Le Laurier noir/V/Orient
ORIENT
Orient, mot magique,
Image sur fond d’or,
Minarets sur les ports,
Étoffes magnifiques,
Contes pour les enfants,
Espoir bleu des tartanes,
Sofas où les sultanes,
Attendent leurs amants,
Princes Djem langoureux,
Nattes où la paresse
S’enlace à la promesse
Des bras les plus heureux,
Mosquée où la prière
Des hommes aux pieds nus
Fait un jet d’eau menu
Dans des mains de lumière,
Orient dont la nuit,
Pleine d’étoiles, sombre
Dans une vasque où l’ombre
A le parfum des fruits,
Collines et rivages
De lapis-lazuli,
Roses aux pieds des lits,
Cyprès aux paysages,
Orient, bain d’azur
Dans les marbres d’Asie,
Pourpre que la Turquie
Dispose au long des murs,
Clairs vergers du Bosphore,
Figues douces, cédrats,
Lueurs qui dans les bras
Sont comme des amphores,
Jeux autour des tombeaux,
Fard, parfums et musique,
Orient, chaude applique
Sous un dais de cristaux,
Lentes cérémonies,
Corbeilles de plaisir
À l’heure où les vizirs
Vont à Ste-Sophie,
Tabac blond, bleus lauriers,
Collier d’ambre et d’ivoire,
Flûtes, turbans et moires,
N’est-ce à quoi vous songiez,
Jeunes hommes, le soir,
Où le plus beau navire,
Dans des chants et des rires
Quitta le grand port noir ?
Ô rêve qui chancelle !
Ô regard désolé !
Du divin narguilé
Où sont les étincelles ?
Des larmes et des croix,
Des déserts sur nos peines,
Des corbeaux aux fontaines,
Du sang sur les détroits.