Le Jeune Mendiant (O. C. Élisa Mercœur)

Œuvres complètes d’Élisa Mercœur, Texte établi par Adélaïde AumandMadame Veuve Mercœur (p. 37-38).


LE JEUNE MENDIANT.
 

À ce monde bruyant qui paraît vous sourire,
Dérobez un regard pour le jeter sur moi.
...............
Ne fermez pas votre âme à la voix qui supplie
Pour le pauvre le ciel a réclamé des soins.

Élisa Mercœur
 

Je souffre, le besoin me contraint à le dire ;
Le malheur me retient sous sa méchante loi.
À ce monde bruyant, qui paraît vous sourire,
Dérobez un regard pour le jeter sur moi.

L’eau pure du Léman vient baigner ma patrie ;
Là, comme vous, jadis j’eus aussi mon bonheur.
Je suis pauvre à présent, je pleure, je mendie :
Près du beau lac Léman n’est resté que mon cœur.


Je serais sans désir, si vous viviez encore,
Bons parens, que vers lui rappela le Seigneur !
Mais je suis repoussé par la main que j’implore,
Et je n’obtiens jamais un mot consolateur.

Du pain, hélas ! voilà ce qu’il faut à ma vie,
Je ne sais point créer d’inutiles besoins ;
Ne fermez pas votre âme à la voix qui supplie ;
Pour le pauvre le Ciel a réclamé des soins.

Vous n’osez m’approcher !… L’habit de la misère
De celui qu’il recouvre est-il le déshonneur ?
Quand votre œil dédaigneux (ou du moins je l’espère)
S’attache au vêtement, Dieu regarde le cœur.

Il lit au fond du mien ce qu’il a de souffrance,
Ah ! puisse-t-il au vôtre inspirer la pitié ;
Donnez ! bien peu suffit à ma frêle existence ;
Donnez ! j’ai faim ! j’attends !… aurai-je en vain prié ?


(Février 1826.)