Le Journal d’une Reine

Le Journal d’une Reine
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 76 (p. --25).
LE
JOURNAL D’UNE REINE

« Pollion lui-même fait des vers, » dit le poète latin. Ce n’est donc pas chose nouvelle que les princes ou les consuls veuillent être écrivains. Cependant le monde ne vit jamais autant de souverains qu’aujourd’hui essayer du métier d’auteur, et il est permis de penser qu’un jour les arrière-neveux compteront parmi les traits caractéristiques de notre temps le grand nombre des livres princiers et ce qu’on pourrait appeler la littérature des monarques. La collection des œuvres de Frédéric le Grand remplit au moins une vingtaine de volumes ; mais Frédéric n’était que prince royal quand il composa ceux de ses livres qui méritent quelque souvenir. Soit que la fonction de gouverner les hommes parût trop haute pour y mêler d’autres soins, soit que la distance entre les rois et les sujets fût mesurée d’un œil plus jaloux, la royauté autrefois s’interdisait le passe-temps d’écrire. Les mêmes précautions ne lui semblent plus nécessaires ; elle se jette volontiers dans la mêlée des discussions littéraires ; sa grandeur ne l’attache plus au rivage.

De cette tendance vraiment nouvelle, il résulte pour la critique une situation qui ne l’est pas moins. Sans doute le respect peut lui conseiller le silence ; elle n’a qu’à laisser le champ libre aux conversations qui, pour n’être pas imprimées, n’en forment pas moins le jugement public. C’est Là un tribunal qui ne se déclare jamais incompétent, tribunal toujours malicieux en ces circonstances et qui n’admet pas l’adage Cæsar supra grammaticam ; mais l’écrivain ne trouve pas ordinairement son compte dans le silence de la critique, et c’est un des cas où trop de respect plaît moins qu’un peu d’audace. Pourquoi, dit-on, ne pas s’en tenir au droit commun, et ne pas traiter suivant les lois de la république des lettres les personnes royales qui daignent y postuler le titre de citoyen, c’est-à-dire sur le pied d’égalité? La chose n’est pas si simple qu’elle le paraît, et l’immense disproportion des rangs ne souffre pas une égalité même toute littéraire. Qu’y a-t-il en effet de commun entre la position d’un auteur qui n’est pas autre chose et celle d’un écrivain couronné? La critique a le devoir de leur demander qu’ils atteignent l’un de ces deux buts, instruire ou amuser. Amuser! nul n’est plus digne de notre admiration, disons mieux, de notre reconnaissance qu’un Cervantes ou qu’un Lesage qui fait jaillir la source du rire et la répand à flots intarissables; mais un prince, quand même il en eût été capable, n’aurait jamais eu l’idée d’écrire Don Quichotte ou Gil Blas, c’est un danger qui n’a jamais existé. La majesté royale ne s’oublie point assez elle-même, et elle a raison, pour descendre jusqu’à faire rire ses sujets. Un but plus digne d’elle serait celui d’instruire, s’il était possible de le lui imposer. Un simple particulier prend la parole ou la plume pour faire partager à d’autres son opinion, et cela s’appelle instruire; quand un prince a fait connaître la sienne, il semble qu’il n’ait rien de plus à demander à la plume ou à la parole. Il écrit, il parle, non pour persuader, mais pour agir. Le citoyen qui publie un livre enseigne, en d’autres termes il communique ses pensées à d’autres qui les mettront en action. La puissance royale ne peut avoir ce désintéressement : elle est, comme les dieux, obligée de s’aimer. Voilà donc une première et grande différence, celle du but, qui est entièrement dissemblable.

La critique a le devoir de s’enquérir des motifs de l’auteur. « Sonate, que me veux-tu? » disait Diderot. C’est la question qui est posée naturellement à tout livre qui se produit dans le monde. Je suis l’industrie, le gagne-pain d’un honnête homme, dit-il souvent, trop souvent, hélas! C’est alors un compte à régler entre le livre et l’acheteur, et la question se réduit à savoir si le dernier reçoit de l’instruction ou du plaisir pour son argent. Bien que cette réponse ne soit pas celle qui prépare l’accueil le plus favorable, elle apporte avec elle son excuse et désarme quelquefois la sévérité. Voilà une source d’indulgence qui ne peut exister pour les grands de ce monde. Plus ordinairement le livre est fier comme ce serviteur dévoué qui cachait la pénurie de son maître, et il dit : « Je suis l’athlète d’Olympie, je viens disputer les suffrages qui donnent la gloire, je veux me rendre illustre parmi les hommes et, s’il se peut, dans la postérité. » Gardons-nous de croire que cet aveu plus noble soit assuré d’un meilleur accueil! Les hommes au premier abord n’aiment pas qu’un de leurs pareils sorte de la foule, annonçant l’intention de s’élever au-dessus d’eux; mais enfin cette ambition est sincère, et, pourvu que le livre sorte vainqueur de l’épreuve qu’il a provoquée, la gloire ne lui est pas marchandée. En est-il de même du livre portant signature royale? Que demande-t-il? que veut-il? Est-ce de l’éclat, de la célébrité? Ce serait, suivant l’expression du poète, apporter du bois dans la forêt ou, comme disent les Anglais, du charbon dans Newcastle. A moins d’être Salomon lui-même, qui s’adressait à tous les siècles, un roi n’écrit pas pour la postérité; il estime que c’est bien assez de parler à son temps et à son pays. Cette considération est concluante et montre clairement qu’un prince est un homme d’action, que ses livres sont des actes, et que tout entre ses mains, même une plume, est un instrument de règne. Devant de tels écrivains, la critique recule ou elle change de nature.

Enfin la critique a le devoir de louer ou de blâmer avec impartialité. Ce devoir est si malaisé à remplir envers de simples particuliers qu’elle est obligée d’appeler à son secours tout l’art des nuances et des sous-entendus pour se tirer avec honneur de l’examen des œuvres contemporaines. Après la quadrature du cercle et le mouvement perpétuel, le problème le plus difficile est celui de connaître du monde et d’exercer en même temps la fonction de critique avec indépendance. De notre temps, un juge éminent des œuvres littéraires n’a peut-être dû qu’à son isolement absolu l’inflexible liberté de plume qui a fait sa grande originalité. Que sera-ce donc quand il s’agira de personnes royales? Louez avec bonhomie, sans tenir compte d’un public frondeur, vous n’êtes qu’un courtisan; louez avec précaution et de manière à ne pas déplaire à la galerie, vous voulez excuser vos louanges, vous prenez la voie la plus sûre pour blesser; critiquez librement, vous répondez mal à la gracieuseté qui comble les distances et efface la différence des rangs dans la pratique de l’égalité intellectuelle.

Est-ce à dire que la souveraineté ne peut s’accorder avec le travail littéraire, et que les constitutions permettront à tous les citoyens d’écrire leurs pensées excepté aux monarques? En aucune façon, la liberté sur le trône apporte avec elle et suppose une mesure de liberté correspondante parmi les sujets. Ce que nous voulons établir à l’occasion d’une œuvre signée d’un nom royal, c’est qu’en présence de tels livres la situation de la critique n’est plus la même, et qu’elle est d’autant plus changée que l’œuvre tient davantage de l’acte politique. En appliquant ces réflexions au dernier volume de la reine Victoria[1], nous sommes forcé de reconnaître qu’il est aussi étranger à la politique et à la royauté que peut l’être un écrit sorti d’une main habituée à signer des décrets souverains; l’ouvrage est si complètement dépouillé de toute prétention, qu’il pousse la simplicité jusqu’à une sorte de prosaïsme volontaire. Nulle obligation de louer un livre duquel on pourrait dire, s’il n’avait pas été destiné à demeurer dans le secret, qu’il a été écrit en vue d’échapper à toute louange. Il peut plaire et même instruire; il plaira, malgré l’abandon de la forme, parce qu’il n’est jamais indifférent à notre curiosité d’être initiée au détail de la vie privée de personnages aussi haut placés. Il plaira, parce que la curiosité n’a pas un instant à craindre d’être prise pour dupe. Il instruira même, comme pourrait le faire toute peinture sincère d’une existence humaine; il sera l’enseignement du foyer domestique et l’exemple d’une vie heureuse rencontré dans le palais d’une reine. « Puissent les enfans de nos enfans, disait Tennyson, répéter un jour : Sa cour était pure, sa vie sereine; Dieu lui donna la paix, son pays eut le repos! Mille droits au respect étaient réunis en elle, comme mère, comme femme et comme reine[2]. »

Plaire, instruire, sans même y avoir songé, que peut-on demander de plus? Nous avons parlé des motifs qui déterminent toute publication. On pourrait dire que la royauté anglaise, étant à l’abri de toute responsabilité, peut jouir de certains droits du simple citoyen, par exemple de publier un livre sans que les sujets y cherchent des intentions personnelles ou des applications politiques. Une reine de la Grande-Bretagne peut aimer, par exemple, le séjour des montagnes d’Ecosse et le dire, elle peut admirer et décrire à cœur-joie l’enthousiasme de ses bons highlanders et le zèle ingénument monarchique de leurs femmes et de leurs mères, sans donner lieu de soupçonner des préférences intéressées, des calculs secrets. Napoléon Ier exprimait trop énergiquement son mépris pour la position d’un roi constitutionnel d’Angleterre; il ne mettait pas en ligne de compte cette condition dont on peut vivement sentir l’absence même sur le trône, la possibilité d’être heureux. Le bonheur, voilà ce qui respire, voilà ce qui déborde, non en pages éloquentes, mais en preuves irrécusables, dans le journal de la reine Victoria. Ce bonheur a été suivi de bien des larmes et d’un deuil qui ne finira pas; mais qu’importent les larmes? N’est-ce pas le prix dont se paient les plus profondes jouissances de l’âme? Il faut bien le dire, le bonheur humain se mesure à l’étendue de la douleur qu’il laisse après lui. L’auteur de ces pages si simples et si dénuées de tout art a ressenti l’un et l’autre aussi fortement que la plus obscure des femmes qui vivent dans son empire. Pourquoi chercher plus loin les motifs qui nous ont valu cette publication? Ne semble-t-il pas naturel que cette leçon d’une vie saine et pure, cette expérience d’un bonheur si réel et pourtant si terre-à-terre, ne soient pas perdues? N’est-il pas touchant que la première des épouses et des mères en ce pays dise aux autres mères et épouses : Voilà comment de mon devoir je me suis fait une félicité!

Cependant on n’est pas reine impunément, et même reine constitutionnelle des trois royaumes unis. Ce livre a donc pu éveiller la curiosité, soulever les questions qui se pressent en foule autour de ce qui sort des demeures princières. On a supposé peut-être, comme on le fait souvent chez nos voisins, que le conseil de cette publication a été donné en vue de l’intérêt de tel ou tel parti; pour contrecarrer cet intérêt, on s’est plaint sans doute de voir l’intérieur de la souveraine absolument dévoilé aux yeux du public, les familiarités du foyer et jusqu’aux petits noms de tendresse des enfans royaux parvenant à la connaissance de tous et fournissant matière à des plaisanteries contraires au respect. On a pu dire avec plus de raison que ces feuilles avaient été choisies et détachées du journal de la reine afin de rendre plus présente à ses fidèles sujets celle qu’une douleur obstinée attachait invinciblement à sa solitude, et de rafraîchir dans la mémoire de la nation la figure de sa reine d’autrefois, si rayonnante et si heureuse. De ces commentaires de salon, quelque chose a passé çà et là dans la presse. Le champ des suppositions est large en tout pays; mais les sujets de la reine Victoria, bien que jouissant d’une liberté absolue de tout dire, et peut-être pour cela même, forment une nation, jusqu’ici du moins, fort discrète. Libre à tous d’attribuer des raisons d’état à un livre qui ne parle que d’excursions et de villégiature; le plus simple est de s’en rapporter à la préface de l’éditeur, M. Arthur Helps, écrivain estimé, secrétaire du conseil privé, qui nous avertit que ce journal quotidien écrit par la reine et pour elle-même, destiné ensuite à être communiqué à ses parens et à son entourage intime, a été imprimé pour que cette marque d’affectueuse confidence fût étendue à tout son peuple. Nous aussi, nous en désirons faire notre profit, et, puisqu’il est naturel que ces lignes communiquent au lecteur quelque chose de l’impression même du livre qui les a inspirées, nous exprimerons ici quelques pensées au courant de la plume, sans suivre un ordre beaucoup plus rigoureux que celui de l’auteur : nous voyagerons en quelque sorte à travers ce carnet de voyage.

Rien d’abord de plus anglais que ce volume si peu littéraire : c’est un journal, un aide-mémoire, une série de notes de ce qui est arrivé, de ce qu’on a vu et fait à certains jours particuliers, ceux dont on veut conserver la mémoire pour soi ou pour ses amis. Ce genre d’écrits mérite bien quelques réflexions particulières. Nous imaginons à grand’peine le plaisir que nos voisins trouvent dans cette lecture; il nous faut un effort de réflexion pour concevoir l’intérêt qu’ils prennent à tous ces menus faits qui remplissent la journée d’une personne ordinaire. Nous autres, peuples de race latine, nous nous étonnons qu’une si grande valeur soit attachée à la vie privée. Parlez-nous de ce qui se passe sur la place publique, de ce qui se dit dans les sociétés, de ce qui est arrivé dans le monde, à la bonne heure ! voilà qui mérite de nous occuper. Dans le temps même où la vie politique était inconnue à la nation, nous n’avions de curiosité que pour le dehors, pour les relations sociales. L’intérieur d’une maison nous paraît indigne de notre attention. Ce n’est pas que le secret du voisin nous trouve plus indifférens que les autres hommes, mais qui prend souci d’un tel secret, s’il n’offre pas d’aliment à la malice? Nous avons toute une littérature de mémoires, une véritable série de chefs-d’œuvre : la vie privée n’y est pas absente, mais à la condition d’être choisie, triée et assaisonnée par le talent. Où sont chez nous les mémoires copieux, infinis, inépuisables de détails, comme les entendent les Anglais? Nous avons des correspondances qui sont des trésors littéraires et que toute l’Europe nous envie; mais Mme de Sévigné, écrivant à son cousin au sujet de son valet Picard, ou parlant à sa fille de ses confitures, ne fait-elle pas un choix parmi ses plus agréables caprices? Où sont parmi nous les lettres interminables, écrites en long et en large, dans lesquelles une amie fait part à son amie de l’emploi de ses journées sans la priver du moindre détail, et surtout sans douter qu’elle ne soit lue jusqu’à la dernière ligne avec le plus profond intérêt? Le journal, le diary, comme les biographies, comme les lettres sans prétention, tient à l’importance extrême attachée à la vie privée chez nos voisins. Une autre cause explique la pratique fort répandue du journal, le goût des informations précises, du détail exact, qui est un des caractères de la nation anglaise. Je ne sais si le talent littéraire, dans un journal de ce genre, ne compterait point parmi les inconvéniens; plus l’esprit qu’il trouve dans Horace Walpole et lord Byron amuse un véritable Anglais, plus j’imagine qu’il le met en défiance. C’est la sincérité absolue qui fait le mérite de cette sorte d’ouvrages, et, pour qu’ils soient appréciés, il faut qu’on y sente toute l’exactitude que le négociant de la Cité met dans son registre, ou l’officier de marine dans son livre]de quart. Ce n’est pas tout : les femmes ont une aptitude particulière pour ce genre d’occupation, il ne faut pas dire de littérature. Les femmes vivent dans le présent, elles s’inquiètent moins que les hommes de l’avenir et nullement du passé : aussi est-ce pour elles un vif plaisir, une passion véritable, de lire et d’écrire de ces journaux. Chose singulière, par leur position dans la société, ce sont elles qui font et qui voient le moins de choses mémorables, et cependant ce sont elles qui tiennent le plus à conserver par écrit la mémoire de ce qu’elles font et de ce qu’elles voient. Qui sait, après tout, si elles n’ont pas raison? Qui sait si le fait le plus obscur dans la vie la plus cachée n’est pas aussi digne d’occuper la pensée que les entreprises des rois et les révolutions des peuples?

Quoi qu’il en soit, ce que les femmes mettent dans leur journal est sans doute ce qui leur paraît avoir le plus de prix dans leur existence, et ce qui remplit les pages que nous parcourons ici est certainement aux yeux de celle qui les a tracées la meilleure partie de sa vie. Des promenades, des voyages, des séjours prolongés en Écosse, voilà tout le livre des Feuilles du Journal de notre vie dans les montagnes d’Écosse (Leaves from the Journal of our life in the Highlands). Ce qui a été ajouté pour grossir le volume, voyages en Angleterre, en Irlande, excursions sur mer, ne se rapporte pas à la pensée qui sert de fil à ces pages fugitives, car il y a une idée touchante qui respire à travers tous ces débris, une idée connue de tous, une douleur, un souvenir toujours vivant dans ce journal, comme dans les pétales décolorés d’une fleur autrefois donnée l’image d’une personne qui n’est plus. Toutefois la mémoire d’un mort, quelque cher qu’il soit, ne parle pas seule dans ces feuilles; elle est évoquée avec les lieux mêmes où rien ne venait s’interposer dans la vie à deux, dans une félicité d’autant plus complète qu’elle durait seulement quelques semaines. L’unité imprévue, l’âme de ces fragmens n’est pas tant l’idée de la mort que celle du bonheur perdu, cette chose douce et fatale, sans réparation et sans ressource, si ce n’est celle d’en parler quand il a disparu.

Le journal de la reine Victoria offre une progression intéressante. Il commence par des voyages qu’elle faisait en Écosse quand elle quittait les résidences anglaises de Windsor et d’Osborne; il continue par le récit de ses excursions d’un jour autour de Balmoral, quand ses préférences se sont fixées sur cette demeure romantique et solitaire; il se termine par la relation de courses plus lointaines, d’échappées de plusieurs jours dont son cher Balmoral reste le centre. Ainsi la vie intime, le bonheur rapide et furtif, se partagent comme en trois périodes. L’histoire d’un ménage obscur et bourgeois ne serait pas autre que celle de cette souveraine et du prince qu’on lui a donné pour époux. D’abord l’intimité se suffisant à elle-même dans le nid qu’une mère a préparé, puis les promenades pour se dérober au monde, puis encore une résidence nouvelle qu’on s’est choisie, qu’on a bâtie soi-même, enfin les promenades devenues des voyages et le plaisir de voir du pays ajouté à celui de vivre ensemble, n’est-ce pas la condition commune de tous ceux à qui a été accordée une fortune moyenne, et qui ont su s’en contenter? Après deux années de vie officielle et de loisir calme et reposé dans les résidences où ont passé tour à tour les dynasties d’Angleterre, le couple royal prend sa volée pour la première fois en 1842. Le château de Windsor est grand et vraiment royal; les poètes ont célébré sa forêt, toute composée de ces chênes qu’un d’entre eux, Shenstone, compare au caractère de l’Anglais de la vieille roche, solide, vaillant et fier. A ses pieds, la Tamise déroule lentement les replis qui ont fait donner son nom à la résidence de Guillaume le Conquérant et d’Edouard III. Là sont les plus beaux souvenirs de la royauté; l’ordre de la Jarretière y a été fondé. Ce palais, ces bois, ce fleuve, rappellent Chaucer, Shakspeare, Surrey, la plupart des illustres poètes de la nation. Windsor, comme on l’a dit, est une image visible de la constitution anglaise par la grandeur, la force, l’antiquité, par la variété même de ses constructions, où vingt générations ont mis la main; mais Windsor peut-il être la résidence d’affection d’une royauté moderne, bourgeoise et faite à l’image de ces classes moyennes qui règnent et gouvernent, et se voient bientôt remplacées par d’autres plus simples encore et plus prosaïques? Osborne est tout moderne, il est l’œuvre commune de la souveraine et du prince, qui l’ont acheté et bâti; mais il ne peut suffire aux besoins et aux plaisirs de toute la belle saison. Il a d’ailleurs un défaut commun avec Windsor : il n’est pas assez loin de Londres, des affaires et, pour tout dire, de la royauté, à laquelle il est si bon d’échapper durant quelques semaines. La majesté de Windsor est accablante; Osborne, c’est encore le monde et la cour avec l’inévitable monotonie de la mer; de quel côté fuir l’étiquette, la dignité du rang, la dissipation, si ce n’est dans les montagnes d’Ecosse?

Le premier voyage dans ce pays est le moins caractéristique. C’est une tournée officielle de la jeune reine parmi ses fidèles sujets du nord. Tout ce qui peut appeler l’attention, c’est la réception de la souveraine chez les lords dont le château se trouve sur son itinéraire, coutume féodale, mais qui s’accorde à merveille avec la simplicité moderne. Nous n’en sommes pas encore là : chez nous, la royauté qui s’est le plus rapprochée des façons communes de vivre n’a pu descendre jusqu’à ces relations d’égalité. Une visite à un particulier est un événement. Ces réceptions sont notées par la reine Victoria avec détail, et la royale visiteuse n’oublie pas de marquer les noms des convives réunis à table, si l’on a été aimable de part et d’autre, si l’expression du regret dans la séparation a été bien sentie; mais encore une fois ce n’est pas là le véritable intérêt de ce journal. Dès le second voyage en Écosse, on voit que le goût, la passion de la reine est de ce côté; le cœur se met de la partie. En Écosse, elle s’appartient davantage, elle possède mieux surtout celui qui, après les devoirs de la couronne, est tout pour elle.

« A huit heures un quart, écrit-elle le 1er octobre 1844, nous partîmes, tout chagrins de quitter Blair Athole et ces chers highlands Je m’étais si fort attachée aux moindres bagatelles, aux plus simples lieux! et notre vie de repos et de liberté! tout était si aimable! J’aimais les highlanders et les gens qui nous accompagnaient. O les chères montagnes! que j’ai eu de peine à les quitter! » L’Angleterre elle-même souffre de la comparaison, car elle écrit deux jours après : « La côte anglaise m’a paru terriblement plate. Lord Aberdeen a été très touché quand je lui ai dit que j’étais si attachée à ces chers, bien chers highlands, que ces douces montagnes me manquaient beaucoup. Les highlands et leurs habitans sont bien intéressans; race chevaleresque, belle population et active! Notre séjour parmi eux m’a enchantée : outre la beauté du pays, nous y trouvions un repos, un silence, une solitude, a wildness, une liberté, qui nous charmaient. A notre retour, le jour était pur et brillant, mais l’air épais, pesant, bien différent de celui du haut pays. » Ces montagnes ne font pas moins de tort à Windsor, au séjour des Plantagenet et des Tudor, à la résidence embellie par ses aïeux de la maison de Hanovre, par son grand-père George III, par son oncle George IV. « Nous fîmes une promenade du côté d’un champ où des femmes coupaient et ramassaient l’avoine (les Écossais appellent cela tondre, shearing) ; la vue des montagnes devant nous était splendide, vraiment rurale et romantique, et si différente de notre promenade perpétuelle de Windsor, tout agréable qu’elle soit! Ce changement fait grand bien; comme dit Albert, cela rafraîchit pour longtemps. »

Rois ou sujets, nous vivons tous plus ou moins par l’imagination; c’est un tableau où se dessine un seul lieu, un seul paysage à la fois. La vue des champs efface le souvenir de la ville, aux édifices de pierre et de marbre succèdent les arbres géans de la vieille forêt. Voilà pourquoi nous aimons le changement et le voyage. Chacun de nous, poète inspiré ou intelligence obscure, porte en soi un peintre qui reproduit la nature extérieure, un peintre exigeant et infatigable qui veut toujours recommencer. Condition misérable de la nature humaine ! dit Pascal; soit, mais ajoutons condition vitale de l’imagination. L’absence de cette faculté ôterait à l’existence la moitié de son prix. La joie de la reine ressemble à un transport quand elle se voit au milieu d’un pays bien sauvage. « Quels beaux rochers, quels précipices! s’écrie-t-elle au sommet du Ben Muich Dhui. L’effet en était sublime, — une admirable solitude, rien que nous et notre petite compagnie! » L’auteur de ce journal a certainement le sentiment du pittoresque, et elle le prouve en plus d’un endroit, il ne lui manque peut-être que la pratique de l’art d’écrire pour mettre ses « chères montagnes » sous nos yeux et faire passer dans notre âme un peu de son enthousiasme. Les grandes scènes silencieuses de la nature ont un langage qu’elle rend à sa manière, en quelques mots; mais ce spectacle lui plaît aussi parce qu’il lui fait oublier les ministres, les lords, les communes et les levers ou réceptions, levees, qui durent quatre et cinq heures : il lui plaît surtout parce qu’elle en jouit avec celui qui l’accompagne, qui l’initie à ces admirations pour lesquelles le cœur s’ouvre et se dilate si naturellement quand il est heureux! Ce qui ajoute à ces beaux sites le charme suprême, c’est qu’ils rappellent souvent le pays de Thuringe, que l’on a parcouru sous le rayon magique de la lune de miel. Ces enfans, ces jeunes filles aux chevelures flottantes et d’un blond ardent, ces vieilles femmes avec leurs coiffures originales, plaisent à la reine, mais encore plus à la femme, parce que ce bon peuple rappelle à l’époux celui de sa chère Allemagne. Edimbourg, vu de la route qui y mène, a surpris le prince Albert comme une ville que les fées auraient bâtie; à son avis, l’Acropole d’Athènes ne doit pas être plus belle que les hauteurs du roi Arthur et les rochers de Salisbury, qui dominent et encadrent la capitale de l’Ecosse. Le prince a voyagé : les ponts et les quais de Glasgow lui rappellent Paris; la situation de Perth sur la Tay, avec sa bordure de forêts d’un côté et des hauteurs dans le lointain, ressemble à celle de Bâle sur le Rhin majestueux; ailleurs il revoit les fraîches vallées de la Suisse. La reine s’associe à ces souvenirs, elle croit les retrouver dans sa propre mémoire. Écartez l’idée de la dignité royale, ne semble-t-il pas qu’on entende les pigeons de La Fontaine?

…… Mon voyage dépeint
Vous sera d’un plaisir extrême.
Je dirai : J’étais là; telle chose m’avint :
Vous y croirez être vous-même.


La reine voyait tout par les yeux de son prince bien-aimé. Le prince était son conseil et sa force : est-il absent, elle n’a plus ni plaisir ni courage. Un jour elle se sent toute triste parce qu’il se doit rendre à Aberdeen pour un meeting de savans. Faire une promenade sans lui ! et quel chagrin au retour de ne pas le retrouver, so sad not to find my darling husband at home ! Albert, toujours Albert ! Ce nom est à toutes les pages.

Le bonheur d’autrui nous est indifférent ; nous le désirons par devoir, mais à la condition qu’on ne nous en rebatte pas les oreilles. Suivant Lucrèce, la jouissance égoïste de notre sécurité s’augmente par la vue d’un naufrage auquel nous assistons de loin. Y a-t-il dans la fadeur que nous trouvons aux peintures de l’amour satisfait l’ennui des naufragés qu’on force d’admirer la sécurité d’autrui ? Il est certain qu’il faut la catastrophe, la ruine finale d’un édifice d’espérances et de joies pour en soutenir la longue histoire. Ce nom d’Albert, qui revient si souvent, semble un gémissement et un cri de douleur, quand on songe à la séparation cruelle. La reine a éprouvé par elle-même la vérité de ce qu’a écrit Steele avec son cœur non moins qu’avec son esprit, quand il ne pouvait considérer sans une vive compassion la douloureuse condition de qui s’est vu arracher ainsi une partie de lui-même, et en ressent l’absence dans tous les détails de la vie. Sa position, pour employer encore l’image de Steele, ressemble à celle d’une personne qui vient de perdre son bras droit, et qui est toujours sur le point de s’en servir. Elle ne se croit plus la même dans la maison, à sa table, en société ou dans l’isolement. Elle perd le goût de tous les plaisirs qu’elle goûtait autrefois parce qu’un autre les partageait avec elle. Les objets les plus chers lui rappellent le plus vivement la perte de celui avec qui elle les possédait.

Les saisons passées à Balmoral et les excursions autour de cette demeure favorite forment la seconde partie du journal. « Chaque année, écrit la reine, mon cœur s’attache davantage à ce vrai paradis, et maintenant plus que jamais, quand il est devenu la création de mon très cher Albert, son ouvrage, son édifice, le produit de sa bourse. Son goût si rare, la trace de sa main si chère, s’y voient partout. » Désormais, c’est-à-dire depuis 1848, elle y passe les mois de septembre et d’octobre. Ainsi les jeunes mariés se contentent d’abord des maisons de campagne paternelles, puis vient le désir de bâtir suivant la mode du jour ou suivant son goût. Une villa s’élève sur le bord de la mer, un château dans la solitude des montagnes. Cependant les enfans ont eu le temps de remplir la maison de leur joie et de leur bruit ; plus ils sont nombreux, plus il est nécessaire de leur construire un nid large, bien disposé, fait exprès pour eux et pour soi. Nos pères visaient au grand, et ils y réussissaient ; mais ils n’entendaient rien à la commodité. Chaque génération a son idéal, et le nôtre en bien des choses est le comfortable. À cet égard, le journal de la reine sera un jour l’esquisse fidèle de la vie moderne; mais elle y ajoute une pensée plus touchante, celle du bonheur domestique. Ce qu’était Balmoral quand elle le vit pour la première fois, elle nous l’apprend elle-même, un petit château dans le vieux style écossais, une tour pittoresque et un jardin avec un bois sur le devant; mais une forêt couvre la pente par derrière, et descend jusqu’à la rivière de la Dee, et d’admirables montagnes s’élèvent tout autour. On pourra faire du petit château une grande résidence appropriée aux besoins de la famille. Quant au bonheur domestique, il est tout trouvé dans ce coin solitaire.

De 1848 à 1860, Balmoral et les environs suffisent aux plaisirs du ménage royal. Les époux visitent successivement les paysages alpestres au centre desquels ils sont venus cacher leur vie intime. On les voit allant et venant autour de leur château et de leur parc, ici disposant les offices et la cour de service, là plantant un jardin, dressant des massifs de fleurs; ailleurs ils surveillent les artistes chargés d’orner les murs de la nouvelle résidence. On les suit à la trace dans leurs promenades. Tout est marqué avec la plus grande précision, l’heure du départ, de l’arrivée, le nombre de milles parcourus, les routes qu’on a suivies, en quel endroit on a mangé le goûter, luncheon, si dans les courses plus longues on a pu trouver, grâce à une hospitalité improvisée, le thé et les gâteaux qui permettront d’attendre un dîner plus tardif. Aucun détail de famille ne paraît trop petit. Ce n’est pas seulement la relation des chasses heureuses ou malheureuses du prince Albert, ni le nombre des cerfs qu’il a pu abattre, quelquefois même avec le croquis des plus belles pièces de gibier, car la reine dessine avec facilité; mais c’est la mention des enfans royaux qui sont de la partie, de ceux qui restent à la maison, vu leur âge, et qu’on y laisse le cœur gros de part et d’autre. Les enfans ont-ils marché bravement, ont-ils eu bonne mine sur leurs poneys, l’aimable Vicky, Victoria, aujourd’hui princesse royale de Prusse, a-t-elle été piquée par une guêpe, rien n’est oublié. Ce qui étonnera peut-être, et ce qui nous plaît le plus dans cette exactitude, c’est le soin minutieux de consacrer une notice à tous ceux qui ont servi la reine ou son époux. Aucun bon office qu’on lui rend, même quand il a été payé, ne semble à la reine une chose due. En un mot, c’est le journal fidèle d’une femme aimante, d’une mère dévouée, et d’une bonne maîtresse de maison. On y trouve jusqu’aux leçons qu’elle donne à ses enfans, et la mère devient souvent institutrice. On y lit avec plaisir les préliminaires des mariages qui se font dans la famille, les entrevues, les visites, les occasions où les prétendus se sont déclarés. Un détail plus charmant encore est le compliment de condoléance d’une bonne femme à la reine à l’occasion du mariage de sa fille. La pauvre vieille, recevant une visite de charité de la dame et châtelaine de Balmoral, la plaint bien sincèrement d’une séparation imminente et si cruelle pour toutes les mères.

Dans cette vie de loisir et de paix, la royauté reparaît une fois ou deux, par exemple à l’occasion de la mort du duc de Wellington. La reine était partie le matin du 16 septembre 1852, ayant appris par dépêche que le Sun annonçait cette mort, mais n’y croyant pas. Arrivée sur le haut du Stron et du Moss of mon Elpie, elle s’aperçut qu’elle n’avait plus sa montre, justement un présent du vieux duc. Elle envoya un de ses gens pour s’assurer si le bijou auquel elle tenait d’affection était resté à Balmoral ou si elle l’avait perdu. De retour, son domestique la rassura sur la montre, mais lui apporta une lettre de lord Derby.


« Je l’ai ouverte en la déchirant, dit-elle; elle confirmait la fatale nouvelle. L’orgueil de l’Angleterre ou plutôt de la Grande-Bretagne, sa gloire, son héros, le plus grand homme qu’elle ait porté, n’était plus... Triste journée! grande et irréparable perte pour la nation! La volonté de Dieu soit faite! L’heure était venue sans doute, il avait quatre-vingt-trois ans. C’est bien, pour lui du moins, parce qu’il a été enlevé maître encore de son grand esprit et sans longues souffrances; mais quelle perte! On ne se fait pas à l’idée, one cannot think, de ce pays-ci sans le duc, notre immortel héros! Sa position était la plus haute qu’un sujet pût avoir, au-dessus des partis, regardé par tous avec admiration, révéré de la nation entière, l’ami de la souveraine, et combien il portait tout cet honneur avec simplicité! Quelle franchise, quelle fermeté, quel courage, le guidaient dans toutes ses actions! La couronne n’a jamais possédé, et, je le crains, ne possédera jamais un si dévoué, si loyal, si fidèle sujet, un si solide défenseur ! Pour nous, sa perte est sans remède, car son empressement à nous secourir et à nous conseiller en cas de besoin était sans égal. Il montrait à Albert le plus vif attachement et la plus grande confiance. Et puis son expérience, sa connaissance du passé, étaient si rares! Il était un lien qui nous rattachait aux temps qui ne sont plus, un anneau entre ce siècle et le dernier... Nous sommes revenus à la hâte,... tout notre plaisir était gâté; un nuage de tristesse pesait sur nous. »


Après ce jour de deuil, un mois s’écoule sans que le journal fasse mention d’aucune promenade.

Rien n’est plus naïf que la peinture de l’entrain avec lequel la famille royale rebâtit son château. Un programme solennel est rédigé pour la pose de la première pierre; les détails en sont arrêtés d’avance par la reine, qui daigne les transcrire dans son journal. La prière du révérend, les toasts, le dîner, les danses, tout est réglé par le menu. Quand la construction nouvelle est achevée, les propriétaires en prennent possession suivant la coutume du pays. Ils n’oublient pas surtout, en y entrant, de jeter derrière eux un vieux soulier, image des chagrins du passé. Rien que de neuf et d’heureux ne doit les suivre dans une maison toute neuve : c’est une des mille superstitions écossaises qui depuis Walter Scott ont amusé l’imagination des lecteurs du monde entier. En effet, le bonheur entra dans le nouveau Balmoral avec les deux époux, au moins pour quelques années. Trois jours après, ils recevaient le soir une dépêche du général Simpson : « Sébastopol est aux mains des alliés! » On n’osait pas d’abord y croire : l’attente avait été si longue et si inquiète! Depuis un an, un feu de joie, préparé sur la montagne à la suite de la fausse nouvelle d’une victoire, attendait tristement l’étincelle qui annoncerait à tout le pays d’alentour la joie de la patrie; depuis un an, ce bois noir se dressait devant les yeux, emblème trop fidèle de l’imprenable Sébastopol. Le 5 novembre 1854, jour de la bataille d’Inkermann, le vent, chose étrange, l’avait renversé. Le jour de l’heureuse nouvelle, autre prodige, le bûcher paraissait tout disposé par quelque main invisible. En quelques minutes, le prince Albert courut à la montagne; tous les gentlemen qui se trouvaient au château y coururent à sa suite, on vit courir les domestiques, courir le village entier ; gardes, valets, ouvriers, tous de s’élancer vers le feu, et de crier, et de boire du whisky, et de se livrer aux transports d’une folle joie, et de donner le plus amusant spectacle à la reine, qui les regardait d’en bas, et qui reconnaissait à la vive lueur le brave Ross jouant de la cornemuse à s’essouffler, les fidèles Grant et Macdonald tirant des coups de fusil, et le bon François d’Albertançon mettant le feu à des pétards dont la plupart refusaient de partir. Ce fut ensuite le tour des enfans royaux, qu’on eut de la peine à tirer de leur profond sommeil, et qui, une fois éveillés, voulurent aussi courir au feu. Ce soir-là, on ne se coucha qu’à minuit un quart à Balmoral. La France fut associée à cette joie délirante, et la reine, comme elle allait se mettre au lit, entendit, au milieu des cornemuses, des chants et des mousquetades, quatre cheers formidables, le premier pour la reine Victoria, le second pour le prince Albert, le troisième pour l’empereur des Français, et le quatrième pour la chute de Sébastopol.

Le nouveau Balmoral avait donc la consécration du succès. Le lecteur a remarqué la cérémonie du vieux soulier, petit sacrifice à la superstition locale. La reine aime à rappeler que depuis Henri IV de Lancastre on n’avait pas vu de rois d’Angleterre dans les contrées qu’elle parcourt. Elle se fait Écossaise, elle et les siens, pour plaire aux braves gens qui l’entourent. Le plaid national est de rigueur ; elle porte l’écharpe, et le soir le prince Albert revêt le costume de highlander. Ici l’on peut saisir la nuance différente de la loyalty, du royalisme, en Écosse et en Angleterre. De ce côté-ci de la Tweed, l’amour du peuple pour son souverain n’est pas douteux. Quel que soit l’éclat d’un grand nom ou l’admiration d’une renommée exceptionnelle, nul n’est plus populaire que le roi. Sa présence, son nom seul, ont une puissance magique sur les esprits. Les plus petites circonstances révèlent ce profond attachement du peuple à ses chefs héréditaires. Voyez les groupes qui se forment devant un étalage de photographies : celles de la reine, du prince de Galles, du duc de Cambridge, attirent sans comparaison le plus de monde ; c’est une curiosité que les années ne semblent pas rassasier. Voilà un genre de snobbisme qui est toujours une religion, et que Thackeray a oublié ; mais cette affection des Anglais pour leur souverain est un de ces amours jaloux, ombrageux, qui ne ménagent point ceux qui en sont l’objet. Les Anglais, peuple querelleur, pointilleux, difficile à contenter, toujours sur le chapitre de la critique, comme le personnage de Shakspeare, nothing if not critical, les Anglais se plaignent sans cesse de leurs maîtres, et ils les aiment. Ils traitent la royauté comme s’ils l’avaient épousée, et l’adorent tout en examinant ses comptes d’un œil très sévère. Traversez la Tweed et surtout parcourez les montagnes, vous retrouvez le peuple qui se pressait autour du prétendant ; les transports du royalisme sont les mêmes, la dynastie seule est changée. Les Écossais, comme certains peuples du continent, se voient eux-mêmes et s" adorent dans leurs princes. Quelques avances les séduisent ; ils ont aimé leurs souverains jusqu’à vouloir être dupes. Ce n’est pas l’amour jaloux, c’est l’amour aveugle et qui se jette à la tête de qui en est l’objet. Ce royalisme a des retours terribles dont l’histoire d’Écosse est remplie ; mais quoi ? il a les caractères de la passion, et il n’est pas étonnant que la reine en ait été touchée.

Trois reines et trois palais marquent les époques différentes de la royauté anglaise : les trois reines sont Élisabeth, Anne et Victoria ; les trois palais sont Windsor, Kensington et Balmoral. Élisabeth imprime à Windsor un cachet de grandeur qui est l’image de son pouvoir presque absolu ; à ce château, qui s’élève majestueusement sur la hauteur, elle ajoute une magnifique terrasse qui domine au loin le pays, et lui permet de promener ses regards sur les riches abbayes, les nobles résidences, les campagnes plantureuses, les petits hameaux. C’est ainsi que dans son royaume elle voit sous sa main et confondus dans une égale obéissance les prélats ambitieux, les fiers barons, les communes laborieuses, le pauvre peuple. Les poètes qui ont chanté « la vestale assise sur le trône » se sont chargés de célébrer aussi la pompeuse demeure qu’elle a préférée. De si grands souvenirs convenaient peu à la faiblesse de la reine Anne. Kensington, comme Hampton-Court et Richmond, était un compromis entre la magnificence rectiligne de Le Nôtre et les carrés de verdure de Hollande, de même que la maison d’Orange était un juste milieu entre la royauté toute-puissante et la république. Les whigs avaient prouvé leur dévouement à la dynastie en important dans les jardins les sombres ifs et les petits canaux du pays de leurs nouveaux maîtres. J’imagine que la reine Anne, fille des Stuarts et reine constitutionnelle à son corps défendant, se promenait un peu à contre-cœur si près de Londres, dans les allées d’arbres verts à la mode du roi Guillaume, et devait se prendre à frémir à la vue des houx monstrueusement taillés en arches de Noé et des buis représentant saint George qui perce le dragon de sa lance. Elle ne pouvait pas plus oublier le roi Guillaume et la Hollande dans sa maison de plaisance que se soustraire aux communes dans les actes de son gouvernement, et les ministres whigs devaient lui faire quelquefois l’effet des ifs et des houx taillés. Il suffisait bien de la prose pour immortaliser ces maussades jardins, et la satirique description en a été faite par les essayists. La reine Victoria vient de donner sans y songer l’esquisse de sa gracieuse et très moderne royauté en ouvrant une perspective discrète sur son intérieur. Grâce à ces simples lignes dénuées de prétention, sans le secours des poètes, une poésie réelle s’attache au souvenir d’une maison devenue comme l’emblème de la souveraineté se reposant au sein du bonheur et de la liberté de tous. La société actuelle s’accommoderait mal du faste d’Elisabeth et des soupçons de la reine Anne, et il n’est pas jusqu’aux tendresses conjugales de Balmoral qui ne soient en harmonie avec la démocratie de nos jours.

Nous avons dit que des courses plus lointaines forment comme une troisième partie de ce livre, qui n’est qu’une suite de feuillets détachés. On sait ce qui arrive dans ces promenades de famille : quand les ressources des alentours sont épuisées, on s’élève à des projets plus ambitieux ; ce qu’on a vu fait naître le désir de voir plus encore. La famille royale ressemble en ce point à toutes les autres. En 1860 commence ce que la reine appelle ses grandes expéditions, qui devaient être terminées dès l’année suivante. Elle y apporte tout l’entrain, toute la disposition ingénue à s’amuser qui est visible dans son journal. Les longues excursions s’assaisonnent pour elle du charme de la difficulté vaincue, des petits accidens de la route, de la pluie, des dîners mal servis. Que dirai-je des lits? Concevez-vous le bonheur d’une reine de la Grande-Bretagne qui couche dans une auberge, et qui s’endort de fatigue dans un mauvais lit? Quel plaisir de voyager incognito, de se faire passer pour de nouveaux mariés dont la noce vient de se faire à Aberdeen ! Et quelles terreurs quand on entend le tambour, maudit tambour qui annonce peut-être que le précieux incognito est dévoilé ! Il nous reste à donner un échantillon du journal de la reine, et nous le prenons dans cette partie du volume.


« Hôtel de Grantown, 4 septembre 1860.

« Les montagnes ont disparu graduellement; la soirée a été calme malgré quelques gouttes de pluie. Nos attelages allaient toujours, toujours; nous avons vu enfin des lumières, traversé un long village bien écarté, et tourné dans une petite cour à la porte de l’hôtel où nous sommes. En haut d’un petit escalier, on nous a montré notre chambre à coucher, petite, mais propre, avec un grand lit qui la remplissait presque entièrement. En face, un salon, qui est aussi notre salle à manger, commode et spacieux, puis le cabinet de toilette d’Albert, très petit. Après notre toilette, nous nous sommes mis à table. Grant et Brown, par timidité, n’ont osé nous servir[3]. Une fille en cheveux tout bouclés a fait le service à elle seule. Après le dîner, elle a ôté la nappe et a mis sur la table notre bouteille de vin et les verres, suivant l’ancienne mode anglaise. Bon dîner et fort proprement servi : une soupe, vrai salmigondis, hodge-podge, un bouillon de mouton avec des légumes que j’ai médiocrement goûté, une volaille à la sauce blanche, un bon rôti d’agneau, des pommes de terre excellentes, un ou deux autres plats auxquels je n’ai pas touché et enfin une tarte de groseilles à grappes. Après dîner, j’ai essayé d’écrire une partie de ceci malgré le bruit des conversations qui m’étourdit; Albert fait des patiences avec les enfans. »


« 5 septembre.

« Temps couvert et de pluie. J’avais mal dormi. Levés de bonne heure, nous sommes restés à travailler et à lire dans le salon jusqu’au déjeuner. Bon thé, pain, beurre et une excellente soupe. Jane Shackle, très attentive et qui nous a été bien utile, nous a raconté que les domestiques avaient soupe ensemble et qu’ils s’étaient bien amusés dans la salle commune. Les gens de l’auberge étaient fort divertissans. La fille aux cheveux bouclés était venue dire à Grant : « Le docteur Grey (prince Albert) vous demande, » ce qui faillit leur faire perdre contenance. « Votre dame n’est pas difficile à servir, » telle est l’observation qu’ils ont faite à Jane. Grant s’est laissé échapper à demander à Jane dans la matinée : «Sa seigneurie a-t-elle besoin de moi?... » Après notre visite au château de lord Seafield, nous devions repasser par Grantown. Le secret évidemment était trahi. Tout le monde était dans la rue, l’hôtesse agitait son mouchoir, et la fille aux cheveux bouclés, qui avait encore ses papillotes de papier, arborait un drapeau à la fenêtre. Notre cocher, qui ne nous connaissait pas, ne se doutait de rien. Comme nous sortions du village et que la foule semblait s’y rendre par le chemin que nous suivions, il nous a dit qu’il y avait sans doute quelque enterrement...

« Quelle charmante excursion!... C’est à mon cher Albert que nous la devons; il avait toujours pensé qu’elle nous serait agréable, ayant fait lui-même bien des courses de ce genre. Il y a pris un vif plaisir. — Nous avons appris que le secret avait été découvert par un homme qui a reconnu Albert dans la rue hier matin. Déjà la couronne qui est sur le dogcart leur avait fait penser que c’était quelqu’un de Balmoral ; mais ils ne soupçonnaient pas que ce pût être nous-mêmes. « La dame doit être terriblement riche, » faisait observer l’hôtesse, qui avait vu tant de bagues d’or à mes doigts. Quand ils surent qui j’étais, ils furent sur le point de s’évanouir d’étonnement et de frayeur. — Je crains bien d’avoir pauvrement raconté cette très amusante et mémorable expédition dont je me souviendrai toujours avec un grand plaisir. »


Nous avons dit que les longues excursions qui faisaient la joie de l’auteur royal de ce livre furent interrompues au bout de deux ans. Une seule chose manque à ce roman si vrai du bonheur d’une reine, c’est le dénoûment fatal qu’elle laisse à deviner. Le prince mourut le 14 décembre 1861. Cette fin presque soudaine d’un époux de quarante-deux ans fut un coup de tonnerre; mais cette mort même avait son explication qui ajoutait à une carrière si brusquement terminée un intérêt mélancolique. Peu d’existences ont été aussi remplies, aussi chargées de travail que celle de ce prince qui par timidité autant que par prudence fuyait les occasions de faire parler de lui. Il s’imposa une tâche silencieuse qui se trouva au-dessus de ses forces; ni le cœur, qui était peut-être sa partie faible, ni le système nerveux, ne purent résister en lui aux soucis journaliers des affaires. Suivant les témoins de sa vie, « il se préoccupait trop de trop de choses. » Cet époux qui s’effaçait avec tant de soin derrière la reine voulait la perfection dans tout ce qu’il faisait pour la reine. La gloire de la souveraine était la sienne; il était le plus occupé de ses ministres et le plus consciencieux intendant de ses menus plaisirs. Il avait proposé pour but à son ambition de réparer par son travail les désavantages qu’une femme peut avoir sur le trône en comparaison d’un roi, de combler les vides qu’une reine doit nécessairement laisser dans l’exercice du pouvoir souverain. En un mot, il confondit, comme il le dit lui-même, son existence individuelle avec celle de sa femme[4]. Ce fut là l’originalité de ce prince, si ardent, sous le voile de sa réserve. L’esquisse de son caractère n’est-elle pas un heureux pendant au journal que nous venons de feuilleter? La reine, avons-nous dit, perdait son bras droit; elle perdait plus encore, la moitié de son âme et de sa vie.

En achevant de parcourir ces pages intimes, une question se présente naturellement à l’esprit du lecteur français : n’avons-nous pas du tout de journaux de ce genre dans notre littérature? De ces mémoires écrits au jour le jour, de ces carnets plus ou moins confidentiels, il en existe chez nous sans doute; mais souvent ils sont destinés à la publicité, et la confidence n’est qu’un cadre littéraire. D’autres fois ils sont réellement secrets, mais alors ils contiennent plutôt des pensées que des faits, plutôt la vie de l’âme que celle de l’homme extérieur : c’est l’auteur qui se confesse à lui-même et au papier. De cette sorte de journal, on pourrait dire ce qu’un poète qui précisément en a laissé un a dit du roman d’analyse : « il est né de la confession; le christianisme en a donné l’idée par l’habitude de la confidence[5]. » Enfin nous avons le journal écrit pour un ami, pour une personne chère, qui était de moitié dans notre vie et que les circonstances ont éloignée. Celui-ci est un épanchement journalier malgré la distance et un effort pour franchir la barrière insurmontable de l’absence. Tel est le journal d’Eugénie de Guérin, aussi sincère et moins réservé peut-être que l’entretien d’un frère et d’une sœur, aussi remarquable et distingué que s’il était fait pour le public. Voyez pourtant la différence entre les habitudes des deux pays. Supposez Eugénie de Guérin Anglaise : elle eût écrit son journal pour elle-même, quitte à le communiquer périodiquement à son frère, elle l’eût continué sans que la mort de son frère en amenât tôt ou tard l’interruption ; mais elle est Française, et c’est pour son cher Maurice qu’elle l’écrit, elle est Française, et c’est parce qu’elle croit fermement à l’âme immortelle qu’elle prolonge cette conversation avec celui qui pour elle n’est pas mort tout entier. Elle est si bien Française qu’à la longue, la solitude étant la plus forte, la plume lui tombe des mains. Le livre d’Eugénie de Guérin nous fournit une autre preuve bien imprévue de la popularité qui en Angleterre est assurée à ce genre d’écrits. Le succès en a été aussi grand dans ce pays que chez nous-mêmes. Ce n’est pas, on le pense bien, le catholicisme qui a fait goûter le livre, c’est le livre qui y a fait goûter le catholicisme. Ce journal d’une jeune fille a paru plus puissant que bien des livres de controverse. Des théologiens ont avoué qu’ils voyaient un danger dans cette série de simples confidences fraternelles écrites au jour le jour au fond d’une campagne du Languedoc[6].

Voilà donc un livre bien anglais par la forme, mais il l’est encore plus par les pensées qui en composent le fond, s’il est vrai que nos voisins se plaisent dans l’expression ingénue du bonheur conjugal. Assurément l’amour dans le mariage est un sentiment universel, et nous n’y sommes pas plus étrangers que les autres, bien que notre littérature nous ait un peu calomniés. Sur notre théâtre, dans nos romans, nous en faisons un beau et noble devoir, un héroïsme quelquefois sublime; cependant il nous semblerait superflu et même affecté de le représenter comme une source de plaisirs. Peindre le bonheur dans le mariage serait presque du mauvais goût. La Fontaine seul l’a pu faire, parce que de sa part c’est comme une amende honorable, et il a dit des ménages modèles :

Ils s’aiment jusqu’au bout malgré l’effort des ans.
Ah! si... Mais autre part j’ai porté mes présens.


Pour nous en tenir à la pensée particulière qui anime les pages de ce journal, nous aussi nous trouvons dans nos poètes l’association du sentiment de la nature et de l’amour, cette liaison d’un cher souvenir avec les lieux qui en sont remplis. C’est un des nôtres qui a dit avec une poésie éloquente :

Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !


Mais l’amour exprimé dans ce vers, quelque pur qu’il soit, est un amour libre, dégagé de tout lien, même sacré. L’auteur du Journal de notre vie dans les Highlands a dans sa littérature nationale quelque chose de mieux approprié à la tendresse conjugale et qui semble fait pour lui et pour sa vie, heureuse d’abord, puis désolée. Il peut dire comme l’Eve de Milton : « Avec toi, tout me sourit et me plaît, le souille du matin est doux, doux également le chant matinal des oiseaux ; il est beau ce soleil quand il répand ses premiers rayons sur cette campagne aimable, sur le gazon et sur l’arbre, sur le fruit et sur la fleur, qui tous sont brillans de rosée. Elle est parfumée cette terre féconde après les douces ondées, elle est douce l’heure qui ramène le soir, douce également la nuit silencieuse avec les graves accens de cet oiseau qui chante, avec cette belle lune, avec ces pierres précieuses du ciel qui lui font une robe étoilée... Mais sans toi ni le souffle du matin quand il s’élève avec la chanson matinale de l’oiseau, ni le lever du soleil sur cette campagne, ni gazon, ni fruit, ni fleur, avec les gouttes de rosée brillante, ni parfum de la terre après la pluie, ni soirée calme, ni silencieuse nuit avec le chant grave de l’oiseau, ni promenade au clair de lune, ni étoiles scintillantes, rien de tout cela n’est doux sans toi... »

Admirable destinée pour ce grand poète de faire partie pour ainsi parler de la vie morale de sa nation, d’être à chaque instant la force ou la consolation du riche comme du pauvre, de la reine comme de la dernière de ses sujettes! Qui pourra dire combien de jeune filles ont rêvé de ce soleil se levant sur l’Éden, de cette lune et de ces étoiles confidentes d’un bonheur légitime? Une fois en leur vie au moins, elles retournent à ce bonheur primitif, elles se revêtent de cette splendeur native que l’imagination du poète a retrouvée. Qui pourra dire aussi combien de veuves ont pleuré sur cette page immortelle, combien, et des plus humbles, ont rebâti pour un instant dans leur pensée leur Éden perdu ? Voici qu’une reine en vient grossir le nombre et peut y lire sa propre destinée. Elle aussi, elle a décrit son paradis terrestre avec toute la simplicité d’une âme plus habile à sentir qu’à exprimer. Le journal de la reine Victoria, malgré la distance infinie qui l’en sépare, est un commentaire de la page de Milton. Pour finir par où nous avons commencé, elle a pu apporter à sa peine un adoucissement légitime et qui lui est commun avec tant d’autres. Il a fallu chez nous des révolutions pour nous apprendre « combien de larmes pouvaient contenir les yeux des rois. » La princesse dont nous parlons règne sur une nation qui fait du loisir à ses souverains en gouvernant elle-même ses affaires, et elle a pu consoler sa douleur privée par les moyens que permet la vie privée. Si pourtant l’on est tenté de condamner encore l’obstination de la tristesse en un rang si élevé, son livre semble dire : « Voilà la félicité dont je jouissais et dont je suis privée; jugez maintenant si l’excès de ma douleur est pardonnable! »


LOUIS ETIENNE.

  1. Leaves from the Journal of our life in the Highlands (Feuilles détachées du Journal de notre vie dans les Highlands), par sa majesté la reine de la Grande-Bretagne, Londres 1868.
  2. To the Queen, mars 1851.
  3. C’était la première fois que la reine dînait hors de Balmoral, et elle n’avait pas emmené de laquais faisant le service de la table.
  4. Lire sa lettre au duc de Wellington, dans le volume intitulé le Prince Albert, traduit par Mme de W... avec une préface de M. Guizot. Paris, 1863.
  5. Alfred de Vigny, Journal d’un Poète, p. 172.
  6. Voyez, dans The Contemporary Review de février 1867, un article de M. J. C. Colquhoun.