et se trouvait encore étendu dans le ruisseau : B… d’ivrogne ! lui fit Rentonnet. Et l’autre de répondre avec une mansuétude mélancolique :

Ah ! Rentonnet, Rentonnet,
Sans les ivrognes, tu ne serais pas ce que tu es !


RENTOURNER (SE). — S’en retourner. Métathèse de en.

Se flétrir, se dessécher. Venez donc vite manger, les truffes se rentournent. L’expression est fort juste. Les pommes de terre, qui s’étaient gonflées, retournent à leur premier état.

RENTRER, v. n. — Entrer. « Je suis rentré dans la boutique à seule fin de le marchander. » (Mathevet.) Dans beaucoup de nos locutions la particule re, au lieu d’une valeur réitérative, n’a qu’une valeur purement explétive. — Comp. rajouter.

RENTRER, terme de couturière. — Rentrer une couture, La rentraire. Rentrer exprime très bien la chose, tandis que rentraire est un mot technique dont la signification ne se lit pas.

RENTURE, s. f. — Renture de bas. Opération faite aux bas entés (voy. enter). C’est enture, d’enter, avec un préfixe re, qui est ici simplement explétif.

RENUCLER, v. a. — 1. Lorgner curieusement du coin de l’œil. J’ai renuclé la Joselie que mettait ses bas. S’elle avait pas les pieds si noirs, elle les aurait bien blancs ! — Corruption de reluquer.

2. Renifler, sentir en aspirarit fortement. Renucle-moi voir ce pot de tripes, si ça pue bon ! — Origine commune avec renâcler.

RENVENIR (SE), v. pr. — S’en revenir. — Même phénomène que dans se rentourner Pour s’en rétourner.

RENVOI, s. m. — Parlant par respect, Rot ou parfois simplement rapport d’estomac. Faire des renvois, Éructer. M. Chrétien recommandait de ne jamais se gêner pour faire des renvois ; il disait que lorsqu’on se retenait, c’était, parlant par respect, comme pour les vents, que c’était mauvais pour la santé du corps ; que si l’on était en société, il valait mieux s’excuser en disant honnêtement : « Faites excuse, c’est pour la santé. » Il disait encore qu’un brave renvoi vaut un an de vie. Ce doit être exagéré, car à ce compte il y a des gens qui seraient immortels.

REPAPILLOTER, v. a. — 1. Remettre en bon état. Il a maladié longtemps, mais le velà repapilloté. Beaucoup disent rapapilloter.

2. Se requinquer, s’attifer. Quand elle est bien rapapillottée, on croirait jamais qu’elle est sur ses cinquante ans.

RÉPARÉE, s. f. — Bette. S’emploie le plus souvent avec le mot côte : Des côtes de réparée. — D’asparatum, sorte de plante potagère.

REPARER, v. a. — Le même qu’apparer. « Et de jeune bargère, en bas, n’en repariont. — Dans leurs devants tous les gigots, boudins, saucisses. » (Suzanne.) — C’est parer, avec préfixe re, qui n’a ici qu’une valeur explétive.

REPASSEUSE, s. f. — « Les lexicographes et les grammairiens, fait remarquer Breghot, s’obstinent à rejeter ce mot, « de sorte, dit M. Nodier, qu’un homme qui se pique de bien parler, ne sait comment désigner l’ouvrière qui repasse son linge, ce qui est extrêmement embarrassant pour les gens de lettres qui ont des chemises ». Nodier ne serait plus embarrassé. En 1835, l’Académie a donné asile à cette classe intéressante.

REPATRIER (SE), v. pr. — Se rapatrier, se réconcilier. Il m’est impossible de comprendre pourquoi repatrier (qui est la forme primitive) est moins correct que rapatrier. C’est tout le contraire. Ra pour re est un barbarisme.

REPENTU, UE, part. — Repenti, ie. I s’est repentu d’avoir marié cete fumelle. Cette forme reporte à un verbe repintre, comme venu reporte à un verbe viendre ; couru à un verbe codre ; sentu à un v. sintre ; sortu à un v. sotre ; féru à un v. fierdre. Les participes en u sont trop rares dans la conjugaison en ir pour que repentu ait été fait par simple analogie.

REPIQUER, v. n. — Se dit du froid qui recommence. La froid a repiqué avè la nouvelle lune.

Repiquer du même, Recommencer. Te t’as fiolé hier ? Faut repiquer du même pour te guérir. — Aux cartes : T’as joué cœur, i te faut repiquer du même.

REPITAUD, s. m. — Gros ver des vieux fromages. — Du patois repita (aujourd’hui repitô), se défendre des pieds, des mains, parce que ces vers se contractent et sautent. Repita, de pedem ; mot à mot regimber.

REPLAT, s. m. — Partie de terrain de niveau sur une colline ou à mi-hauteur d’une colline. Sénancourt, dans Obermann, emploie dans ce sens le mot de replain (« J’étais déjà parvenu sur le massif de roc qui domine la ville, et je traversais le replain en partie cultivé qui le couvre »), en faisant observer qu’il serait difficile de remplacer ce mot par une expression aussi juste. — De plat, comme replain de plain. Replat, qui est de nouveau plat. Comp. refoin.

REPONDRE, v. n. — Correspondre. J’ai mal à une dent machillère, et ça me répond (ne pas mettre d’accent sur l’e) dans l’oreille.

REPRENDRE. — Il y a de quoi se reprendre. Se dit en parlant d’une grosse femme. On dit aussi Il y a de quoi se revoir.

REPRIN, s. m. — Recoupe, son qui contient encore de la farine. — De re-prinsum, parce qu’on « reprend » la recoupe pour en faire une nouvelle farine.

REPRISER. — Repriser des bas. Cette expression très populaire est aujourd’hui naturalisée française, de par la dernière édition de l’Académie.

REPROCHER, v. a. — Donner à l’estomac ce que l’Académie appelle délicatement des « rapports » (!) J’aime l’ail, mais il me reproche. Cette métaphore est très élégante. Pourtant il semble plutôt que ce soit l’estomac qui fasse des observations. La langue est pleine de ces mélonymies.

REQUINQUILLER (SE), REQUINQUINER (SE) v. pr. — 1. Se parer coquettement.

2. Se rengorger, se redresser comme le coq. As-tu vu la Louison, depuis qu’elle a son métier pour maîtresse, comme elle se requinquille ! — Appartient probablement à la même famille que quinquaille. Se requincailler, se requinquiller.

3. Se ratatiner, se recroqueviller. La froid me fait toute requinquiller.Requinquiller est pour recoquiller, replier en coquille.

RESPECT. — Parlant par respect. Formule de politesse dont on doit accompagner toute expression basse ou qui réveille une idée répugnante. Même le mot de fumier ne se doit pas prononcer sans être précédé de parlant par respect ; et la formule doit toujours précéder le mot et non le suivre, afin que votre interloculeur ait le temps de se préparer à quelque chose de désagréable. Je connaissais un bon homme qui poussait si loin la délicatesse à cet égard, qu’il ne disait jamais « ma femme » sans le faire précéder de « parlant par respect ».

RESSAUTER, v. n. — Tressaillir avec des mouvements très forts, tressauter. Ces pets de boîte me font toute ressauter. — Ressauter, faire des sauts [involontaires].

RESSEMELAGE, s. m.— « Dites carrelure. » (Molard.) Il avait tort, car les deux mots n’ont pas la même signilication. Le ressemelage est l’action de rapporter les carrelures. Mais il est vrai qu’en 1810 ressemelage n’était pas au dictionnaire. Il y a été admis en 1835, et aujourd’hui personne ne sait ce que veut dire carrelure.

Raccommodement, et aussi régularisation d’une union de la main gauche. Tout ça ne tient guère.

RESSERRE, s. f. — À la campagne, pièce qui sert à renfermer les outils de jardinage, les gros ustensiles, le banc de menuisier et les outils pour chapuser, etc. La resserre n’est pas la même chose que le débarras, où l’on met seulement les objets hors d’usage. — Subst. verbalde resserrer, pris au sens de ranger, fermer.

RESTANT. — Le restant de mes écus. Expression de tendresse. Le p’pa, en voyant arriver le petit culot dans son tintebien : Velà le restant de mes écus que s’amène !

RESTER. — Tu me restes devoir vingt sous. Tournure qui, pour manquer un peu de correction, n’en est pas moins claire,

Je suis resté un mois pour faire ma pièce, pour J’ai mis un mois pour faire me pièce. — Je reste en rue Pisse-truie, pour Je demeure en rue Pisse-truie.

RESTIN, s. m., terme de canuserie. — Bobine recreusée sur laquelle sont pliés les cordons de la pièce, lorsque ces cordons font une armure différente du fond. Pour tenir le cordon tirant, le restin a deux colliers, un de chaque côté, auxquels on suspend des poids. Le restin est ainsi une ensouple en petit. Les restins, au nombre de deux, sont passés à une tringle en dessous du rouleau de derrière. — Paraît fait sur reste, vraisemblablement parce qu’à l’origine, le restin utilisait des restes de soie.

RETAILLES, s. f. pl. — Lorsque le charcutier vend du jambon, pour contenter la pratique il enlève le bord rance ou le morceau cartilagineux ; de même, lorsqu’on arrive à l’os, il enlève les derniers restes de chair adhérente ; enfin il y a ainsi en charcuterie une foule de menus débris qui constituent les retailles, vendues à bas prix aux enfants et aux pauvres gens. — Subst. verbal de retailler.

RÉTAMAGE, s. m. Étamage. RÉTAMER, v. a. — Étamer.

RÉTAMEUR, s. m. — Étameur. Enfin ! l’Académie s’est décidée à recevoir ces termes si usités. Mais c’est en vain que, pour se justifier, elle explique subtilement que rétamer, c’est « pratiquer de temps en temps l’opération de l’étamage ». On fait aussi bien rétamer une casserole qui n’a jamais été étamée. Re est ici purement explétif comme dans tant d’autres cas.

RETAPE (LA). — C’était le nom vulgaire de la Rotonde, salle circulaire, rue de Sèze, aux Brotteaux, servant à des bals qui sentaient par trop le peuple souverain. Retape, dans l’argot des souteneurs et des filles, signifie raccrochage, mais j’ignore l’origine de ce mot.

RETAPER, v. a. — 1. Des cheveux retapés. Eacore une expression proscrite par Molard, qui veut qu’on dise cheveux tapés. L’Académie, en 1798, donnait pourtant l’exemple : Cheveux retapés. La première édition de Molard est de 1792. Il s’y est appuyé sur le Diction. de l’Acad. de 1762. Dans les éditions postérieures à 1798 jusqu’en 1810 (je n’ai pas pu me procurer celle de 1813), il n’a pas tenu compte des changements apportés par la 5e édition du Dict. de l’Acad. (1798). Son siège était fait. Il mentionne quelquefois le dictionnaire de Gattel (1797), lexicographe lyonnais qui eut de la réputation.

2. Au figuré, Remettre quelque chose en état de servir. J’ai déjà servi ce discours en réunion publique, disait un éloquent député radical, mais en le retapant, il sera bien bon pour la tribune.

RETENIR. — Grangier ne veut pas qu’on dise : Qu’est-ce qui vous retient de partir ? retenir, suivant lui, ne se pouvant prendre au sens d’empêcher. Qu’ils sont désagréables ces pédants ! « Cette considération ne m’a jamais retenu de faire ce que j’ai cru bon et utile, » dit Jean-Jacques (dans Littré), usant d’une façon de parler que Corneille et Mme de Maintenon avaient employée avant lui.

RETENUE, s. f., terme de construction. — Petite bordure, le plus souvent en pierre, et ayant pour but de retenir le bord d’une couche de béton, de terre ou de briques. — Métonymie pour retenant.

RETINTON, s. m. — Reste, retour. Le retinton d’une maladie, le reste, le retour d’une maladie, avec sens diminutif. Son père était un peu truffier, et il en a un retinton. — Du vieux provençal retint, retentissement, subst. verbal de retinnitire, retentir.

RETIRER, v. n., avec la proposition de. — Ressembler. Ce mami retire de sa grand, Cet enfant ressemble à sa grand’mère, tient de sa grand’mère.

RETOUR, s. m. — Employé par les personnes distinguées pour renvoi. J’adore l’ail, comme mon mari, me disait un jour une aimable dame, mais il me donne des retours.

RETOURNER, v. a. — Quand j’ai vu le feu sortir par la fenêtre, ça m’a retourné le sanque. On dit encore plus élégamment Ça m’a retourné les sanques.

V. n. — Je n’y retournerai plus ! Je ne ferai plus cette faute. — Suivi d’un infinitif : Que ça ne te retourne plus arrriver ! Ces locutions expressives sont tellement en usage chez nous, qu’à propos des élections au conseil des prud’hommes de juillet 1882, j’avais le plaisir de lire dans un grand journal de Lyon, très frotté de littérature : « Les citoyens Romain, Brosse, Dufour, ont été jugés dignes de retourner prendre dans le conseil la place qu’ils y ont si dignement et si utilement occupée. »

RÊVATION. — Être en rêvation, Être en état de rêve.

Su ma banquette, su ma banquette,
Je suis souvent en rêvation…
(Chanson canuse.)


REVENDEUR. — Revendeur de gages. Voyez gages.

REVENGE, s. m. — Revanche, représailles. M. Vulpillat s’oyant fait mal aux…, i vous prie de remettre son revenge à dimanche prochain, disait le digne Exbrayat aux Arènes lyonnaises. — Subst. verbal de revenger. Le mot est vieux : « Nostre mattois s’offre à faire l’office, ayant enuie d’auoir sa reuenge, » dit le bonhomme Bouchet.

REVENGER (SE), v. pr. — Se revancher, user de représailles, se venger. C’est du vieux franç. « L’un fiert et l’autre se revenge, » dit la Consolation de Boëce (dans du Cange).

REVENIR, v. n. — 1. Plaire, être agréable. Cette femme vous a un visage qui revient. — Revenir est ici pour prévenir. Un visage qui prévient (en sa faveur).

2. Donner des renvois. Ce chaircuitier a mis trop de z’hauts goûts dans sa cochonnaille ; elle me revient.

Faire revenir de l’eau, La faire chauffer légèrement. L’idée est : la faire revenir de l’état froid.

RÉVÉRENCE, s. f. — Parlant par respect, Révérence à c… ouvert. Voy. c…

Révérence fendue, même sens.

Révérence à trois étages, Profonde révérence. C’était la révérence de nos grand’mères.

REVIRE-MARION, s. m. — 1. Gifle, rebiffarde. Le Grégoire a voulu faire le joli cœur avec la Naïs, mais elle te lui a atousé un revire-marion !

2. Changement brusque, revirement. On le trouve en ce sens dans Brantôme : « Un autre revire Marion de fortune. » C’est le sens primitif ; puis on a vu dans le mot l’idée de Marion qui se retourne, et gifle celui qui voulait l’embrasser. — Probablement de revirement, qu’on aura trouvé comique de transformer en revire-Marion.

REVOIR. — Il y a de quoi se revoir. Se dit : 1° d’un plat très abondant ; — 2° d’une grosse femme. Voy. reprendre.

« Je n’aurai besoin de votre manuscrit qu’à la fin de l’année. — Tant mieux, j’aurai au moins le temps de me revoir ! » On dirait aussi : J’aurai le temps de me retourner. Toutes ces locutions très claires pour nous, qui en usons au jour la journée, sont obscures par rapport à leur formation logique.

Des gens de revoir. Voy. revue.

REVOLLE, s. f. — 1. À la campagne, c’est le repas qu’on donne aux ouvriers après la récolle (voy. revollon) ; à Lyon, c’est le rendement de noces (voy. rendement). Faire la revolle.

2. Terme du jeu de la manille. Faire la revolle, c’est faire l’impasse ; c’est-à-dire qu’au lieu de prendre de la manille, on prend du roi.

REVOLLION, s. m. — Un revollion d’eau, Un tourbillon. — De revolare.

REVOLLON, s. m. — Petit repas, petite fête. Se réunir pour manger des châtaignes rissolées et boire du vin blanc, c’est faire un revollon. — Du patois revolla (de revolare), repas que l’on donne, après la récolte, aux ouvriers qui l’ont cueillie.

RÉVOLUTION, s. f. — Bouleversement. Se faire une révolution, Se tourner les sangs.

REVONDRE, v. a. — Enterrer, recouvrir. — De refundere.

REVONDU, UE. — Partic. passé de revondre. I z’aviont revondu c’t argent pendant la guerre.

REVORGE. — À revorge, En surabondance, à regonfle. C’te année y aura de z’ambricots à revorge. — De vorticare, de vortex, tourbillon, affluence d’eau excessive.

REVOUGE, s. f. — Tourbillon d’eau. On dit plus communément moye. — Subst. verbal de revolvicare, fréquentatif de revolvere.

REVOURSE, s. f. — 1. Fosse que l’on creuse sur le bord d’un champ ou d’un jardin et où l’on enfouit les cailloux.

2. Fosse où l’on dépose de jeunes plants (couchés obliquement, de manière que le feuillage reste à l’air) pour empêcher les racines de sécher, en attendant la plantation. On appelle aussi cette opération Mettre les plants en nourrice. — De revorsa, de vorto, au sens de terre enlevée, extraite. Le mot, par métonymie, s’est appliqué à fosse.

REVOYANCE. Voy. revoyure.

REVOYURE, s. f. — À la revoyure, Au revoir. Expression qu’on ne manque jamais d’employer en se serrant la main au départ. Beaucoup disent À la revoyance. Les deux façons de parler sont correctes. Des puristes poussent le scrupule jusqu’à faire une différence dans l’emploi de ces termes. À la revoyure s’adresse à une seule personne : À la revoyure, ganache !À la revoyance s’adresse à plusieurs : À la revoyance, les gones !

REVUE, s. f. — Nous sons des gens de revue, Des gens qui auront occasion de se revoir. On dit aussi des gens de revoir. Enfin quelques-uns disent des gens de revision.

RHABILLAGE, s. m., terme de canuserie. — Opération qui consiste à raccommoder, à l’aide du roquet de jointe, un fil cassé de la chaine. — De rhabiller.

RHABILLER, v. a. — 1. Terme de canuserie. Raccommoder un fil cassé. — Du français habiller (du latin habile) au sens d’arranger, mettre à point ; d’où rhabiller, réparer.

2. Rebouter, remettre les membres disloqués. Même étymologie.

RHABILLEUR, EUSE, s. — Celui ou celle qui remet les membres disloqués ou luxés, réduit les entorses, etc. Le rhabilleur tient une grande place dans l’opinion populaire, et le développement de l’instruction ne la lui diminue pas. Des gens de la plus haute bourgeoisie ont dans les rhabilleurs une foi invincible. Un homme qui guérit, sans avoir rien appris, a en soi quelque chose de miraculeux qui attire bien autrement qu’un médecin qui guérit (ou ne guérit pas) parce qu’il a pris la peine d’apprendre. Les rhabilleurs font parfois bien du mal. L’un d’entre eux avait fait mettre à ma mère un emplâtre sur le poignet, qui faillit avoir les conséquences les plus graves. D’autre part ils peuvent rendre des services, le massage étant parfois un secours précieux. Un jour que je descendais le Rhône en batenu à vapeur, entre Avignon et Beaucaire, des colis mal gerbés s’écroulèrent et luxèrent l’épaule d’une femme. On fut quérir le patron qui était à la barre, lequel savait rhabiller. Il se fait remplacer, descend au salon où l’on avait mis la patiente, et lui tirepille tellement l’épaule qu’il remet les choses en place.

RHUME. — Te tousses ben tant ! T’ess’ enrhumé ? — C’est un rhume de matelot. C’est-à-dire qui m’emportera. On dit d’autres fois : C’est un rhume de matelot, qui part avec le bâtiment.

RIBOTTE, s. f. — Mettre en ribotte, Mettre en désordre, pêle-mêle, abimer. Qui don qu’a mis cette soie tout en ribotte ? « Son n’ouvre (ouvrage) est mis en ribotta, — Per los sôles grapignans (maltôtiers), » dit une chanson de Revérony. — Du franç. ribotte, débauche, pris au figuré.

RICHE. — C’est un riche temps. Se dit d’un temps qui favorise les fruits de la terre. Il pleut depuis hier. Après cette sécheresse, c’est un riche temps.

RICLADE, s. f. — (Parlant par respect), synonyme de riclée. Voy. ce mot.

RICLE, s. f. — Parlant par respect, Diarrhée. Avoir la ricle. — Subst. verbal de ricler.

RICLÉE, s. f. — Parlant par respect, Foirée. Faire une riclée, Lâcher une riclée. Ne s’emploie qu’entre gens d’intime connaissance.

RICLER, v. n. — 1, parlant par respect, Déféquer en diarrhée. Onomatopée trop réussie !

2. Au figuré, s’emploie quelquefois pour Rejaillir. Fais don pas ricler la bassouille comme ça !

RIDÉ, — Ridé comme une vieille reinette (pomme).

Parlant par respect, Ridé comme le c… d’une vieille. On fera bien d’éviter l’emploi de cette désobligeante métaphore.

RIDEAU, s. m. — Blouse. Parce que la blouse, comme le rideau, couvre tout.

RIEN. — Rien égale Vraiment et renforce la négation : Ce que vous faites là, c’est pas rien gentil, N’est vraiment pas gentil !

Rien égale Pas : 1. Devant un substantif : « Dis-moi, la Devoydi, n’as-tu rien soif ? » dit Gatillon dans la Bernarde ;

2. Devant un adjectif : Il n’est rien ému. C’est un latinisme : nihil motus ;

3. Devant un adverbe : Il n’y a rien longtemps, Il n’y a pas longtemps.

Rien, Pas du tout. Ce couteau ne coupe rien. Je n’ai rien dormi de toute la nuit. Analogie avec : « Je n’ai rien mangé, Je n’ai rien fait, etc. » On ajoute souvent du tout. I disait ça pour gosser, manquablement ? I ne gossait rien du tout !

C’est pas rien, Ce n’est rien du tout. S’applique aux personnes, avec signification très péjoralive. La Francisca, de la brasserie, c’est pas rien. Ce n’est pas faire l’éloge de la Francisca.

Rien, Très peu. En un rien de temps.

RIFLE, s. m. — Feu de joie. Quand les gones trouvent un peu de paille, de bois, des feuilles sèches, ils les ramassent en cuchon. Le plus dégourdi va quémander une allumette chez l’espicier le plus proche, et l’on allume un rifle. Avec le développement des cantonniers et des urbains, le rifle est devenu d’une exécution plus difficile. — Subst. verbal de rifler, allem. riffeln, racler, frotter, saisir, et, par extension, amonceler avec un crochet.

RIGOTTE, s. f. — Petit fromage de chèvre très renommé, qui se fait surtout à Condrieu. — Probablement de l’ital. ricotta, qui aura été importé par l’immigration italienne, quoique la ricotta italienne ne soit pas proprement un fromage, car elle ressemble à notre recuite.

RIGUE, s. f. — 1. Équipages de chevaux qui remontaient les trains de bateaux sur le Rhône, et qui étaient habituellement composés de vingt-quatre chevaux géants, attelés deux par deux.

2. Au fig., File de crocheleurs remontant les bateaux dans la traversée de Lyon.

3. Par extension, Le train de bateaux lui-même. « Depuis que les bateaux à vapeur ont supprimé ces nombreux équipages, ces longues rigues qui, traînées par d’énormes chevaux, mettaient un mois pour monter d’Arles à Lyon, » dit le pauvre Raverat.

4. Grand bateau du haut Rhône, pour le transport des pierres de Villebois, et qui a de 35 à 40 mètres de long, sur 6 mètres de large, mesurés dans le milieu du fond. Il y avait jadis jusqu’à septante de ces bateaux faisant le service de Villebois à Lyon. Il n’y en avait naguère plus qu’une dizaine. « Une rigue chargée de pierres, portant douze hommes d’équipage, descendait le fleuve. » (Salut public du 4 avril 1888.)

Le sens primilif est celui de ligne de bêtes, attachées à la queue l’une de l’autre, du provençal rega, qui parait emprunté au catalan recua, qu’on fait venir de l’arabe recb. De ce sens est dérivé celui de ligne de bateaux, puis d’une espèce de bateau.

RIMER, v. n. — Se dit du lait qui a pris le goût de brûlé, ou de la casserole où le lait s’est gratiné au fond sous l’action du feu. — Du vieux provenç. rimar, du lalin rima, fente. La dérivation est : 1° Se fendre ; 2° Se fendre sous l’action du feu ; 3° Brûler sans flamme en général.

RINCÉE, s. f. — 1. Forte averse. Nous avons reçu en route une bonne rincée. — De rincer.

2. Volée de coups. On lui a administré une rincée aux petits oignons. — Du vieux franç. rainser, battre, donner des coups de bâton ; de raim, branche d’arbre, de ramum. Puis l’homophonie a fait comprendre rincée. Littré est tombé dans l’erreur commune.

RINCER, v. a. — Molard et Humbert ne veulent pas qu’on dise Rincer du linge, mais l’aiguayer, ce que nulle oreille de chrétien ne saurait entendre. Mais la prétendue incorrection d’hier est la correction d’aujourd’hui. Littré et l’Académie donnent en exemple Rincer du linge.

RINGOLÉE, s. f. — Une belle flambée, un feu clair. Avè ce gel une ringolée fait du bien ! — Du vieux franç. Se rigoler, voltiger. Dans un vers de Guiart, rigoler s’applique à la flamme.

RINGUE, s. f. — Se dit de toute personne maladive, chétive. Prends surtout garde de ne pas te marier avec une rinque ! — Du provençal et bas dauphinois ringa, parlant par respect, foirer. D’où un subst. verbal ringa, diarrhée, appliqué par métonymie aux personnes maladives. — Ringa vient de ringare.

RIOTE, s. f, — Lien de fagot, généralement en osier. Le mot existe à Genève, car j’ai eu le plaisir de le retrouver dans la traduction d’Adam Bede, par Albert Durade, laquelle sent très bien son crû, quoiqu’il s’agisse d’une histoire anglaise. L’ingénieux Bouchet fait remarquer que « celuy qui regarde de trauers n’est propre à autre chose qu’à couper des riotes par les bois, car en couppant vne, il regarde où il en coupera vne autre. » — De relorta, ainsi que le montre clairement notre patois riorta.

RIPATTON, s. m. — Pied. Prends garde à ne pas te bûcler les ripattons ! — C’est patton, avec un préfixe de fantaisie.

RIQUE-RAQUE, adv. — Rigoureusement. Avec le gouvernement, il faut payer rique-raque… C’est z’un homme qui agit rique-raque. — Corruption de ric-à-ric.

RIQUIQUI. — 1. Terme péjoratif. C’est la famille à Riquiqui, Se dit d’une famille très nombreuse en même temps que peu recommandable. — De Riquiqui, nom propre de saltimbanque.

2. Liqueur. Allons, vous prendrez bien un verre de riquiqui. Que préférez-vous, le vespetro ou la mortavie ?

RIRE, — Ton pantalon rit au derrière, Est déchiré. — Parce que pour rire on se fend la bouche.

RISE, s. f. — Petit ruisseau d’eau courante. Un petit ruisseau, qui traversait autrefois la Guillotière, s’appelait la Rise. — Formé sur un type ris qu’on trouve dans des noms de lieux : Grandris (Loire), Risset (Isère) ; probablement de rivum = rif, ris.

RISOLET, ETTE, s. — 1. Se dit de quelqu’un qui a l’habitude de rire. La Liaude est tout plein risolette.

2. Se dit, au masculin, d’un objet qui excite le rire. Proverbe, parlant par respect : Une v… est une querelle, mais un p… est un risolet. Manière de dire que franchise est toujours mieux accueillie que traîtrise. — Du vieux franç. ris, de risum.

RITE, s. f. — Étoupe, filasse qu’on enroule autour du piston des seringues, parlant par respect, pour qu’elles ne perdent pas le liquide. — Du moyen haut allem. riste, paquet de linge broyé.

RIVIÈRE. — Hommes de rivière, Les mariniers.

ROBE. — Avec cette manie de fourreaux étroits, entendais-je dire un jour à une aimable dame, on ne fait maintenant que des robes à gratter le c… J’ai su depuis que l’expression, d’ailleurs très pittoresque, était reçue dans le meilleur monde.

ROBINET, s. m. — Instrument de correction pour le derrière des petits gones. Il se compose d’un faisceau de ficelles avec un petit nœud à un bout, les ficelles étant réunies à l’autre bout par une torsade enroulée de manière à former un manche. Cet instrument avait certainement été inventé à l’usage des collèges. — De Robin, nom propre. Le robinet est le petit Robin comme le martinet (voy. ce mot) est le petit Martin.

RÔDASSER, v. n. — Fréquentatif de rôder. — Je lis dans un journal de Lyon du 11 avril 1880 : « Sa femme, en rentrant, a rôdassé dans la maison… »

RÔDER, v. n. — Traîner pêle-mêle. Ne laisse donc pas rôder ma potographie ave la vieille ferraille.

ROGNE, s. 1. — Se dit des croûtes qui recouvrent certaines plaies à mesure que celles-ci se cicatrisent, et en général de tout mal à la peau répugnant. Il a des rognes sous le nez qui vous font regret.

Chercher rogne. Voy. chercher.

Tenir comme un pou sur une rogne. Voy. pou.

Gratter la rogne à quelqu’un. Voy. gratter.

Ils ont eu des rognes ensemble, Ils ont eu des querelles.

Au fig. Se dit d’un homme difficile, épineux. Le Blaise, c’est une rogne. — Dérivation de sens du français rogne, gale invétérée, aujourd’hui peu usité.

ROGNER, v. n. — Gronder, grommeler, chercher querelle. — Malgré l’homophonie, je ne le crois pas dérivé de rogne, mais du patois rena, grogner, montrer les dents comme les chiens, influencé par rogne. Cette dérivation est appuyée par des formes dialectales.

ROGNEUX, EUSE, adj. — Hargneux, qui a mauvais caractère. — De rogner.

Rogneux, pris au propre (ou au sale). —- On en mangerait sur la tête d’un rogneux. Se dit de quelque chose de prodigieusement bon.

ROGNON, s. m. — Outre le rognon proprement dit, c’est-à-dire le rein, nous appelons de ce nom une partie de la longe de veau, non fibreuse, graisseuse, savoureuse, et fondante. Je suppose (je ne suis pas fort en anatomie) qu’elle enveloppe le rein. C’est par comparaison de ce morceau que nous disons :

Le rognon d’une affaire, La partie la plus fructueuse d’une affaire ; Le rognon d’une propriété, La partie d’une propriété où la terre est le plus fertile, etc., etc. M. Lenthéric, à propos du village de Rognonas, dit que ce nom signifie en provençal gras, fertile, mais le mot ne figure dans aucun dictionnaire à ma connaissance.

Avoir les rognons couverts, Être riche. Métaphore empruntée à la physiologie porcine. Quand un cayon est bien gras, parlant par respect, il est immanquable qu’il ait les rognons couverts. M. de Rothschild a les rognons couverts.

Vous avez rognon. Voy. sous clarinette. Observer que l’on ne dit jamais Vous avez rognon, sans ajouter la graisse m’étouffe. Je constate le fait sans l’expliquer. Peut-être la phrase primitive était-elle : « la graisse vous étouffe, » puisque c’est la personne à qui l’on parle qui a le rognon, et que le rognon est enveloppé par la graisse. Quoi qu’il en soit, on ne saurait nier que c’est extrêmement spirituel.

ROGNONNER, v. n. — Grommeler, murmurer entre ses dents. Elle est toujou après rognonner. — Fréquentalif de rogner.

ROI-BOIT, s. m. — Brioche en forme de couronne, par opposition à la radisse qui est une brioche allongée. — De ce que ces brioches se faisaient surtout pour servir de gâteau des rois, et qu’au repas des rois, on est dans l’usage de crier le Roi boit ! au moment où celui-ci lève son verre.

ROI-PÈTERET, s. m. — Mâle du hanneton, ou du moins hanneton à collet ronge, et que les enfants croient être le mâle. C’est un grand bonheur de trouver un roi-pèteret. — De petit reit, petit roi (nom du roitelet) devenu pètaret, pèteret, adj., parlant par respect, sous l’influence de peteur. — Une fois pètaret devenu adj. il était tout naturel de remettre roi devant lui. D’où rei-petaret, roitelet, dans certaines de nos campagnes. Du roitelet l’appellation a passé au hanneton qui semblait faire parmi ses concitoyens l’office de roi.

ROMAINS, s. m. pl. — Nom donné, sous Louis-Philippe, aux hommes qui constituaient la police municipale, sous la dénomination officielle de surveillants. La police est toujours faite à l’image du peuple, et quel bon peuple ce devait étre que celui qui était surveillé par une telle police ! — Ô Romains ! Ô dignes successeurs des arquebusiers d’avant la Révolution ! espèce de pompiers moins les pompes, de gardes champêtres moins les champs ; bons fils, bons pères, bons époux, domiciliés chacun chez soi ; qui couchiez avec vos femmes ; qui aviez des cheveux gris, des favoris en côtelettes de petit salé, des visages paternes ; que l’on connaissait par leurs noms ; à qui l’on disait : « Père un tel » ; qui portiez des shakos de garde national et des bancals du premier empire battant sur vos mollets ; qui preniez les voleurs (quand vous en preniez) toujours par la douceur ! Rien qu’en songeant à vous, je pense à Louis-Philippe ; rien qu’en pensant à Louis-Philippe, je songe à vous ! — Ainsi le lac du Bourget rappelait à Lamartine l’image d’Elvire ; ainsi l’image d’Elvire lui rappelait le lac du Bourget.

Ce qu’il y avait de plus curieux dans l’armement de ces braves gens, c’était la raquette (!!) qu’ils portaient dans leurs rondes de nuit (voy. raquette 1). Qui aurait jamais pu supposer qu’on eût armé des héros d’une raquette ? Il est vrai que celle-ci, énorme, pouvait servir d’arme offensive, et qu’il eût suffi d’un bon coup, bien asséné, pour marpailler tout le groin à un malfaiteur. Le manche portant le cylindre dentelé avait plus d’un bon pied de long, et plus d’un bon pouce de diamètre. La lame qui frappait les dents du pignon était fendue dans les deux tiers de sa longueur, et grâce à cette ingénieuse disposition, l’instrument produisait un bruit sui generis, que tous les Lyonnais connaissaient bien. Entendait-on l’appel connu, les Romains qui auraient été dans le voisinage accouraient, aussi bien que les honnêtes passants, pour prêter main-forte à la loi, car en ces temps arriérés, le peuple ne portait pas encore secours aux malfaiteurs contre la police comme cela se fait quotidiennement aujourd’hui. La raquette avait encore cet avantage de permettre aux voleurs, qui l’entendaient de loin, de s’enfuir avant que les Romains arrivassent. Et par ainsi, personne ne courait risque de recevoir quelque mauvais coup.

Cette raquette n’était point d’invention lyonnaise. C’était une importation anglaise. On avait, en effet, bien antérieurement, armé de raquettes les policemen de Londres. Je ne sais à quelle époque on leur retira la raquette pour lui substituer le casse-tête, arme plus efficace.

Les rondes de nuit de nos Romains commençaient par une visite à la mère Ficelle (voy. sous billet). Je ne fais pas à un seul de mes lecteurs l’injure de croire qu’il n’ait pas connu la mère Ficelle au moins de nom.

Dans une de ces ruelles indescriptibles emportées par le percement de la rue Centrale près du Plâtre, à savoir la rue des Boitiers et la rue Roland, s’ouvrait un « honneste » cabaret qui portait en guise d’enseigne, au-dessus de la porte d’entrée, un paquet de ficelles.

C’était les armoiries parlantes des trois frères Ficelle, dont la mère tenait là, avec leur concours, une espèce de bouge de la plus basse catégorie, où l’on se faisait servir toute espèce de consommation. – En ce temps la police, débonnaire, n’exigeait pas que Cypris se dissimulât derrière des persiennes fermées. — L’établissement passait pour prêter secrètement appui à la police, et servir parfois de souricière. Les trois frères Ficelle devaient avoir des opinions politiques de la plus grande pureté, car à la révolution de 1848, ils figurèrent dans le comité provisoire qui s’installa à l’hôtel de ville.

Cetle honorable maison était tellement connue, qu’un jeune avocat de Marseille, Maitre Hermelin, s’étant fait inscrire au barreau de Lyon, et l’une de ses premières affaires ayant été pour défendre en correctionnelle un individu inculpé de coups et blessures dans une rixe chez la mère Ficelle, Maitre Hermelin, dis-je, commença ainsi sa plaidoirie, avec l’accent intraduisible de son pays : Messieurs, la scène elle se passait dans une maison que ze ne connais pas, parce qu’il n’y a pas longtemps que je suis à Lyon, mais que vous connaissez tous. (Tous les juges font un signe de protestation.) Pardon, Messieurs, reprend Maitre Hermelin, ze veux dire de réputation.

Donc, lorsque les Romains sortaient pour leur service de nuit, ils allaient sans désemparer chez la mère Ficelle. Et là, en consommant (gratis, bien entendu) tous les cordiaux nécessaires à leurs périlleuses fonctions, ils recueillaient les renseignements pour leur rapport de police ; puis l’estomac et l’esprit échauffés d’une sainte ardeur, sous l’égide de leur raquette, ils se répandaient dans la ville, en continuant leur inspection de bouge en bouge. — Et les bourgeois de Lyon pouvait avec sécurité, dans les chastes bras de leurs épouses, se livrer aux douceurs du sommeil…

Les Romains étaient peu nombreux, mais avec celle police patriarcale, il se commettait cent fois moins de crimes qu’avec notre police savante et des nuées de gardiens de la paix. Il se serait passé des années sans qu’on eût trouvé de quoi défrayer un méchant reportage. Il est vrai qu’en ce temps-là les enfants n’arrivaient pas comme aujourd’hui à l’âge d’homme sans que personne leur eût appris, dans les écoles ou les lycées, que tuer et voler n’est pas absolument bien.

Les Romains n’étendaient pas leur juridiction au delà des limiles de la commune lyonnaise qui, alors, ne comprenait ni Vaise, ni la Croix-Rousse, ni la Guillotière. Mais à quoi auraient servi des Romains à notre bonne Croix-Rousse, par exemple ? Encore en 1810, toute la police de la commune de la Croix-Rousse se composait d’un commissaire de police et d’un agent, M. Blanc, qui, pour toute arme, portait une canne, et n’avait d’autre occupation que de porter les billets de justice de paix, et de signifier les contraventions, d’ailleurs fort rares. Oh, l’âge d’or du Plateau !

Mais la criminalité ayant progressé rapidement avec la civilisation, il fallut bientôt créer les bleus, que l’on caserna. En même temps l’on rattachait la police aux services préfectoraux. Dès avant cette mesure, la Guillotière était assez mal famée, et, lorsqu’on voulut englober les communes suburbaines dans celle de Lyon, une des raisons invoquées fut que la Guillotière assurait l’immunité aux malfaiteurs qui y trouvaient un asile plus assuré que jadis dans les églises, les Romains n’exerçant pas leur sacerdoce au delà du Rhône.

Où nous connûmes bien que les temps étaient changés, c’est le jour que, sous l’Empire, aux quatrièmes du Grand Théâtre, un bleu vint nous intimer l’ordre de remettre nos vagnottes que, l’été, nous avions la moelleuse habitude de déposer sur la balustrade, à seule fin d’ouir plus au frais les ut de Sirand ou les roulades de Mme Miro (en ce temps-là on était au Grand-Théâtre aussi bien en famille que chez soi). Il fallut remettre sa vagnotte. La tyrannie élait venue.

RONCHONNER, v. n. — Raffouler, grogner, en y ajoutant l’idée de rabâcher. — Fait sur l’onomatopée ron.

ROND. — Rond de veine, terme de boucherie, Morceau de la cuisse du bœuf, qu’à Paris ils appelent gîte à la noix.

RONDEAU, s. m., terme de maçon. — Sorte de petit bassin rond, fait sur le chantier, à l’aide d’un rebord en sable, et dans lequel on fait fuser la chaux.

RONDIER, s. m. Voy. Commis de ronde.

RONDIN, s. m. — 1. Veste ronde. — De mon temps (1836) le rondin était défendu aux Minimes, et cette interdiction me faisait rêver. Je suppose qu’on a dû revenir là-dessus, car dans des institutions ecclésiastiques, notamment chez les Jésuites de Monaco, le rondin fait partie de l’uniforme, et il donne aux élèves quelque chose de dégagé qui leur sied à ravir.

2. Morceau de bois rond pour le chauffage. Les maisons huppées ne veulent que des rondins pour bois de chauffage.

3. Terme de boucherie. Morceau de viande avec un os à moelle. Il est voisin du genou du bœuf.

RONDO, adv. — Rondement, rapidement. Notre affaire marche rondo. — Manie de mettre des terminaisons latines. Il faut avouer que celle-ci donne de la rapidité à l’expression.

RONFLARDE, s. f. — Toupie métallique. Voyez ronfle 1, dont il est un dérivé.

RONFLE, s. f. — 1. Toupie métallique. Dans le Noël de Jean Capon, le bœuf, en voyant le diable, souffle « comme une ronfle ».

2. Au fig. Nez, gros nez. « Tiens, voilà les Jacobins — Avec leur ronîle, » dit un autre noël. — Subst. verbal de ronfler, parce que c’est du nez que l’on ronfle.

RONGERIE, s. f. — Os où il y a un peu de viande à ronger. La carcasse du poulet est une rongerie. Les femmes adorent les rongeries. On dirait qu’elles sont faites pour leurs dents fines et aiguisées.

RONQUILLE. — Jouer à ronquille, Jeu des gones, qui se joue avec des pesouts. — Forme nasalisée, tirée de roquer.

ROQUER, v. a. — Poquer, choquer, heurter. Que don que t’as, avè ta ronfle violette que semble un viédaze ? — Je m’ai roqué le nez contre un coupant de porte. — Probablement du picard croker, accrocher, saisir, de croc.

ROQUET, terme de canuserie. — Sorte de grosse bobine en forme de fuseau, assise sur un large pied, pour pouvoir se placer verticalement, et qui reçoit la soie pour faire les canettes.

Roquet de jointe, Bobine de forme ordinaire, et qui, enfilée dans une corde horizontale au-dessus de la longueur, porte la soie destinée à rhabiller les fils cassés.

L’honorable Jean-Marie Malhevet, jacquardier, mon collègue à l’Académie, me dit que c’est le roquet de mon temps qui avait la forme d’un fuseau et que maintenant il a la forme d’une bobine.

ROQUILLE, s. f. — 1. Fiole de forme fuselée.

2. Mesure de liquide dont le souvenir seulement s’est conservé dans l’expression Boire une roquille, Boire à deux chacun son petit verre d’eau-de-vie. — Du vieux haut allem. rocco, quenouille, à cause de la forme en fuseau de la fiole. De fiole, le sens a passé à celui de mesure de liquide.

ROSÉE. — Ce gigot est tendre comme la rosée. Métaphore constamment usitée. On dit aussi tendre comme de bave (voy. bave).

ROSSARD, s. m, — 1. Fainéant dans les moelles, propre à rien.

2. Terme d’amitié. — Quelle chance de te rencontrer, grand rossard ! Viens vite boire pot !

ROSSARDER, v. n. — Fainéanter.

ROSSÉE, s. f. — Volée de coups. — De rosser.

ROSSIGNOL, s. m. — Marchandise ancienne et passée de mode. L’art du parfait marchand consiste à faire passer des rossignols pour des nouveautés. — Je ne saisis pas du tout la métaphore.

Rossignol à glands, parlant par respect, Habillé de soie.

Rossignol de boutasse, Crapaud ou grenouille.

ROTI, ROTIR. — Rôti, Rôtir. Nous faisons toujours l’o très bref dans ces deux mots. Je reconnais que ce n’est pas la prononciation classique.

S’endormir sur le rôti. Voy. endormir.

RÔTIE, s. f. — Une rôtie de crasse de beurre, de melasse, etc., Une tartine de crasse de beurre, etc. Mme Roland, qui avait habité Lyon, en avait retenu ce « lyonnaisisme » : « J’ai fait plus d’un déjeûner en mettant de la cendre, au lieu de sel, sur une rôtie de beurre par esprit de pénitence. » — Le mot de rôtie s’appliquait primitivement à une tranche de pain rôtie et beurrée, qu’on prenait dans le thé, puis il s’est appliqué à la tranche de pain beurré, même quand elle n’était plus rôtie, et finalement à toute espèce de tranches recouvertes de quelque chose de bon.

Rôtie au sucre, Tranche de pain grillé, bien saupoudrée de sucre et trempée dans du vin chaud où l’on a mis infuser un peu de cannelle. Cette rôtie est surtout pour les accouchées. Ma mère m’a souvent raconté que lorsqu’elle accoucha de mon frère Jean, en 1814, le sucre était à six francs la livre. Elle ajoutait combien elle était reconnaissante à mon père de ne l’avoir jamais laissée manquer de ses deux rôties au sucre par jour, tout le temps de ses relevailles, encore bien qu’à la maison l’on ne fût pas riche, et que l’année fût si cruelle.

ROUE. — Roue de charrette. Métaphore pour un écu de six francs, aujourd’hui de cinq, en argot, roue de derrière. Les Anglais disent a hind coach wheel (une roue de derrière), pour une pièce de cinq shillings, et a fore coach wheel (une roue de devant) pour une pièce de deux shillings et demi.

ROUENNIER (rouanié), s. m. — Marchand de mouchenez et autres toileries fabriquées à Rouen. On dit plus volontiers rrmarchand de pattes à briquet.

ROUET, s. m. — Rouet à canettes, terme de canut, Ustensile à roue, qui sert à faire des canettes.

Le chat mène son rouet. Se dit du chat lorsqu’il dit son chapelet (voy. ce mot).

ROUGE, s. des 2g. — Se dit d’un homme ou d’une femme qui a les cheveux blond ardent. Il est venu ce gros rouge. On dit aussi Avoir les cheveux rouges.

Têtu comme un âne rouge. Voy. âne.

Rouge comme un c… fessé (parlant par respect). Lorsque, petit gone, je rentrais de courir au rabi-soleil, tête nue et couvert de sueur, ma bonne mère me grondait : Allons, te voilà encore rouge comme un cul fessé ! Et puis, quand tu auras une bonne maladie, la petouge sera pour la maman ! Alors je l’embrassais, je faisais mon puyant, et elle me pardonnait.

Avoir la figure rouge comme un automate. Automate ou tomate, il y a si peu de différence que cela n’en vaut pas la peine.

ROUGEUR. — Rougeur du matin fait tourner le moulin. La rougeur du matin est signe de vent. Ce proverbe ne doit pas avoir une origine lyonnaise, les moulins à vent n’étant guère connus chez nous.

ROULEAU, s. m., terme de canuserie. — Il y en a deux principaux : 1° Le rouleau de derrière ou ensouple sur lequelest enroulée la chaîne qui se déroule au fur et à mesure de la fabrication ; — 2° Le rouleau de devant sur lequel s’enroule l’étoffe fabriquée au fur et à mesure de sa fabrication. Par ainsi un rouleau grossit tandis que l’autre diminue.

Le rouleau de devant grossit, elle va d’abord rendre. — Se dit d’une femme près d’accoucher.

Rouleau à rendre. Inconnu de mon temps. On pliait la pièce pour la rendre, mais les marchands, depuis environ vingt-cinq ans, exigent qu’on rende sur un rouleau ad hoc. Ils disent que c’est pour que la pièce n’ait pas de plis. Les canuts disent que c’est pour leur faire peter un mètre sur une pièce de 60 à 80 mètres. On continue à rendre pliés les velours et les peluches. Règle : le canut porte le rouleau avec la pièce sur l’épaule ; la canuse le porte sous le bras.

Rouleau de façure. Toujours des inventions ! Dans mon temps, lorsque le rouleau de devant avait trop grossi, de manière que la façure ne fût plus de niveau, on remontait le remisse, comme les femmes font élargir leurs robes quand leur rouleau de devant grossit trop. Maintenant on commence par placer la chaine et le remisse plus haut que le rouleau de devant, et l’on place sous la façure, de niveau avec la chaîne, un petit rouleau sur lequel glisse l’étoffe. Par ainsi, une partie de la façure est toujours de niveau, tandis que la partie antérieure a une inclinaison qui va diminuant à fur et à mesure que grossit le rouleau de devant.

ROULER, v. a. — Rouler quelqu’un, Le tromper, lui faire du tort, le duper. Probablement de l’idée de rouler quelqu’un par terre ensuite d’une lutte.

Rouler le bois, Jouer aux boules. Vieille expression française.

ROULETTE, s, f. — Décamètre ou double décamètre, très employé dans le bâtiment, et formé d’un ruban en toile gommée qui s’enroule à l’intérieur d’une petite boîte de cuir en forme de roulette ; d’où le nom.

Comme sur quatre roulettes. Très bien, parfaitement. As-tu bien dormi ? — Oh ! comme sur quatre roulettes ; ce qui est vrai après tout, si l’on songe aux roulettes du lit.

ROULEUR, s. m. — Des rouleurs, Des rôdeurs de nuit.

ROULIÈRE, s. f. — Grand manteau en laine et en crin, en usage chez les voituriers. — De roulier. La roulière devrait être la femme du voiturier. Aussi le nom du manteau était-il logiquement roulier + ière, rouliérière, qui, impossible à prononcer, s’est réduit à roulière.

ROUPE, s. f. — 1. Grand et long pardessus, dans le genre de ce qu’on appelle aujourd’hui une gâteuse.

2. Manteau à manches. — Du vieux haut allemand roub, « spolium », qui a fait la roupille, vêtement espagnol.

ROUSTE, s. f. — Raclée, rossée. Il lui a flanqué une bonne rouste. Ne pas confondre avec roufle, qui est de l’ignoble argot des voleurs. Rouste nous vient du provençal rousto, même sens. Rochegude donne le vieux prov. roesta, ravage, mais j’ignore où il l’a pris, et ne sais pas davantage à quoi le rattacher.

ROUTE. — En route, mauraise troupe ! Gracieux dicton que l’on répète lorsqu’on se met en marche avec des amis, et qui n’a, je crois, d’autre raison d’être que la consonpance oute-roupe.

ROYAUMECôté du Royaume. Voy. Empire.

Rendre son royaume. Voy. rendre.

RUBAN. — Un ruban de queue. Se dit d’une chose qui paraît interminable, par exemple lorsque l’on voit devant soi une route très longue. Quand je vis ce ruban de queue, ça me mit le désespoir dans les canilles. — De ce que le ruban que l’on enroulait autour de la queue, en vous coiffant, était mince et extrêmement long.

RUBIS, adj. — Ne s’emploie que dans cette expression : Du pain rubis, Du pain sec et dur. — C’est re-bis, du pain deux fois bis.

Rubis sur ongle.Il paie rubis sur ongle, À l’heure sonnante. L’origine de cette locution est bizarre. Faire rubis sur l’ongle, c’est vider la dernière goutte de son verre sur l’ongle et la lécher. Payer rubis sur ongle, c’est payer jusqu’au dernier liard de la dette, comme on boit la dernière goutte du vin. — On dit aussi rubis sur oncle.

RUE. — En rue Mercière. Voy. en.

RUETTE, s. f. — Petite rue très étroite. Le mot se retrouve dans quantité de vieux actes, « Adieu le grand chemin, adieu la vieille ruette, — Où, dans les temps jadis, j’allais me bambaner, » dit le pauvre Roquille.

RUSTIQUE, s. m. — 1. Terme de maçonnerie. Sorte d’enduit fait en fouettant le mortier avec un rameau de buis. Les gouttelettes de mortier forment ainsi de fortes aspérités. — Du franç. rustique. En architecture on appelait style rustique celui des constructions faites pour paraître brutes.

2. Terme de taille de pierre, Boucharde très grosse (voy. boucharde).