Le Libre-échange et autres écrits/Tome 7/Textes 56 à 63


56. — LA LIBERTÉ[1].


J’ai beaucoup vécu, beaucoup vu, observé, comparé, étudié, et je sais arrivé à cette conclusion :

Nos pères avaient raison de vouloir être libres, et nous devons le vouloir aussi.

Ce n’est pas que la liberté n’ait des inconvénients ; tout en a. Arguer contre elle de ces inconvénients, c’est dire à un homme qui est dans le bourbier : N’en sortez pas, car vous ne le pouvez sans quelque effort.

Ainsi il serait à souhaiter qu’il n’y eût qu’une foi dans le monde, pourvu que ce fût la vraie. Mais où est l’autorité infaillible qui nous l’imposera ? En attendant qu’elle se montre, maintenons la liberté d’examen et de conscience.

Il serait heureux que le meilleur mode d’enseignement fût universellement adopté. Mais qui le possède, et où est son titre ? Réclamons donc la liberté d’enseignement.

On peut s’affliger de voir des écrivains se complaire à remuer toutes les mauvaises passions. Mais entraver la presse, c’est entraver la vérité aussi bien que le mensonge. Ne laissons donc jamais périr la liberté de la presse.

C’est une chose fâcheuse que l’homme soit réduit à gagner son pain à la sueur de son front. Il vaudrait mieux que l’État nourrît tout le monde ; mais c’est impossible. Ayons du moins la liberté du travail.

En s’associant, les hommes peuvent tirer un plus grand parti de leurs forces. Mais les formes de l’association sont infinies ; quelle est la meilleure ? Ne courons pas la chance que l’État nous impose la plus mauvaise, cherchons à tâtons la bonne et réclamons la liberté d’association.

Un peuple a deux manières de se procurer une chose : la première, c’est de la faire ; la seconde, c’est d’en faire une autre et de la troquer. Il vaut certainement mieux avoir l’option que de ne l’avoir pas. Exigeons donc la liberté de l’échange.

Je me mêle aux débats publics, je m’efforce de pénétrer dans la foule pour prêcher toutes les libertés dont l’ensemble forme la liberté.


57. — LAISSEZ FAIRE[2].

Laissez faire ! — Je commence par dire, pour prévenir toute équivoque, que laissez faire s’applique ici aux choses honnêtes, l’État étant institué précisément pour empêcher les choses déshonnêtes.

Cela posé, et quant aux choses innocentes par elles-mêmes, comme le travail, l’échange, l’enseignement, l’association, la banque, etc., il faut pourtant opter. Il faut que l’État laisse faire ou empêche de faire.

S’il laisse faire, nous serons libres et économiquement administrés, rien ne coûtant moins que de laisser faire.

S’il empêche de faire, malheur à notre liberté et à notre bourse. À notre liberté, puisqu’empêcher c’est lier les bras : à notre bourse, car pour empêcher, il faut des agents, et pour avoir des agents, il faut de l’argent.

À cela les socialistes disent : Laissez faire ! mais c’est une horreur ! — Et pourquoi, s’il vous plaît ? — Parce que, quand on les laisse faire, les hommes font mal et agissent contre leurs intérêts. Il est bon que l’État les dirige.

Voilà qui est plaisant. Quoi ! vous avez une telle foi dans la sagacité humaine que vous voulez le suffrage universel et le gouvernement de tous par tous ; et puis, ces mêmes hommes que vous jugez aptes à gouverner les autres, vous les proclamez inaptes à se gouverner eux-mêmes !




58. — L’ASSEMBLÉE NATIONALE[3].

— Maître Jacques, que pensez-vous de l’Assemblée nationale ?

— Je la crois excellente, bien intentionnée, passionnée pour le bien. Elle est peuple, elle aime le peuple, elle le voudrait heureux et libre. Elle fait honneur au suffrage universel.

— Cependant que d’hésitation ! que de lenteurs ! que d’orages sans causes ! que de temps perdu ! Quels biens a-t-elle réalisés ? quels maux a-t-elle empêchés ? Le peuple souffre, l’industrie s’éteint, le travail s’arrête, le trésor se ruine, et l’Assemblée passe son temps à écouter d’ennuyeuses harangues.

— Que voulez-vous ? L’Assemblée ne peut changer la nature des choses. La nature des choses s’oppose à ce que neuf cents personnes gouvernent avec une volonté ferme, logique et rapide. Aussi voyez comme elle attend un pouvoir qui réfléchisse sa pensée, comme elle est prête à lui donner une majorité compacte de sept cents voix dans le sens des idées démocratiques. Mais ce pouvoir ne surgit pas, et ne peut guère surgir dans le provisoire où nous sommes.

— Que faut-il donc que fasse l’Assemblée ?

— Trois choses : pourvoir à l’urgence, faire la Constitution, et s’en aller.




59. — L’ÉTAT[4].

Il y en a qui disent : C’est un homme de finances qui nous tirera de là, Thiers, Fould, Goudchaux, Girardin. Je crois qu’ils se trompent.

— Qui donc nous en tirera ?

— Le peuple.

— Quand ?

— Quand il aura appris cette leçon : L’État, n’ayant rien qu’il ne l’ait pris au peuple, ne peut pas faire au peuple des largesses.

— Le peuple sait cela, car il ne cesse de demander des réductions de taxes.

— C’est vrai ; mais, en même temps, il ne cesse de demander à l’État, sous toutes les formes, des libéralités.

Il veut que l’État fonde des crèches, des salles d’asile et des écoles gratuites pour la jeunesse ; des ateliers nationaux pour l’âge mûr et des pensions de retraite pour la vieillesse.

Il veut que l’État aille guerroyer en Italie et en Pologne.

Il veut que l’État fonde des colonies agricoles.

Il veut que l’État fasse les chemins de fer.

Il veut que l’État défriche l’Algérie.

Il veut que l’État prête dix milliards aux propriétaires.

Il veut que l’État fournisse le capital aux travailleurs.

Il veut que l’État reboise les montagnes.

Il veut que l’État endigue les rivières.

Il veut que l’État paye des rentes sans en avoir.

Il veut que l’État fasse la loi à l’Europe.

Il veut que l’État favorise l’agriculture.

Il veut que l’État donne des primes à l’industrie.

Il veut que l’État protége le commerce.

Il veut que l’État ait une armée redoutable.

Il veut que l’État ait une marine imposante.

Il veut que l’État…

— Avez-vous tout dit ?

— J’en ai encore pour une bonne heure.

— Mais enfin, où en voulez-vous venir ?

— À ceci : tant que le peuple voudra tout cela, il faudra qu’il le paye. Il n’y a pas d’homme de finances qui fasse quelque chose avec rien.

Jacques Bonhomme fonde un prix de cinquante mille francs à décerner à celui qui donnera une bonne définition de ce mot, l’état ; car celui-là sera le sauveur des finances, de l’industrie, du commerce et du travail[5].




60. — PRENDRE CINQ ET RENDRE QUATRE CE N’EST PAS DONNER[6].

Là, soyons de bon compte, qu’est-ce que l’État ? N’est-ce pas la collection de tous les fonctionnaires publics ? Il y a donc dans le monde deux espèces d’hommes, savoir : les fonctionnaires de toute sorte qui forment l’État, et les travailleurs de tout genre qui composent la société. Cela posé, sont-ce les fonctionnaires qui font vivre les travailleurs, ou les travailleurs qui font vivre les fonctionnaires ? En d’autres termes, l’État fait-il vivre la société, ou la société fait-elle vivre l’État ?

Je ne suis pas un savant, mais un pauvre diable qui s’appelle Jacques Bonhomme, qui n’est et n’a jamais pu être que travailleur.

Or, en qualité de travailleur, payant l’impôt sur mon pain, sur mon vin, sur ma viande, sur mon sel, sur ma fenêtre, sur ma porte, sur le fer et l’acier de mes outils, sur mon tabac, etc., etc., j’attache une grande importance à cette question et je la répète :

Les fonctionnaires font-ils vivre les travailleurs, ou les travailleurs font-ils vivre les fonctionnaires ?

Vous me demanderez pourquoi j’attache de l’importance à cette question, le voici :

Depuis quelque temps, je remarque une disposition énorme chez tout le monde à demander à l’État des moyens d’existence.

Les agriculteurs lui disent : Donnez-nous des primes, de l’instruction, de meilleures charrues, de plus belles races de bestiaux, etc.

Les manufacturiers : Faites-nous gagner un peu plus sur nos draps, sur nos toiles, sur nos fers.

Les ouvriers : Donnez-nous de l’ouvrage, des salaires et des instruments de travail.

Je trouve ces demandes bien naturelles, et je voudrais bien que l’État pût donner tout ce qu’on exige de lui.

Mais, pour le donner, où le prend-il ? Hélas ! il prend un peu plus sur mon pain, un peu plus sur mon vin, un peu plus sur ma viande, un peu plus sur mon sel, un peu plus sur mon tabac, etc., etc.

En sorte que ce qu’il me donne, il me le prend et ne peut pas ne pas me le prendre. Ne vaudrait-il pas mieux qu’il me donnât moins et me prît moins ?

Car enfin, il ne me donne jamais tout ce qu’il me prend. Même pour prendre et donner, il a besoin d’agents qui gardent une partie de ce qui est pris.

Ne suis-je pas une grande dupe de faire avec l’État le marché suivant ? — J’ai besoin d’ouvrage. Pour m’en faire avoir tu retiendras cinq francs sur mon pain, cinq francs sur mon vin, cinq francs sur mon sel et cinq francs sur mon tabac. Cela fera vingt francs. Tu en garderas six pour vivre et tu me feras une demande d’ouvrage pour quatorze. Évidemment je serai un peu plus pauvre qu’avant ; j’en appellerai à toi pour rétablir mes affaires, et voici ce que tu feras. Tu récidiveras. Tu prélèveras autres cinq francs sur mon pain, autres cinq francs sur mon vin, autres cinq francs sur mon sel, autres cinq francs sur mon tabac ; ce qui fera autres vingt francs. Sur quoi tu mettras autres six francs dans ta poche et me feras gagner autres quatorze francs. Cela fait, je serai encore d’un degré plus misérable. J’aurai de nouveau recours à toi, etc.


                 Si maladia
                 Opiniatria
             Non vult se guarire,
             Quid illi facere ?
     — Purgare, asignare, clysterisare,
Repurgare, resaignare, reclysterisare.


Jacques Bonhomme ! Jacques Bonhomme ! J’ai peine à croire que tu aies été assez fou pour te soumettre à ce régime, parce qu’il a plu à quelques écrivailleurs de le baptiser : Organisation et Fraternité.




61. — UNE MYSTIFICATION[7].

Ainsi que vous savez, j’ai beaucoup voyagé et j’ai beaucoup à raconter.

Parcourant un pays lointain, je fus frappé de la triste condition dans laquelle paraissait être le peuple, malgré son activité et la fertilité du territoire.

Pour avoir l’explication de ce phénomène, je m’adressai à un grand ministre, qui s’appelait Budget. Voici ce qu’il me dit :

« J’ai fait faire le dénombrement des ouvriers. Il y en a un million. Ils se plaignent de n’avoir pas assez de salaire, et j’ai dû m’occuper d’améliorer leur sort.

« D’abord j’imaginai de prélever deux sous sur le salaire quotidien de chaque travailleur. Cela faisait rentrer 100,000 fr. tous les matins dans mes coffres, soit trente millions par an.

« Sur ces trente millions, j’en retenais dix pour moi et mes agents.

« Ensuite je disais aux ouvriers : il me reste vingt millions, avec lesquels je ferai exécuter des travaux, et ce sera un grand avantage pour vous.

« En effet, pendant quelque temps ils furent émerveillés. Ce sont d’honnêtes créatures, qui n’ont pas beaucoup de temps à eux pour réfléchir. Ils étaient bien un peu contrariés de ce qu’on leur subtilisât deux sous par jour ; mais leurs yeux étaient beaucoup plus frappés des millions ostensiblement dépensés par l’État.

« Peu à peu, cependant, ils se ravisèrent. Les plus fins d’entre eux disaient : — Il faut avouer que nous sommes de grandes dupes. Le ministre Budget commence par prendre à chacun de nous trente francs par an, et gratis ; puis il nous rend vingt francs, non pas gratis, mais contre du travail. Tout compte fait, nous perdons dix francs et nos journées à cette manœuvre. »

— Il me semble, seigneur Budget, que ces ouvriers-là raisonnaient assez bien.

« — J’en jugeai de même, et je vis bien que je ne pouvais continuer à leur soutirer leurs gros sous d’une façon aussi naïve. Avec un peu plus de ruse, me dis-je, au lieu de deux j’en aurai quatre.

« C’est alors que j’inventai l’impôt indirect. Maintenant, chaque fois que l’ouvrier achète pour deux sous de vin, il y a un sou pour moi. Je prends sur le tabac, je prends sur le sel, je prends sur la viande, je prends sur le pain, je prends partout et toujours. Je réunis ainsi, aux dépens des travailleurs, non plus trente millions, mais cent. Je fais bombance dans de beaux hôtels, je me prélasse dans de beaux carrosses, je me fais servir par de beaux laquais, le tout jusqu’à concurrence de dix millions. J’en donne vingt à mes agents pour guetter le vin, le sel, le tabac, la viande, etc ; et, avec ce qui me reste de leur propre argent, je fais travailler les ouvriers. »

— Et ils ne s’aperçoivent pas de la mystification ?

— « Pas le moins du monde. La manière dont je les épuise est si subtile qu’elle leur échappe. Mais les grands travaux que je fais exécuter éblouissent leurs regards. Ils se disent entre eux : Morbleu ! voilà un bon moyen d’extirper  la misère. Vive le citoyen Budget ! Que deviendrions-nous, s’il ne nous donnait de l’ouvrage ? »

— Est-ce qu’ils ne s’aperçoivent pas qu’en ce cas vous ne leur prendriez plus leurs gros sous, et que, les dépensant eux-mêmes, ils se procureraient de l’ouvrage les uns aux autres ?

— « Ils ne s’en doutent pas. Ils ne cessent de me crier : Grand homme d’État, fais-nous travailler un peu plus encore. Et ce cri me réjouit, car je l’interprète ainsi : Grand homme d’État, sur notre vin, sur notre sel, sur notre tabac, sur notre viande, prends-nous un plus grand nombre de sous encore. »




62. — FUNESTE GRADATION[8].

Les dépenses ordinaires de l’État sont fixées, par le budget de 1848, à un milliard sept cents millions.

Même avec l’impôt des 45 centimes, on ne peut arracher au peuple plus de un milliard cinq cents millions.

Reste un déficit net de deux cents millions.

En outre l’État doit deux cent cinquante millions de bons du trésor, trois cents millions aux caisses d’Épargne, sommes actuellement exigibles.

Comment faire ? L’impôt est arrivé à sa dernière limite. Comment faire ? L’État a une idée : s’emparer des industries lucratives et les exploiter pour son compte. Il va commencer par les chemins de fer et les assurances ; puis viendront les mines, le roulage, les papeteries, les messageries, etc., etc.

Imposer, emprunter, usurper, funeste gradation !

L’État, je le crains bien, suit la route qui perdit le père Mathurin. J’allai le voir un jour, le père Mathurin. Eh bien ! lui dis-je, comment vont les affaires ?

— Mal, répondit-il ; j’ai peine à joindre les deux bouts. Mes dépenses débordent mes recettes.

— Il faut tâcher de gagner un peu plus.

— C’est impossible.

— Alors, il faut se résoudre à dépenser un peu moins.

— À d’autres ! Jacques Bonhomme, vous aimez à donner des conseils, et moi, je n’aime pas à en recevoir.

À quelque temps de là, je rencontrai le père Mathurin brillant et reluisant, en gants jaunes et bottes vernies. Il vint à moi sans rancune. Cela va admirablement ! s’écria-t-il. J’ai trouvé des prêteurs d’une complaisance charmante. Grâce à eux, mon budget, chaque année, s’équilibre avec une facilité délicieuse.

— Et, à part ces emprunts, avez-vous augmenté vos recettes ?

— Pas d’une obole.

— Avez-vous diminué vos dépenses ?

— Le ciel m’en préserve ! bien au contraire. Admirez cet habit, ce gilet, ce gibus ! Ah ! si vous voyiez mon hôtel, mes laquais, mes chevaux !

— Fort bien ; mais calculons. Si l’an passé vous ne pouviez joindre les deux bouts, comment les joindrez-vous, maintenant que, sans augmenter vos recettes, vous augmentez vos dépenses et avez des arrérages à payer ?

— Jacques Bonhomme, il n’y a pas de plaisir à causer avec vous. Je n’ai jamais vu un interlocuteur plus maussade.


Cependant ce qui devait arriver arriva. Mathurin mécontenta ses prêteurs, qui disparurent tous. Cruel embarras !

Il vint me trouver. Jacques, mon bon Jacques, me dit-il, je suis aux abois ; que faut-il faire ?

— Vous priver de tout superflu, travailler beaucoup, vivre de peu, payer au moins les intérêts de vos dettes, et intéresser ainsi à votre sort quelque juif charitable qui vous prêtera de quoi passer un an ou deux. Dans l’intervalle, vous renverrez vos commis inutiles, vous vous logerez modestement, vous vendrez vos équipages, et, peu à peu, vous rétablirez vos affaires.

— Maître Jacques, vous êtes toujours le même ; vous ne savez pas donner un conseil agréable et qui flatte le goût des gens. Adieu. Je ne prendrai conseil que de moi-même. J’ai épuisé mes ressources, j’ai épuisé les emprunts ; maintenant je vais me mettre à…

— N’achevez pas, je vous devine.




63. — AUX CITOYENS LAMARTINE ET LEDRU-ROLLIN[9].

Dissolvez les ateliers nationaux. Dissolvez-les avec tous les ménagements que l’humanité commande, mais dissolvez-les.

Si vous voulez que la confiance renaisse, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous voulez que l’industrie reprenne, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous voulez que les boutiques se vident et s’emplissent, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous voulez que les fabriques se rouvrent, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous voulez que la province se calme, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous voulez que la garde nationale se repose, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous voulez que le peuple vous bénisse, y compris cent mille travailleurs de ces ateliers sur cent trois mille, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous n’avez pas résolu que la stagnation des affaires, et puis celle du travail, et puis la misère, et puis l’inanition, et puis la guerre civile, et puis la désolation, deviennent le cortège de la république, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous n’avez pas résolu de ruiner les finances, d’écraser les provinces, d’exaspérer les paysans, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous ne voulez pas que la nation tout entière vous soupçonne de faire à dessein planer incessamment l’émeute sur l’Assemblée nationale, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous ne voulez pas affamer le peuple, après l’avoir démoralisé, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous ne voulez pas être accusés d’avoir imaginé un moyen d’oppression, d’épouvante, de terreur et de ruine qui dépasse tout ce que les plus grands tyrans avaient inventé, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous n’avez pas l’arrière-pensée de détruire la république en la faisant haïr, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous ne voulez pas être maudits dans le présent, si vous ne voulez pas que votre mémoire soit exécrée de génération en génération, dissolvez les ateliers nationaux.

Si vous ne dissolvez pas les ateliers nationaux, vous attirerez sur la patrie tous les fléaux à la fois.

Si vous ne dissolvez pas les ateliers nationaux, que deviendront les ouvriers lorsque vous n’aurez plus de pain à leur donner et que l’industrie privée sera morte ?

Si vous conservez les ateliers nationaux dans des desseins sinistres, la postérité dira de vous : C’est sans doute par lâcheté qu’ils proclamaient la république, puisqu’ils l’ont tuée par trahison.




  1. 1er numéro du Jacques Bonhomme. du 11 au 15 juin 1848.(Note de l’édit.)
  2. Même numéro.
  3. Même numéro.
  4. Même numéro.
  5. On reconnaît, dans cet article et le suivant, l’esquisse du pamphlet l’État, publié trois mois après. Voir t. IV, p. 327.(Note de l’éd.)
  6. No 2 de Jacques Bonhomme, du 15 au 18 juin 1847.
  7. No 2 de Jacques Bonhomme, du 15 au 18 juin 1847.
  8. No 3 du Jacques Bonhomme, du 20 au 23 juin 1848.
  9. No 3 du Jacques Bonhomme, du 20 au 23 juin 1848.