Le Lalita-Vistara, ou Développement des jeux/Chapitre XXII

Traduction par Philippe-Édouard Foucaux.
Texte établi par Musée Guimet, Paris (Annales du Musée Guimet, tome 6p. 287-298).

CHAPITRE XXII

Ainsi, Religieux, le Bôdhisattva ayant surmonté l’opposition du démon, dompté l’ennemi et complètement triomphé en tête du combat ; entouré de parasols, d’étendards et de bannières déployés, après avoir atteint la première contemplation, détachée des désirs, détachée des lois du péché et du vice, accompagnée de raisonnement et de jugement, née du discernement, douée de joie et de bien-être, il y demeura.

Par la suppression du raisonnement et du jugement, par l’apaisement du • for intérieur, par la soumission de l’espiit à l’unité, ayant atteint la seconde contemplation, sans raisonnement et sans jugement, née de la méditation profonde, douée de joie et de bien-être, il y demeura.

Par suite du détachement de la joie, (demeurant) indifférent, ayant la mémoire et la connaissance, il éprouva du plaisir dans son corps. C’ est ce que disent les Aryas : « Indifférent, ayant la mémoire et demeurant dans le bien-être, » après avoir atteint la troisième contemplation sans joie, il y demeura.

Par l’abandon du plaisir, par l’abandon de la douleur, par la disposition des impressions de joie et de tristesse, même (celles) d’autrefois, ayant atteint la quatrième contemplation où il n’y a ni douleur ni plaisir, laquelle est l’épurement complet de l’indifférence et di> la mémoire, il y demeura.

Alors le Bôdhisattva, sa pensée étant ainsi recueillie, complètement pure, parfaite, lumineuse, exempte de souillure, débarrassée de toute corruption, souple, fixée sur l’œuvre qu’il convient d’accomplir et arrivée à l’immobilité, à la première veille de la nuit, afin de produire la perception de la science de la vue de la sagesse qui vient de l’œil divin, il prépara bien sa pensée et la dirigea.

Alors le Bôdhisattva, avec l’œil divin parfaitement pur, dépassant beaucoup l’œil humain, vit les êtres transmigrant, renaissant ; de bonne caste, de mauvaise caste, dans la bonne voie, dans la mauvaise voie, infimes, rélevés, allant sous l’influence de leurs œuvres, et il les distingua bien : « Ah ! vraiment, ces êtres, par un mauvais emploi de leur corps, par un mauvais emploi de leur pensée et de leur parole, qui sont les détracteurs des gens respectables, qui ont des vues fausses, ces êtres, pour obtenir le fruit des œuvres (résultant) de leurs vues fausses, à partir de la destruction de leur corps, à partir de leur mort qui est la limite de leur chute dans le sentier néfaste des voies mauvaises, (ces êtres) renaissent dans les enfers.

Mais ces êtres vivants qui font un bon emploi de leur corps, qui ne sont pas les détracteurs des gens respectables, qui font un bon usage de leur pensée et de leur parole, ces êtres qui ont des vues droites, pour obtenir le fruit de ces vues droites, à partir de la destruction de leur corps, étant dans la bonne voie, renaissent dans les mondes du Svarga.

C’est ainsi, qu’avec l’œil divin parfaitement pur et dépassant beaucoup l’œil humain, il voit les êtres transmigrant et renaissant ; de bonne caste, de mauvaise caste ; dans la bonne voie, dans la mauvaise voie ; infimes ou relevés ; ayant une récompense en rapport avec leurs œuvres.

C’est ainsi. Religieux, que le Bôdhisattva, à la première veille de la nuit, produisit la science directe, détruisit l’obscurité et fit naître la clarté.

Alors le Bôdhisattva, sa pensée étant ainsi recueillie, complètement pure, parfaite, lumineuse, exempte de souillure, débarrassée de toute corruption, souple, fixée sur l’œuvre qu’il faut accomplir et arrivée à l’immobilité, à la veille du milieu de la nuit, afin de produire directement la science de la vue de la sagesse qui se rappelle exactement les demeures antérieures, (le Bôdhisattva) prépara son esprit et le dirigea. Il se rappela exactement les nombreuses espèces de demeures antérieures de lui et des autres êtres, comme, par exemple, une naissance, deux, trois, quatre, cinq, dix, vingt, trente, quarante, cinquante naissances, cent naissances, mille naissances, cent mille naissances, plusieurs centaines de mille naissances, un Kôti de naissances, cent Kôtis de naissances, mille Kôtis de naissances, cent mille Kôtis de naissances, cent mille Nayoutas de Kôtis de naissances, plusieurs centaines de Kôtis de naissances, plusieurs centaines de mille de Kôtis de naissances jusqu’à un Kalpa de destruction, un Kalpa de reproduction, un Kalpa de destruction et de reproduction, plusieurs Kalpas de destruction et de reproduction :

Venu en tel endroit, mon nom a été celui-ci, ma race celle-ci, ma caste celle-ci, telle a été la mesure de vie, telle la longueur du temps que j’y suis resté ; tels ont été le bonheur et le malheur que j’ai éprouvés. Ensuite étant parti delà, je suis né en tel endroit ; ensuite étant parti de là je suis né en tel (autre) endroit ; ensuite imrti de là, je suis né ici. C’est ainsi qu’il se rappela exactement les nombreuses espèces de demeures antérieures de lui-même et de tous les êtres, chacune avec son caractère et sa description.

Alors le Bôdhisattva, avec sa pensée ainsi recueillie, complètement pure, parfaite, lumineuse, exempte de souillure, débarrassée de toute corruption, souple, axée sur l’œuvre qu’il faut accomplir, et arrivé à l’immobilité, à la dernière veille de la nuit, quand paraît l’aurore, au moment où l’on bat le tambour, au moment où l’on est très endormi (le Bôdhisattva), pour obtenir la disparition de l’amas des douleurs, afin de produire la connaissance de la vue de la science qui opère la destruction de la corruption, prépara bien sa pensée et la dirigea bien.

Il lui vint à l’esprit : Misérable, certainement, est ce monde qui est produit, qui naît, vieillit, meurt, disparaît et est reproduit. Mais on ne sait pas quel est le moyen de sortir de ce (monde) qui n’est qu’un grand amas de douleurs. Vieillesse, maladie, mort et le reste, hélas ! ce qui peut mettre fin à ce (monde) qui n’est qu’un grand amas de douleurs, on ne le sait pas ! À tout ce qui vient de la vieillesse, de la maladie, de la mort et le reste ! Alors ceci vint à l’esprit du Bôdhisattva : Quelle est la chose qui, existant, fait qu’il y a vieillesse et mort ? Quelle cause ont la vieillesse et la mort ?

Il lui vint à l’esprit : La naissance (Djàti) existant, la vieillesse et la mort existent, car la vieillesse et la mort ont pour cause la naissance.

Et ceci vint encore à l’esprit du Bôdhisattva : Quelle est la chose, qui, existant, fait qu’il y a naissance ? et quelle cause a la naissance ?

Il lui vint à l’esprit : L’existence (Bhava) étant, la naissance existe, car la naissance a pour cause l’existence.

Alors il vint à l’esprit du Bôdhisattva : Quelle est la chose qui, étant, fait qu’il y a existence ? et quelle cause a l’existence ?

Et il lui vint à l’esprit : La prise de possession (Upâdâna) existant, l’existence est, car l’existence a pour cause la prise (de possession).

Alors il vint à l’esprit du Bôdhisattva : Quelle est la chose qui, existant, fait qu’il y a prise (de possession) ? et quelle cause a la prise (de possession) ?

Et il lui vint à l’esprit : Le désir (Trĭchṇâ) existant, la prise (de possession) existe ; car la prise (de possession) a pour cause le désir.

Puis il vint à l’esprit du Bôdhisattva : Quelle est la chose qui, existant, fait que le désir existe ? et quelle cause a le désir ?

Et il lui vint à l’esprit : La sensation (Vêdanâ) existant, le désir existe ; car le désir a pour cause la sensation.

Alors il vint à l’esprit du Bôdhisattva : Quelle est la chose qui, existant, fait que la sensation existe et quelle cause a la sensation ?

Et il lui vint à l’esprit : Le toucher (Sparça) existant, la sensation existe ; caria sensation a pour cause le toucher ?

Et il vint à l’esprit du Bôdhisattva : Quelle est la chose qui, existant, fait que le toucher existe et quelle cause a le toucher ?

Et il lui vint à l’esprit : Les six sièges (des qualités sensibles, Chadâyatana) existant, le toucher existe ; car le toucher a pour cause les six sièges.

Et il vint à l’esprit du Bôdhisattva : Quelle est la cause qui, existant, fait que les six sièges existent ? et quelle cause ont les six sièges ?

Et il lui vint à l’esprit : Le nom et la forme (Nâmarûpam) existant, la réunion des six sièges existe, car les six sièges ont pour cause le nom et la forme.

Et il vint à l’esprit du Bôdhisattva : Quelle est la chose qui, existant, fait que le nom et la forme existent ; et quelle cause ont le nom et la forme ? Et il lui vint à l’esprit : La connaissance (Vidjñâna) existant, le nom et la forme existent, car le nom et la forme ont pour cause la connaissance.

Et il vint à l’esprit du Bôdhisattva : Quelle est la chose, qui existant, fait que la connaissance existe ? et quelle cause a la connaissance ?

Et il lui vint à l’esprit : Les concepts (Samskâras) existant, la connaissance existe, car la connaissance a pour cause les concepts.

Et il vint à l’esprit du Bôdhisattva : Quelle est la chose qui, existant, fait que les concepts existent ? et quelle cause ont les concepts ?

Et il lui vint à l’esprit : L’ignorance (Avidyâ) existant, les concepts existent, car les concepts ont pour cause l’ignorance.

C’est ainsi, Religieux, qu’il vint à l’esprit du Bôdhisattva : Les concepts ont pour cause l’ignorance ; la connaissance a pour cause les concepts ; le nom et la forme ont pour cause la connaissance ; les six sièges ont pour cause le nom et la forme ; le toucher a pour cause les six sièges ; les six sièges ont pour cause le nom et la forme ; le toucher a pour cause les six sièges ; la sensation a pour cause le toucher ; le désira pour cause la sensation ; la prise (de possession) a pour cause le désir ; l’existence a pour cause la prise (de possession) ; la naissance a pour cause l’existence ; la vieillesse et la mort, le chagrin, les lamentations, la douleur, la peine, le désespoir ont pour cause la naissance.

Telle est l’origine de ce monde qui n’est qu’une grande masse de douleurs.

C’est ainsi, Religieux, que, pour le Bôdhisattva, après qu’il eût, en partant de l’origine, médité dans son esprit, à bien des reprises, sur des lois auparavant inconnues, la science fut produite, l’œil produit, le savoir étendu produit, l’intelligence produite, la sagesse produite et la lumière apparut.

Alors il vint à l’esprit du Bôdhisattva : Par l’absence de quelle chose la vieillesse et la mort n’existent-elles pas ? ou de l’empêchement de quelle chose résulte l’empêchement de la vieillesse et de la mort ?

Et il lui vint à l’esprit : La naissance n’étant pas, la vieillesse et la mort ne sont pas ; de l’empêchement de la naissance, il y a empêchement de la vieillesse et de la mort.

Alors il vint à l’esprit du Bôdhisattva : Par l’absence de quelle chose la naissance n’existe-t-elle pas ? ou de l’empêchement de quelle chose résulte l’empêchement de la naissance ?

Et il lui vint à l’esprit : L’existence n’étant pas la naissance n’est pas ; de l’empêchement de l’existence résulte l’empêchement de l’existence.

Et le Bôdhisattva pensa encore : Par l’absence de quelle chose [et ainsi de suite en détail, jusqu’à][1] : les concepts n’existent pas. De l’empêchement de quelle chose résulte l’empêchement des concepts.

Et il lui vint à l’esprit : L’ignorance n’existant pas, les concepts n’existent pas ; de l’empêchement de l’ignorance résulte l’empêchement des concepts ; de l’empêchement des concepts, résulte l’empêchement de la connaissance [et ainsi de suite jusqu’à][2] : De l’empêchement de la naissance résulte l’empêchement de la vieillesse et de la mort, du chagrin, des lamentations, de la douleur, de la peine et du désespoir. C’est ainsi qu’a lieu l’empêchement de ce monde qui n’est qu’une grande masse de douleurs.

Ainsi, Religieux, pour le Bôdhisattva, après qu’il eût, en partant de l’origine, médité dans son esprit, à bien des reprises, sur des lois auparavant inconnues, la science fut produite, l’œil produit, le savoir étendu produit, l’intelligence produite et la lumière apparut.

C’est moi. Religieux, qui, en ce temps-là, reconnus selon la vérité : Ceci est la douleur, ceci est l’origine de la corruption, ceci est l’empêchement de la corruption ; ceci est la voie qui mène à l’empêchement de la corruption. Voilà ce que je reconnus selon la vérité. Ceci est la corruption du désir, ceci la corruption de l’existence ; ceci la corruption de la vue (doctrine) ; c’est ici que les corruptions sont empêchées sans exception ; c’est ici que la corruption disparait sans laisser ni trace, ni reflet. Ceci est l’ignorance, ceci l’origine de l’ignorance, ceci l’empêchement de l’ignorance, ceci, la voie qui mène à l’empêchement de l’ignorance, voilà ce que je reconnus selon la vérité. C’est ii-i que l’ignorance disparaît sans laisser ni trace ni reflet. Et ainsi de suite. Voici les concepts, voici l’origine des concepts, voici la voie qui mène à l’empêchement des concepts. Voilà ce que je reconnus selon la vérité. Ceci est la connaissance ; ceci, l’origine de la connaissance, ceci, l’empêchement de la connaissance ; ceci, la voie qui mène à l’empêchement de la connaissance. Voilà ce que je reconnus selon vérité. Voici le nom et la forme, voici l’origine du nom et de la forme ; ceci est l’empêchement du nom et de la forme, voici la voie qui mène à l’empêchement du nom et de la forme. C’est ce que je reconnus selon la vérité. Voici les six sièges (des qualités sensibles), voici l’origine des six sièges ; voici la voie qui mène à l’empêchement des six sièges ; voilà ce que je reconnus selon la vérité. Voici le toucher, voici l’origine du toucher, voici la voie qui conduit à l’empêchement du toucher. Voilà ce que je reconnus selon la vérité. Ceci est la sensation, ceci est l’origine de la sensation, ceci est l’empêchement de la sensation, ceci est la voie qui mène à l’empêchement de la sensation. Ceci est le désir, ceci l’origine du désir, ceci, l’empêchement du désir, ceci, la voie qui mène à l’empêchement du désir. Ceci est la prise (de possession), ceci, l’empêchement de la prise (de possession), ceci, la voie qui mène à l’empêchement de la prise (de possession). Voici l’existence, voici l’origine de l’existence, voici l’empêchement de l’existence, voici la voie qui conduit à l’empêchement de l’existence. Voici la naissance, voici l’origine de la naissance, voici l’empêchement de la naissance, voici la voie qui mène à l’empêchement de la naissance. Voici la vieillesse, voici l’oi-igine de la vieillesse, voici l’empêchement de la vieillesse, voici la voie qui mène à l’empêchement de la vieillesse. Voici la mort, voici l’origine de la mort, voici l’empêchement de la mort, voici la voie qui mène à l’empêchement de la mort. Voici le chagrin, les lamentations, la douleur, la peine, le désespoir. Telle est l’origine de ce (monde) qui n’est qu’un grand amas de douleur et ainsi jusqu’à : Son empêchement. Voilà ce que je reconnus selon la vérité. Voici la douleur, voici l’origine de la douleur, voici l’empêchement de la douleur, voici la voie qui mène à l’empêchement di’ la douleur. C’est là ce que je reconnus selon la vérité.

Ainsi, Religieux, à la dernière veille de la nuit, à l’aurore, au moment où l’on bat le tambour, à l’heure de la nuit où l’on est très endormi, par le Bôdhisattva qui est un homme, un homme bon, un homme supérieur, un grand homme, le taureau des hommes, l’éléphant des hommes, le lion des hommes, le chef des hommes, le héros des hommes, le meilleur des hommes, l’homme qui sait tout, le lotus des hommes, le lotus blanc des hommes, l’homme qui peut porter un lourd fardeau, le cocher sans supérieur des hommes qu’il faut dompter, avec une telle vénérable science, ce qu’il faut savoir, comprendre, obtenir, voir, se présenter face à face, tout cela fut acquis par la science supérieure douée de l’unité de temps de la pensée. (Le Bôdhisattva) s’étant revêtu de la qualité parfaite et accomplie de Bouddha, la triple science (Trâividyâ) fut obtenue.

Alors, Religieux, les dieux dirent : Amis, jetez des fleurs. Bhagavat est vraiment un Bouddha accompli.

Mais les fils des dieux rassemblés là, qui avaient vu les précédents Bouddhas, dirent : Amis, ne jetez pas de fleurs tant que Bhagavat ne fait pas de signe. Car les précédents Bouddhas accomplis ont fait un signe, ont fait voir un signe surnaturel.

Alors, Religieux, le Tathâgata ayant connu que ces fils des dieux étaient dans l’incertitude, après s’être élevé dans le ciel à la hauteur de sept Tàlas (palmiers) et se tenant là prononça ces joyeuses paroles :

La route est coupée, la poussière apaisée ; les ruisseaux desséchés ne coulent plus. La route étant coupée, la fin de la douleur a lieu. Voilà ce qui est dit.

Alors, ces fils des dieux couvrirent le Tathâgata de fleurs divines ; et il y eut une litière de fleurs divines jusqu’à la hauteur du genou.

Ainsi, Religieux, le Tathâgata étant devenu un Bouddha accompli, l’obscurité et les ténèbres disparurent, le désir fut purifié, la vue changée, la corruption secouée, l’épine retirée, le nœud défait, l’étendard de l’orgueil renversé, l’étendard de la loi déployé, les inclinations déracinées, la qualité de la loi telle qu’elle est fut connue ; bien comprise la vraie fin ; bien connue la nature de la loi ; bien établie la nature des êtres ; louée la foule des êtres fixée dans la vérité, blâmée la foule des êtres fixée dans la fausseté ; appréhendée la foule des êtres non fixée, tous les organes bien établis ; la conduite des êtres parfaitement connue ; bien compris le remède de la maladie des êtres ; arrivé à la réussite l’emploi du remède de l’Amrïta. Il est apparu le roi des médecins qui délivre de toutes les douleurs, qui établit dans le bonheur du Nirvana, assis sur la matrice d’un Tathâgata, laquelle est le grand siège d’un Tathâgata, roi de la loi ; le moyen d’arriver à la délivrance complète est obtenu ; il est entré dans la cité de l’Omniscience ; il est mêlé à tous les Bouddhas et indivisible par sa connaissance de l’étendue des éléments de la loi.

Pendant la première semaine, Religieux, le Tathâgata resta assis dans ce lieu même à Bôdhimanda. Là, par moi (le Tathâgata), a été mis fin à la douleur sans commencement de la naissance, de la vieillesse et de la mort.

Ensuite, Religieux, aussitôt l’Omniscience obtenue par le Bodhisattva, à l’instant même, aux dix points de l’espace, toutes les régions du monde furent éclairées d’une grande splendeur ; et même les contrées vicieuses du monde, enveloppées par le vice et ténébreuses (furent éclairées d’une grande splendeur). Aux dix points de l’espace, il y eut un tremblement de terre de six espèces : Toutes les régions du monde tremblèrent, tremblèrent fortement, tremblèrent fortement de tous côtés ; furent agitées, agitées fortement, agitées fortement de tous côtés ; furent troublées, troublées fortement, troublées fortement de tous côtés ; résonnèrent, résonnèrent fortement, résonnèrent fortement de tous côtés ; retentirent, retentirent fortement, retentirent fortement de tous côtés.

Et tous les Bouddhas donnèrent leur approbation au Tathâgata devenu Bouddha parfait et accompli et envoyèrent les vêtements de la loi ; la région des trois mille grands milliers de monde fut recouverte de plusieurs précieux parasols, et, de ces précieux parasols, de tels réseaux de lumière sortirent, qu’aux dix points de l’espace les innombrables et incommensurables régions du monde furent éclairées. Aux dix points de l’espace, les Bôdhisattvas et les fils des dieux poussèrent des crix d’allégresse : Il est apparu, le savant lotus des êtres, produit dans le lac de la science, sans être imprégné des lois du monde. Ayant de tous côtés étendu le grand nuage de la miséricorde au séjour de la région de la loi, il fera tomber la pluie do la loi qui fait surgir les bourgeons de la médecine des gens disciplinables ; qui fait croître toutes les semences des racines de la vertu, (pluie) qui donne les bourgeons de la foi qui portent les fruits de la délivrance complète.

Et là il est dit :


1. Après avoir vaincu le démon avec son armée, le lion des hommes, l’instituteur, ayant produit face à face et de tous côtés le bien-être de la contemplation ; quand la triple science a été obtenue par celui qui possède les dix forces, les dix points de l’espace qui se composent de plusieurs dizaines de millions de champs ont été ébranlés.

2. Les Bôdhisattvas qui sont venus à l’entour, désireux de la loi, étant tombés à ses pieds, parlèrent ainsi : N’es-tu pas fatigué ? L’armée qui était devant nous, très redoutable, comme elle l’était, a été brisée par la force des mérites de la sagesse et la force de l’héroïsme.

3. Par les Bouddhas, de (leurs) centaines de mille de champs, ont été envoyés des parasols. Bon et grand homme, l’armée du démon a été domptée. Par toi a été obtenue la demeure immortelle et sans chagrin. La pluie de la bonne loi, verse la promptement dans les trois mondes !

4. Après avoir étendu le bras, les essences des êtres des dix points de l’espace ont dit ces mots à celui qui a la voix du Kalabingka : De même que l’Intelligence a été obtenue par nous, elle a été obtenue par toi, être pur ; comme l’essence du beurre clarifié est égale et pareille au beurre clarifié.


Alors, religieux, les Apsaras de la région du désir ayant appris que le Tathâgata était assis à Bôdhimanda, ayant acquis la science manifeste, ayant ses desseins accomplis, vainqueur dans le combat après avoir défait le démon qui s’opposait à lui, ayant le parasol, l’étendard et la bannière déployés, héros élevé par la victoire, l’homme, le grand homme, le meilleur des médecins, qui a retiré la grande épine, le lion débarrassé de crainte et d’horripilation, l’éléphant à l’esprit bien dompté, sans tache, délivré de la triple tache, savant qui a acquis la triple science, arrivé à l’autre rive, ayant traversé les quatre courants, le Kchatriya qui porte le parasol orné d’un joyau, le Brahmane des trois mondes, qui a abandonné la loi du péché, le religieux qui a brisé la coque de l’œuf de l’ignorance, le Çramana qui a dépassé tout attachement, qui est devenu pur, qui s’est débarrassé de toute corruption naturelle, le héros dont l’étendard n’est pas abattu, le plus fort entre tous, possédant les dix forces, (qui), comme une mine de joyaux, est rempli de tous les joyaux de la loi ; (les Apsaras), la face tournée vers Bôdhimanda, louèrent le Tathâgata par ces Gâthâs :


5. Celui-ci, au pied du roi des arbres, après avoir vaincu l’armée du démon, se tient comme le Mérou, inébranlable, sans être effrayé, sans rien dire.

6. Pendant plusieurs dizaines de millions de Kalpas, par l’aumône, la discipline et la répression (de soi-même), l’Intelligence suprême a été obtenue ; c’est à cause de cela qu’il brille aujourd’hui.

7. Par lui, pendant plusieurs dizaines de millions de Kalpas, quand il recherchait l’Intelligence suprême, Çakra et Brahmâ ont été éclipsés par sa bonne conduite, ses vœux, et ses mortifications.

8. Par lui, armé de la force de la patience, pendant plusieurs dizaines de millions de Kalpas, ont été supportées les douleurs ; c’est pour cela qu’il brille de la couleur de l’or.

9. Par lui, pendant plusieurs dizaines de millions de Kalpas, par l’énergie et la force de l’héroïsme, ayant fait tourner le dos (à l’ennemi), c’est pour cela que l’armée du démon a été vaincue.

10. Par lui, pendant plusieurs dizaines de raillions de Kalpas, par la contemplation, la sagesse et la science, ont été bien honorés les chefs des Mounis. C’est pour cela qu’il est honoré aujourd’hui.

11. Par lui, amas de science et de révélation, pendant plusieurs dizaines de millions de Kalpas, ont été subjugués des dizaines de millions d’êtres ; c’est pour cela que l’Intelligence a été promptement obtenue par lui,

12. Par lui a été vaincu le démon des aggrégats (skandhas), ainsi que le démon de la mort et le démon de la corruption naturelle. Par lui a été vaincu Mâra, le fils d’un dieu ; c’est pour cela que, pour lui, il n’y a pas de chagrin.

13. Celui-ci, dieu des dieux supérieurs, digne d’être honoré par les dieux mêmes, est digne d’hommages dans les trois mondes, lui qui donne le fruit du champ de l’Amrïta (immortalité) à ceux qui aspirent aux mérites.

14. Il est le plus digne des offrandes ; pour celui dont il a accepté l’offrande, il n’y a pas disparition, dans l’intervalle (d’une mort à une renaissance), avant qu’il ait obtenu l’Intelligence suprême.

15. Une (touffe de) laine brille (entre ses sourcils) éclairant plusieurs dizaines de millions de champs ; quoique le soleil et la lune aient été éclipsés, les êtres ont obtenu la lumière.

16. Ainsi il est doué d’une très belle forme, de la plus belle des formes, d’une forme excellente ; il a les meilleurs signes, lui qui désire venir en aide et qui est digne des hommages des trois mondes.

17. Il a l’œil parfaitement pur et voit beaucoup de choses, lui qui existe par lui-même : les champs, les corps des êtres, les pensées et les intentions.

18. Il a l’oreille parfaitement pure et entend des voix infinies divines et humaines, la voix des DJinas, la voix de la loi.

19. Il a la langue large, la voix douce du Kalabingka ; écoutons, de sa bouche, la loi immortelle qui va vers le calme parfait.

20. Après avoir vu l’armée du démon, son esprit n’est pas agité ; même après avoir vu les troupes des dieux, il ne se réjouit pas, le grand sage !

21. Ce n’est ni avec des armes, ni avec des flèches que l’armée du démon a été vaincue par lui ; c’est par la vérité, les vœux accomplis et les mortifications que le lutteur pervers a été vaincu par lui.

22. Il n’a pas été ébranlé de son siège et son corps n’a pas été percé ; et, pour lui, ni l’affection, ni la haine n’a existé en cette circonstance.

23. Des profits, de grands profits seront ceux des dieux et aussi des hommes qui, ayant de ta bouche entendu la loi, iront vers la science.

24. Après avoir loué ce qu’il y a en toi de mérite, toi qui possèdes l’éclat du mérite des Djinas, puissions-nous bientôt être comme toi, lune des hommes.

25. Quand l’Intelligence a été obtenue par le guide taureau des hommes, après que des centaines de mille de champs ont été ébranlés, après avoir vaincu le démon ; avec la voix de Brahmâ, avec la voix pareille aux accents du Kalabingka, ces Gâthâs entêté d’abord prononcées par le guide (des hommes),

26. Toi qui possèdes le bonheur de la maturité complète des mérites, tu es celui qui enlève toutes les douleurs ; le dessein de l’homme qui possède des mérites, prospère et s’accomplit. Il touchera bientôt l’Intelligence, après avoir vaincu le démon ; entré dans la route de l’apaisement, il va dans la nature froide de la délivrance.

27. En conséquence, qui donc pourra être rassasié de faire des bonnes œuvres ? Qui donc sera complètement rassasié en écoutant l’ambroisie de la loi ? Qui donc sera complètement rassasié dans une demeure solitaire ? Qui donc pourrait être rassasié en faisant les affaires des êtres ?

28. Après avoir étendu la main, il (le Bôdhisattva) dit aux Bôdhisattvas : L’hommage est rendu, retournez, chacun de vous dans son champ. Et tous, ayant respectueusement salué les pieds du Tathâgata, s’en allèrent en divers groupes, chacun dans son champ.

29. Et, après avoir vu ia grande attaque de Namoutchi et les jeux nombreux de Sougata, les êtres ayant dirigé une pensée que rien n’égale, vers l’Intelligence, après que le démon et son armée eurent été vaincus, (dirent :) puissions-nous toucher l’immortalité !


Religieux, le Tathâgata s’étant revêtu de l’Intelligence parfaite et accomplie, au pied de l’arbre de l’Intelligence, assis sur un trône, il y eut, au même instant, les jeux incommensurables d’un Bouddha, qu’il ne serait pas facile de décrire, même dans l’espace d’un Kalpa.

Et là il est dit :


30. Cette terre est restée unie comme la paume de la main ; des lotus sont nés, épanouis et rayonnants ; les dieux, par centaines de mille, s’inclinent devant Bôdhimanda ; le premier signe a été vu ici dans le cri du lion.

31. Des centaines d’arbres des trois mille (mondes) s’inclinent devant Bôdhimanda ainsi que plusieurs des plus hautes montagnes avec le Mêrou le roi des monts. S’étant approchés de celui qui possède les dix forces, Brahmâ et Çakra s’inclinent ; c’est encore un des Jeux du lion des hommes à Bôdhimanda.

32. Des rayons par centaines de mille s’échappent de son corps ; ils se répandent dans les champs excellents des Djinas et les trois voies mauvaises sont calmées. À cette heure, à ce moment, les inquiétudes sont écartées ; la souffrance, l’orgueil et la haine ne tourmentent aucun être,

33. C’est encore un jeu du lion des hommes, assis sur son siège. Les lumières divines de la lune, du soleil, de la pierre Mani, du feu et de l’éclair ne brillent pas, éclipsées, tandis que brille la touffe do laine (entre les sourcils du Bôdhisattva), et pas une créature, ici-bas, n’aperçoit la tête du précepteur spirituel.

34. C’est encore un jeu du lion des hommes, assis sur son siège. Par le contact de la paume de sa main, la terre entière est ébranlée. À cause de cela, l’armée du démon est agitée comme le cotonnier. Namoutchi, ayant pris une flèche, trace des figures sur la terre.

Chapitre nommé : Revêtissement de l’intelligence parfaite et accomplie, le vingt-deuxième.

  1. Ces abréviations appartiennent au texte.
  2. Ces abréviations appartiennent au texte.