Le Jugement dernier (Petőfi)

Traduction par Melchior de Polignac.
Poésies magyares, Texte établi par Melchior de PolignacOllendorff (p. 14-15).

LE JUGEMENT DERNIER


 
J’ai feuilleté l’histoire et j’en suis à la fin.
Qu’est-ce l’histoire humaine ? un long fleuve de sang
Descendu des rochers ténébreux du passé
Et, coulant tout d’un trait, sans arrêt, jusqu’à nous.

Vous le croyez fini ? — Son flot qui roule encore
Ne va se reposer qu’au fin fond de la mer…
Dans une mer de sang se perd le fleuve rouge.
— Je vois venir des jours affreux, épouvantables,
Tels qu’on n’en vit jamais ; et, la paix d’à présent
Est le calme glacé, précurseur de l’orage,
Dont les coups répétés vont ébranler la terre.
Je vois ton voile noir, mystérieux destin,
Éclairé par le feu de mes pressentiments
Je peux voir à travers et ce que j’aperçois
Me remplit d’épouvante et m’égaie à la fois.
Et, j’en jouis follement ! Le seigneur des batailles
A repris sa cuirasse et le glaive à la main,
Monte sur son cheval, par les mondes lointains
Il passe — et les provoque à la lutte suprême.
Deux peuples seulement seront alors sur terre !
Les bons et les méchants se verront face à face
Les bons toujours vaincus, vaincront cette fois,
Ce premier triomphe leur coûtera du sang,
Une mer de sang ! — Mais qu’importe cela :
Voilà le jugement que Dieu nous annonça
Par les lèvres de ses prophètes.
Après le jugement, commenceront la vie
Et l’éternel bonheur. Nous pourrons les goûter
Sans que monter au ciel il nous soit nécessaire,
Puisque le ciel, alors, descendra sur la terre.