Le Jardin du Silence et la Ville du Roy/III/Elle danse sur un pied…

G. Oudin & Cie (p. 103-104).



VIII


Une Mendiante.

Elle danse sur un pied
Car l’autre fut écrasé.
Elle aurait pu choisir un autre métier !
Oui c’est vrai, mais lequel ?

Elle croit qu’en dansant elle gagne le ciel.
On lui apprit cela, quand elle était petite.
Elle est comme un oiseau
Qui saute et qui palpite
Dans la rue où sa robe étroite fait du vent.
Elle sera toujours une petite enfant.


Elle s’appelle Maria,
Un nom de sainte,
Mais les femmes d’ici l’appellent le moineau.
Elle porte sur la poitrine un écriteau
Où les lettres ainsi que des lèvres sont jointes.

À la façon qu’elle a
De ramasser les sous,
Des gens disent : « comment fait-elle ? » Et c’est très doux.

Quand elle mourra
D’amour ou de froid,
D’amour ou de faim,
Car il est des hivers sans fin,
Le bon Dieu la recueillera
Et lui donnera une branche
Sur l’arbre bleu du Paradis
Avec une robe chaude et blanche
Pour son petit corps refroidi.

Et Maria sur un pied,
Car l’autre fut écrasé,
Dansera pour l’éternité.