Le Judaïsme avant Jésus-Christ/Deuxième partie/Chapitre III

CHAPITRE III

ANTIOCHUS IV ET LES MACCHABÉES[1]


La bataille du Panéion en 198 av. J.-C. donna la Palestine à Antiochus le Grand. Séleucus avait fondé un grand empire macédonien qui s’étendait de Babylone à la Méditerranée. Deux villes nouvelles, Ctésiphon et Antioche, en furent les capitales, aux deux extrémités, orientale et occidentale, mais le point d’appui du pouvoir fut en Syrie. Sauf à Antioche, fondée par Séleucus, la Syrie était beaucoup moins sous l’influence de l’hellénisme que l’Égypte du Delta et la région de Pergame.


Lorsque les Séleucides eurent joint la Palestine à leur immense empire, les Juifs vivaient en paix à Jérusalem, ayant su gagner la faveur des Ptolémées leurs maîtres. Ils étaient gouvernés par le grand prêtre, assisté, selon la mode sémitique, par un conseil des anciens, qu’on pouvait assimiler au sénat (γερουσία) des cités grecques régies par l’aristocratie. Le contrôle des rois d’Égypte s’exerçait surtout par des inspecteurs des finances, chargés de recueillir l’impôt. La découverte par M. Edgar des papyrus de Zénon a jeté une lumière nouvelle sur l’administration des Ptolémées en Palestine[2]. On y constate que la tentative de syncrétisme religieux inaugurée en Égypte par le culte de Sérapis s’étendait sur la côte de Phénicie. Mais rien n’y indique que les rois d’Égypte soient sortis de cette large tolérance qu’on savait qu’ils avaient pratiquée à Jérusalem. Pourvu qu’on payât les impôts et les taxes, les Juifs étaient libres de pratiquer leur culte et n’étaient nullement inquiétés.

Cependant leur petit état demeurait comme un îlot isolé dans les montagnes, entouré de nations païennes et complètement acquises à l’hellénisme, tout en conservant leurs dévotions locales qui s’alliaient aisément aux cultes grecs[3]. A l’ouest, toute la plaine était païenne, et même les premiers contreforts des montagnes, Accaron et Gazara, l’ancienne Gazer donnée par le Pharaon à Salomon en dot pour sa fille[4]. Au nord, Samarie, l’ennemie héréditaire, avait été colonisée par Alexandre[5], et, avec son temple du Garizim et son sacerdoce schismatique, se montrait plus hostile que jamais. C’est plutôt au delà de Samarie dans la grande plaine qui va du Jourdain à la mer, et sur les bords du lac de Gennesareth que les Juifs avaient gagné quelque influence. Au delà du Jourdain, le pays avait mieux gardé son ancienne physionomie, à cause du voisinage des nomades, mais les Nabatéens qui commençaient à remplacer Ammon et Moab, n’étaient pas plus sympathiques aux Juifs pour avoir conservé leurs dieux nationaux, et pour céder moins aisément au prestige de la Grèce. Au sud, à Hébron, les Édomites, ces frères ennemis, avaient hellénisé leur nom (Ἰδουμαῖοι), tout en conservant Kos pour dieu national. On a constaté récemment leur présence, mêlés à des Sidoniens, tous ayant plus ou moins fusionné avec les Grecs, près de la forteresse macédonienne de Marissa[6]. Quand les Juifs s’éloignaient des environs de Jérusalem, ils se trouvaient au milieu de colonies aux noms hellénisés ou même franchement helléniques, Scythopolis, l’ancienne Beth-chean ; Ptolémaïs, l’ancienne Acca ; Philadephie, l’ancienne Ammon ; Pella, qui rappelait la capitale de la Macédoine, Hippos et tant d’autres.

Le judaïsme cantonné en Judée était donc menacé comme par une marée montante assiégeant les falaises dominées parle Temple du Seigneur rebâti. Assurément la langue grecque avait pénétré dans la capitale. Le nom d’Eupolemos, fils de Jean, marque un progrès dans ce sens. Cet Eupolemos, bien vu à la cour de Syrie, avait obtenu des franchises pour les Juifs[7].

Pourtant le judaïsme demeurait maître chez lui, et rien n’indique qu’il eût dû céder à la longue s’il n’avait été réveillé par la persécution[8]. S’il s’est maintenu en Égypte, combien la résistance était plus aisée à Jérusalem, au centre de la race, dans l’isolement des montagnes, où les Grecs n’avaient aucun intérêt à se glisser, car le commerce y était presque nul, l’agriculture ne fournissant pas d’argent disponible. De sorte que l’ascendant littéraire était lui aussi moins sensibLe. Même après la fondation d’Aelia, Jérusalem fut un foyer beaucoup moins actif d’études grecques que telle ville obscure comme Gadara.

Il y avait cependant près du Temple, et dans le sacerdoce même, un parti déterminé à introduire les usages des Grecs, regardés comme plus policés et plus élégants. Mais ce parti n’entra en scène que sous Antiochus Épiphane, et il ne menaçait pas en somme l’intégrité de la religion. Sans l’intervention du roi, la crise religieuse ne se serait pas produite. Quelle que soit la force secrète de l’évolution générale des sociétés, l’histoire n’aurait pas pris certains cours sans l’impulsion donnée par des personnalités puissantes.

Antiochus IV Épiphanès[9], fils d’Antiochus le Grand, avait été élevé à Rome où son père l’avait envoyé comme otage. Il y garda son instinct despotique de souverain oriental, tout en adoptant les façons de la démocratie qui grandissait à Rome. Fantasque dans ses goûts, épris de popularité, il sortait presque seul avec un ou deux compagnons, se mêlait aux jeunes gens menant la débauche, courait les bains publics, mais s’y faisait remarquer par une profusion d’huiles parfumées. Il adressait la parole aux étrangers, quêtant même les voix des électeurs. Puis il fréquentait chez les orfèvres, affectant un goût éclairé pour les choses de l’art. A Rome la religion était prise au sérieux plus qu’en Grèce. En Syrie elle avait conservé son caractère d’obligation absolue et fatale. Polybe, assez embarrassé de fixer les traits d’un personnage aussi versatile, accuse du moins ce trait de son caractère « Mais pour les sacrifices offerts dans les cités et les honneurs rendus aux dieux, il surpassa tous ceux qui avaient régné avant lui »[10]. Si Julien l’Apostat se distingua de lui par une affectation de vie simple et frugale, tous deux eurent en commun un zèle fanatique pour l’hellénisme, seule culture digne de l’humanité, et cette conviction que l’hellénisme ne saurait prévaloir entièrement que par sa religion. Le bien des Juifs exigeait donc qu’ils prissent les mœurs des Grecs ; c’était leur intérêt bien compris, et pour cela il fallait que cette nation arriérée renonçât à sa supersititon. C’est ce que Tacite a rendu avec sa vigueur ordinaire[11] : « Le roi Antiochus, résolu à extirper la superstition et à implanter les mœurs grecques, fut empêché par la guerre des Parthes d’améliorer une race infecte ».

L’historien romain attribue l’échec d’Antiochus à la guerre dans laquelle il périt, conclusion assez naturelle. Cependant nous constatons avec Schürer que : « c’est le seul exemple d’une religion orientale qui s’émancipa complètement de l’influence de l’hellénisme »[12]. Nous avons le droit d’en conclure que cette religion possédait un principe supérieur qui lui a permis de résister à cette redoutable épreuve de la force, mise au service de la séduction, de laquelle seuls le judaïsme d’abord, puis le christianisme ont triomphé, et de voir dans cet heureux succès une preuve de l’assistance de Dieu, en faveur de la religion qu’il a révélée.

Il est d’ailleurs assez clair qu’Épiphane s’est engagé de plus en plus dans la voie de la violence parce que la contagion des mœurs grecques


n’opérait pas assez, se heurtant à une répugnance fondée sur le sentiment religieux. Il est probable aussi que les Juifs qui se firent ses instruments espéraient lui donner satisfaction en embrassant des usages qui ne paraissaient pas complètement inconciliables avec la foi. Mais, comme il était à prévoir, les choses s’envenimèrent ; le dessein du roi était d’aller jusqu’au bout, et les Juifs n’eurent plus que le choix entre la mort et l’apostasie.

Le moyen le plus simple d’opérer la réforme était d’avoir en mains le grand prêtre, chef du culte et de la nation. Onias III n’eût certainement pas accepté ce rôle. Épiphane favorisa donc volontiers l’ambition de son frère, qui avait changé son nom national de Iechoua (Jésus), en Jason, nom de la mythologie. C’est à ce traître à la cause nationale, soutenu par un parti ami des Grecs, que le second livre des Macchabées attribue l’initiative du mouvement[13]. Les offres qu’il fit au roi supposent qu’il avait pénétré ses intentions, et qu’il comptait sur lui pour les exécuter, car elles étaient opposées aux sentiments d’indépendance des Juifs, et à leur attachement pour les usages anciens. En se faisant inscrire comme Antiochiens[14] les gens de Jérusalem pouvaient croire qu’ils acquéraient un privilège. Mettre les enfants les plus nobles « sous le chapeau » que les Grecs avaient emprunté aux Thessaliens, c’était les inscrire parmi les jeunes élégants fiers de servir dans la cavalerie. Jason osa davantage. C’est par les enfants et les jeunes gens qu’on introduit le plus sûrement des mœurs nouvelles. Il créa des gymnases pour les enfants et des éphébées pour les jeunes gens arrivés à l’âge du service militaire. Le nom même de gymnase indiquait que les enfants s’exerçaient complètement nus aux divers mouvements de l’assouplissement des membres, du jet des projectiles et de la lutte. C’était une nouveauté car les bas-reliefs assyriens, comparés à ceux des Grecs et à leurs statues, montrent combien les Sémites étaient étrangers à cette admiration du corps humain que professaient les Grecs. De plus les jeux du gymnase mettaient en présence des adolescents circoncis et d’autres qui ne l’étaient pas, les Grecs regardant la circoncision comme une atteinte à l’intégrité du corps humain. Les jeunes Juifs rougissant de cette infériorité se soumettaient à une opération chirurgicale qui dissimulait tant bien que mal la circoncision[15]. Le plus simple eût été de ne plus la pratiquer. Mais tous n’en étaient pas là. Le sentiment public s’était soulevé contre la complaisance adulatrice de Jason quand il essaya d’envoyer trois cents talents à Tyr pour des sacrifices à Héraclès. Ses messagers, plus prudents, évitèrent cette offense à Dieu en obtenant que cette somme fût employée à la construction de trirèmes. Durant cette première période la religion n’était pas directement atteinte à Jérusalem. Aussi quand Antiochus y vint, il fit son entrée à la lumière des flambeaux, et aux acclamations de toute la ville[16].

Comme il arrive à toutes les époques de révolution, le parti des idées nouvelles fut dépassé par des ambitieux, habiles à profiter des troubles pour se saisir du pouvoir. Leur seul moyen de parvenir est en pareil cas de pousser les choses à l’extrême. Jason, le grand prêtre usurpateur, commit l’imprudence de désigner, pour porter le tribut au roi, un certain Ménélas, fils de Simon, de la tribu de Benjamin. Le père, chargé de l’administration temporelle du Temple, avait trahi le secret de ses richesses et excité la convoitise des Syriens. Le fils offrit au roi Antiochus assez d’argent pour obtenir l’investiture du souverain pontificat. Il chassa Jason, s’arrangea pour faire mettre à mort Onias, le grand prêtre légitime[17], et s’aida de son frère Lysimaque pour exercer en Judée une véritable tyrannie. Les plaintes et les remontrances des Juifs eurent moins de crédit à la cour de Syrie que les vases sacrés d’or et d’argent dérobés au Temple pour satisfaire la rapacité des courtisans.

Jason, soutenu par le plus grand nombre des Juifs, et qui pouvait passer pour le grand prêtre légitime depuis le meurtre d’Onias, essaya de reprendre le pouvoir. Sur un faux bruit qu’Antiochus était mort dans une campagne contre l’Égypte, il vint assiéger Jérusalem, la prit et massacra sans pitié les partisans de Ménélas. Ses succès se bornèrent là. Ses vengeances aliénèrent tout le monde : il mourut exécré sur la terre étrangère.

Cependant Antiochus revint frustré de sa tentative contre l’Égypte[18]. Dans la guerre civile qui s’était engagée entre Jason et Ménélas, il vit une révolte ouverte des Juifs contre son autorité. Probablement les soupçonnat-il de faire cause commune avec les Ptolémées leurs anciens maîtres. Il entra à Jérusalem en vainqueur irrité, pénétra dans le Temple guidé par Ménélas, et le pilla. Ménélas demeurait en charge, mais entouré de fonctionnaires et d’officiers syriens qui traitaient les Juifs en séditieux dont on n’aurait raison que par des exécutions en masse.

C’est alors qu’Antiochus se dit qu’il ne viendrait bout de cette nation récalcitrante que par la force. L’essentiel était de tenir la capitale perpétuellement sous le joug. Il suffisait pour cela de construire une forte citadelle sur la partie haute de la cité. Ce fut l’Acra[19], qui pesa lourdement sur les tentatives d’émancipation des Juifs. Cette main de fer posée sur la nation, il crut possible de l’obliger à l’apostasie. Le second livre des Macchabées attribue cette inspiration à un vieillard d’Athènes[20]. C’est dire que la résolution du roi fut un mélange de fanatisme religieux et de raisonnement philosophique. L’œuvre se poursuivit avec emportement et cependant avec méthode. Le temple du Garizim ne fut point ménagé, puisqu’il était lui aussi consacré au Dieu d’Israël : il devint un sanctuaire de Zeus hospitalier, sans doute par ironie et pour donner une leçon au particularisme sauvage qui distingua toujours les habitants de cette contrée. Celui de Jérusalem fut dédié à Zeus olympien.

C’était une épithète nettement grecque ; le dieu était donc le souverain de l’Olympe depuis Homère,sans qu’on se soit soucié d’helléniser précisément le Baal céleste des Phéniciens de la côte[21] et des Araméens de l’intérieur, car ce Baal, originairement Hadad ou Rammân, dieu de l’orage et de la pluie, était plus exactement rendu chez les Grecs par Zeus Tonnant ou Kéraunios[22]. En fait cependant une identification s’imposait par le caractère céleste commun des deux divinités suprêmes, Zeus et Baal.

Ainsi les Juifs étaient-ils poussés par la violence à une apostasie qui leur faisait horreur. Tel dieu, tel culte. Le temple de Jérusalem fut envahi par la foule dissolue des courtisanes sacrées ; des fêtes s’y célébraient chaque mois en l’honneur de la naissance du roi, usage emprunté, semble-t-il, aux sanctuaires d’Egypte. Au lieu de porter les branchages traditionnels à la fête des Tabernacles, les Juifs étaient invités à se couronner de lierre aux fêtes de Bacchus[23]. La circoncision était interdite aux mères sous peine de mort pour elles et pour leurs enfants. Le sabbat était profané : ceux qui s’obstinaient à le respecter risquaient d’être brûlés vifs[24]. Les Juifs étaient contraints de sacrifier aux idoles et de manger de la viande de porc. Une cérémonie plus éclatante marqua comme le point culminant de tous ces sacrilèges : ce fut lorsqu’un autel destiné à honorer une idole par des sacrifices impurs fut élevé sur l’ancien autel des holocaustes. Alors ce fut bien « l’abomination de la désolation », l’abomination qui fait horreur, l’idole du Zeus grec remplaçant le Dieu d’Israël qu’aucune forme ne saurait représenter[25]. On était au 25 du mois de Casleu de l’an 145 des Séleucides, soit en décembre 168 av. J.-C.[26].

La masse se laissa d’abord entraîner. Cependant, pour la première fois, la vérité religieuse eut ses martyrs. Ce fut d’abord la résistance passive, la mort acceptée par fidélité à la loi et pour ne pas renier la vérité. Les martyrs confessent les droits de Dieu, le Créateur qui a créé le monde de rien. Ils sacrifient la vie du corps, mais ont la ferme espérance de la résurrection. Ils expriment le vœu que les tourments qu’ils endurent soient pour leur peuple le gage de la réconciliation avec Dieu, une véritable expiation : « Quant à moi, ainsi que mes frères, je livre mon corps et ma vie pour les lois de mes pères, suppliant Dieu d’être bientôt propice envers son peuple et de l’amener, par les tourments et la souffrance, à confesser qu’il est le seul Dieu. Oh ! puisse, en moi et en mes pères, s’arrêter la colère du Tout-Puissant, justement déchaînée sur toute notre race[27]. »

La campagne pour l’apostasie se poursuivit dans toute la Judée : partout on élevait des autels païens et l’on contraignait les Juifs à y sacrifier. A Modin (aujourd’hui Médieh), les derniers contreforts de la montagne de Judée en face de la mer, un homme osa résister. Il appartenait à la race d’Aaron et se nommait Mattathias. Sur un point isolé la surveillance était sans doute moins stricte. Zélé pour la loi, ce prêtre égorgea sur l’autel un Juif qui allait sacrifier, tua l’officier du roi, renversa l’autel et s’enfuit, suivi de ses cinq fils, entraînant des Juifs fidèles jusque dans le désert de Juda. Telle était la foi de quelques-uns de ces hommes, qu’attaqués par les Syriens un jour du sabbat, ils se laissèrent massacrer sans se défendre.

Mattathias n’était pas avec eux ce jour-là. Sa fidélité n’était pas suspecte : il montra cependant dès lors cet esprit mesuré qui se transforma chez ses descendants en un esprit trop politique. Sous son impulsion, on résolut de se battre même le jour que le Seigneur avait consacré au repos.

Observer la loi sans discernement, c’était l’exposer à succomber avec ses défenseurs, à moins que Dieu n’intervînt par un miracle qu’on n’avait pas le droit d’exiger de lui. Il fallait d’abord batailler, et Dieu donnerait la victoire. La loi suprême posée par le Créateur est qu’il n’opère le salut dans l’ordre moral et religieux qu’avec le concours de l’homme, et quand sa créature, docile à ses lois et à son impulsion, lui prépare en quelque sorte les voies.

Le noble effort des fils de Mattathias, de Judas tout le premier, fut couronné par une assistance miraculeuse. Des causes naturelles n’expliquent pas les succès de cette poignée d’hommes contre les armées syriennes. Mais ils se battirent vaillamment. Il semble bien que le nom des Macchabées leur vint de maqqaba, « le marteau » : Judas fut le « marteleur » des ennemis de Dieu.

Ses alliés furent des hommes pieux, venus en groupe, attirés par l’ascendant de sa personne. Le premier livre des Macchabées[28] parle de la synagogue des Assidéens[29], nom transcrit en grec de l’hébreu Ḥasidim, c’est-à-dire de la congrégation des dévots, d’un ensemble de Juifs résolus à pratiquer la loi et liés entre eux pour ce pieux dessein.

C’est le premier germe connu de ce parti qui devint fameux sous le nom des Pharisiens. Il était déjà signalé par son attachement à la loi. C’est pour sauver l’observation de la loi qu’il s’attacha à ses défenseurs, les Macchabées. Il gardait cependant l’attitude autonome d’un groupement compact. L’histoire qui suivit la victoire remportée en commun fut surtout celle de leurs démêlés avec la nouvelle dynastie des grands prêtres et leurs hommes liges, surtout dans le sacerdoce. Ainsi naquit l’hostilité entre les Pharisiens et les Sadducéens.

Nous ne nous arrêtons pas aux faits si glorieux de l’histoire militaire de Judas Macchabée[30].

Vainqueur d’Apollonios sur un site inconnu, il sut déjouer les manœuvres des Syriens. Leurs généraux, désespérant d’attaquer Jérusalem par la route du nord, où elle était défendue par un barrage de vallées profondes, essayèrent de pénétrer par la route de Béthoron qui fut plus tard la voie romaine de Joppé à Jérusalem. Séron s’y fit battre. Gorgias se porta donc directement à l’ouest, comptant gagner le pays haut par la vallée qui s’ouvre à l’actuel Bâb el-Ouâd. Mais Judas le tourna par le sud et le vainquit à Emmaüs. Lysias, vicaire d’Antiochus, venu en personne s’en tint au plan primitif, mais il ne fut pas plus heureux à Béthoron[31].

Les Juifs maîtres de la Judée résolurent alors de relever Jérusalem de ses ruines. Cependant ils ne purent s’emparer de la citadelle. Le plus pressant était de faire cesser le culte sacrilège du dieu des Grecs et de purifier le sanctuaire. L’autel profané fut démoli, un autel nouveau construit de pierres brutes selon la loi antique[32]. Quant au Temple lui-même, on se contenta de le réparer. La consécration de l’autel eut lieu le 25 Casleu 148 (déc. 165), trois ans jour pour jour après sa profanation. Cette cérémonie fut connue en hébreu sous le nom de Hanoucah, répondant au grec Encénia ou dédicace. Elle fut commémorée par une fête annuelle qui durait huit jours et vint s’ajouter aux trois grandes fêtes ordonnées par la loi de Moïse.

Dans le légitime enthousiasme de cette restauration de la religion nationale, Judas sut modérer son désir d’y faire participer tout l’ancien territoire. Plutôt que d’entreprendre une guerre de conquêtes en dehors de la Judée, il sut concentrer toutes les forces du judaïsme en ramenant près du Temple les Juifs zélés pour le culte et pour la loi. Il envoya dans ce but son frère Simon en Galilée[33], tandis que lui-même se rendait au pays de Galaad. Il lui parut cependant que la région du sud, coupée par la Judée de la Syrie, serait une proie plus facile. Il s’empara donc d’Hébron que les Iduméens avaient occupée et de Marissa[34], située plus près de la plaine, pour se couvrir contre les anciennes villes philistines d’Azot et de Gaza, alors complètement païennes.

On apprit alors la mort d’Antiochus Épiphane. Polybe a raconté comment il avait essayé de piller un temple d’Artémis dans le pays d’Élam (Elamaïtis). Déçu dans cette tentative, il se dirigea vers Tabae, en Perse, où il mourut, comme dit l’historien grec : « Sous un coup divin, comme quelques-uns disent, car il se produisit quelques signes notables de l’action divine à cause de sa tentative sacrilège contre le temple susdit[35] ».

Les historiens juifs n’ont pas hésité à relater le dernier épisode de la carrière du spoliateur des temples, ce qui est une preuve de leur loyauté, car on eût pu en déduire une vengeance des faux dieux. Mais ils n’ont pas manqué d’attribuer le châtiment à la violation sacrilège du temple de Jérusalem[36]. Il y avait d’ailleurs une ironie discrète à montrer ce partisan fanatique des dieux du paganisme étendant sa rapacité sur le temple d’une divinité que les écrivains sacrés ne daignent pas nommer[37].

On était en 164 ou plutôt en 163 av. J.-C.[38].

Antiochus avait laissé le trône à son fils Antiochus Eupator, âgé de neuf ans. Judas crut le moment favorable pour achever la délivrance en s’emparant de la citadelle qui dominait Jérusalem. Mais Lysias qui s’était fait le tuteur de cet enfant et qui connaissait bien la situation en Judée était de son côté résolu à en finir avec la révolte des Juifs fidèles. Il entraîna avec lui le jeune roi, pour ne pas se laisser supplanter par un autre. A la tête de forces nombreuses, il suivit un plan nouveau.

La guerre avait été portée par Judas contre les villes du sud et du sud-ouest ; les Syriens étaient donc assurés d’y trouver des auxiliaires : de ce côté l’accès de Jérusalem était aisé. Ce calcul se trouva juste. La poignée de héros qui entourait Judas fut écrasée sous le nombre à Beit-Zakaria, à trois heures au sud de Bethléem[39]. Lysias s’avança jusqu’à Jérusalem, où les vivres manquaient parce qu’on n’avait pas cultivé la terre durant l’année jubilaire. Mais sa situation de régent se trouva menacée par la compétition de Philippe auquel Antiochus avait confié son fils. Pressé de retourner à Antioche il offrit une paix honorable aux défenseurs de la ville, et leur promit de les laisser vivre selon leurs lois comme auparavant. Les Juifs demeuraient donc sujets des souverains de Syrie, mais la liberté religieuse qu’ils avaient conquise leur était assurée. La tentative impie et insensée d’Antiochos Épiphane avait échoué définitivement.

Malgré tout, la situation était précaire. Le roi, ou plutôt Lysias en son nom, avait traité avec les chefs de Jérusalem, mais dès le premier jour il avait manqué à son serment, en faisant détruire les murs de la ville, mise ainsi à la discrétion de la citadelle macédonienne et d’une attaque venue du dehors.

Il n’est pas dit que Judas ait souscrit à la capitulation ni qu'il ait accepté la promesse de la liberté religieuse. Il semble avoir été convaincu que la foi d’Israël ne serait assurée que par l’indépendance nationale. Sous le joug des Syriens on demeurait à la merci d’une intrigue dess juifs philhellènes, comme au temps de Jason et de Ménélas. La seule garantie de la liberté du culte était dans l’union des Juifs entre eux. Or ils étaient profondément divisés. Un grand nombre, surtout dans la haute classe et dans le sacerdoce, avait pris parti pour les usages grecs ; ils étaient même allés jusqu’à l’apostasie et avaient combattu dans les rangs des persécuteurs. Si le parti national l’emportait, ils avaient à craindre des représailles. Le moyen le plus sûr de se mettre à l’abri était de s’emparer du souverain pontificat, auquel le peuple était habitué à obéir ; même ils pourraient se servir du grand prêtre pour se débarrasser de Judas et de ses partisans. Judas n’avait pas cru devoir prendre la qualité de grand prêtre, et ce fut peut-être une faute. Les Syriens pouvaient en disposer librement.

Lysias parti en hâte pour lutter contre Philippe en avait facilement triomphé, ayant avec lui le roi, mais le souverain lui-même fut détrôné par un compétiteur, son cousin Démétrius, autrefois le véritable héritier de la couronne, et que son oncle Antiochus Épiphane avait supplanté. Démétrius s’était échappé de Rome et régnait maintenant. Les Juifs hellénisants se hâtèrent de lui proposer pour candidat au souverain sacerdoce Alkimos dont le nom grec indiquait assez les tendances, mais qu’on avait eu soin de choisir dans la race d'Aaron. Son parti se présenta comme fidèle à la monarchie syrienne. Judas seul troublait la paix : «Judas et ses frères ont fait périr tous tes amis, et nous ont expulsés de notre terre[40]. »

Démétrius se hâta de nommer Alkimos souverain pontife, et, sur sa requête assurément, le fit accompagner par Bacchidès, gouverneur de toute la région, avec mandat de venger ses partisans et de purger le pays de leurs adversaires. Le combat allait donc s’engager entre deux factions judéennes, dans des conditions défavorables pour Judas, car Démétrius maintenait la paix religieuse de Lysias. L’autel du dieu d’Israël ne fumerait que pour lui et par les soins d’un descendant d’Aaron. Les Juifs les plus fidèles, les Assidéens, jusque-là les plus fermes défenseurs de la cause de la loi, se dirent que l’investiture étrangère n’était point un empiétement sur leurs droits sacrés, mais bien un gage de tolérance et même de la faveur du roi pour leur culte. Inaugurant l’attitude des futurs chefs des Pharisiens, neutres en politique, inflexibles seulement sur l’observance de la loi, ces Assidéens accueillirent donc Alkimos comme le chef auquel les Juifs étaient habitués à obéir.

Ils furent cruellement détrompés. Alkimos fit périr soixante d’entre eux pour venger les anciennes injures. Les autres n’avaient plus de salut que dans la résistance. Judas eut bien vite fait de reconstituer le parti national et Alkimos fut réduit à retourner auprès du roi.

C’était donc de nouveau la guerre, et encore la guerre religieuse, car Nicanor, envoyé avec une armée, avait conservé les traditions de la manière fourbe et impitoyable d’Épiphane. N’ayant pas réussi à s’emparer de Judas par trahison, il menaça les prêtres de brûler le lieu saint, s’ils ne lui livraient le Macchabée et les siens. Cette brutalité ne pouvait qu’indisposer les plus conciliants. Nicanor perdit la vie dans une défaite qui demeura célèbre dans la mémoire des Juifs comme un triomphe de Dieu sur ses ennemis. Le 13 d’Adar fut « le Jour de Nicanor » [41].

Judas demeura donc pour quelque temps maître de la situation en Judée. Persuadé, nous l’avons dit, que l’indépendance religieuse ne serait garantie que par l’indépendance nationale, cet homme de guerre, véritable homme d’État, prit le parti de recourir aux Romains « pour secouer le joug qui pesait sur les Juifs » [42]. C’était peut-être aller au devant d’un autre joug. Mais les Romains étaient alors fort éloignés. Ce ne fut que longtemps après que les Juifs sentirent le poids de leurs nouvelles chaînes, longtemps très adoucies par le souvenir de l’empressement des Juifs à se mettre aux côtés de Rome dans sa lente pénétration en Asie. L’empire n’oublia jamais ce premier geste, et accorda toujours à ses anciens alliés, même après leurs séditions, un statut privilégié respectueux de leur culte et de leur législation.

Le sénat exerçait déjà sur la Syrie non point une tutelle, ce qui supposerait de la bienveillance, mais une surveillance étroite et hostile. Habitué à traiter avec des rois ou avec des compétiteurs à la couronne dont les dissensions lui frayaient le chemin, il fit bon accueil à cette étrange proposition d’un chef de parti. Mais s’il l’accepta à tout hasard, il ne se crut pas sans doute obligé à agir, ni surtout à agir vite.

Démétrius le prévint. Bacchidès reparut de nouveau en Judée, et se montra une fois de plus un chef expérimenté. Il s’appliqua sans doute à détacher de Judas les Juifs sensibles aux promesses de liberté religieuse. L’ancienne ardeur était tombée. De trois mille hommes sur lesquels comptait Judas, il ne s’en trouva que huit cents auprès de lui avant la bataille : encore l’engagèrent-ils à refuser le combat. Le héros sentit son cœur se briser, comme s’il désespérait de son peuple. Il ne lui restait plus qu’à mourir en brave. Son dernier élan enfonça la droite de l’ennemi, mais il fut tourné. Il tomba et ses compagnons prirent la fuite.

Les anciennes annales d’Israël ne contenaient rien de plus glorieux. Tout Israël le pleura : « Comment est-il tombé, le héros, celui qui sauvait Israël[43] ! »

  1. Notre principale source sur la lutte entre le Judaïsme et l’Hellénisme est l’histoire contenue dans les deux livres canoniques des Macchabées. Le premier va de la tentative d’Antiochus Épiphane à la mort de Simon. Il a purement l’allure d’un livre historique, quoiqu’il ne soit pas détaché de l’issue de la lutte et qu’il voie dans les faits l’action de Dieu. Il a très bien compris que l’enjeu était la religion elle-même, et que la victoire de la religion des Juifs avait été acquise, pour Dieu et par Dieu, grâce à Mattathias et à ses fils, secondés par la partie saine du peuple juif. La joie qu’il a du triomphe de la Loi se colore de reconnaissance envers la dynastie Asmonéenne. Ce patriote zélé n’entrevoit aucune raison de dissocier dans l’avenir les deux éléments du salut dans le passé ; l’obéissance à la Loi et la fidélité aux nouveaux chefs que la nation s’est donnés après qu’elle a été sauvée par leur initiative. Il écrit donc avant le temps où la rupture d’Hyrcan avec les Pharisiens donna naissance à deux factions, l’une attachée exclusivement aux intérêts religieux, qu’elle croyait incompatibles avec l’exercice du souverain pontificat par les chefs temporels, l’autre attachée à un ordre de choses qui avait fait ses preuves.

    Il semble avoir été interrompu par la mort, car le dernier verset (xvi, 22) consacré à Jean, n’est point le terme régulier d’une histoire bien écrite. Personne ne s’est cru autorisé à la continuer, et l’éditeur s’est contenté de renvoyer, pour les faits relatifs à Jean, aux Annales de sa souveraine sacrificature, à partir du jour où il devint grand prêtre.

    Le caractère historique du livre apparaît surtout clairement par son soin de dater les principaux événements. Il le fait d’après l’ère des Séleucides. On discute depuis longtemps, et aujourd’hui avec la même conviction de part et d’autre, si I Macch. s’en tient à la date officielle syrienne, vers le 1er oct. 312 av. J.-C., ou s’il part du printemps précédent (Nisan 312), ou encore s’il part du printemps 311. Cette dernière opinion est peu soutenue et peu fondée. L’ère officielle est suggérée par la coïncidence avec les dates de l’histoire, le printemps 312 par la coïncidence avec les années sabbatiques et le fait incontestable que pour l’auteur lui-même l’année commençait au mois de Nisan (mars-avril). Connaissant aujourd’hui la ponctualité des Juifs à dater du fond de l’Égypte, à Assouan, d’après les années des rois de Perse, il nous paraît impossible d’admettre que l’historien juif se soit écarté du comput officiel (à supposer même qu’en Babylonie l’ère des Séleucides ait commencé au printemps de 312).

    Il n’était pas tellement étrange d’employer simultanément cette ère d’automne à automne et une année commençant au printemps. Dans les pays musulmans les chrétiens suivaient et suivent encore leur calendrier julien ou grégorien, et sont cependant soumis à l’année lunaire musulmane pour les actes officiels, comme le paiement de l’impôt, etc.

    Quant aux années sabbatiques, il est difficile de les fixer et plus encore de marquer le moment où la pénurie qu’elles occasionnaient cessait de se faire sentir.
    Ce qui est essentiel pour nous c’est que le Ier livre des Macchabées, sans parler de la véracité garantie par son caractère sacré, est regardé comme un excellent livre d’histoire par l’immense majorité des critiques (sauf surtout Niese).
    Le IIe livre n’a pas la même physionomie. Il a compris lui aussi le caractère de la lutte entre

    le judaïsme et l’hellénisme, mais il a insisté davantage sur des éléments psychologiques plus complexes, les rivalités entre les partis et les personnes chez les Juifs, la rapacité des princes syriens, et surtout il a plus clairement indiqué la leçon qui se dégageait des faits, les raisons du châtiment divin dans les fautes commises, du salut des Juifs dans l’héroïsme des martyrs. L’histoire est moins politique, plus religieuse : elle a pu omettre le coup décisif de Mattathias, et laisser entrevoir une autre récompense que le salut du peuple dans la résurrection des individus. L’auteur s’intéresse spécialement au Temple, et à la légitimité du sacerdoce. Comme il se donne expressément pour l’abrégé en un livre des cinq livres de Jason de Cyrène (ii, 24), on

    se demande dans quelle mesure il s’est attaché au plan, au but, au contenu du livre de Jason. Récemment M. Momigliano a soutenu que Jason avait eu pour but d’accréditer partout la fête de Nicanor (xv, 36 s.), tandis que II Mach., sans effacer ce trait, avait poursuivi l’établissement, surtout en Egypte, de la fête de la Dédicace, et en général s’était proposé de ruiner l’attachement des Juifs égyptiens au temple de Léontopolis au profit du Temple de Jérusalem.

    L’attachement exclusif au Temple de Jérusalem est indiscutable. Mais sur la composition et la limitation du livre, il n’y a qu’à s’en rapporter à l’auteur lui-même. Il a regardé la défaite de Nicanor comme décisive, et c’est pour cela qu’il n’est pas allé plus loin (xv, 38) : « Ainsi se passèrent les choses concernant Nicanor, et comme à partir de ce temps, la ville demeura en possession des Hébreux, moi aussi je finirai là mon récit ».

    Jason n’allait pas plus loin, puisque ce sont ses cinq livres que l’abréviateur a réduits à un, et c’est sûrement parce qu’il s’en tenait à son texte que II Macch. a pu dire que depuis l’échec de Nicanor Jérusalem est demeurée en possession des Hébreux. On peut donc estimer que Jason a écrit avant I Macch., sans qu’il ait exercé aucune influence sur ce livre.

    Ainsi, tandis que I Macch. s’étend sur une époque de 40 années de 175 à 135 av. J.-C., II Macch. n’embrasse que 15 ans, de 175 à 161. Il n’en est pas moins précieux pour les renseignements particuliers qu’il contient, surtout sur la pénétration de l’hellénisme. Il semble s’être attaché lui aussi à l’ère officielle des Séleucides (automne de 312).

    Depuis longtemps on s’est acharné contre le caractère historique de II Macch., à cause de son caractère de panégyrique religieux, et en affectant même de s’appuyer sur I Macch.

    Mais on peut écrire un panégyrique qui ne s’écarte en rien de la vérité. Ainsi l’oraison funèbre du grand Condé par Bossuet, qui ne contredit aucun trait des histoires proprement dites. Il peut résulter du genre littéraire et du but de l’auteur que certains faits soient passés sous silence et d’autres placés dans un ordre différent. Le fait de l’inspiration et la véracité des livres inspirés n’oblige pas à chercher un accord chronologique plus strict entre I et II Macch. qu’entre deux évangiles. En pareil cas, la critique donnera la préférence pour l’ordre des faits à l’auteur qui a manifesté le plus l’intention de s’y conformer. La principale divergence est, comme on sait, dans l’ordre de la mort d’Antiochus, après la dédicace, d’après I Macch. (iv, 36-61), et placée avant dans le contexte actuel de II Macch. (x, 1-9), contexte artificiel, puisqu’on peut déduire du livre lui-même qu’elle a été postérieure (viii, 98).

    De même le silence de II Macch. sur Mattathias n’est pas une négation du rôle éminent de ce personnage, tel qu’il est décrit dans I Macch.

    Quant au rouleau d’Antiochus (Megillath Antiochos) c’est simplement un échantillon du sans-gêne avec lequel les Rabbins ont écrit l’histoire, même en vue d’une récitation liturgique. — Parmi les derniers travaux relatifs aux deux livres des Macchabées, nous signalerons Pauly-Wissowa, Macchabäerbücher, I et II par Bickermann, 1928. — Arnaldo Momigliano, Prime linee di storia della tradizione maccabaica, Roma, 1930 ; cf. RB., 1931, p. 116 ss. — Hugo Bévenot, Die beiden Makkabäerbücher, Bonn, 1931.

  2. La Palestine dans les papyrus ptolémalques de Gerza, par le P. Vincent dans la RB. 1920 ; p. 161-202 ; cf. 1923, p. 409 ss. ; 1924, p. 566 ss. ; 1927, p. 145 ss. ; 475 s.
  3. Voir dans Schürer, ii, 94-222, l’admirable catalogue des villes hellénistiques.
  4. I Rois, ix, 15-17.
  5. D’après Eusèbe, Chron., éd. Schoene, ii, 114. Alexandre châtia sévèrement ceux des Samaritains qui avaient brûlé vif son légat Andromaque (Quinte Curce, iv, 9). Le plus sûr moyen de les réduire était d’y installer les Macédoniens. Rien dans la suite ne confirme ce qui ne fut sans doute qu’un pieux rêve du Pseudo-Hécatée (Jos. c. Apion, ii, 4) qu’Alexandre avait donné aux Juifs la Samarie exempte de tribut. C’est seulement Démétrius II qui détacha de la Samarie trois districts éloignés de la capitale pour les joindre à la Judée.
  6. Painted tombs in the Necropolis of Marissa (Mareshah), by John P. Peters… and Hermann Thiersch… 1905. — Dans Dittenberger, Orientis graeci, Ins. n° 593 on lit « Exscripserunt Bliss et Macalister, quorum exemplum editum est Comptes rendus de l’Acad. des Inscr. 1902, p. 500. » — Les deux savants cités sont demeurés complètement étrangers à cette découverte. Nous reviendrons sur ce curieux monument ; cf. p. 104, n. 1.
  7. II Macch., iv, 11.
  8. Comme le conjecture Schürer, Geschichte…, I, p. 189 s.
  9. « Ce prince parut alors avec tous les caractères que Daniel avait marqués : ambitieux, avare, artificieux, cruel, insolent, impie, insensé, enflé de ses victoires, et puis, irrité de ses pertes » (Bossuet, Discours, II, xiv). Bossuet a donc parfaitement compris que Daniel faisait allusion à Antiochus Épiphane : « Daniel… vit par ordre, à diverses fois, et sous des figures différentes, quatre monarchies sous lesquelles devaient vivre les Israélites. Il les marque par leurs caractères propres. On voit passer comme un torrent l’empire d’un roi des Grecs : c’était celui d’Alexandre. Par sa chute on voit établir un autre empire moindre que le sien, et affaibli par ses divisions : c’est celui de ses successeurs », qui est donc le quatrième. On voit enfin : « l’orgueil et les autres marques qui désignent Antiochus l'Illustre, implacable ennemi du peuple de Dieu ; la brièveté de son règne et la prompte punition de ses excès. On voit naître enfin sur la fin, et comme dans le sein de ces monarchies, le règne du Fils de l’homme » (Discours, II, ix). On voit tout cela dans les chapitres ii, vii, viii, xi. Bossuet donne une autre explication du ch. ix, mais Daniel y traite manifestement le même sujet (Voir RB., 1930, p. 179-198). Le même Bossuet dit de Zacharie : « Les persécutions des rois de Syrie, et les guerres qu’ils font à Juda, lui sont découvertes dans toute leur suite (Disc., III, x).
  10. Polybe, xxvi, 10.
  11. Hist., v, 8.
  12. Geschichte, I, p. 190.
  13. II Macch., iv, 7-22 ; I Macch., i, 12.
  14. II Macch., iv, 9 : Ἀντιοχεῖς ἀναγράψαι, qui d’après Dessau (Op. l., II, 2 p. 739 note) n’a rien à faire avec un véritable droit de cité à Antioche.
  15. ἐπισπασμός, 1 Macch., i, 16. S. Jérôme n’admettait pas la réussite du résultat escompté ; c’était toujours une marque de l’intention de s’assimiler aux Grecs.
  16. II Mach., iv, 22.
  17. II Macch., ii, 32 ss. Ce récit est d’autant moins suspect qu’on y voit Onias usant d’un droit d'asile païen à Daphné, d’où la ruse d’Andronique, son meurtrier, le fit sortir. — Wellhausen, suivi par Momigliano (op. l. p. 39), a décrété très arbitrairement que II Macch. avait remplacé par Onias un fils de Séleucus, assassiné par Andronicos pour plaire au roi qui se disculpa en faisant périr son complice (Diodore, xxx, 7, 2 et Jean d’Antioche FHG iv, p. 558). Cet autre trait ajoute plutôt à la vraisemblance du meurtre d’Onias. L’auteur de II Macch. a seulement souligné la douleur d’Antiochus qui n’avait pas intérêt à ce crime.
  18. Popilius Laenas venait d’interdire insolemment au roi Antiochus d’entrer en Egypte.
  19. I Macch., i, 35. Sur le site si controversé de l’Acra, on sera informé dans Jérusalem, par la dissertation rigoureuse du P. Vincent qui la place sur la colline à l’ouest du Temple.
  20. II Macch., vi, 1 ss. Le latin lit « vieillard d’Antioche », ce qui est préféré par Motzo, Momigliano, etc., mais semble être une correction banale, le roi étant censé recourir à un de ses sujets. En bon helléniste il s’est piqué de remonter au pur hellénisme : pour lui (comme pour Julien) c’était celui d’Athènes.
  21. Encore récemment l’inscription trouvée en 1929 à Byblos (auj. Djébeil cf. RB., 1930, p. 321 ss.) et les tablettes de Râs Shamra.
  22. Études sur les relig. sém., 2e éd., p. 508, dans une inscription trouvée au delà du Jourdain dans la Décapole.
  23. Sur Dionysos-Bacchos « le dieu de l’impérialisme asiatique, le Dionysos du IVe livre de Diodore, la réplique mythique des grands conquérants orientaux, le type d’Alexandre », voir H. Jeanmaire, Le messianisme de Virgile, p. 17-21.
  24. II Macch., vi, 1-11.
  25. La piété subtile des scribes transforma pour le déshonorer Baal Chamaïm en Chiqqoutz Chomem, par un jeu de mots ; voir RB., 1930. p. 188.
  26. Macch., i, 54 ; vi, 7 ; cf. Dan., ix, 27 ; xi, 31 ; xii, 11.
  27. II Macch., vii, 37 s.
  28. I Macch., ii, 42.
  29. D’après le ms. A.
  30. Toutes les campagnes des Macchabées ont été étudiées soigneusement sur le terrain et racontées sous un jour nouveau dans les articles du R. P. Abel : Topographie des campagnes macchabéennes, dans la RB. 1923, p. 495-521 ; 1924, p. 201-217 ; 371-387 ; 1925, p. 194-216 ; 1926, p. 206-222 ; 510-533.
  31. C’est la leçon de la Vg. et de Josèphe ; le grec dit Bethsour.
  32. Ex., xx, 25.
  33. I Macch., v, 15.
  34. Josèphe et l’ancienne latine, et non Samarie du texte grec (I Macch. v, 65 s.). La citadelle macédonienne de Marissa était à trois quarts d’heure au S. du village actuel de Beit-Djibrin.
  35. Polyb. xxxi, [11] 9 (Exc. de virtut. et vitiis p. 145 Val. ; pars II, p. 186, § 103 A. G. Roos)… ἀναχωρῶν ἐν Τάβαις τῆς Πέρσιδος ἐξέλιπε τὸν βίον, δαιμονήσας, ὡς ἔνιοί φασι, διὰ τὸ γενέσθαι τινὰς ἐπισημασίας τοῦ δαιμονίου κατὰ τὴν περὶ τὸ προειρημένον ἱερὸν παρανομίαν. Valois a traduit : insania, ut quidam aiunt, correptus ob quaedam signa atque ostenta, quae ob violatam religionem templi ab infenso numine edita erant. Je n’ose à cette époque et chez un païen entendre τὸ δαιμόνιον d’un mauvais esprit, auquel cas il faudrait entendre δαιμονήσας « possédé d’un mauvais esprit ». Il semble que la divinité qui s’est vengée fut celle qui avait été attaquée, et qui n’était pas un mauvais esprit dans la pensée de Polybe.
  36. I Macch. vi, 1-16 et II Macch. ix, 1-29. — Josèphe manifeste une préoccupation identique et a même noté qu’il s’éloignait de Polybe dans l’interprétation du fait (Ant., XII, ix, 1).
  37. M. Bouché-Leclerq (Histoire des Séleucides, 223 s. ; 297 s. ; 300-305) accuse les auteurs juifs d’avoir égaré l’opinion des historiens en attribuant à Antiochus Épiphane ce qui aurait été le fait d’Antiochus III. Ce paradoxe a été réfuté de main d’ouvrier par M. Maurice Holleaux : La mort d’Antiochus IV Epiphanès, dans la Revue des études anciennes, XVII (1916), p. 77 ss. — M. Holleaux attribue à tort à I Macch. d’avoir fait de l’Élymaïs une ville et d’avoir fait mourir Antiochus à Babylone. Cette double erreur est tout au plus le fait de Josèphe et, pour le premier point, de la Vulgate latine.
  38. L’opinion courante dit 164. M. Holleaux juge probable l’opinion de W. Egg qui se prononce pour août-sept. 163.
  39. I Macch. vi, 32-47.
  40. I Macch., vi, 6.
  41. Février 161 av. J.-C.
  42. τοῦ ἆραι τὸν ζυγὸν ἀπ’ αὐτῶν (I Macch., viii, 18).
  43. I Macch., ix, 21. Nous renvoyons de nouveau aux beaux articles du P. Abel. La dernière bataille de Judas eut lieu entre le Khirbet el-‘Aššy au sud-ouest d’el-Bireh et el-Aṣour au nord-est (R.B., 1924, p.380 ss.).