Le Laurier Sanglant/23
MADAME ANDRÉ
Entre les lits de nos blessés
Trottant à petits pas pressés,
Accorte et vive,
Madame André s’en vient, s’en va…
Et dès qu’il lui faut être là,
Vite, elle arrive.
C’est notre infirmière major…
Une infirmière ? mieux encor :
C’est une mère,
Une sœur, une amie aussi
Pour tous les chers blessés qu’ici
Conduit la guerre.
Son âge ?… Je n’en sais trop rien…
Ses yeux ?… bleu clair ; son nez ?… moyen ;
Sa taille ?… ronde ;
Ses cheveux ?… sous son blanc bonnet
Nul ne peut assurer qu’elle est
Ou brune, ou blonde.
Signes particuliers : bonté,
Bonne grâce, simplicité,
Dévouement tendre ;
Tout ce que d’un cœur généreux
À l’adresse des malheureux
On peut attendre.
Chaque jour, du matin au soir,
À l’hôpital, il faut la voir
Sans nulle plainte,
Sans s’y dérober un moment,
Accomplir — si gaillardement ! —
Sa tâche sainte.
« Madame André !… Madame André ! »
Chacun de nous est assuré
Qu’on ne prononce
Jamais ce nom-là sans qu’on ait
Avec un bon vouloir tout prêt
Une réponse.
À gauche, à droite, en bas, en haut,
Toujours à la place qu’il faut,
Ne chômant guère,
Vous regardant de son œil clair,
Elle fait tout, — en ayant l’air
De ne rien faire.
Que de blessés elle a guéris !
Que de pauvres êtres aigris
Par la souffrance
Elle sauva du désespoir,
En parlant de Dieu, du devoir,
De l’espérance !
Elle ignore les longs discours ;
Mais elle sait trouver toujours
La phrase juste,
Le mot qu’on saura retenir
Et qui donne dans l’avenir
La foi robuste.
Noble femme aux sentiments droits,
Au cœur vaillant, quand je la vois,
Souvent je pense
À toutes les « Madame André »
Remplissant leur rôle sacré
Dans notre France ;
À ces doux anges d’ici-bas
Qui, soignant de nos chers soldats
La chair meurtrie,
N’ont d’autre but que de guérir
Tous ceux qui faillirent mourir
Pour la Patrie.
Ô sœurs françaises, nobles sœurs
Qui calmez en vos bras berceurs
Tant de misères,
En ces temps sombres et troublés,
Déjà chères, vous nous semblez
Cent fois plus chères.
Vous joignez à votre bonté
Le dévouement, la charité,
Aigrettes pures,
Qui remplaceront désormais
Les invraisemblables plumets
De vos coiffures…
En vous déjà l'on aimait tout,
La douceur, la grâce, le goût
Et le sourire…
Maintenant qu’on vous connaît mieux
C’est votre âme, autant que vos yeux,
Que l’on admire !