Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Gentil, gentille

Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 182).
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GENTIL, ILLE, adj. — L’Académie dit : « Joli, agréable, gracieux. » Le peuple lyonnais apprécie tellement les qualités travailleuses qu’il dit : Gentil, « Laborieux ». Être laborieux, pour nous, c’est tout ce qu’il y a de plus « agréable » et de plus « gracieux ». Qu’elle est gentille, cette Parnon ! toujours à passer sa navette avant cinq heures. — Cependant, s’il s’agit de petits enfants qui, par nature, ne peuvent développer les qualités laborieuses, nous employons l’acception ordinaire. C’est ainsi que nous disons : Gentil comme cinq sous ; Gentil comme un petit écu. C’est l’éloge que me donnait ma mère quand j’étais bien sage.

Nous avions une bonne qui répétait tout ce qu’elle entendait en l’estropiant. Or, une amie de ma mère avait eu un enfant splendide. La bonne l’alla voir. Quand elle revint : Eh bien, Marie, dit ma mère, comment avez-vous trouvé le petit de Mme D… ? — Oh, Madame, il est gentil comme un petit c… !

J’entendais un jour deux mariniers (c’est le corps d’état qui a le mieux conservé l’ancien parler lyonnais) : Et lo pitit Piarre ? — Oh, il est gentil, ce pitit, est-i gentil ! I n’a que cinq ans ; ça dit bogre à sa môre comme un homme ! — Sa-t-y prayi Diu ! — Oh, l’est incore trop juéne !

Le sens propre de ce mot n’est pas joli, agréable. Un gentilhomme n’est pas joli homme, mais un homme de race, gentilis, de gens, race. L’emploi que les Lyonnais font de gentil est conforme au sens primitif et mériterait d’être conservé.