Le Jardin du Silence et la Ville du Roy/I/J’ai fui la ville d’or…



I


J’ai fui la ville d’or où les flots et les filles
            Se disputent l’amour
Car une ombre pesait sur mon cœur qui vacille,
            Découronnant mes jours.

Mes mains n’étreignent plus cette chair palpitante
            De l’âcre volupté.
Mes cyprès et mes pins ont la voix consolante
            De l’immortalité.


Je change de rosier quand l’élan de ma vie
            Garde encor sur ses traits
D’une part la douleur, d’une autre l’harmonie
            Qu’augmentent mes regrets.

Ils ne sont point porteurs des vaines pénitences
            Et des chers repentirs ;
Ils ne sont les enfants que de cette distance
            Creusée par l’avenir.

Sait-on jamais ce qui vaut mieux d’un paysage,
            D’une aurore ou d’un soir ?
Malgré la branche offerte à la fleur de passage,
            De louer mon espoir

Ne me fait condamner le passé que je laisse.
            Je dis à mon jardin :
Si je puis vivre mieux dans ta claire sagesse
            Je te donne mes mains.