Le Jardin des dieux/Poèmes pour Jézabel/Juifs

Le Jardin des dieuxEugène Fasquelle (p. 93-95).



JUIFS



Ainsi, c’est donc toujours cette querelle obscure…
Juifs éternellement maudits, que je vous plains !
Sans doute, loin de nous, votre orgueil vous emmure,
Mais moi qui vous connus furtifs et sans murmure,
Puis-je oublier l’horreur dont vos regards sont pleins ?

Les attributs pompeux de vos noces blafardes,
Ne les ai-je pas vus, lourds comme des remords,
Sur vos siècles de peur, de rouelle et de hardes
Étinceler au front de vos femmes que farde
Du trait de Jézabel le crayon de la Mort ?


J’ai vu votre vieillesse aux tables du négoce
Comme au temps où Rembrand mêlait l’or à la nuit
Courber sous la pelisse une patiente bosse
Et vos adolescents aux luxures précoces
De Salomé dansante animer leur ennui.

Cire qui diminue, ô race consumée
Avec ces bruits de chaîne attachés à ses pas,
Et parmi tant de sang et de fièvre allumée,
Ce regret éternel des roses d’Idumée
Et des fastes sacrés qui ne reviendront pas.

Ces élans, cet espoir, cette attente embrasée
Que tout peut bafouer, mais que rien ne déçoit,
Jardins perdus flambant au fond de vos pensées,
Terre toujours promise et toujours refusée
Et les trésors du temple, encore, au fond de soi…


Allons, ferme les yeux sur ton passé larvaire,
La rose ne meurt plus aux doigts de tes lépreux,
Des siècles de silence entourent le calvaire,
L’éponge, la couronne et les clous sont sous verre,
Le Christ s’éloigne au fond de tes rêves fiévreux.

La cinglade du fouet, l’empreinte de la chaîne,
Tu les cherches en vain sur ton corps triomphant,
Oh ! chante, Meyerbeer, ricane, Henri Heine,
Ô race de Juda, mets au tombeau la haine
Et que la paix s’incline aux yeux de tes enfants.