Le Lalita-Vistara, ou Développement des jeux/Chapitre XIX

Traduction par Philippe-Édouard Foucaux.
Texte établi par Musée Guimet, Paris (Annales du Musée Guimet, tome 6p. 234-248).

CHAPITRE XIX

Ainsi donc, Religieux, le Bodhisattva s’étant baigné dans la rivière Nâirañjanâ, ayant mangé et ayant fait renaître la force et la vigueur de son corps, il se dirigea vers le pied du grand arbre de l’Intelligence, à l’endroit de la terre qui a seize formes, afin de triompher complètement (du démon). Puis, avec la marche qui est celle des grands hommes, la marche qui n’est pas troublée ; la marche du sacrifice des sens ; la marche bien assurée ; la marche du roi du mont Mêrou ; la marche qui n’est pas oblique ; la marche qui n’est pas tortueuse ; la marche qui n’est pas sans lustre ; la marche qui ne s’attarde pas ; la marche qui n’est pas agitée ; la marche qui ne s’égare pas ; la marche qui n’est pas abattue ; la marche qui ne s’attarde pas trop ; la marche sans tache ; la marche de la vertu ; la marche sans péché ; la marche sans folie ; la marche sans passion ; la marche du lion ; la marche du roi des cygnes ; la maiche du roi des Nâgas ; la marche de Nâirañjanâ ; la marche qui ne touche pas à la terre ; la marche qui fait paraître sur le sol de la terre l’image d’une roue à mille rais ; la marche de celui qui a les ongles de la couleur du cuivre rouge et les doigts unis par une membrane ; la marche qui fait sortir un son du sol de la terre ; la marche de celui qui frappe le roi des monts ; la marche de celui qui égalise ce qui est haut et bas ; la marche de celui qui, lançant un rayon de lumière de l’intervalle de ses doigts palmés, amène, en touchant les êtres, le mouvement d'une bonne marche ; la marche qui appuie ses pas sur le lotus sans tache ; la marche qui a le mouvement des bonnes œuvres précédemment accomplies ; la marche qui conduit vers le trône des Bouddhas antérieurs ; la marche d’une pensée ferme et indestructible comme le diamant ; la marche qui détruit toutes les difficultés des voies mauvaises ; la marche qui produit tout bonheur ; la marche qui montre le chemin de la délivrance ; la marche qui annule la force de Màra : la marche qui. à l’aide de la loi, arrête la troupe méchante des contradicteurs ; la marche qui détruit la taie de l’ignorance ; la marche qui fait que les conditions de transmigration ne sont plus des conditions ; la marche qui domine Çakra, Brahmà, Mahêçvara et les gardiens du monde : la marche de l’unique héros des trois iiiillo grands milliers (de mondes) ; la marche de Svayambhou que rien ne surpasse ; la marche qui conduit vers la science de celui qui sait tout ; la marche du souvenir et du jugement : la marche qui conduit à l’apaisement ; la marche qui fait disparaître sans retour la vieillesse et la mort ; la marche qui mène à la cité du Nirvana, heureuse, sans passion, sans crainte du démon, c’est avec une marche pareille que le Bôdhisattva s’avança vers Bôdhimanda.

Ainsi, Religieux, depuis la rivière Nâiraiïjanà jusqu’à Bôdhimanda, dans cet intervalle, tout fut nettoyé par les fils des dieux des vents et des nuages et arrosé d’eau de senteur par les fils des dieux des nuages pluvieux et parsemé de fleurs. Et, dans la région des trois mille grands milliers de mondes, tout ce qu’il y avait d’arbres inclinèrent leurs sommets du côté de Bôdhimanda. Et les enfants nés ce jour-là, eux aussi, dormaient la tête tournée du côté de Bôdhimanda. Et ici-bas, dans la région des trois mille grands milliers de mondes, toutes les montagnes aussi, à commencer par le Soumêrou étaient inclinées du côté de Bôdhimanda.

À partir de la rivière Nâirañjanâ jusqu’à Bôdhimanda, dans cet intervalle, la route avait été disposée par les fils des dieux Kâraàvatcharas jusqu’à la distance d’un kroça. Et de chaque côté de cette route, une estrade composée de sept choses précieuses avait été construite par magie, ayant la hauteur de sept palmiers, abritée en dessus d’un treillis précieux, bien ornée de parasols divins, d’étendards et de bannières. À la portée d’une flèche, sept palmiers formés de sept choses précieuses avaient été produits par magie. Et à chaque palmier s’élevant de cette estrade et orné d’une guirlande précieuse, un fruit de palmier était suspendu. Au milieu de deux palmiers, un étang était creusé, rempli d’eau de senteur, avec un fond de sable d’or, couvert de lotus bleus, jaunes, rouges et blancs, entouré d’une estrade précieuse, embelli d’escaliers précieux de perles et de lapis lazuli, animé par les chants des grives, des grues, des cygnes, des oies, des cigognes et des paons. Quatre-vingt mille Apsaras arrosaient cette route avec de l’eau de senteur, et quatre-vingt mille Apsaras la jonchaient de fleurs fraîches aux senteurs divines. Devant chaque palmier une estrade précieuse était élevée, et sur chacune de ces estrades étaient placées quatre-vingt mille Apsaras portant des boîtes de poudre de sandal et d’aloès ou des cassolettes d’où s’exhalait la fumée du benjoin. Et, sur chaque estrade, des Apsaras divisées par cinq mille, faisaient entendre les concerts des chants et des instruments divins.

Ainsi, religieux, le Bôdhisattva, au milieu des champs fortement ébranlés, lançant des rayons par centaines de millions, au milieu de centaines de mille d’instruments de musique qui résonnaient, au milieu d’une abondante pluie de fleurs, au milieu de milliers de vêtements flottants, de centaines de mille de tambours retentissant sous des coups répétés, au-milieu des chevaux, des éléphants et des taureaux qui faisaient entendre leurs voix en tournant trois fois en présentant leur côté droit, au milieu des perroquets, des geais, des Kokilas, des Kalabingkas, desDjîvaiïjivas, des cygnes, des oies, des cigognes et des paons par centaines de mille qui le saluaient, au milieu de bénédictions par centaines de mille, c’est avec l’arrangement de la route qui présentait un pareil spectacle que le Bôdhisattva se dirigea vers Bôdhimanda.

Et la nuit où le Bôdhisattva ont le désir de se revêtir de la qualité parfaite et accomplie de l’Intelligence, cette nuit-là même, celui qui s’appelle Vaçavartti, le souverain des trois mille grands milliers de mondes, Brahmâ Sahàmpati parla ainsi à l’assemblée : Amis, il faut que vous sachiez que ce Bùdhisattva Mahàsattva armé de la grande armure, armé de la solide armure, qui n’a pas mis de côté sa grande promesse, dont l’esprit n’est pas abattu, qui a mené à fin toutes les pratiques d’un Bôdhisattva, est arrivé à dépasser toutes les Pâramitàs, a obtenu l’empire sur toutes les terres des Bodhisattvas et connaît parfaitement tous les desseins d’un Bôdhisattva, qui a pénétré les organes de tous les êtres, qui est bien entré dans tous les secrets des Tathâgatas, qui a complètement dépassé toutes les voies des œuvres du démon, qui, pour toutes les racines de la vertu, est indépendant des autres, qui et béni par tous les Tathàgatas, qui enseigne à tous les êtres la voie de la délivrance complète, conducteur de la grande caravane, qui opère la destruction de tous les domaines du démon, l’unique héros des trois mille grands milliers (de mondes), qui procure tous les remèdes de la loi, le grand roi des médecins, qui a trouvé le moyen d’obtenir la délivrance complète, grand roi de la Loi, qui donne la grande lumière de la sagesse, roi du grand étendard, qui n’est pas imbu des huit lois du monde, pareil à un grand lotus (sur les feuilles duquel glisse l’eau), qui n’a pas détruit les formules magiques de toute loi, pareil au grand Océan, qui a éloigné les passions de l’amour et de la haine immuable, inébranlable, pareil au grand Soumêrou, sans aucune tache, parfaitement pur, ayant une intelligence bien éclairé : % pareil à un grand joyau précieux, exerçant l’empire sur toutes les lois, ayant l’esprit propre à tout, pareil au grand Brahmâ, le Bôdhisattva s’avance vers Bodhimanda, désireux, afin de vaincre complètement l’armée de Mâra, de se revêtir de la qualité parfaite et accomplie de Bouddha. Afin d’accomplir la loi d’un Bouddha qui possède les dix forces et les dix-huit substances non mêlées, afin de faire tourner la roue de la Loi ; afin de faire résonner le son de la voix du grand lion ; afin de purifier l’œil de la Loi chez tous les êtres ; afin de soumettre tous les contradicteurs à l’aide de la Loi ; afin de montrer l’accomplissement parfait d’une promesse d’autrefois ; afin d’obtenir le pouvoir suprême sur toutes les lois. Il faut qu’il y ait là, de la part de vous tous, empressement à offrir au Bôdhisattva l’hommage de vos respects.

Et, en cette circonstance, le grand Brahmâ Vaçavarttin prononça ces Gâthâs :


1. Celui par la splendeur, les mérites et la gloire duquel la voie de Brahmâ est connue, ainsi que la douceur, la miséricorde, la patience, le contentement, les méditations et la science claire, celui-là, après avoir traversé des épreuves pendant mille Kalpas, s’est dirigé vers l’arbre de l’Intelligence. Rendez bien à ce Mouni l’hommage qui fait réussir la bonne œuvre projetée.

2. Après être allé en refuge vers lui, on n’éprouve ni crainte d’une mauvaise route, ni inquiétude. Après avoir, au milieu des dieux, obtenu le bonheur désiré, on va dans la vaste demeure de Brahmâ. Après avoir, pendant six ans, accompli ce qui était difficile à accomplir, il va à l’arbre de l’Intelligence. Tous, remplis de la plus grande joie, rendons-lui hommage !

3. C’est le roi des trois mille (mondes), le Seigneur par excellence, le souverain seigneur de la Loi. Dans les cités de Çakra, de Brahmâ, de Soûrya (le soleil) et de Tchandra (dieu de la lune), nul n’est égal à lui, à la naissance duquel des centaines de millions de champs furent ébranlés fortement de six manières. Le voici aujourd’hui qui s’avance vers le grand arbre excellent (de l’Intelligence) pour vaincre les armées du démon.

4. À lui, dont la tête ne peut être regardée même par ceux qui demeurent ici dans le séjour de Brahmâ, à lui dont le corps portant les signes excellents entre tous est orné des trente-deux signes ; à lui, dont la parole va au cœur, douce, pénétrante et harmonieuse comme la voix de Brahmâ ; à lui, dont l’esprit est bien apaisé et sans colère, allons, afin de lui offrir des hommages.

5. Que ceux dont la pensée, dans la demeure de Brahmâ et d’Indra est de goûter toujours le bonheur ou bien de couper la liane formant réseau de tous les liens de la corruption naturelle, (que chacun de ceux-là qui se dit), sans écouter un autre : Puissé-je atteindre l’Intelligence d’un Pratyêkabouddha, bienheureuse, impérissable ! Si son désir est d’obtenir la condition d’un Bouddha dans les trois mondes, qu’il honore le guide (par excellence) !

6. Celui par qui ont été abandonnés la terre qu’entoure l’Océan, des choses précieuses innombrables, des palais avec leurs œils-de-bœuf et leurs pavillons, des attelages et les chars ; la terre ornée de brillantes guirlandes de fleurs, pure, avec des réservoirs et des jardins ; (celui par qui ont été abandonnés) ses mains, ses pieds, sa tête, ses jeux et le haut de son corps, se dirige vers Bôdhimanda.


Ainsi, religieux, le grand Brahmâ qui préside aux trois mille grands milliers de mondes, dirigea, en ce moment, cette partie du monde appartenant aux trois mille grands milliers de monde, devenue (unie) comme la paume de la main, sans pierre et sans gravier, couverte de diamants, de perles, de cristal, de lapis-lazuli, de conques, de corail, d’or, d’argent, et d’un gazon vert, formai. t’un Nandyavartta tourné à droite, doux au toucher comme un vêtement de Katchilindi, c’est sur ce point du monde des trois mille grands milliers de mondes recouvert de gazon que (Brahmâ) vint exercer son autniiti'. En ce moment, toutes les grandes mers f’in-ent calmes comme le sol de la terre ; et, pour les êtres qui habitent les eaux, il n’y eut pas de blessure.

Et Çakra, Brahmâ et les gardiens du monde ayant vu ce point de la terre ainsi orné, ils ornèrent avec soin les cent mille champs de Bouddha aux dix points de l’espace pour rendre hommage au Bodhisattva. Et les champs incommensurables de Bouddha furent ornés partout par les Bôdhisattvas, aux dix points de l’espace, avec des préparatifs d’hommages surpassant ceux des dieux et des hommes pour rendre hommage au Bodhisattva. Et tous ces champs de Bouddha apparaissent comme un seuil ornés par divers ornements et préparatifs. Et ni les Lokântarikas, ni les Kàlaparvatas, ni les Tchakravâlas et Mahâtchakravàlah ; ne furent plus aperçus. Et il y eut seize fils des dieux, gardiens vigilants de Bôdhimanda, qui furent : Le fils d’un dieu nommé Outkhali et le fils d"un dieu nommé Moutkhali, et Pradjâpati et Çoûrabala et Kèyoûra-Lala et Soupraticlithita et Maliindhara et Avabliàsalcara etVimalaet Dliarmatchara, et Dharmakêtou et vSiddliapâtra et Pratihatanêtra et Mahâvyoùha et Gilaviçouddhinètra et Padmaprabha. Ainsi ces seize fils des dieux, gardiens vigilants de Bôdhimanda, tous ayant acquis une patience immuable, pour rendre hommage au Bôdhisatt va, décorent Bôdhimanda. — Aux alentours, jusqu’à quatre-vingts yôdjanas, il (Bôdhimanda) est entouré de sept autels des sept matières précieuses, entouré de sept rangs (d’arbres) Tàlas, entouré de sept réseaux précieux avec des clochettes, entouré de sept fils précieux, recouvert d’étoffes d’or des fleuves du Djambou, dans lesquelles sont tissées les sept choses précieuses avec desfils d’or des fleuves du Djambou et des lotus d’or, il (Bôdhimanda) est parfumé d’essences aux odeurs les plus suaves et abrité d’un réseau précieux. Et aux dix points de l’espace, aux diverses régions du monde, ce qu’on trouve d’arbres divers qui y sont nés, divins ou humains, tous se voient à Bôdhimanihi. Et ce qu’il y a, aux dix points de l’espace, nées dans l’eau ou sur la terre, d’espèces de fleurs, toutes aussi sont vues à Bôdhimanda. Et aussi aux dix points de l’espace, dans les diverses régions du monde, les Bôdhisattvas ornent Bôdhimanda ; avec l’arrangement de l’accumulation de la science et des mérites illimités, eux aussi sont vus à Bôdhimanda.

Ainsi, Religieux, par les fils des dieux, gardiens vigilants de Bôdhimanda, de pareils arrangements surnaturels furent faits à Bôdhimanda. À cette vue, Dieux, Nâgas, Yakchas, Ghandharbas, Asouras, eurent l’idée que leurs demeures étaient comme des cimetières. Et après avoir vu ces préparatifs, ils exprimèrent ainsi leur admiration : Ah ! c’est bien là l’incompréhensible résultat de la maturité complète des mérites !

Et les quatre divinités de l’arbre de l’Intelligence, Vênou, Valgou, Soumanas et Odjôpati, toutes les quatre, afin de rendre hommage au Bôdhisattva, s’approchent de l’arbre de l’intelligence, qui a des racines, une tige, des branches, des feuilles, des fleurs et des fruits, qui est doué de hauteur et d’étendue, beau, agréable à la vue, s’élevant à la hauteur de quatre-vingts Tâlas, et par un semblable développement, est superbe, agréable à la vue, réjouissant l’esprit ; entouré de sept autels précieux, de sept rangs de Tàlas précieux, de sept réseaux avec des clochettes précieux, de sept guirlandes précieuses, et l’œil ne se rassasiait pas de voir cet arbre pareil au Pàridjùta et au Kôvidara. Et cet endroit de la terre, qui est de la substance des trois mille grands milliers de mondes, solidifié par le diamant, resta une essence de la nature du diamant, qu’on ne peut briser, là où le Bodhisattva fut assis, désireux de se revêtir de l’Intelligence parfaite et accomplie.

Ainsi, Religieux, par le Bodhisattva qui s’avançait vers Bôdhimanda, une lumière fut lancée de son corps, telle que, par elle, tous les maux furent apaisés, toutes les inquiétudes détruites, toutes les sensations des voies mauvaises anéanties. Tous les êtres qui avaient les sens imparfaits en obtinrent de tout à fait complots ; ceux qui étaient attaqués de maladies furent délivrés de leurs maladies ; ceux qui étaient tourmentés par la crainte furent rassurés ; ceux qui étaient retenus par des liens furent délivrés do leurs liens ; les pauvres eurent des biens ; les êtres tourmentés par la corruption naturelle n’en furent plus tourmentés ; les êtres affamés furent rassasiés ; ceux que la soif tourmentait furent délivrés de la soif ; les femmes enceintes accouchèrent heureusement ; ceux qui étaient languissants et affaiblis furent doués de vigueur, et, chez aucun être, en ce moment, ne se manifeste la passion, la haine, ou le trouble d’esprit ou la colère ou la convoitise ou la méchanceté ou l’envie ou la jalousie. Pas un être, en ce moment, ne mourut, ne passa en transmigrant à un état inférieur, ni ne prit naissance.

Tous les êtres furent, en ce moment, remplis de sentiments de bienveillance, de sentiments secourables les uns pour les autres, comme ceux d’un père et d’une mère.

Et là, il est dit :


7. Et jusqu’à la limite de l’(enfer) Avitchi où sont des êtres infernaux horribles à voir, la souffrance des êtres est apaisée et ils éprouvent une sensation de plaisir.

8. Tout ce qu’il y a d’êtres nés dans des matrices d’animaux, se tuant les uns les autres, ont des pensées douces et bienveillantes au contact des rayons du grand Mouni.

9. Tout ce qu’il y a de Prêtas dans le monde des Prêtas, tourmentés par la faim et la soif, obtiennent des aliments et des breuvages, par la splendeur du Bodhisattva.

10. Toutes les iniquités furent détruites, les mauvaises voies desséchées, et tous les êtres heureux et remplis d’un bonheur divin.

11. Ceux qui étaient privés de la vue et de l’ouïe ou les autres qui avaient des membres imparfaits furent doués de membres complets, et tous ces membres furent beaux.

12. Et les êtres qui sont toujours tourmentés par la passion, la haine elles autres misères humaines, eurent tous alors leurs misères apaisées et furent remplis de bienêtre.

13. Les insensés retrouvèrent la mémoire, les pauvres eurent des richesses, les malades furent délivrés de leurs maladies, et les prisonniers délivrés de leurs liens.

14. Plus d’inimitié, d’envie, de méchanceté ni de querelles et l’on reste toujours prêt à s’aider l’un l’autre, avec des pensées de bienveillance.

15. Comme la tendresse d’une mère et d’un père pour un fils unique, telle fui alors la tendresse des êtres l’un pour l’autre.

16. Par les réseaux de lumière du Bôdhisattva furent éclairés des champs incommensurables aussi nombreux que les sables de la Gângâ, de tous côtés, aux dix points de l’espace.

17. Les monts Tchakravàkas ne sont plus visibles, ni les Kâlaparvatas, et tous ces vastes champs divers apparaissent comme s’il n’y en avait qu’un seul. 18. Pareils à la paume de la main, ils apparaissent remplis de toutes les choses précieuses ; et afin d’honorer le Bôdhisattva, tous les champs sont ornés.

19. Et seize dieux occupés à honorer B’idhimandi, ornèrent alors Bôdhimanda jusqu’à la distance de quatre-vingts Yôdjanas.

20. Et tout ce qu’il y a de grands arrangements sans fin dans des dizaines de millions de champs, ces (arrangements) sont aperçus partout par (l’effet de) la splendeur du Bôdhisattva.

21. Les dieux, les Nâgas ainsi que les Yakchas ; les Kinnaras et les Mahôragas pensent que les demeures aériennes de chacun d’eux ne sont que des cimetières (en comparaison).

22. En voyant là ces arrangements, les dieux et les hommes sont émerveillés. (Ils s’écrient :) Une pareille bénédiction est bien le résultat des mérites de celui-ci !

23. Il ne fait même pas d’effort en action, en parole, en pensée, et toutes ses affaires réussissent, ainsi que tous les désirs qu’il avait formés. 24. De même que, pour les autres choses, les intentions ont été remplies par lui qui, autrefois, agissait ; cette prospérité (bénédiction), telle qu’elle est produite, c’est la maturité complète de l’œuvre de celui-ci.

25. Bôdhimanda a été orné par les quatre divinités de (l’arbre) de l’Intelligence, qui, à cause de cela, se distingue comme le Prâidjàta dans le ciel.

26. Et elles ne peuvent être complètement (décrites) énumérées par la parole, les qualités qui sont les arrangements de Bôdhimanda exécutés par les divinités.


Ainsi Religieux, fut éclairée la demeure de Kâlika, le roi des Nâgas, par la lumière lancée par le corps du Bôdhisattva, très pure, sans tache et produisant dans le corps et l’esprit, la joie et le ravissement, enlevant toute corruption, et produisant chez tous les êtres le plaisir, la joie, le calme et l’allégresse. À cette vue, Kâlika, le roi des Nâgas, en présence de sa suite, prononça, en ce moment, ces Gâthas :


27. Puisqu’une lumière brillante a été vue, comme celle qui fut vue en Krakoutch’anda, et aussi en Kanakàhvaya, pareilles aux lumières sans tache qui furent vues en Kâçyapa, le Mouni roi de la Loi, sans aucun doute, un être secourable doué des meilleurs signes est né, qui a la lumière de la science, par lequel cette demeure à moi est illuminée et embellie par une brillante lumière dorée.

28. Ce n’est pas la lumière très abondante de la lune ou du soleil que l’on voit dans cette demeure, ni celle du feu, ni celle de la pierre Mani, ni la lumière sans tache de la foudre, ni celle des étoiles ; ni non plus la lumière de Çakra, ni la lumière de Brahmâ, ni la lumière des Asouras. Ma maison toute remplie de ténèbres par les mauvaises actions commises autrefois,

29. Cette demeure aujourd’hui resplendit comme éclairée au milieu par l’éclat de la vertu pareil à celui du soleil. (Cette lumière) fait naître la joie dans l’esprit ; le corps est dans le bien-être ; les membres sont rafraîchis ; les sables brûlants qui tombent sur le corps sont devenus frais. Il est bien évident que celui qui s’est évertué pendant plusieurs dizaines de millions de Kalpas va vers l’arbre de l’Intelligence.

30. Vite, prenez les belles fleurs des Nâgas, les vêtements beaux et parfumés, les guirlandes de perles attachées (aux habits ?), les bracelets, les poudres odorantes, les meilleurs des parfums brûlés ; faites (entendre) des concerts de voix et d’instruments divers ; avec des tambours et des tambourins excellents, allez donc honorer l’être secourable digne d’hommages dans le monde entier !

31. Et s’étant levé, accompagné des femmes des Nâgas, il considère les quatre points (de l’espace). Il vit alors celui qui est semblable au mont Mêrou, bien paré de sa splendeur, entouré de millions de dieux et de Dânavaâ, de Brahmêndras et de Yakchas qui, avec un esprit joyeux lui offrent leur hommage et lui montrent la route (en disant :) c’est bien cette (route).

32. Rempli de joie, le roi des Nâgas, après avoir honoré le meilleur du monde, salué ses pieds avec respect, se tient debout devant le Mouni. Les femmes des Nâgas, avec un esprit joyeux, rendent hommage au Mouni et jettent des fleurs, de l’encens et des parfums, en faisant résonner les instruments.

33. Et le roi des Nâgas, les mains jointes, rempli do joie, le louait par des qualifications vraies : Il est doux de te voir, ô guide, le plus grand (être) du monde, au visage pareil à la pleine lune. Le signe des Rïchis d’autrefois, tel qu’il a été vu, nous le voyons on toi aussi. .Aujourd’hui, plein de force, après avoir vaincu le démon, tu obtiendras le rang désiré,

34. En vue duquel, autrefois, ayant l’esprit de la soumission, du don et de la discipline, tu as abandonné tous les biens ; en vue duquel il a été médité (par toi) sur la force de la discipline, de la bonne conduite, de la douceur, de la mansuétude et de la patience ; en vue duquel, ferme dans l’héroïsme, réjoui par la contemplation, (tu es) devenu un flambeau de science. Ta prière ayant été accomplie tout entière, tu seras aujourd’hui vainqueur.

35. Puisque les arbres avec leurs feuilles, leurs fleurs et leurs fruits saluent l’arbre de l’Intelligence ; puisque mille urnes pleines d’eau font un Pradakchina ; puisque les troupes d’Apsaras très joyeuses font entendre leur chant gracieux ; puisque les cygnes et les troupes de cigognes qui s’en vont dans le ciel en se livrant à leurs ébats,

36. Font, joyeux, un Pradakchina au Rïchi, aujourd’hui tu seras Arhat. Puisque de beaux rayons dorés vont dans des centaines de champs ; puisque les misères sont toutes apaisées et les créatures délivrées des maux ; puisque les demeures de Tchandra et Soûrya ont été arrosées par la pluie ; puisqu’il souffle un vent doux, aujourd’hui, 6 conducteur de la caravane (des êtres), tu seras, dans les trois mondes, celui qui délivre de la naissance et de la vieillesse.

37. Et puisque les dieux, ayant abandonné les joies du désir, sont venus au-devant de toi pour te rendre hommage ; (puisque) Brahmâ et les Pourôhitas de Brahmâ ainsi que les immortels, ayant interrompu la méditation pleine de douceur, de même que tous ceux, quels qu’ils soient, qui, dans la réunion des trois mondes, sont les premiers par la puissance, sont tous venus ici devant toi, tu seras aujourd’hui le roi des médecins, qui, dans la réunion des trois mondes, délivre de la naissance et de la vieillesse.

38. Puisque la route par laquelle tu t’avances a été purifiée aussi par les dieux, par laquelle est venue le bienheureux Bhagavat Krakoutch’anda et Kanakàhvaya et Kâçyapa ; puisque des lotus parfaits, purs, sans tache et beaux, perçant la terre, sont apparus là où tu portes tes pas, plein d’une force extraordinaire, tu seras aujourd’hui en possession de l’état d’Arhat.

39. Les démons, au nombre de plusieurs myriades de millions comme les sables de la Gangâ, sont incapables de t’ébranler, de t’éloigner de l’arbre de l’Intelligence. Plusieurs centaines de mille de sacrifices, nombreux comme les sables de la Gangâ, ont été célébrés par toi qui travaillais à secourir le monde. C’est pour cela que tu resplendis ici.

40. Les planètes avec la lune, les étoiles avec le soleil tomberaient du ciel sur la terre ; la plus grande parmi les premières des montagnes se soulèverait de sa place ; l’Océan se dessécherait ; un sage plein de science pourrait enseigner à chacun des quatre points de l’espace que toi, arrivé au pied du roi des arbres, tu ne te lèverais pas sans avoir obtenu l’Intelligence.

41. Un grand profit a été obtenu par moi, une abondante richesse (a été obtenue) parce que tu as été vu cocher (des êtres) ; des hommages ont été rendus (à ta personne) tes qualités proclamées ; pleins d’ardeur pour l’Intelligence, tous, les femmes des Nâgas, moi et mes fils, nous serons délivrés de la naissance. Tu t’avances comme un éléphant superbe ; nous aussi, marchons de même !


Alors, religieux, la première des épouses de Kâlika, le roi des Nâgas, nommée Souvarnaprabhâsâ, entourée et précédée d’une foule de filles des Nâgas, portant divers parasols précieux, portant diverses étoffes et diverses guirlandes de perles ; tenant diverses choses précieuses, diverses guirlandes avec des parfums divins et humains ; portant des urnes remplies de parfums, faisant entendre les sons des instruments et des concerts, avec des pluies de diverses fleurs précieuses, elles couvraient le Bôdhisattva, qui s’avançait et le louaient par ces Gâthâs :


42. À toi qui es sans erreur, sans crainte, sans timidité, sans frayeur, sans abattement, sans tristesse ; joyeux, difficile à vaincre, sans passion, sans souillure, sans trouble, éloigné des passions, arrivé à la délivrance, salut, o grand Rïchi !

43. Médecin qui ne causes pas de douleur, disciplinant ceux qu’il faut discipliner, excellent médecin qui délivres des souffrances du monde, après avoir connu les infortunés sans asile, sans protection, tu es né dans cette réunion des trois mondes, séjour des êtres, pour les protéger.

44. Puisque, empressées, joyeuses, les troupes de dieux versent, du haut des airs, une grande pluie de fleurs ; puisqu’elles font flotter une grande quantité de vêtements, tu seras Djina ; fais éclater l’allégresse.

45. Approche-toi du roi des arbres, assieds-toi sans être troublé ; les armées du démon sont vaincues ; secoue les rets de la corruption naturelle. Après avoir revêtu l’Intelligence suprême, accomplie, parfaitement calme, de même qu’elle a été revêtue par les précédents maîtres des Djinas,

46. En vue de laquelle ont, par toi, pendant plusieurs dizaines de millions de Kalpas, été faites des choses difficiles à faire, en vue de la délivrance du monde. Ton espérance est bien remplie ; voilà le temps venu, approche-toi du roi des arbres, touche la suprême Intelligence !


Ensuite, religieux, cela vint à la pensée du Bôdhisattva : Sur quoi étant assis, les Tathâgatas antérieurs se sont-ils revêtus de l’Intelligence parfaite et accomplie ? Il pensa alors : C’est eu étant assis sur un tapis de gazon.

Alors, des centaines de mille de Dieux Çouddhâvàsakâjikas qui se tenaient dans l’air ayant, avec leur pensée, connu la réflexion du Bôdhisattva, parlèrent ainsi : Gela est ainsi, excellent homme ; cela est ainsi. C’est après s’être assis sur un tapis de gazon que, par les Tathâgatas antérieurs, l’Intelligence suprême parfaite et accomplie a été revêtue.

Et alors, Religieux, le Bôdhisattva aperçut sur le côté droit de la route Svastika l’herbager qui coupait des gazons verts, tendres, tout nouveaux, agréables, réunis en tresses, tournés à droite, pareils au cou des paons, doux au toucher comme (l’étoffe de) Kâtchilindi, à l’odeur douce, colorés et réjouissant l’esprit. À cette vue, le Bôdhisattva, quittant la route et s’étant approché de l’endroit où était Svastika l’herbager, lui adressa ce discours avec une voix douce ; ce discours qui fait tout connaître, qui fait parfaitement connaître ; parfaitement clair, non interrompu, qui produit l’affection, beau, digne d’être entendu, onctueux, digne d’être retenu, qui exhorte, réjouit, amical, sans mollesse, sans hésitation, sans dureté, sans précipitation, doux, harmonieux, agréable à l’oreille, ravissant le corps et l’esprit, éloignant la passion, la haine, le trouble, les querelles, les péchés ; pareil au chant du Kalabingka et à la voix sonore du Kounida et du Djîvàndjîvaka, pareil au son du tambour et aux accords de la musique, non altéré, véridique, clair, juste, pareil aux accents harmonieux de Brahmâ, pareil au bruit de l’Océan agité, au bruit des montagnes qui se choquent, loué par le maître des dieux et le maître des Asouras, profond, difficile à pénétrer, rendant sans force la force du démon, réduisant au silence les contradicteurs, pareil à la voix formidable du lion, pareil aux éclats de voix du cheval et de l’éléphant, résonnant comme la voix d’un Nâga, pareil au bruit retentissant des nuages orageux, remplissant tous les champs de Bouddha des dix points de l’espace, exhortant les êtres qu’il faut discipliner ; non précipité, non altéré, sans lenteur, bien lié, convenable, approprié au temps, n’allant pas à contretemps, bien forme de cent mille lois, excellent, sans passion, ayant une énergie persistante, avec une seule voix émettant toutes les voix, faisant connaître tous les desseins, produisant tout bien-être, enseignant bien la route de la délivrance, indiquant la multiplicité des routes, n’allant pas au delà de l’assemblée, satisfaisant (réjouissant toute assemblée) conforme à celui qui a été prononcé par tous les Bouddhas. C’est avec un pareil discours que le Bôdhisattva adressa ces Gâthâs à Svastika l’herbager.


47. Svastika, écoute ! donne-moi promptement des herbes ; j’ai grand besoin d’herbes aujourd’hui. Après avoir vaincu le grand démon avec son armée, j’atteindrai le calme suprême de l’Intelligence, à cause duquel, par moi, pendant des milliers de Kalpas, le don, le pouvoir sur soi-même, la retenue, le renoncement, la bonne conduite, la fidélité aux vœux, les austérités ont été bien pratiqués ; son acquisition complète aura lieu aujourd’hui.

48. La force de la patience ainsi que la force de l’héroïsme, la force de la contemplation ainsi que la force de la sagesse, la force des mérites, de la science qui se souvient et de la délivrance complète ; de cela pour moi la production aura lieu aujourd’hui.

49. La force de la sagesse et la force des moyens, la puissance surnaturelle, la force de la bienveillance sans passion, la force de la connaissance des détails et de la vérité ; de cela la production aura lieu (pour moi) aujourd’hui ;

50. Et pour toi aussi, la force des mérites, illimitée, parce que tu me donneras aujourd’hui des herbes. Et ce ne sera pas pour toi une petite cause : Toi-même tu seras un instituteur sans supérieur.

51. Après avoir entendu ce discours très beau, plein de douceur du guide (du monde) Svastika joyeux, transporté, ravi, le cœur plein de contentement ayant pris une poignée d’herbe nouvelle, douce au toucher, tendre et belle, et se tenant debout devant (le Bôdhisattva) lui adressa ce discours, le cœur rempli de joie :

52. Si donc, avec un peu d’herbe, est obtenu le rang le plus élevé et l’immortalité, l’Intelligence sans supérieure, calme, difficile à voir, de ceux qui se tiennent dans la voie des précédents Djinas ; alors, grand océan de vertus, à la gloire incommensurable c’est moi-même qui, en premier, fais arriver à l’Intelligence (qui est) le rang le plus élevé, où il n’y a plus de mort.

53. — Cette Intelligence, ô Svastika, est obtenue par ceux qui sont assis sur un siége de la meilleure herbe, après avoir pratiqué, pendant de nombreux Kalpas, diverses austérités et actions difficiles à accomplir. Quand un sage s’est élevé par la sagesse, les mérites et la science des moyens, à la suite de cela les victorieux Mounis font une prédiction en disant : Tu seras exempt de passion.

54. Si cette Intelligence, 6 Svastika, pouvait être donnée aux êtres animés, après en avoir fait une boule de riz bouilli, qu’il n’y ait pas d’hésitation. Quand l’Intelligence sera obtenue par moi, tu sauras que je distribue l’immortalité. Après être venu, écoute celui qui possède la loi, et tu seras exempt de passion.


Ainsi, Religieux, tandis que le Bôdhisattva s’approchait du pied de l’arbre de l’intelligence, quatre-vingt mille arbres de l’Intelligence furent ornés par les fils des dieux et les Bôdhisattvas (qui pensaient) : Ici, après s’être assis, le Bôdhisattva obtiendra l’Intelligence et deviendra un Bouddha parfait et accompli. Il y a là des arbres de l’Intelligence, formés de fleurs, qui ont la hauteur de cent Yôdjanas ; certains arbres de l’Intelligence, formés de parfums ont la hauteur de mille Yôdjanas ; certains arbres de l’Intelligence, formés de sandal, sont élevés à cent mille Yôdjanas ; certains arbres de l’Intelligence, formés de vêtements, ont la hauteur de cinq cent mille Yôdjanas ; certains arbres de l’Intelligence, formés de choses précieuses, ont la hauteur d’un million de Yôdjanas ; certains arbres de l’Intelligence, formés (aussi) de choses précieuses, ont la hauteur de plusieurs millions de Nijoutas de Kôtis de Yôdjanas. Certains arbres de l’intelligence, formés (de même) de choses précieuses, sont élevés de cent mille Niyoutas de Kôtis. Au pied de tous ces arbres de l’Intelligence, et sous la forme qui convient, des trônes étaient préparés, recouverts de diverses espèces d’étoffes divines. Au pied de tel arbre de l’Intelligence un siége de lotus était préparé ; au pied de tel autre, un siége de lotus ; au pied de celui-ci, un siége de parfums ; au pied de celui-là, un siége de diverses choses précieuses.

Et le Bôdhisattva se plongea dans la contemplation nommée Lalitavyoùha (arrangement des jeux). Aussitôt que le Bôdhisattva fut plongé dans la contemplation de l’Intelligence, nommée Lalitavyoùha, à l’instant même, des Bôdhisattvas apparurent assis sur tous les trônes, aux pieds des arbres de l’Intelligence, avec un corps bien orné des (trente-deux) signes d’un Bôdhisattva et de ses (quatre-vingts) signes secondaires.

Et chacun des Bôdhisattvas, et chacun des fils des dieux a cette idée : C’est sur mon propre siége que le Bôdhisattva est assis et non (sur celui) des autres. Et de même qu’ils avaient cette idée, de même aussi, par la puissance de la contemplation Lalitavyoùha du Bôdhisattva, tous les êtres de l’enfer, ou produits des matrices des animaux, ou du monde de Yama, tous, dieux ou hommes, nés en toutes conditions, tous les êtres voyaient le Bôdhisattva assis sur un trône au pied de l’arbre de l’Intelligence.

Et de plus encore, afin de réjouir complètement l’entendement des êtres portés vers les choses infimes, les Bôdhisattva ayant pris une poignée d’herbe, étant du côté où était l’arbre de l’Intelligence et s’en étant approché, puis ayant tourné sept fois autour, en lui présentant le côté droit, après avoir lui-même étendu un tapis d’herbe en tout excellente, la pointe en dedans et la racine en dehors, comme un lion, comme un héros, comme un (être) fort, comme un (être) ferme, comme un (être) courageux, comme un (être) vigoureux, comme un Nâga, comme un possesseur de la puissance suprême, comme Svayambhoù, comme un savant, comme un (être) sans supérieur, comme un être éminent, comme un (être) évidemment élevé, comme un (être) glorieux, comme un (être) illustre, comme un être habitué à donner, comme un être doué de bonne conduite, doué de patience, courageux, possédant la contemplation, comme un sage, comme un savant, comme un être doué de mérites, comme un être qui a détruit l’opposition du démon, comme un être possédant son achèvement, ayant pris la posture des jambes croisées, il s’assit sur ce tapis d’herbe, le visage vers l’orient, en tenant son corps droit ; et, après avoir bien tenu présente sa mémoire, il fit cette déclaration d’une voix ferme :


56. — Ici, sur ce siége, que mon corps se dessèche, que ma peau, mes os, ma chair se dissolvent ! (Mais) sans avoir obtenu l’Intelligence difficile à obtenir dans l’espace de plusieurs Kalpas, mon corps ne bougera pas de ce siége même !


Chapitre nommé : Marche vers Bôdhimanṇḍa, le dix-neuvième.